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Rédaction (sauf mention contraire) : Alain Fraval
La dernière de 2016 : Feu bleu sur la Fourmi de feu rouge Les Épingles d'avantDécembre | À cliquer | |
1220 Le smartphone contre le cafard Les smartphones, communicant par ondes électromagnétiques (OEM) pullulent. Les cafards (blattes, ravets, cancrelats, coquerelles, kakerlaks…) pullulent. Et, que l’on sache, leurs effectifs ne sombrent pas. Pourtant... Trois entomologistes indiens, à l’University College à Thiruvananthapuram, alias Trivandrum, publient avoir démontré la nocivité des premiers sur l’humanité à partir d’une manip sur les seconds. 15 individus adultes de Blatte américaine Periplaneta americana (Blatt. Blattidé) sont enfermés dans un récipient en plastique durant 1, 3 et 6 heures en compagnie d’un téléphone portable qui reçoit un appel d’1 minute toutes les 5 mn. 15 congénères témoins sont laissés tranquilles dans un récipient identique. Les uns et les autres sont sacrifiés, tout de suite après. Les blattes soumises aux OEM sombrent dans la somnolence au bout de 3 heures. Les effets sur leurs tissus sont patents : diminution des protéines et augmentation des acides aminés, du glucose et de l’acide urique du corps gras ; augmentation de l’acétylcholine dans le système nerveux central. Les entomologistes concluent que leur étude montre les effets nocifs de l’exposition des gens aux OEM, qu’ils téléphonent compulsivement ou vivent au pied d’une antenne relais. Article source (gratuit, en anglais) Photo de Blatte américaine 1219 Entomodiésel Une équipe de chercheurs chinois affirme qu’on pourra rouler au biodiesel bi-raffiné (en deux étapes) produit à partir de déchets de cultures. Interviendront des vers de farine Tenebrio molitor (Col. Ténébrionidés) puis des Herméties brillantes (Hermetia illucens, Dip. Stratiomyidé, « black soldier fly » en états-unien). Leur manip principale : prendre 200 g de canne de maïs hachée et broyée ; ajouter 29,25 g de carotte (pour l’humidité) ; y élever des vers de farine jusqu’à obtention de 4,39 g de biomasse et 182,09 g de crottes et résidus ; sur cette matière, élever des « asticots » d’Hermétie jusqu’à 4,11 g. Ceux-ci retirés, il reste alors 111,59 g de fertilisant. On rassemble les individus des deux espèces contributrices : cela donne 8,5 g d’insecte, dont on tire deux produits : 6,55 g de farine dégraissée – de la protéine comestible – et 1,95 g de graisse, à raffiner en 1,76 g de biodiésel. Quantités à ajuster à la demande de carburant. Pour nos chercheurs, c’est la meilleure façon de valoriser les matières lignocellulosiques, des points de vue efficacité et respect de l’environnement. Article source (gratuit, en anglais) Photo : 50 g (250 individus) d’Hermétie brillante. À (re)lire : Hermetia illucens, mouche roborative, par Alain Fraval, Insectes n° 170 (2013-3) et Huile de mouche et autres, par A.F., Insectes n° 178 (2015-3) 1218 De quoi manipuler les manipulations La champignon Entomophthora muscae est un parasite de la Mouche domestique, notamment, identifié depuis le milieu du XIXe siècle, au mode d’action resté mystérieux. Des chercheurs californiens ont trouvé dans la nature des Mouches du vinaigre (Drosophila mellanogaster) muscardinées, qui se sont révélées attaquées par ce champignon. Ils ont pu élever la souche au laboratoire, infester des drosophiles (adultes), suivre son développement dans le corps de l’hôte par des coupes histologiques et des analyses d’ADN. En tout premier, ils ont observé les Mouches du vinaigre malades durant leur dernier jour : la mouche claudique, cesse de se nourrir, grimpe sur une paroi, une vitre ou un bâtonnet. Elle s’arrête, étend sa trompe et la colle au substrat. Puis ses ailes se relèvent et s’écartent. Peu après sa mort, les fructifications du champignon percent sa cuticule aux endroits minces et les spores pleuvent sur les autres mouches… Après avoir traversé traversé des zones minces de la cuticule, le champignon – qui n’est pas reconnu par le système immunitaire de la mouche - prolifère dans l’hémolymphe, consomme le corps gras puis s’installe dans tous les organes, dont le système nerveux. À la fin aucun organe n’est plus reconnaissable. Le champignon modifie en sa faveur le comportement de la droso exactement comme celui de la Mouche domestique. Il offre ainsi un cas étudiable de manipulation d’un animal par un microorganisme, grâce à tous les outils de biologie moléculaire et de génétique qu’on peut utiliser sur la Drosophile, manipulable à souhait par les chercheurs. Article source (gratuit, en anglais) Photo : Entomophthora muscae / mouche. Cliché Entomart.be 1217 Les côtés noirs des pièges lumineux La lumière attire les insectes au vol nocturne ou crépusculaire. Ce fait, dont on n’a pas d’explication définitive, est utilisé depuis plus d’un siècle pour estimer les effectifs des populations d’espèces d’intérêt. Ils sont essentiellement l’outil des entomologistes médicaux et vétérinaires qui surveillent les vecteurs de maladies humaines et animales. Ce sont des instruments pratiques, bon marché, autonomes en énergie, qui préservent les captures qui sont aspirées dans un récipient. Les effectifs collectés sont importants. Deux chercheurs californiens (États-Unis), Emily McDermott et Bradley Mullens, ont passé en revue les défauts de ces pièges. Ils concluent que l’échantillon du peuplement qu’ils fournissent est très souvent biaisé et même qu’ils peuvent, dans certains cas, attirer les insectes dangereux vers les maisons à proximité desquelles ils sont posés – cas de triatomes (Hém. Réduviiidés) en Amérique du Sud., vecteurs de la maladie de Chagas. La principale difficulté, lorsqu’on se sert de ces pièges pour des études épidémiologiques, est notre méconnaissance des habitudes exactes des insectes surveillés et de leurs variations. Les moustiques Aedes (Dip. Culicidés), essentiellement diurnes, vecteur du chikungunya, du zika et de la dengue répondent très mal à la lumière. Les arabis, moucherons du genre Culicoides (Dip. Cératopogonidés) ne sont pas seulement crépusculaires, certains sont diurnes, d’autres nocturnes mais volant de jour en hiver ; une même espèce peut être attirée à 2 ou 30 m de distance par deux pièges identiques… C. sonorensis, une fois infecté par le virus de la fièvre catarrhale, est repoussé par la lumière. Les pièges lumineux sont aussi très sensibles à l’environnement lumineux : l’éclairage urbain et la lune réduisent et modifient les captures. Il faut donc se méfier des résultats des pièges lumineux, bien mesurer leurs limitations et leur associer d’autres moyens d’échantillonnage des populations. Article source (en anglais, gratuit) Photo : piège lumineux OVI pour la capture des arabis. Cliché M. Fall/CIRAD À (re)lire : Les lumières de la ville, Épingle de 2016. 1216 La nuit des taons Les chevaux blancs sont moins piqués par les taons (Dip. Tabanidés), c’est une question de lumière polarisée. Cette découverte méritait bien le prix IgNobel 2016 (Épingle « Blanc et Noir » ). Financée par un programme d’étude des rayures du zèbre, Susanne Åkesson (université de Lund, en Suède) et ses collègues hongrois ont monté une manip pour préciser le rôle de la vision de la lumière polarisée par la femelle de taon dans sa quête de sang de bétail. Ont collaboré une vache artificielle noire, une vache vivante noire (et son veau à la mamelle pour la faire tenir immobile sur le pré) et trois algorithmes différents, modélisant l’image en LP de l’hôte. En lumière polarisée, un animal blanc est peu distinct de ce qui l’entoure, de jour comme de nuit. L’animal noir en revanche, se détache clairement sur le fond de feuillage grâce à son pelage lisse plus réfléchissant, dans toutes les conditions de luminosité. Les taons peuvent donc se fier à leur vue (entre autres sens) pour trouver du sang et les vaches et chevaux noirs ne peuvent pas y échapper en se camouflant et ils peuvent toujours attendre la nuit... Reste à remplacer les algorithmes par des taons vivants. Article source (gratuit, en anglais) Photo. Tabanus lineola (taon nord-américain). Cliché Thomas Shahan. | Tout ce que vous n'avez jamais voulu savoir dur la punaise des lits, par Romin Garrouste. The Conversation, 11 décembre 2017. [Cimex lectularius, Hém. Cimicidé] | |
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1215 Un avenir noir de sauveteur C’est le Morio’s des pêcheurs de truites, le Ver de farine géant des éleveurs et des meuniers d’insectes (il est comestible), le king worm provende des reptiles et des oiseaux en captivité, Zophobas morio des entomologistes qui le classent dans les Coléoptères, famille des Ténébrionidés. Le voici en plus le « plus petit robot à pattes », mis au point par une équipe de biomécaniciens de l’université Nanyang à Singapour. C’est le dernier né (sur Internet) des Zombiptères, ordre nouveau d’insectes (créé dans cette série d’Épingles) réduits en esclavage par des expérimentateurs au moyen d’un appareillage électronique qui leur est greffé. Par rapport à ses prédécesseurs, il est plus petit (2,5 cm de long) et, selon ses créateurs, plus agile. Pour l’équiper, rien de plus simple : l’anesthésier, lui percer le pronotum avec une épingle, lui couper les antennes, planter dans le trou et les moignons 3 fils conducteurs, les fixer avec une goutte de cire. Relier celui du thorax à la masse, les 2 autres aux sorties d’un micro-contrôleur appliquant un courant de fréquence entre 1 et 50 Hz. Celui-ci, alimenté par une pile miniature, reçoit ses ordres via un signal infrarouge de l’ordinateur posé sur la paillasse. Pour vérifier la bonne marche de cet engin entomologique, le placer sur une boule de commande qui enregistre son chemin (il croit qu’il chemine). En excitant les antennes du coléo appareillé, on lui fait croire qu’il touche un obstacle et il vire à gauche ou à droite, au gré de son maître. En allant parfois dans l’autre direction. Pour les auteurs, c’est un pas important vers l’emploi de bandes de « robots hybrides » à la détection des victimes d’un effondrement, par la voie des plus petits interstices. Article source : DOI: 10.1089/soro.2017.0038 Vidéo très courte Photo. Cliché Kelvin Chng. Vers de farine géants en vente à l’OPIE (ce n'est pas pour les martyriser). Précédent Zombiptère : Libellule optogénétiquement modifiée. Épingle de 2017, ci-dessous. 1214 Sales mouches ! On soupçonne depuis très longtemps les mouches de transporter des microbes pathogènes pour l’Homme (et les animaux), sans que des relations de cause à effet aient pu être clairement établies. Les mouches sont jugées sales car ce sont les premières à arriver sur les cadavres et les excréments pour y pondre. Le séquençage des génomes des composants du microbiome – les susdits microbes – vient d’apporter la confirmation que les mouches sont des vecteurs mécaniques (sans piqûre) dangereux. 63 échantillons de Chrysomya megacephala (Dip. Calliphoridé), espèce plutôt tropicale, foncée aux gros yeux rouges, envahisseuse, et 53 de la familière Mouche domestique Musca domestica (Dip. Muscidé), prélevés sur 3 continents, sont passés à la machine. Laquelle a rendu une liste, à l’espèce, des composants de leurs microbiomes. On y trouve essentiellement des bactéries, surtout sur les ailes et les pattes. Calliphoridé et Muscidé ont en commun plus de la moitié de leur microbiome, qui associe des microorganismes liés à leur hôte et d’autres spécifiques de leur milieu de vie. De façon surprenante, les mouches récoltées dans les étables sont plus « propres » que celles piégées en ville. 15 mouches du Brésil étaient porteuses d’Helicobacter pylori qui vit dans l’estomac humain et y provoque des ulcères ; on n’avait jamais soupçonné le rôle des mouches dans sa transmission. Possédant désormais le catalogue des ADN des microbes portés par les mouches, on pourra se servir d’elles (des individus propres issus d’élevages) comme récolteuses de microorganismes. On les enverra se contaminer dans les endroits inaccessibles et on aura, à leur retour au labo, l’état sanitaire du lieu. Article source (gratuit, en anglais) Photo. Cliché BugGuide. NDLR : on ne boira pas ce dans quoi une mouche s’est baignée. Voir ci-dessous. 1213 Repères de rechange La fourmi Cataglyphis fortis (Hym. Formiciné) habite des plaines salées très arides, au bord des chotts : de son nid souterrain partent des ouvrières récolteuses, fort loin et chacune selon son chemin, en quête d’insectes déposés là par le vent ou morts de chaleur. Et toutes retrouvent leur nid. On sait que ces fourmis possèdent toute une panoplie de moyens de se situer : principalement, elles comptent leurs pas et utilisent le soleil comme boussole ; en plus, elles se servent de repères visuels, magnétiques, vibrationnels ; très près de leur nid, elles se fient en principe à leur odorat. Des as de la navigation. En effet elles se fient, pour ne pas se perdre sans retour, à des repères visuels et olfactifs, seulement si ceux-ci sont pertinents. Elles les ignorent s’ils ne sont pas spécifiques à l’entrée de leur fourmilière. C’est ce qu’ont montré Roman Huber et Markus Knaden, de l’institut Max-Plack d’Iéna (Allemagne). Pour ce faire, ils ont construit dans le Sud de la Tunisie un « terrain » artificiel de 16 m de long constitué d’un profilé en aluminium. Le ciel est visible ; plancher et parois interceptent tout signal géolocalisateur. Les fourmis vont se nourrir à partir de l’orifice de leur nid artificiel (relié à leur nid naturel) à 10 m de là, dans une boîte de Petri avec des miettes de biscuit. En jouant sur les marques visuelles – des cartes noires – disposées de diverses façons près de la sortie et le long de leur chemin, en leur donnant une odeur ou pas, ils ont démontré cette extraordinaire faculté de ne se référer qu’aux marques particulières à l’entrée du nid, identifiées par le moyen le plus discriminant, en ignorant les semblables qu’elles ont repéré sur leur parcours. Nos myrmécologues vont s’atteler maintenant à explorer, par imagerie des ions calcium dans les neurones, le fonctionnement du cerveau (très petit) des navigatrices expertes. D’après « Desert ants are able to assess the reliability of landmarks as they search for the way home ». Lu le 22 novembre 2017 à //phys.org/news/ Photo. Cliché Markus Knaden. 1214 La mouche du fond du lac Brun sombre et velue, les ailes croisées sur le dos, elle a la taille d’une Mouche domestique. On l’observe, en grandes quantités, formant un cordon le long de la rive du lac salé Mono, en Californie (États-Unis). Les mouettes s’en régalent. Seule une crevette partage son habitat benthique. « Vous pouvez la maintenir sous l’eau aussi longtemps qu’il vous plaît – ça ne la dérange pas – elles en conçoit seulement de la fierté. Quand vous la relâchez, elle jaillit de la surface, sèche comme un bordereau de l’office des brevets. » (Mark Twain dans À la dure, 1872). 150 ans après le passage de l’écrivain, Deux chercheurs californiens, Floris van Breugel et Michael H. Dickinson, rapportent leur travail de biomécanique sur cette mouche peu ordinaire, Ephydra hyans (Dip. Éphydridé), nommée mono par les Indiens, qui en consommaient les pupes . Elle descend le long des tufas (colonnes calcaires) dans une eau 3 fois plus salée que celle de l’océan (chargée en bicarbonate et en carbonate de sodium) et très basique (pH = 10). Elle marche sur le fond (-4 à -8 m), y broute les algues ou y pond, et ressort au bout de 15 minutes en jaillissant de la surface. Ses asticots, aquatiques tout au long de leur développement, patrouillent sur le fond, se nourrissant d’algues et de bactéries. Ils stockent le sel et s’en débarrassent à la nymphose. L’imago est capable d’aller sous l’eau grâce à la combinaison d’une couche cireuse hydrophobe et de ses soies qui emprisonnent des bulles d’air : elle ne se mouille pas. Au bout d’un moment, les bulles se rassemblent pour former une poche d’air qui lui sert de poumon externe. Elle reste en contact avec l’eau par la bouche, l’orifice de ponte et les tarses. Sortir d’une soupe aussi poisseuse, collante et mouillante est bien plus difficile pour une mouche que d’émerger de l’eau. Elle y parvient par un mécanisme très original, faisant intervenir des particules chargées électriquement. Le lac Mono a failli être asséché par le détournement des rivières qui l’alimentent pour les besoins de Los Angeles, dans les années 1940. Ces prélèvements ont cessé et le lac se remplit doucement. Autre menace, détectée par l’étude : son revêtement cuticulaire spécial la rendent très vulnérable aux graisses, notamment au diméthycone des crèmes solaires… Article source : doi:10.1073/pnas.1714874114 Photo : Ephydra hyans en plongée, accrochée à un tufa. Cliché F. van Breugel Vidéo À (re)lire : La Mouche du pétrole, par Remi Coutin. Insectes n°146 (2007-3) 1213 Une mouche dans le verre Bien que l’entomophagie soit tendance, on a tendance à l’enlever et, si c’est plus qu’un moucheron, à se faire remplacer le contenu, voire le contenant. Un cas particulier, soit dit en passant, est celui-ci : « D'après Abu Hurayra : « Le Prophète a dit : « Si une mouche tombe dans le verre de quelqu'un d'entre vous, il doit l’y enfoncer » ; mais ce hadith reste très problématique. Un cas encore plus particulier se présente lorsque c’est une Mouche du vinaigre qui vient, attirée par le parfum du vin, essayer de se noyer seule dans un tastevin. Là, vous fermez les yeux, vous demandez à une main innocente de retirer la drosophile et de vous la cacher. Vous goûtez le vin, et vous annoncez à la compagnie (médusée) : « c’est un mâle » ou « c’est une femelle ». Facile à vérifier sur le cadavre. En effet, la croyance qu’il suffit d’une mouche pour donner un mauvais goût au liquide est vraie, à condition qu’il s’agisse d’une femelle. Après avoir identifié et quantifié la production par la drosophile femelle de la phéromone d’attraction des mâles, Peter Witzgall, Paul Becher et leurs collaborateurs (université d’Agronomie, Uppsala, Suède) se sont demandés si cette Z4-11Al avait mauvais goût au point d’expliquer la croyance. Ils ont réuni une équipe de goûteurs professionnels du Pays de Bade (Allemagne) à qui ils ont soumis des verres d’eau ou de pinot blanc (Fribourg 2013) ainsi traités : remplis après avoir emprisonné une mouche mâle ou femelle durant 5 minutes ou avoir reçu 10 ng de Z4-11Al. Le mâle ne laisse aucune trace gustative. La phéromone donne effectivement un sale goût. Et le buveur la détecte en quantité égale à celle qui intéresse le mâle de drosophile. Pour l’heure, impossible d’expliquer cette convergence. Et à quoi sert à Homo sapiens bibens de sentir le parfum de la Mouche du vinaigre femelle – à part à faire le tour décrit ci-dessus ? Article source (gratuit, en anglais) Dessins et photos (à l’usage des abstèmes) 1212 Victimes, l’apprentissage et la sonication Les bourdons, comme d’autres abeilles solitaires, secouent les anthères des fleurs visitées pour en détacher les grains de pollen – en bourdonnant. C’est la sonication, alias pollinisation vibratile. C’est une compétence innée des butineuses, qui s’améliore avec la pratique. Une équipe germano-britannique, basée à l’université de Stirling (Royaume-Uni) a mis au point un dispositif expérimental pour évaluer les caractéristiques de la sonication d’individus de Bourdon terrestre (Bombus terrestris, Hym. Apidé) récoltant sur une fleur de morelle Solanum rostratum, en analysant les enregistrements acoustiques de leur bourdonnement. La quantité réunie par les butineuses était établie par comptage des grains de pollen attachés à leur patte arrière (gauche). Trois microcolonies de bourdons ont vu leur activité de butinage ainsi estimée : une nourrie avec du nectar normal et deux avec deux doses « réalistes » de thiametoxam, insecticide néonicotinoïde. Au bout de 10 essais, les butineuses intoxiquées récoltent entre 47 et 56 % de pollen en moins alors que leurs performance s’égalaient au départ. Elles n’apprennent pas. Et la fréquence de secouage ne baisse pas. Elles ne s’économisent pas. Ces résultats suggèrent que l’exposition à l’insecticide diminue les performances de pollinisation des bourdons en affectant leur mémoire et leurs capacités cognitives, selon un mode d’action qui reste à préciser. Article source : DOI:10.1038/s41598-017-14660-x Photo : un Bourdon terrestre. Cliché Wikimedia commons. 1210 Pour vivre deux fois plus longtemps Un souriceau soumis avant le sevrage à un régime pauvre en protéines fera une souris (mâle) à la longévité augmentée à qui seront épargnés les effets délétères d’une alimentation propre à l’engraisser. On connaissait quelques effets de régimes sucrés appliqués à l’asticot mâle sur la Mouche-à-tout – l’indispensable Mouche du vinaigre, rendue plus longévive. À l’institut Francis Crick (Londres, Royaume-Uni), Alex Gould et ses collègues ont élevé des asticots de droso dans un milieu très pauvre en levures, la principale source de protéines, obtenant des imagos jusqu’à deux fois plus longévifs. Ces derniers ayant reçu une alimentation standard. Le régime du début de la vie agit à long terme sur l’organisme adulte par le biais de toxines – appelées autotoxines – sécrétées par les œnocytes (cellules sous la cuticule qui sécrètent la pellicule cireuse qui recouvre le tégument) et se répandant à l’extérieur. Leur effet est de raccourcir la vie. Leur rôle a été précisé par l’emploi de drosos transgéniques. Certaines de ces autotoxines sont des alcènes (hydrocarbures insaturés à double liaison) et peuvent agir comme phéromones influençant le développement des congénères. Les drosos élevées en lots denses voient leur vie raccourcie de moitié. Ce sont les autotoxines qui sont responsables de ce phénomène, connu depuis un bon siècle. D’un point de vue évolutif, il faut penser que les effets adverses de ces toxines sont plus que compensés par leur utilité comme phéromones et enduit hydrophobe, notamment. L’analogie est frappante entre les œnocytes des imagos des insectes et les sébocytes (glandes sébacées) des humains qui sécrètent aussi une substance protectrice de la peau. L’excès de sébum – qui fait briller la peau - pourrait-il nous faire mourir plus jeune ? Article source : DOI: 10.1038/s41467-017-01740-9 1209 Pour un foyer accueillant Vous n’avez rien contre les insectes, vous les aimez même et les aideriez le cas échéant ? Une équipe d’entomologistes de Californie, de Caroline du Nord et du Danemark a visité une cinquantaine de maisons de Raleigh (C. du Nord) en notant les caractéristiques physiques de leurs intérieurs, la façon dont elles sont habitées par les gens et recensé leurs occupants à 6 et 8 pattes. Ils sont ainsi en mesure de vous dire comment avoir chez vous la biodiversité la plus grande. Habitez donc près d’une voie à grande circulation, au rez-de-chaussée ; mettez des tapis ; ayez le maximum de portes et de fenêtres. Entretenir des animaux de compagnie à 4 pattes et des plantes vertes ne servira à rien, pas plus que de se comporter de façon bordélique. Et vous pouvez flytoxer ou pas, ça ne changera pas grand-chose. Dans toutes les pièces vous hébergerez les même espèces grosso modo mais vous trouverez un sous-biome particulier en sous-sol. En y regardant de plus près, la structure du peuplement vous apparaîtra bien structurée avec consommateurs primaires, prédateurs et parasitoïdes, nécrophages. D’un point de vue plus élevé, vous prendrez conscience que votre logis n’est pas une forteresse à l’abri des intrus, que votre entomofaune domiciliaire reflète celle de l’extérieur et que vous servez dans une certaine de mesure de relais aux populations qui la composent. D’après « Scientists investigate how different houses and lifestyles affect which bugs live with us », lu le 10 novembre 2017 à //phys.org/news/ Photo : un psoque. Cliché Matt Bertone. 1208 Toute sa tête jusqu’au bout Le champignon Ophiocordyceps unilateralis (Hypocréale) parasite la fourmi charpentière d’Amérique tropicale Camponotus castaneus (Hym. Formiciné). Il manipule l’ouvrière, l’amenant à grimper et à se pendre sous une brindille ou une feuille les mandibules bloquées, après quoi il produit une tige qui émerge du crâne de la victime morte, à partir de laquelle sont dispersées les spores. Jusque là, il était admis que le parasite produisait des substances – à découvrir – agissant sur le cerveau de la fourmi et pouvant modifier l’expression de gènes, en provoquant une atrophie des mandibules notamment. David Hughes, entomologiste à l’université d’État de Pennsylvanie (États-Unis), et ses collaborateurs ont découvert que le champignon se développe dans tout le corps de son hôte. Tête, thorax, abdomen et pattes sont envahis par un réseau d’hyphes, dont certaines pénètrent dans les muscles (riches en énergie). Et qu’un seul organe échappe à l’infestation, le cerveau. Pour parvenir à ce résultat, ils ont procédé à des coupes sériées d’individus saisis au moment où ils s’accrochent par leurs mandibules, les ont photographiées au microscope électronique, et ont empilé ces clichés pour reconstituer une vue en 3 dimensions (manip classique). Pour l’interpréter, ils ont mis au point un programme informatique apprenant capable de distinguer les cellules de la fourmi de celles du champignon. Des fourmis inoculées par Beauveria bassiana, « simplement » entomopathogène, ont été étudiées parallèlement. Il apparaît que le champignon maîtrise l’insecte de façon périphérique, par son réseau d’hyphes connectés, réparti dans le corps de celui-ci. Pourquoi n’exploite-t-il pas le cerveau ? Cet organe est sans doute indispensable, jusqu’à la mort de l’hôte ; peut-être est-il manipulé chimiquement. D’après « 'Zombie ant' brains left intact by fungal parasite », par Chuck Gill, lu le 7 novembre 2017 à //phys.org/news/ Illustration : reconstitution en 3D d’un muscle adducteur de la mandibule entouré d’hyphes (en jaune). Hughes Laboratory / Penn State. À (re)lire : Le chlorion et autres manipulateurs, par Alain Fraval. Insectes n° 163 (2011-4). Et, à propos d’un autre Ophiocordyceps : Une ressource médicale himalayenne extraordinaire, par Michèle van Panhuys-Sigler. Insectes n° 171 (2013-4). 1207 Pour la majorité, ni droite ni gauche Une majorité courte (55%) mais indiscutable. Les autres ouvrières préfèrent pour la moitié la gauche, l’autre moitié la droite – ce qui est une découverte. Mandyam Srinivasan et ses collaborateurs (université du Queensland à Brisbane, Australie) ont tiré ce résultat d’un sondage simple, en forme d’épreuve standard. À chacune des 121 ouvrières recrutées pour l’étude et marquées à la peinture sur le dos, ils ont proposé d’atteindre un poste de nourrissage (eau sucrée) en passant par l’une ou l’autre de deux fentes de largeurs variables (de 2 à 8 cm ) et en notant le choix de chacune dans un sens et dans l’autre. Les durées des vols ont été mesurées sur des enregistrements vidéo pour 45 individus. Les butineuses de l’Abeille domestique choisissent l’un ou l’autre des passages, sans préférence, s’ils sont d’égales largeurs. Les différences individuelles sont révélées par les épreuves de parcours avec fentes différentes : l’abeille a tendance à passer par la fente la plus large, sauf si elle est gauchère ou droitière, auquel cas elle prend un « temps de réflexion » avant d’emprunter le passage étroit du côté de sa latéralité particulière. Pour les auteurs, cela facilite le vol en essaim en diminuant les risques de collision, à l’instar des oiseaux qui, eux, virent systématiquement à droite. Encore un résultat qui devrait être utile aux roboticiens qui envisagent de faire voler des escadrilles d’insectes artificiels ou de drones. Article source (gratuit, en anglais) Schéma de la chambre de vol 1206 On attrape les mouches avec du vinaigre Ce liquide odorant, fruit d’une acescence, outre qu’il enthousiasme les ménagères boboblogueuses dans sa version « blanc », est un pousse-au-coït urgent pour les drosophiles encore demoiselles et n’aspirant que vaguement à ne plus l’être, agissant là où il y a à manger. Mises en présence de mâles, elles s’accouplent plus rapidement dans une ambiance olfactive vinaigrée, sans toutefois pondre plus. Des chercheurs en neuroéthologie de l’institut Max Planck, viennent d’en décrire le mécanisme nerveux au sein du cerveau de cette bien nommée Mouche du vinaigre. On savait que la phéromone sexuelle émise par le mâle (cis-vaccenyl acetate - cVA) y active le glomérule DA1, masse circulaire située dans le lobe antennaire du protocérébron, aire de l’olfaction. Par des techniques d’imagerie fonctionnelle, la nouvelle étude montre que ce DA1 répond à la phéromone, à l’odeur de vinaigre et aux deux ensemble. L’effet n’existe ni chez les mâles, ni chez les femelles accouplées. En créant des lignées de drosos avec certaines synapses coupées, les chercheurs ont découvert que si la phéromone mâle excite directement le glomérule DA1, le vinaigre agit sur lui indirectement, via des glomérules voisins. On a là un des très rares cas connus de synergie entre deux odeurs. Elle est avantageuse pour l’espèce : elle a pour effet que les drosos femelles vierges répondent favorablement plus vite (la vie est courte…) aux sollicitations des mâles là où la nourriture est disponible pour les futurs asticots, ce que l’odeur de la fermentation acétique signale, tout en épargnant à ceux-ci une grande dépense de phéromone. Article source : doi :10.1073/pnas.1712706114 | Évolution et adaptation chez les punaises Rhagovelia, par Benoît Gilles. Passion entomologie, 28 novembre 2017. Insectes : mais où sont-ils tous passés ? par Benoit Geslin et François Lasserre. France-Culture, 27 novembre 2017. Les plantes pesticides au secours des cultures, par Pierre Silvie et Pierre Martin. The Conversation, 27 novembre 2017. Monarques sous haute surveillance au Mexique, par Clément Detry. Le Devoir, 25 novembre 2017. « Compassion pour le charançon ! » Vers une nouvelle philosophie de l’insecte, par Thierry Hocquet. Le Monde, 24 novembre 2017. Insectes : 1001 pertes, par Aurore Coulaud et Aude Massiot. Libération, 9 novembre 2017. | |
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1205 Les 127 Bienheureux Les insectes sont les plus nombreux, les plus divers des animaux, dont ils constituent la plus grande biomasse. Les très grands services écosystémiques qu’ils rendent sont reconnus et les facteurs adverses qu’ils affrontent et causent leur déclin sont bien répertoriés et sans doute sous-évalués. Pourtant, les alarmes du public comme les efforts de conservation portent essentiellement sur les vertébrés. Les insectes sont trop nombreux (plus de 100 000 espèces en Europe, plus d’un million dans le Monde), on n’a identifié qu’une partie d’entre eux, on ne sait rien de la biologie de la plupart, ils sont difficiles à surveiller et les gens ne leur accordent que très peu de valeur. Certains insectes bénéficient d’une réelle protection. La convention de Berne et la Directive Habitats de 1992 prennent en compte 127 insectes, soit 0,12 % des espèces européennes. Camila Leandro, Pierre Jay-Robert et Alan Vergnes, chercheurs à l’université Paul-Valéry de Toulouse, ont estimé la représentativité de cet « échantillon » en le comparant à un lot de 127 insectes pris au hasard dans Fauna Europaea. 5 grandes catégories de critères ont été prises en compte : la taxinomie, la morphologie, et le régime alimentaire des adultes, le degré de connaissance sur l’espèce et la répartition en Europe. Les Lépidoptères (papillons de jour surtout), les Odonates (libellules et demoiselles) et les Orthoptères (criquets, sauterelles…) sont surreprésentés en nombre d’espèce parmi les protégés. Nul Hyménoptère (fourmis, guêpes, abeilles…), nul Diptère (cousins, moustiques, mouches…) ne figure parmi les Bienheureux. Pour être inscrit dans cette liste, il vaut mieux être très grand, à l’instar du Grand Capricorne, de la Magicienne dentelée ou des Papillionidés. Et/ou d’être habillé de bleu, de vert ou d’orange. Bref être visible et joli. Il convient également d’avoir suscité une épaisse bibliographie. Le régime alimentaire, souvent mal connu, devra être carnivore ou pollinivore. Enfin, une présence dans plusieurs pays de l’Europe est un atout. Le choix des 127 s’avère donc largement biaisé. Pour améliorer les chances de conservation de l’entomofaune, les auteurs préconisent de dresser des listes dynamiques, basées sur les connaissances les plus récentes, et de considérer comme cible des efforts, au lieu d’espèces individuelles, des écosystèmes. Article source : doi.org/10.1016/j.biocon.2017.07.033 Photo : l’Apollon, Parnassius apollo (Lép. Papilionidé), premier insecte protégé en Europe : royaume de Bavière, 1835. Liste des invertébrés inscrits dans les textes européens. OPIE. Évolution de la directive Habitats-faune-flore, par Pascal Dupont. Insectes n° 131 (2003-4) 1204 Hydrabeille Le dernier insecte artificiel créé s’appelle Robobee. Il est né sur les paillasses de la Harvard School of Engineering and Applied Sciences (États-Unis) à partir d’un prototype ancien, à 2 ailes battantes et 3 pattes. Il est capable, c’est pourquoi on signale son avènement, d’amerrir et de déjauger, comme un hydravion, et de se poser et de décoller du sol, comme un hélicoptère. À la surface de l’eau, la tension superficielle multiplie sa masse par 10. Ses créateurs ont donc adjoint à son faible moteur une fusée de décollage, capable d’enlever ses 175 mg. Un courant électrique hydrolyse un peu d’eau dans le bac central puis un allume-gaz fait détonner le mélange hydrogène oxygène qui aura servi temporairement à augmenter la flottabilité de l’engin de façon à lui sortir les ailes de l’onde. Quand on aura réussi à doter le Robobee d’une alimentation électrique autonome, la prouesse technique pourra déboucher sur des insectes artificiels de recherche et de surveillance efficaces dans des environnements partiellement inondés, comme des bâtiments effondrés ou des enchevêtrements de tuyaux. Article source : DOI: 10.1126/scirobotics.aao5619 Photo : Un Robobee diptère sur ses 3 pattes avec, en jaune, la chambre centrale à électrolyse et les 4 balanciers. Vidéo À ajouter aux Insectes artificiels du n° 180 d'Insectes (2016-1). 1203 Expulsion et relogement Elles vivaient tranquillement dans une forêt claire d’Écosse, réparties dans 47 constructions surpeuplées en forme de cône (érigées sans autorisation), logées surtout dans les sous-sols, travaillant dans les environs immédiats à récolter leur pitance : des petits animaux qu’elles entretenaient ou capturaient. Les hommes, des Écossais, avaient décidé de faire passer l’autoroute A9 par leur territoire. Un beau jour, ils arrivèrent à 7 heures du matin – tout le monde ou presque était à l’intérieur - creusèrent, exhumèrent et emballèrent les habitantes avec leurs hardes et leurs pouilles dans des sacs en toile de jute et transportèrent et réinstallèrent les 47 communautés dans 47 trous creusés à l’écart du chantier routier, dans des clairières ensoleillées là où des spécialistes avaient mis des piquets et des provisions pour elles. Chaque opération n’a pas duré plus d’une demi-heure. À 9 heures par ce beau matin, tout était fini. On vit les déplacées sortir et explorer le voisinage. Tout indiquait qu’elles n’avaient pas trop souffert du transport, la toile de jute avait empêché que l’acide formique, produit par le stress, s’accumule dangereusement. Bientôt, elles avaient rétabli leurs réseaux sociaux ainsi que les chemins d’approvisionnement jusqu’aux pacages des pucerons à miellat et aux coins à insectes comestibles. Business as usual (en idiome local) pour les 20 millions de déplacées. Fourmi rousse des bois, Formica lugubris (Hym. Formiciné). D’après « 'Scotland's largest ever flitting' Road crews move 20m ants to their new Highland homes », par Keith McLeod. Lu le 19 octobre à www.dailyrecord.co.uk/ Illustration NDLR : antérieurement, des Fourmis rousses des bois ont été transplantées sur de bien plus grandes distances dans le cadre de la lutte biologique contre la Processionnaire du pin. Voir cet article de 1982 de la RFF par C. Torossian et P. Humbert. 1202 Entomatique La Mouche du vinaigre se révèle étonnamment semblable à l’homme. On la connaît sous toutes les coutures et elle se prête très volontiers aux manipulations génétiques souhaitées. Facile à élever en plus. Elle participe donc, souvent en grands nombres, à tout un tas de manips, non pas en entomologie spécialité diptérologie, mais en neurologie. Une fois son comportement vu et su, elle finit souvent disséquée. Le suivi des activités d’un lot de drosos, par exemple la mesure de la durée des périodes de sommeil de chaque individu ou le repérage du stress, bénéficie des progrès des analyseurs d’enregistrement vidéo. Les actographes automatiques épargnent aux chercheurs de délicates et pénibles séances d’observation. À l’Imperial College (Londres,Royaume-Uni), Quentin Geissmann et ses collaborateurs, s’inspirant d’une machine du commerce (TriKinetiks), ont conçu et fait fonctionner un outil simple, dont la fabrication en multiples exemplaires est à la portée de tous les labos possédant un stagiaire bricoleur. Leur « Ethoscope » est constitué d’un châssis surmontant la « piste » où la ou les drosos seront introduites, et muni, surplombant le tout, d’une caméra associée à un micro-ordinateur Raspberry Pi (compter une trentaine d’euros). Avec quelques douzaines d’Ethoscopes, il est possible d’analyser le comportement de dizaines de milliers d’individus comme de suivre individuellement assez de mouches pour que le résultat soit solide. En branchant, via un micro-contrôleur Arduino (20 €), un actionneur sur le Pi, la droso peut recevoir une récompense méritée ou voir son tube retourné pour l’empêcher de dormir plus de 20 secondes. Les plans et les programmes sont disponibles ici Article source (gratuit, en anglais) Illustration : éclaté d’un Ethoscope stéréo-imprimé, le même en Lego, et en carton (de récup.). À (re)lire : Quelques expériences d’actographie, par Alain Fraval. Insectes n° 119 (2000-4) - c'est vieux ! 1201 Le Dytique et son double Meladema coriacea (Col. Dytiscidé) est un gros coléo aquatique commun autour de la Méditerranée. Cela fait 2 siècles qu’il réside, piqué dans les collections des muséums sous ce nom. Une équipe anglo-espagnole, en quête d’éléments pour leur étude de la colonisation des îles, a repris ces spécimens et les a examinés avec les outils les plus pointus de la biologie moléculaire, tout en scrutant les moindres détails de leur morphologie. Résultat : on est en présence de deux espèces bien distinctes génétiquement et même séparées depuis 1,5 millions d’années. Le genre Meladema étant lui vieux de 14,4 millions d’années. Optiquement, on reconnaît la seconde espèce aux microreliefs de ses élytres, disposés comme les écailles des ailes des papillons. D’ou son nom de M. lepidoptera. En Corse, Sardaigne et Sicile, il n’y a que M. lepidoptera. En Italie continentale, les deux Meladema co-existent et même s’hybrident. Un réexamen des espèces bien connues devrait réserver des surprises semblables et d’ajuster les estimations de la richesse spécifique. Article source (gratuit, en anglais) Photo : Meladema coriacea à gauche, M. lepidoptera à droite. Cliché David Bilton. 1200 Le sens de l’absence Deux singes (le chimpanzé et le sapajou), un autre primate (Homo sapiens) et Alex (perroquet prodige de 28 ans) comprennent le sens de zéro : rien, et plus petit que un. Pour le jeune du primate sus-nommé, il faut un apprentissage durant quelques années. Au congrès des comportementalistes (Behaviour conference) réuni début août 2017 à Estoril (Portugal), a été annoncé que l’Abeille domestique (adulte), elle aussi, comprend le concept de zéro. Une surprise. Scarlett Howard et ses collaborateurs, à l’université RMIT à Melbourne (Australie) ont commencé par dresser des abeilles à faire la différence entre deux nombres de 1 à 4 (elles ne savent pas compter au-delà) représentés par des formes disposées sur deux plate-formes. Sur celle avec le plus petit nombre, du sirop sucré (récompense), sur l’autre de la quinine (punition). Cet entraînement au calcul était poursuivi jusqu’à un taux de réussite – le choix du plus petit nombre – de 80 %, ce avec des formes variées. Ces abeilles visitaient la plate-forme 0 de préférence à celle portant 2 ou 3 formes. L’exercice suivant a consisté pour elles à choisir, dans un dispositif analogue, entre zéro et un nombre compris entre 1 et 6. Nos écolières ont régulièrement préféré le zéro mais ont eu beaucoup de mal avec un 1 face au 0. L’écart entre les quantités affecte le comportement de l’abeille, ce qui, pour l’auteure, montre qu’elle considère le 0 comme un nombre. Questions sans réponse : pourquoi possède-t-elle cette capacité ; à quoi cela lui sert ? D’après « Bees are first insects shown to understand the concept of zero », par Sam Wong. Lu le 4 août 2017 à www.newscientist.com/ 1199 Désespérément propres Ainsi sont désormais les pare-brise de nos voitures, en général. Le grattage obligatoire au terme d’un parcours estival un peu long par monts et par vaux, et qui faisait maudire les insectes ces sales bêtes, fait partie des souvenirs des anciens. De même que la pose d’un déflecteur ad hoc sur le nez du capot. Alors, où sont passés les insectes ? N’existent-ils plus, rayés de la faune par l’agriculture intensivement chimique ? Évitent-ils la circulation, son bruit, son odeur ? Glissent-ils sur le verre indemnes grâce à un aérodynamisme amélioré des véhicules ? Ont-ils été percutés par les voitures précédentes, nettement plus nombreuses ? Plusieurs études ont conclu à une baisse globale des insectes volants, de l’ordre de 40 à 60 % ou plus localement, depuis une quarantaine d’années, d’après les comptages effectués en Grande Bretagne, notamment. La station agronomique de Rothamsted, dans le Sud de l’Angleterre, a bien enregistré ce déclin de l’entomofaune aérienne avec ses relevés réguliers, mais pas les autres stations du dispositif britannique… Si les témoignages vont tous dans le même sens et conduisent à s’alarmer, les dénombrements comparatifs restent parcellaires. Nos pare-brise sont de bien mauvais instruments pour rendre compte de l’importance des populations d’insectes croisées en route. La plaque minéralogique avant serait-elle plus fiable, avec sa taille immuable et son positionnement vertical inchangé ? En 2004, la ligue par la protection des oiseaux britannique (RSPB) a distribué des « splatometers » en plastique transparent à coller sur sa plaque. 40 000 participants ont enregistré 324 814 impacts, ce qui fait 1 seul insecte tué tous les 8 km. Le Big Bug Count n’a pas été renouvelé. L’« efficacité » de la plaque, comme le pare-brise, dépend des formes de la carrosserie autour, qui évoluent... Automobilistes, que le peu d’impacts maculant votre vitre vous donne de la route une vue claire et vous fasse songer au dépeuplement en insectes des paysages traversés, incontestable même si on ne peut le quantifier avec précision et régularité. D’après, entre autres, « ‘The windscreen phenomenon’ - why your car is no longer covered in dead insects », par Sarah Knapton. Lu le 26 août 2017 à www.telegraph.co.uk/ À (re)lire : La mortalité des insectes liée à la circulation automobile, par Jean-Pierre Chambon. Insectes n° 88, 1993(1) [expérience non renouvelée] ; Insecticide ! Un désastre écologique, qui nous atteindra tous, Insectes n°152, 2009(1) [article anglais] et Le déclin des papillons en Lorraine, par Jean-Claude Weiss. Insectes n° 178, 2015(3) ; ainsi que Le verdict du pare-brise, par Vincent Albouy. Nature ordinaire, nature extraordinaire, 20 juin 2016 - Sans oublier l'Épingle de 2003 : Mouchetures. 1198 Kalamopode culmipède Le taxon « Pattes en paille » est créé. Le premier spécimen connu est à ajouter à la colonne « Pour avancer » du catalogue d’insectes artificiels publié dans Insectes n°180, page 28. George Whitesides et son équipe de biomécaniciens (université Harvard, Cambridge, MA, États-Unis) ont imaginé un engin aussi léger et agile que les araignées et les insectes, rompant avec les technologies lourdes des robots hexapodes en métal mais dans la lignée de leur « Octobot », poulpe artificiel mou à propulsion pneumatique. Les pattes articulées sont faites de tronçons de pailles à boire classiques (achetées à la supérette du coin) reliées par des bouts d’élastique (les « tendons ») et pliées au niveau des articulations. À ces endroits sont insérés des ballonnets qui, tant qu’ils sont gonflés, provoquent l’extension de l’appendice (accessoires à trouver dans les services d’angioplastie, je suppose). Le kalamopode n’est pas (encore) autonome ; il est relié par une nappe de minuscules tuyaux à des pompes commandées par un micro-contrôleur (Arduino). Le culmipède monopode, bipède, tripode… jusqu’à hexapode avance, recule, surnage. L’octopode s’emmêle les pailles. Trop complexe. Vidéo D’après, notamment « From drinking straws to robots », par Peter Reuell. Lu le 13 juin 2017 à news.harvard.edu/gazette/story/ 1197 Le C5 et le lutin Le premier possède deux grandes ailes à l’avant et une paire de plus petites à l’arrière. Il ne se trouve au repos que sur les bases militaires états-uniennes, dont il peut s’éloigner momentanément de 10 000 km. Le second, bien plus petit et léger, propulsé le temps de courts trajets par 2 paires d’ailes membraneuses recouvertes d’écailles, carbure au nectar ; il prospère dans les mêmes lieux et profite du premier. On a reconnu respectivement un avion de transport militaire et un papillon, en l’espèce le C5 et le Lutin givré. Ce dernier, Callophrys (Incisalia) irus (Lép. Lycénidé) vit dans l’Ouest de l’Amérique du Nord, du Canada à la Floride, en populations très fragmentées. Sa chenille se nourrit au printemps de lupins (pérenne et indigo). L’espèce a disparu de bien des endroits. On la rencontre désormais régulièrement sur les terrains militaires. L’armée y veille en effet, pour éviter des collisions avec ses aéronefs et autres véhicules, à maintenir une végétation pas trop rase ni trop haute, ceci par des feux contrôlés. Tondue trop courte, l’herbe attire les oies et les goélands, laissée trop développée, elle plaît aux dindes, chevreuils et coyotes. Les lupins ont juste la bonne taille. Ainsi au Camp Edwards (24 300 ha) à Cape Cod (Massachusetts), la population de Lutin givré a augmenté depuis les premiers comptages faits en 1969, indique Robyn Niver de l’U.S. Fish and Wildlife Service ; les exercices militaires exigent de grands terrains dégagés, qui sont des refuges précieux pour la faune. Il reste à définir un code de bonne conduite pour tous les militaires gestionnaires de bases. D’après « Rare butterfly thrives on, and because of, US military bases », par Mark Pratt. Lu le 2 juillet 2017 à /phys.org/news/ À (re)lire : « Vue en vie pour la première fois », Épingle de 2017, ci-dessous. 1196 M. Frelon asiatique dans un piège alliciant Comment en finir avec Vespa velutina (Hym. Vespidé), un envahisseur de l’Europe occidentale et de la Corée venu de Chine ? Sans concurrent ni prédateur, il se reproduit très vite et se répand, causant des dommages à l’apiculture. L’Abeille domestique européenne n’est en effet pas en mesure de résister à ses mandibules. Tous les moyens ont été essayés et certains promus à grand bruit, des appâts alimentaires maison à la poule en passant par le drone et les plantes carnivores*. James Nieh de l’université de Californie à San Diego (États-Unis) et ses collaborateurs de l’Académie des sciences chinoise et de l’université agronomique du Yunnan viennent de décrire la composition de la phéromone d’attraction sexuelle. La gyne (femelle) la produit par des glandes ventrales débouchant entre deux segments de son abdomen (6e membrane). Elle est composée surtout des acides 4-oxo-octanoïque et 4-oxo-decanoïque. Obtenu par synthèse, le mélange – avec les proportions naturelles - excite fortement les récepteurs antennaires des mâles. Présenté comme appât, il se révèle fortement attractif. Une découverte qui permettra d’améliorer la détection de la peste sur le front de l’invasion et peut-être d’en réduire les populations. Article source (gratuit, en anglais) Photo : mâles de Vespa velutina englués dans un piège appâté à la phéromone de synthèse (déposée sur la languette de papier blanc). Cliché Ping Wen. Sur ce site, de nombreux articles sur le Frelon asiatique, accessibles via l'outil de recherche (en tapant velutina). 1195 Inépinglable Un petit coléo noir japonais, courant, de 15 mm de long, Pachyrhynchus infernalis (Col. Curculionidé) est connu des collectionneurs comme la bête infernale, impossible à piquer. Son tégument est d’une dureté inégalée. Passé par les analyses génomique, transcriptomique et fonctionnelle d’une forte équipe d’entomologistes, il vient de révéler un cas exceptionnel de symbiose. Il héberge, comme tous ceux de sa famille, des bactéries du genre Nardonella. Celles-ci ont un équipement génétique minimal, comme chez des symbiontes des Homoptères. Elles ne sont guère capables que d’une seule production, celle de la tyrosine, un acide aminé. Chez la larve, les bactéries sont localisées dans un bactériome important, en forme de collerette autour de la valvule pylorique. Chez la femelle, on les trouve à l’extrémité des ovarioles. Si l’on prive (en la chauffant ou en la traitant par antibiotiques) la larve de ses Nardonella, elle se métamorphose en un imago rougeâtre et mou. Le symbionte est donc indispensable à la formation de la cuticule très dure. L’analyse de l’ARN de l’hôte a révélé des gènes d’aminotranférases exprimés dans le bactériome, qui pallient l’équipement incomplet de la bactérie pour la synthèse de la tyrosine. Si on les désactive, l’imago émerge mou et rougeâtre. Le symbionte et l’insecte se complètent donc pour réaliser une cuticule bien sclérotisée. Article source (gratuit, en anglais) Photo d’un spécimen de Pachyrhynchus infernalis sur une paillette. Et aussi, le terraformar Pachyrhynchus infernalis… intransperçable. 1194 Animal + machine Les unes ont un savoir-faire, les autres un pouvoir-faire ; en les faisant œuvrer ensemble, on améliore l’accomplissement de la tâche. Celle-ci, telle que définie par Bertrand Collignon, de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse) et adressée à des fourmis (les unes susdites) et à des robots (les autres) mobiles, voyants et communicants, consiste à rapporter du sucre en un lieu appelé « nid ». Ceux-ci sont de simples engins éducatifs bon marché et bien gros, des « Thymio » (développés à l’EPF) reprogrammés pour rouler en suivant optiquement les fourmis dans leurs déplacements. Les ouvrières repèrent le morceau de sucre, l'atteignent mais n’en rapportent que des fragments minuscules. Le Thymio démarre, alerté par le nombre soudain élevé d’individus quittant le nid. Il suit le mouvement collectif, prend le morceau et le livre au nid. Cela rappelle l’association homme animal de bât mais ici, personne n’obéit à l’autre. Chaque élément de ce « système cyberbiologique » agit avec ses propres règles et l’association a une efficacité qu’aucun des deux ne peut approcher. Dans le même domaine, il faut rappeler le programme européen LEURRE, pour lequel les petits robots mobiles ont été créés. Les blattes lâchées dans une arène se regroupent sous une plaque qui fait ombre ; avec parmi elles des robots, programmés pour rechercher la lumière, elles s’agglutinent sous la lampe, serrées contre eux. Outre son intérêt théorique, ce type de recherche cyberentomologique pourrait déboucher sur des engins pacificateurs automatiques qui, au milieu d’un élevage de poussins, agiraient de façon à éviter les paniques… D’après « Robotic bugs train insects to be helpers », lu le 4 octobre 2017 à //horizon-magazine.eu/ LEURRE a été évoqué en 2006 à propos du « grouillomètre » dans Entomologie et informatique. Photo – cliché B. Collignon. | Insectes : l'hécatombe invisible, par Audrey Garric. Le Monde, 28 octobre 2017. (abonnés) Quand des punaises d’eau aident à mieux comprendre les processus évolutifs. CNRS, 17 octobre 2017. [Rhagovelia spp., Hém. Véliidés] En trente ans, près de 80 % des insectes auraient disparu en Europe, par Stéphane Foucart. Le Monde, 18 octobre 2017. L’abeille dans un monde virtuel. CNRS, 16 octobre 2017. « Infectiologie (1). Épidémiologie. La notion parasitaire en Égypte ancienne (1), les insectes », « Les mouches » et « Les asticots », par Richard-Alain Jean, 2014. Histoire de la médecine en Égypte ancienne. La reine des fourmis enterre les corps pour éviter les infections, par Jacqueline Charpentier. Houssenia writing, 13 octobre 2017 Madagascar : Découverte d’un scarabée dont la lignée remonte à 206 millions d’années, par Jacqueline Charpentier. Houssenia Writing, 5 octobre 2017. [Heterogyrus milloti, Col. Gyrinidé] | |
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1193 En 1 clic Il ne lui en faut pas plus pour résoudre le problème qui tarabuste les constructeurs de robots andromorphes (ou cynomorphes) : comment faire se remettre debout un engin qui s’est cassé la figure (la gueule dans le second cas) ? Un androïde rutilant gigotant désespérément sur le sol et sur le dos est un spectacle rigolo mais navrant. Lui est le taupin. Pas l’élève de taupe, prépa qui conduit possiblement à Polytechnique. Mais un Coléoptère Élatéridé, connu aussi comme maréchal ou toque-marteaux. S’il lui arrive de se retrouver sur sur le dos, il se projette en l’air en décoinçant brusquement une épine insérée dans une fossette, tout l’appareil étant situé sous le thorax qui est articulé. Ce faisant il émet un clic, son qui rappelle celui du marteau du maréchal-ferrand. Le fait est connu de tous les entomologistes, même les élèves, depuis très longtemps. Il a attiré très récemment l’attention d’un quarteron de roboticiens états-uniens de l’université de l’Illinois, qui ont entrepris de l’examiner très profondément en filmant des taupins de diverses espèces (Alaus oculatus, Ampedus nigricollis, Ampedus linteus et Melanotus spp.) dans leurs œuvres. Le visionnage pas à pas des vidéos, l’interprétation des clichés de tomographie des petits acrobates et les résultats des modélisations mathématiques devrait permettre à notre équipe d’avancer dans la mise au point d’un système « bio-inspiré » de remise sur pied des malheureux humanoïdes chus. Travail présenté au dernier congrès Living Machines 2017, tenu à Stanford en juillet 2017. D’après notamment « These bugs might solve the problem of robots that fall and can't get up », par Brian Stauffer. Lu le 25 septembre 2017 à //mashable.com/ Photo : Imago de Taupin des jardins Athous haemorrhoidalis. Cliché André Karwath. À (re)lire : Ils sautent, par Alain Fraval. Insectes n° 167 (2012-4). NDLR : le nom de taupin vient de la larve, souterraine et coupe-racines, dite fil de fer ou ver jaune, détestée des agriculteurs. 1192 La petite chienne qui crie au loup Les chenilles (étymologiquement petites chiennes) ne sont pas toutes muettes. J’ai appelé campophonies* leurs productions sonores. Celles-ci sont peu étudiées et c’est tout récemment que la signification des couinements émis par la larve du Sphinx du noyer Amorpha juglandis (Lép. Sphingidé nord-américain) a été précisée. Dans une communication présentée au congrès mondial des zoo-acousticiens réuni à Omaha (Nebraska, États-Unis) en juillet 2017, Jessica Lindsay et Erick Greene ont montré que la chenille, menacée par des oiseaux insectivores, imite le cri de leurs prédateurs aviaires. Au lieu de becqueter la chenille, le campophage à plumes va se mettre à couvert dans les buissons. C’est le premier cas de ce genre découvert chez les insectes. On croyait jusque-là à un simple signal d’effarouchement direct destiné aux prédateurs. Photo de la chenille de Sphinx du noyer. Cliché J. McCormac. D’après « This Caterpillar Whistles While It Irks », lu le 28 juillet 2017 à www.the-scientist.com/. * Campophonies, par Alain Fraval. Insectes n° 146 (2007-3). À (re)lire l’Épingle de 2013, Elle refoule des goulots. 1191 Le sacrifice des vierges Dans le monde animal, à part chez les oiseaux et les mammifères, les parents nourrissent rarement leur progéniture. On connaît les insectes sociaux et quelques groupes ou espèces – voir ici et là – où la mère (très très rarement le père) protège et nourrit ses rejetons une fois éclos. Tout à fait exceptionnels sont les cas où la mère se livre en pâture aux larves qu’elle a enfantées - ceci pour leur assurer un bon départ dans la vie. Citons comme matriphages, outre des pseudoscorpions, les araignées Stegodyphus et Seotyra (Aran. Érésidé), Amaurobius ferox (Amoraobiidé) et Diaea ergandros (Thomisidé), entre autres, et chez les insectes le perce-oreilles Anechura harmandi (Derm. Forficulidé) et Micromalthus debilis (Col. Archostemate Micromalthidé) – cf in Insectes n° 186. Stegodyphus dumicola vit en Afrique du Sud, en milieu aride. C’est une araignée eusociale qui attrape ses proies au moyen d’une toile non adhésive donc pérenne. Plusieurs générations se succèdent et le nid finit par former une boule imposante, peuplée d’individus fortement apparentés. À l’intérieur, les larves nouveau-nées sont prises en charge par les mères (jusqu’à se faire cannibaliser par elles) et aussi par les femelles vierges de la communauté, qui s’en occupent comme de vraies mères, leur régurgitant de la nourriture. Ces araignées ne s’accouplent qu’une fois et beaucoup de femelles restent infécondées. Une équipe germano-danoise a mis en observation 192 lots d’adultes comportant 3 femelles vierges et 2 accouplées, chargées de produire un sac ovigère. Ont été notées les attaques et les régurgitations, ainsi que le devenir des nourrices. Résultat : les vierges comme les mères alimentent maternellement les aragnettes nouveau-nées et dans 35 et 25 % des cas, finissent ponctionnées par celles-ci. Il faut sans doute un complément nutritif à ces habitantes du désert, avant qu’elles subviennent par elles-mêmes à leurs besoins. Il reste une inconnue. Une étude précédente a montré qu’une mère de cette espèce, dès le tissage du sac ovigère, subit des modifications physiologiques qui la « liquéfient » intérieurement, la rendant plus facile à ponctionner par les nouveau-nées. Qu’en est-il chez les vierges ? Article source (gratuit, en anglais) 1190 Polyéthylènophage ? la Fausse Teigne de la cire Galleria melonella (Lép. Pyralidé) ne digérerait pas le polyéthylène, comme l’avait indiqué un article de Current biology paru le 24 avril 2017, épinglé ici. Dans la même revue, des chercheurs allemands de l’université Johannes Gutenberg de Mayence, contestent la méthode et les conclusions de leurs collègues, rapportant qu’ils ont obtenu le même degré de dégradation du plastique avec un mélange de jaune d’œuf et de hachis de porc. L’élimination entomologique des sacs plastiques ne serait pas pour demain. Article source : DOI: 10.1016/j.cub.2017.07.004 Photo : chenille de Fausse Teigne de la cire. 1189 Mélange des genres Le 14 septembre 2017 a eu lieu, à Harvard et dans la joie, la cérémonie de remise des prix IgNobel. Les lauréats se sont distingués, aux yeux du jury, par des travaux de recherche fortement improbables mais rigoureusement sérieux. Le prix de biologie a récompensé, encore une fois, des entomologistes. Kazunori Yoshizawa, Rodrigo Ferreira, Yoshitaka Kamimura et Charles Lienhard (Japon, Brésil et Suisse) ont en effet découvert un pénis féminin et un vagin masculin sur des psoques Prionoglarididés cavernicoles du genre Neotrogla. Cette trouvaille fut en son temps – avril 2014 - signalée sur cette page, colonne À cliquer. L’article du Monde est toujours en ligne. Article source (gratuit, en anglais) à (re)lire : l’Épingle saluant les Prix IgNobel de 2016 : Blanc et noir. 1188 L’excitation sexuelle dispense de sommeil En effet, il n’y a nul besoin de siestes supplémentaires pour rattraper 24 heures sans dormir. Précisons : l’excitation et pas l’acte. Et chez les mâles, pas les autres. Spécifions encore : chez la Mouche du vinaigre et pas chez le myaologue. Des chercheurs de l’Imperial College de Londres (Royaume-Uni) ont enfermé dans des tubes un mâle avec une femelle vierge ou avec un autre mâle. Ceci sous l’œil d’une caméra branchée sur un logiciel d’actographie perfectionné. Dans les deux cas, le mâle ne peut pas s’assoupir. Au départ, la femelle l’excite, il lui fait la cour, elle consent, il l’honore. Une fois seulement, après quoi elle ne veut plus rien savoir. Ce qui ne décourage pas l’ex de s’exciter et de lui faire la cour, tout au long des 24 heures de l’expérience. Au delà, le mâle susdit vaque à ses occupations, frais comme un gardon. Son collègue de manip, qui a dû supporter son colocataire, s’engage dans une série de sommes réparateurs. D’ailleurs, il n’y a pas besoin de femelle : les traces de sa phéromone suffisent. Le besoin de sommeil est gouverné par le rythme circadien, réglé sur le nycthémère (alternance du jour et de la nuit) et par l’homéostasie (le maintien de conditions physiologiques normales). Les chercheurs ont trouvé là une régulation du sommeil qui ne fait intervenir que le cerveau. Ils précisent que leur résultat n’est pas applicable tel quel à l’Homme. Sur lui, un tel travail de recherche est très peu envisageable. S’ils ont pu utiliser l’interprétation automatique des faits et gestes de milliers de mouches, ils devraient se contenter des déclarations de leurs congénères. D’après « Sexually aroused male flies unable to sleep after close encounters with females », lu le 12 septembre 2017 à //phys.org/news/ Photo : Drosophila melanogaster in copula. Cliché Solvin Zankel. 1187 Très feignantes mais pas inutiles L’expérience - c’est de l’actographie - se déroule sous une vitre, où sont disposés de petits grains de sable et de la nourriture. Chaque ouvrière est peinte d’un point sur la tête, un autre sur le thorax et 2 sur l’abdomen ; elle est donc parfaitement identifiée. Une caméra surveille d’en haut et un logiciel ad hoc enregistre les activités de chacune. Daniel Charbonneau et ses collaborateurs (université de l’Arizona, États-Unis) analysent et rédigent la publication. Les fourmis en perdent encore plus leur image de parangons de l’activité industrieuse. Chez les Temnothorax rugatulus (Hym. Myrmiciné), espèce d’altitude nord-américaine étudiée ici, 4 sur 10 ne font rien du tout. Tout juste ces réfractaires au travail consentent-elles à l’occasion à toiletter vite fait une consœur ou à nourrir une larve. Elles se portent bien, montrent une légère obésité et n’ont rien de bonnes à rien, intellectuellement parlant. À quoi servent-elles à la société ? Si l’on retire de la colonie artificielle 20 % de ces oisives, il ne se passe rien, elles ne sont pas remplacées, alors que les ouvrières actives éliminées le sont au bout d’une semaine, des flemmardes ayant pris leur place et leur boulot. Ces individus indolents servent donc de réserve de main-d’œuvre, pour effectuer le cas échéant les tâches prioritaires pour la colonie : approvisionnement et soins au couvain. Autre fonction très probable, moins utile : servir de réserve collective de nourriture en mettant leur jabot au service de la société en cas de besoin. Reste peu vraisemblable un rôle de relais dans le réseau social d’échange d’information dans la fourmilière. Article source (gratuit, en anglais) Photo de fourmis marquées. Cliché D. Charbonneau. À (re)lire les Épingles Paresse ouvrière et Exploiter et défendre 1186 Des patineurs interpellés Ho ! Ho ! Hé ! Hé !, etc. Un campeur californien, au bord d’un étang, interpelle ce qu’il pense bien être des insectes posés à la surface de l’eau. À chaque apostrophe, lesdits insectes répondent en chœur et en faisant des ronds autour d’eux. Ouh ! Ouh ! Notre campeur se réjouit et finit par aboyer (à moins que ce soit son chien), l’entomofaune n’a pas l’air de se fatiguer et l’onde étale est joliment et sinusoïdalemement troublée à chaque interjection. Earth Touch News, qui rapporte le phénomène comme hypnotique, a fait appel à des experts en entomologie. Pour l’heure, il est très probable que le campeur ait agité la population des patineurs, alias araignées d’eau, alias ciseaux, alias tic-tics… plus scientifiquement appelés gerris (Hém. Gerridés). Des punaises zoophages qui marchent sur l’eau sur deux bulles d’air retenues par la griffe du tarse de leurs pattes médianes et dirigés par leurs pattes arrière en gouvernail. Pourquoi cette complaisance vis-à-vis de notre campeur ? Peut-être les patineurs croient-ils distraire ainsi, non les lecteurs de cette nouvelle, mais des prédateurs aviaires. D’après « Synchronised rippling: Water bugs respond to man's voice in mesmerising display », lu le 7 septembre 2017 à www.earthtouchnews.com/ Vidéo Un petit film pédagogique sur le gerris 1185 Bandit de petit chemin Notre Fourmi noire des bois Lasius fuliginosus (Hym. Formiciné) est parmi les fourmis les plus circulantes. Les ouvrières parcourent sans cesse leurs chemins, marqués à la phéromone de piste émise par l’intestin postérieur, pour ravitailler le nid. Omnivores, elles exploitent beaucoup le miellat des pucerons et autres Homoptères dont elles usent comme aliment sucré (classique) mais aussi comme colle et milieu de culture pour un champignon symbiotique, pour l’assemblage de leur nid en carton. Ce trafic attise la convoitise de staphylins (Col. Aléocharinés) kleptoparasites, qui vivent de rapines exercées sur les transporteuses de miellat, de cadavres et qui les croquent à l’occasion. Ce transport est aussi la ressource principale d’Amphotis marginata (Col. Nitidulidé), autre routier, dont les exactions ont été repérées en 1892. Depuis 1967, les recherches ont repris et Bert Hölldobler et Christina L. Kwapich (université de l’Arizona, États-Unis) viennent de publier une étude précise sur le brigand, observé avec ses victimes dans des formicariums et en nature en Allemagne. A. marginata passe la journée caché à proximité de la piste, surtout près de l’arbre aux pucerons. C’est la nuit (à la belle saison) qu’il opère. Il s’approche d’une ouvrière, la tapote avec ses antennes et ses pattes avant. La fourmi lui lèche vite fait le museau et le crâne (où d’une glande spéciale sourd un liquide potentiellement attractif) après quoi il presse ses mandibules contre celles de la fourmi qui, alors, lui donne une grosse goutte de miellat, régurgitée de son jabot social. Le siphonneux obtient 1,8 fois la quantité reçue par une consœur. Et ne partage jamais son butin, ni avec une pauvre fourmi ni avec un confrère. Le plus souvent, la fourmi ne s’arrête pas et le piétine : le pirate ne réussit son coup qu’une fois sur cinq, ne prélevant qu’un quart de la charge de miellat transportée. De temps en temps, une fourmi ne se laisse pas avoir et réalise que le coléo est un arnaqueur. Elle l’attaque. Le bandit se plaque alors sur le substrat, rentre ses appendices sous ses élytres, s’agrippe avec ses griffes tarsales et se révèle ainsi irrenversable par son attaquante. A. marginata ne sollicite pas que la Fourmi noire des bois mais le rendement est très faible et la tentative peut se révéler fatale : les ouvrières de Camponotus ligniperdus le mettent sur le dos et en pièces. Le style de vie unique de l’imago de ce nitidulide une fois connu, il reste à découvrir où et comment se passe sa vie larvaire. Article source (gratuit, en anglais, avec une vidéo) Photo |
ge | La punaise réticulée ou le tigre du chêne - Découverte d'un nouvel insecte identifié sur chêne dans la région de Toulouse : Corythucha arcuata. Santé des forêts, 18 septembre 2017. À (re)lire : De quelques tigres, par Alain Fraval. Insectes n° 140 (2006-1). Le piège du fourmilion expliqué, par Clément Dufrenne. Pour la science, 17 septembre 2017. et La physique et la fourmi. Sciences Ouest, 331, mai 2015. À (re)lire : Le fourmilion, génial inventeur de l'entonnoir, par André Lequet. Insectes n° 154, (2009-3). Un monde sans abeilles se prépare, par Vincent Albouy. Nature ordinaire, nature extraordinaire, 15 septembre 2017. Un papillon peut en cacher un autre, par Nathaniel Herzberg. Le Monde (abonnés). 5 septembre 2017. [Caeruleuptychia, Lép. Nymphalidé] La Grande Guerre et son étrange fascination pour les insectes, par Rachel Murray. The Conversation, 4 septembre 2017. |
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1184 Les ouvrières tisserandes engraissent... …leur arbre. Les fourmis ne se contentent donc pas de favoriser leurs plantes-support et nourricières en éliminant ou en éloignant les insectes phytophages : elles leur fournissent, dans certains cas, un complément nutritionnel sous forme d’engrais foliaire. Les fourmis tisserandes occupent la couronne des caféiers, y vivent sans descendre au sol, y cousent les feuilles pour construire leur nid en se servant d’une larve comme navette fileuse, s’y alimentent de ce qu’elles trouvent comme insectes peu rapides, déposent leurs excréments liquides riches en acides aminés et en urée sur les feuilles et les bourgeons partout sur leur territoire. Une équipe de l’université d’Aarhus (Danemark) vient d’établir que les caféiers où sont installées des Fourmis tisserandes vertes Oecophylla smaragdina (Hym. Formiciné) poussent mieux que des arbres identiques qui en sont dépourvus. Leur dispositif expérimental : un caféier (en pot) central avec une colonie de fourmis (issue d’élevage, de quelques milliers d’individus) marquées à l’azote 15 radioactif, des caféiers autour dont certains sont reliés au précédent par des ponts suspendus. L’azote marqué est bien transporté et déféqué par les ouvrières. Les arbres visités ont une fitness (mesurée par l’accroissement de leur masse) augmentée. En enveloppant des feuilles de manière à les isoler des déjections des fourmis, nos entomologistes ont montré que l’azote 15 s'y retrouve. L’engrais foliaire circule bien dans le végétal. Un cas nouveau de supplément nutritif apporté par les fourmis aux arbres, en plus de ceux bien connus des fourmis à domaties et des fourmis souterraines engraissant le sol autour de leur fourmilière. Photo : individu en position d’intimidation. Cliché Alex Wild. Article source : DOI: 10.1111/1365-2745.12841 Texte à épingler à l’article « Les excréments des insectes, » par Alain Fraval. Insectes n° 183 (2016-4). À (re)lire l’Épingle Filtrage et l’article À la recherche du kroto, par Nicolas Césard. Insectes n° 132 (2004-1). |
Le microbiote des larves de moustiques joue un rôle dans la capacité des insectes adultes à transmettre des pathogènes humains. CNRS, 31 août 2017. Comment les abeilles apprennent du sol au plafond ! CNRS, août 2017. Le chien, meilleur ami du scarabée pique-prune, par Anne-Sophie Tassart. Sciences et Avenir, 31 août 2017. [Osmoderma eremita, Col. Scarabéidé] |
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1183 Le désert dans le boyau Tout le monde a son microbiote – qu’on appelait il n’y a pas si longtemps la flore intestinale – composé, chez l’entomologiste, de quelque 40 milliards de micro-organismes (jadis microbes), soit un petit peu plus que l’effectif des cellules qui le composent. Ce microbiote joue un rôle essentiel chez beaucoup d’insectes, à qui il permet notamment d’exploiter des nourritures carencées ou résistantes à ses enzymes (sang, sève, matière végétale…) en produisant enzymes et vitamines. On vient de découvrir – avec surprise - qu’un groupe important d’insectes échappe à cette généralité et digère feuilles, tiges et bois tout seul. Tobin Hammer, doctorant à l’université du Colorado (États-Unis), a entrepris avec ses collaborateurs d’examiner le supposé microbiote des chenilles phytophages, un élément très mal connu chez un ordre très étudié. L’équipe a recueilli 185 lots échantillons de crottes de chenilles dans 5 États états-uniens et au Costa Rica, ainsi que des excréments d’autres animaux vivant sur ces sites. Résultat, obtenu par les techniques de la métagénomique : il y a 50 000 fois moins de bactéries et champignons chez une larve de Lépidoptère que chez tout autre animal. Le rôle des quelques microbes trouvés, probablement présents sur la plante et ingérés en même temps, reste inconnu, à part celui de pathogènes éventuels. Des chenilles de Sphinx du tabac Manduca sexta (Lép. Sphingidé) élevées sur du feuillage traité par un antibiotique se sont développées normalement, jusqu’au papillon. Un régime qui est catastrophique pour d’autres phytophages. On a quelques indications sur la flore intestinale des papillons. Elle est plus riche que celle des larves mais on ignore à quoi elle peut servir à l’imago. Ce « désert » biotique est sans doute favorisé par un tube digestif simple, une acidité marquée et un transit rapide, caractéristiques des Lépidoptères, lesquels possèdent l’équipement suffisant pour digérer et détoxifier la nourriture végétale. Les chenilles ne devraient pas être seules à illustrer ce mode de vie « indépendant » avantageux. Article source 1182 Des champignons repoussent C’est le cas notamment des psilos (Psilocybe spp.), qu’on trouve près des bouses de vache sur des sols très acides, et qui se reconnaissent à leur petite taille (2,5 cm) et à leur chapeau visqueux surmonté d’un mammelon. Un peu repoussants, ils sont pourtant activement recherchés, par des jeunes en quête d’un moyen de transports (psychédéliques mais dangereux) – la psilocybine qu’ils contiennent a en effet des propriétés enthéogènes et hallucinatoires – et aussi médicales, d’où les travaux actuels. À l’université de l’Ohio (États-Unis), une équipe menée par Jason Slot vient d’identifier le groupe de gènes responsable de la synthèse de la psilocybine, en comparant les génomes de 3 espèces de Psylocybe et de 3 champignons non hallucinogènes. Il en ressort que la présence de ces gènes dans des espèces distantes est issue de transferts horizontaux, phénomène très rare chez les champignons pour des gènes qui codent pour des métabolites non essentiels à leur survie. Quel peut être le rôle de la psilocybine pour le champignon qui la fabrique ? L’hypothèse des auteurs de l’étude est qu’ils repoussent les Hexapodes mycophages – Collemboles et Coléoptères - et les fait échapper aux mandibules des nombreux croqueurs de carpophores qui vivent dans les milieux humides où ils poussent. D’après notamment « Magic mushroom chemical may be a hallucinogenic insect repellent », par Josh Gabbatiss. Lu le 23 août 2017 à www.newscientist.com/ À (re)lire : Insectes mycophages, par Remi Coutin. Insectes n° 138 (2005-3). 1181 Un coupeur de nattes à 6 pattes Un vendredi soir, à Solanki (près de Bombay, Inde), Poonam Yadav, prépare le repas, seule. Elle sent sa tête la démanger, comme si quelque chose marchait sur son crâne, et tombe dans les pommes. Ses enfants la retrouvent par terre, sa natte à côté d’elle. Depuis, elle ne peut plus se tenir debout et sa tête éclate. La terreur gagne le quartier, les enfants qui vont encore à l’école ont la tête serrée dans une étole. Plusieurs femmes seraient mortes dans le quartier suite à de pareilles agressions. L’analyse des circonstances exclut l’œuvre d’un coupeur de nattes (fétichiste) et fait fortement soupçonner des extra-terrestres. Puis une créature est repérée, qui gît par terre non loin de là. Sa photo fait le tour de WhatsApp. Un insecte jamais vu, plus gros qu’une blatte, et encore vivant après qu’un vélo lui a passé sur le corps. On lui présente des cheveux. Il refuse obstinément de les manger. L’accident de la route a coupé l’appétit au trichophage ou s’agit-il d'un cas de syndrome de Münchhausen ? D’après « Mumbai : The curious case of the mysterious hair chopper », par Kusumita Das. Lu le 20 août 2017 à www.mid-day.com/ Photo de la créature PS : Même phénomène ailleurs, où l’insecte des rumeurs ressemble très fort à une courtilière, à un lucane, à une grosse punaise aquatique comme ci-dessus. Au Rajasthan, les responsables sont des fantômes. 1180 Ils sentent si bon, les moribonds... ...en tous cas ceux qui vont mourir d’une septicémie à Pseudomonas entomophila, que rien que de goûter à leurs chiures, on se sent d’humeur à mettre en route plein d’asticots (car on est une Mouche du vinaigre - adulte) et on le fait joyeusement et activement. Mais le résultat (qu'on ne veut pas savoir) est qu'on va crever pareil, d’abord pourrir… Ces drosos asthénophiles (ou pathéphiles ou subnécrophiles, excitées sexuellement par des faibles, des malades, des subclaquants) à l’occasion tombent dans un piège, tendu par la bactérie. Laquelle réunit ainsi, certes dans la griserie de l’amour, de nouveaux hôtes potentiels chez qui elle proliférera. Pourtant, les drosophiles perçoivent à leur odeur la présence d’agents pathogènes et évitent de pondre à côté – en général. Dans ce cas, étudié par des chercheurs de l’institut Max-Planck à Iéna (Allemagne) et de l’université Cornell (New-York, États-Unis), la perception de l’odeur engendrée par l’exploitation du corps des congénères – et même ceux d’autres espèces proches – par la bactérie provoque une surproduction d’hormones intervenant dans l’activité génésique (methyl laurate, methyl myristate, et methyl palmitate...). D’où une promiscuité fatale. Infectée, la drosophile émet 20 à 30 fois plus de phéromones, ce avec un pic juste avant de succomber. Le même phénomène est constaté chez 9 autres espèces de Drosophila et chez Aedes aegypti (Dip. Culicidé). Les chiures des moucherons infectés sont beaucoup plus visitées et la femelle malade suscite bien plus d’avances de la part de mâles sains. La transmission de malade à saine se fait par ces crottes, à preuve la détection dans celles-ci de bactéries génétiquement modifiées, phosphorescentes. Un cas de manipulation d’insectes de plus. Article source (gratuit, en anglais) À (re)lire : Le Chlorion et autres manipulateurs, par Alain Fraval. Insectes n° 163 (2011-4). 1179 Entomoproxémie L’étude des façons d’occuper l’espace face à des congénères, l’évaluation des distances interpersonnelles, ressortissent à la proxémie, discipline vieille de quelques décennies. Elle a été récemment appliquée aux insectes, en l’espèce à l’insecte modèle couteau suisse, la Mouche du vinaigre Drosophila melanogaster. Anne Simon et son équipe, de la Western University (Ontario, Canada), ont recherché quel neuromédiateur – possiblement la dopamine - régule la taille de l’écart qu’un individu maintient avec un congénère et si ceux-ci sont sensibles aux traces qu’ils laissent de la phéromone de stress (dSO). Des travaux précédents ont établi que la vision et l’expérience interviennent mais qu’aucune substance volatile ne joue de rôle évident. La locomotion de lots de drosos génétiquement modifiées, avec des taux variés d’enzymes intervenant dans l’homéostasie de la dopamine, a servi de paramètre discriminant. Il ressort des expériences que la dopamine affecte le comportement uniquement de jour, différemment selon le sexe, le tissu affecté et le type de traitement. Elle n’influe pas sur l’évitement de la dSO, qui doit être régulé par d’autres neuromédiateurs. En gros, les mouches supplémentées en dopamine se tiennent proches les unes des autres, celles avec des taux réduits s’éloignent. Notre comportement face à quelqu’un diffère selon notre culture et les circonstances (par exemple rapprochement accentué au sud et avec des familiers). L’hormone de la récompense pourrait intervenir aussi. Ces recherches devraient profiter à l’amélioration du sort des personnes atteintes de troubles des relations interpersonnelles, autistes et schizophrènes. Article source : DOI: 10.1098/rsbl.2017.0369 Photo : drosos groupées. Cliché Anne Simon. 1178 Faire la cour en famille La compétition entre mâles pour la copulation et la fertilisation est souvent néfaste aux femelles. Selon la théorie de la fitness inclusive, les femelles souffrent moins si les mâles qui se la disputent sont apparentés, leur succès reproducteur (fitness) est augmenté ; ceux-ci, globalement, y gagnent indirectement. Les chercheurs, dans le but d’étayer la théorie, ont mené des expériences de mariages entre mouches du vinaigre Drosophila melanogaster, avec des résultats divergents. Le travail de Sally Le Page et de ses collaborateurs, à l’université d’Oxford (Royaume-Uni), a suivi un protocole amélioré, permettant de séparer les effets éventuels de la familiarité des asticots, élevés ensemble, de ceux de la parenté de mâles frères. À des femelles vierges ont été présentés – et laissés libres de laisser cours à leur instinct - 3 mâles inexpérimentés eux aussi. Les mâles étaient des frères élevés ensemble, des frères séparés à l’éclosion puis réunis après l’émergence, des frères « de lait » ou de parfaits étrangers ne s’étant jamais rencontrés durant leur vie larvaire. Les chercheurs ont observé leurs manèges jusqu’à la conclusion puis ont suivi les femelles, dénombrant les pontes et leur descendance vivante parvenue au moins jusqu’à un stade nymphal avancé. Tous les prétendants se sont comportés dans leurs approches de façon identique, pas plus gentils ni plus agressifs. Les femelles ont été plus fertiles et plus longévives lorsque courtisées par des mâles frères et qui furent asticots ensemble. La mise en évidence de cet effet porte un nouvel éclairage sur l’effet des relations sociales sur les animaux et la théorie de la fitness inclusive mais, précise l’auteur, si cette théorie explique certains avantages que retire l’Homme de vivre en groupes apparentés, il ne faut pas transposer à cette espèce les résultats de cette étude. Reste à préciser le rôle de cet avantage donné à la compétition entre apparentés, sélectionné par l’évolution, dans les populations de Mouche de vinaigre en nature, où il s’agit de proliférer sur des fruits pourris. Et à déterminer comment les individus se sentent apparentés, en faisant la part du microbiote et des hydrocarbures cuticulaires. Article source (en anglais, gratuit) Photo : accouplement de Mouches du vinaigre, par Amy Hong 1177 Dan et Rocky massacrent les moustiques Ça se passe quelque part aux États-Unis. Il fait chaud, les moustiques attaquent par myriades. Maléfiques créatures ! Pour leur malheur, Dan Rojas est un États-unien inventif. Fier et partageur, il présente sur You Tube (chaîne GreenPowerScience) sa machine à éradiquer les Diptères Culicidés, ceux dont les femelles sont avides de sang humain. Le dispositif est constitué de 2 gros ventilateurs munis sur leur face avant d’un morceau de grillage à mouches (amovible) et placés de chaque côté d’une niche en grillage à chien habitée par un chien vivant. Ce dernier répond au nom de Rocky. Qu’arrive-t-il aux funestes vecteurs de zika ? Attirés par le gaz carbonique émis par Rocky en respirant, ils s’engouffrent dans les ventilos et se font prendre dans le grillage. Ne reste plus à Dan qu’à asperger ledit grillage d’alcool dénaturé, garantissant aux malfaisants une murge d’enfer, c’est-à-dire instantanément mortelle. Les cadavres, recueillis sur un carton – jusqu’à 8 000 en 2 nuits, soit un plein bocal – sèchent rapidement et sont offerts, garantis dépourvus de tout résidu toxique, aux entomonécrophages du coin. La machine est ainsi parfaitement écolo [si l’on met de côté la consommation en courant et ce que coûte à la Planète la fabrication des croquettes]. Dan conseille aux non-propriétaires d’un chien coopératif de lui substituer une bouteille d’eau gazeuse ouverte et assure que Rocky n’a jamais été piqué. La vidéo (6 minutes, en anglais) 1176 Leurs entrailles, brouailles et tripailles C’est une première. La Noctuelle ponctuée, alias Leucanie orbicole, Pseudaletia (Mithimna) unipuncta (Lép. Noctuidé) et le Doryphore de la pomme de terre Leptinotarsa decemlineata (Col. Chrysomélidé) viennent de poser plus que nus, totalement transparents, pour des images en relief qui exposent en détail leur anatomie interne. Sortis du scanner, nos pionniers ont été replacés en cage et ont continué leur petite vie normalement, sans séquelles. Dans leurs épreuves de tomodensitométrie à rayons X, ils ont été découpés en tranches fines par un pinceau tournant très fin de rayons X. À la manière à peu près de l’entomologiste qui passe un scanner à l’hôpital. Ils ont reçu « seulement » 6 et quelques grays – loin de la dose employées pour la stérilisation – nettement supérieure à celle en usage pour un examen du susnommé (20 à 40 mGy). Ils résistent. Il leur fallait rester rigoureusement immobiles, extérieurement comme intérieurement, bien plus, soit pendant 7 heures. Le temps nécessaire à l’acquisition d’assez de données pour calculer tous les points d’une reconstitution virtuelle en 3 dimensions. La clé de la réussite de l’équipe d’entomoradiologues (de l'université de l'Ontario, États-Unis) fut la mise au point d’une entomo-anesthésie sûre, par le gaz carbonique délivré en continu à la bonne dose, assurant un sommeil profond. Désormais, grâce à ce procédé, les insectes en examen ne sont plus sacrifiés. La voie est ouverte à des études de suivi du développement, de l’action d’agents pathogènes et d’organismes parasites. Article source (gratuit, en anglais – avec images animées) Illustration : papillons mâles de Noctuelle ponctuée, en bas, le système trachéen. NDLR : le CO2 figure depuis longtemps dans la panoplie de l’entomologiste qui veut faire tenir tranquille un insecte sans l’estourbir. On envoie quelques bouffées à partir d’une bouteille ou quelques giclées avec une bombe dépoussiérante – mais attention à ne pas congeler le sujet. |
Après le passage de Harvey, des images de colonies flottantes de fourmis de feu émergent, par Luc Vinogradoff. Le Monde, 30 août 2017. [Solenopsis invicta, Hym. Formicidé] Les papillons des villes souffrent de consanguinité. 24 heures, 22 août 2017. Une étude révèle les secrets de fabrication des apiculteurs étrusques, par Nicolas Constans. Le Monde, 19 août 2017. Asticots et mouches, auxiliaires d'enquête, par Sandrine Cabut et Nathaniel Herzberg. Le Monde (abonnés), 14 août 2017. La problématique du hanneton en forêt - Bilan des connaissances acquises de 2013 à 2016, présentation en forêts publiques de l'Oise. DSF, 7 août 2017. [Melolontha melolontha, M. hippocastani, Col. Scarabéidés] L’odyssée d’une araignée australienne à travers l’océan Indien, par Pierre Barthélémy. Le Monde, 6 août 2017. [Moggridgea rainbowi] |
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1175 Les rats quittent le labo 50 £ le lot de 50 contre 7 à 30 € pièce. Le rat de laboratoire, cobaye pour de nombreux tests, va affronter là une concurrence solide et devra envisager de ne plus occuper que des emplois très spécialisés.Une perte d'emplois considérable. Nouvelle venue chez les pharmacologues, les infectiologues et les toxicologues, la chenille de la Fausse Teigne de la cire Galleria mellonella (Lép. Pyralidé). L’insecte est redouté des apiculteurs : il ravage les rayons des ruches (mal tenues), étant en effet capable de se nourrir de cire. On place en lui l’espoir de venir à bout des déchets de plastique car il digère, dans une certaine mesure, le polyéthylène. Mais la qualité principale qui devrait voir cette chenille prochainement embauchée en masse sur les paillasses, c’est qu’on est absolument indifférent à ce qui peut lui arriver. Une tête qui ne ressemble à rien et n’exprime pas plus, aucun cri, un cerveau si rudimentaire qu’elle ne souffre pas, et c’est juste un insecte (pas beau). En plus, ce n’est pas demain la veille que les législateurs réglementeront son usage. Tout pour se voir qualifier de prometteur biotest éthique. La firme britannique Bio Systems, jeune pousse de 2 ans d’âge fondée par Olivia Champion et Richard Titball (université d’Exeter), la commercialise sous le nom de TruLarv. Son slogan : efficace et éthique. La Fausse Teigne garde pour le moment un défaut : on ne connaît pas son génome. Le prix de 100 000 £ que le fabricant vient de gagner servira à financer la création de chenilles transgéniques, incorporant des gènes de méduse. D’après « Moth larvae testing firm wins grant » , lu le 27 juillet 2017 à www.eurekalert.org/ Photo : chenille de Galleria mellonella. À (re)lire : Polyéthylènophage, ci-dessous. NDLR : 1 £ = 0,8946 € (aujourd’hui). 1174 L’odeur de mante À l’université McGill (Montréal, Canada), Kile Eliott et ses collaborateurs ont terrorisé des drosophiles et fait ainsi décliner irrémédiablement de petites populations de ces mouches. Pour les terrifier, ils se sont servis de la larve de Tenodera aridifolia sinensis (Mant. Mantidé), connu pour semer la peur chez leurs proies phytophages – qui fuient quand elle apparaît dans leur milieu – au moyen des vibrations qu’elle imprime aux végétaux et surtout de son odeur. Les drosophiles inquiètes passent plus de temps à guetter et moins à manger et à copuler. Dans leur expérience, les lots de 4, 16, 80 et 160 drosos adultes (autant de mâles que de femelles), en phase de reproduction ou pas, sont mis en présence durant 4 jours d’une mante (non visible) ou de l’odeur de celle-ci, imprégnant le substrat. Sont mesurées pour caractériser le succès reproducteur, le nombre d’imagos émergents et le poids des femelles. La « présence » de la mante, quelque soit la phase reproductive, diminue les performances de reproduction des drosos, mais seulement dans les lots en faible densité. Un modèle mathématique basé sur la connaissance précise de la dynamique des populations de droso dans leur labo indique aux chercheurs que, sous l’effet de la peur, la population peut s’éteindre. Et ce avec un risque multiplié par 7. En effectif réduit, avec donc peu de concurrence pour les ressources, la population ne croît pas comme on pourrait s’y attendre mais s’effondre, sans rebond possible. C’est l’effet Allee, rapporté classiquement à la consanguinité, à la difficulté de rencontrer le partenaire sexuel, au plus grand risque de prédation, à l’absence de protection par les congénères ou, encore, à des activités humaines et, depuis la présente étude, au ressenti d’insécurité. Article source : DOI: 10.1098/rspb.2017.0878 Photo : adulte de Tenodera aridifolia sinensis 1173 Araignée singe fourmi Les fourmis sont un mets désagréable pour pas mal de leurs prédateurs. Elles piquent, mordent, ou activent leurs défenses chimiques tout en appelant leurs congénères à la rescousse. Il est donc intéressant, pour sa survie, de se faire passer pour une fourmi, en apparaissant comme fourmi aux yeux des observateurs par sa ressemblance de forme et/ou en imitant ses mouvements, comme le font d’inoffensifs syrphes (Dip. Syrphidés) vis-à-vis d’abeilles ou de guêpes. Les araignées, essentiellement prédatrices, sont peu armées pour la défense. On trouve chez elles de très nombreux cas de ce mimétisme batésien. Rien que chez les araignées sauteuses (Salticidés), le phénomène est apparu une douzaine de fois indépendamment au cours de l’évolution. Parmi les saltiques-fourmis (à l’allure de fourmis), Myrmarachne formicaria singe en plus la démarche d’une fourmi. Cheminant le long d’une piste marquée, les ouvrières (de Tetramorium comme de Lasius dans l’étude) balayent le terrain ; elles suivent une sinusoïde de longueur d’onde 5 fourmis et marquent de courtes pauses d’un dixième de seconde. M. formicaria suit exactement la même trajectoire, sur ses 8 pattes ; elle fait les mêmes arrêts, durant lesquels elle agite les 2 pattes avant à la façon des antennes de son modèle. Est-ce efficace ? Le test a requis l’intervention d’un prédateur généraliste, Phidippus audax, autre araignée sauteuse. On l’a confinée derrière une vitre, sous l’oeil de caméras, et on lui a fait regarder de courtes vidéos animalières sur un smartphone présentant la démarche ou certains mouvements particuliers de l’araignée mimétique, de fourmis et de saltiques non mimétiques. P. audax s’est ruée vers ces proies désirables, beaucoup moins sur les 2 premières actrices. Recherche menée, avec notamment des caméras à très haute fréquence de prise de vues, par une équipe de l’université Cornell (New-York, États-Unis). Article source : DOI: 10.1098/rspb.2017.0308 Illustrations : Allures et schémas de marche d’une saltique typique, de Myrmarachne formicaria et d’une fourmi, extraites de l’article ci-dessus. Photo de Myrmarachne formicaria ; photo de Phidippus audax. 1172 Les citoyens recensent les maux de la monarchie Parmi ces maux, en sus de la détérioration de ses résidences d’hiver, bien connue mais très mal combattue, on a à déplorer les attaques continuelles sur les rejetons royaux de tous âges, qui les plongent dans un état de lassitude et de décrépitude avant de les faire périr. Ces ennemis étaient bien mal connus avant le rendu tout récent des résultats d’une grande étude participative, le Monarch Larva Monitoring Project, conduite par Karen Oberhauser, de l’université du Minnesota (États-Unis). Depuis 1999, dans 1 300 sites, des citoyens lambda, des écoliers, collégiens, étudiants, etc., préalablement entraînés, ont élevé des chenilles de Danaus plexippus (Lép. Nymphalidé), le Monarque d’Amérique. Prélevés sur les asclépiades à l’état d’oeuf ou de larve, 20 000 spécimens en tout auront été mis en observation en cages grillagées. Ceci jusqu’à l’apparition (ou pas) d’un Diptère parasitoïde. Les 1 100 « mouches » ainsi collectées et aussitôt congelées sont parvenues aux entomologistes de l’université. À partir de 466 larves hôtes, ont été identifiées 7 espèces de tachinaires (Tachinidés) ; le taux global de parasitisme s’établit à 9,8 %, lequel est plus fort chez les chenilles âgées (jusqu’à 17%). Nilea erecta, Lespesia sp. et Leschenaultia n. sp. (espèce nouvelle pour la science) n’étaient pas connus comme parasitoïdes du Monarque. *Parmi ces tachinaires, on trouve sans surprise une espèce très polyphage, polyvoltine, Compsilura concinnata, introduite en 1906 depuis l’Europe comme agent de lutte biologique contre le Bombyx disparate Lymantria dispar (Lép. Érébidé), peste des forêts introduite auparavant aux États-Unis. Les taux de parasitisme constatés n’ont rien d’alarmant pour la survie des populations du Monarque. L’étude apporte des connaissances précieuses sur un insecte migrateur emblématique aimé, menacé surtout par la déforestation sauvage au Mexique et les pertes d’habitat au nord, dues à l’emploi de désherbants. Article source (gratuit, en anglais) À (re)lire : ...Une tachinaire trop zélée, par Alain Fraval. Insectes n° 144 (2007-1) et l’Épingle de 2009 Des nouvelles de la monarchie. Photo : cadavre de chenille âgée de Reine et pupe de tachinaire NDLR : le programme participatif MonarchHealth est consacré au recensement du parasite larvaire Ophryocystis elektroscirrha, un protozoaire néogrégarine du Monarque et de la Reine Danaus gilippus, qui affecte le taux sexuel : la proportion de femelles diminue. 1171 La formule des formidables pyramides On connaît les termitières cathédrales de 8 m de haut et de 70 000 fois la taille d’un termite ; on ignore comment les individus, qui n’ont aucune idée de la hauteur à laquelle ils se trouvent, arrivent à construire une tour stable. On ne sait pas non plus faire des petits robots autonomes (agissant en essaims) qui grimpent les uns sur les autres pour franchir une marche. Une équipe de myrmécologues de Georgia Tech (Atlanta, États-Unis) vient de montrer que des fourmis, agissant sans chef et en suivant des règles simples, sont capables de construire et maintenir des tours de franchissement d’une trentaine d’ouvrières de haut. L’espèce en étude, au talent repéré par hasard dans la nature, est la Fourmi de feu Solenopsis invicta (Hym. Myrmiciné), agressive et expansive. On la savait capable de constituer des radeaux vivants, ponts pour franchir des ruisseaux, constitué d’individus s’accrochant les uns aux autres par leurs tarses adhésifs. Les forces en jeu ont été évaluées à 2 fourmis (en poids). Des enregistrements vidéo, en temps réel et en accéléré, de fourmis normales ou radioactives, de tours construites au labo autour d’une tige verticale, il résulte que tout au long des 2 ou 3 heures du maintien en place de la pyramide, les fourmis bougent tout le temps. Elles grimpent, s’accrochent là où elles perçoivent un creux, puis rentrent dans la tour, dégringolent à sa base, s’en échappent par des tunnels et regrimpent. Au fur et à mesure que l’échafaudage gagne en hauteur, il s’élargit à la base et prend une allure de tour Eiffel. Les poids sont ainsi également répartis. Une ouvrière, capable de survivre au poids de 750 congénères, s’arrange pour n’en avoir que 3 sur le dos. Une avancée pour mieux comprendre les constructions animales et créer des structures bio-inspirées. Article source (gratuit, en anglais) Photos : pyramides expérimentales. À (re)lire : l’Épingle de 2007 Pour éteindre la fourmi de feu. 1170 Spike et Sally Si Sally est femme (biche, diraient certains) au foyer, Spike est artiste peintre, né et résident au Japon. Il est en passe de vendre sa première œuvre, mise aux enchères sur Twitter. Pour 300 € et espérons-le pour lui beaucoup plus, on peut commencer une collection de ce plasticien hors normes, original et créatif pour son âge, qui est de 6 mois. Son œuvre dessiné va s’enrichir, n’en doutons pas, au fur et à mesure que sa mécène, une professeure d’anglais, lui fournira feuille blanche et feutres de couleur, que le petit génie tient un par un entre ses mandibules hypertrophiées comme son sens de la composition et son souci de l’élégance du graphisme. Le message est clair : il faut protéger les lucanes. Et assorti d’un geste concret : une partie du produit de la vente ira à une association engagée dans ce but. Vidéo Fil Twitter Deux Épingles de 2007 à (re)lire : Arsticot ou Astico’art ? et Art trop pode sans oublier Knuth en fait baver aux mouches, par Alain Fraval. Insectes n°171 (2013-4). 1169 J’aime mon frère Ainsi parle le Doryphore de la pomme de terre pour peu qu’il soit en manque de feuilles de pomme de terre, ou d’autres solanées. Ravageur « historique », Leptinotarsa decemlineata (Col. Chrysomélidé) a cessé de nous menacer de famine mais il se manifeste encore localement. Aux États-Unis, il a provoqué, par exemple, près de 150 millions de dollars de pertes rien que dans le Maine. D’où un effort de recherche constant, d’autant que l’animal développe facilement des résistantes aux insecticides. Dernière piste explorée, celle du cannibalisme. Everett Booth, Andrei Alyokhin and Sarah Pinatti à l’université du Maine ont observé qu’au laboratoire, nos Coléoptères soumis au jeûne, à la surpopulation et au confinement passent au régime zoophage et se dévorent entre eux. Les nymphes sont boulottées avant les imagos, les mâles avant les femelles (ils ne sont sans doute pas meilleurs mais certainement plus petits), les blessés avant les intacts. Ils préfèrent même leurs frères (et sœurs, enfants, etc.) aux vers de farine. Il s’agit là d’une réaction tout à fait adaptée : ainsi quelques-uns peuvent survivre, au moins un temps, à une mauvaise passe au lieu de crever tous ensemble de faim. C’est un argument pour développer des pratiques de lutte culturale comme les rotations de cultures et l’offre de plantes-leurres attractives mais impropres à son développement – ce qu’on appelle « push-pull » dans le métier de phytiatre. Les doryphores s’y éteindront en famille. D’après « To protect crops, farmers could promote potato beetle cannibalism », lu le 27 juin 2017 à //phys.org/news/ Article source : DOI: 10.1111/1744-7917.12286 À (re)lire : Le Doryphore, un grand conquérant fatigué ?, par Alain Fraval. Insectes n° 120 (2001-1). |
Pourquoi les moustiques ciblent certaines personnes et pas d’autres. The Conversation, 20 juillet 2017. À (re)lire les épingles Podophilie et Puer des pieds. Étude de faisabilité du déploiement de l’industrie des insectes destinés à la consommation humaine au Québec, par Médhavi Dussault. Université de Sherbrook, janvier 2017. |
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1168 Apprendre vite et mourir jeune L’éducation est un fardeau. L’exercice intellectuel réduit la fitness. L’intelligence raccourcit les jours, etc. Des entomologistes de l’université de Guelph et de Londres, ainsi que d’Australie, viennent d’en apporter la première démonstration claire. L’apprenant chez qui on a mesuré le phénomène est le Bourdon terrestre Bombus terrestris (Hym. Apidé). 85 d’entre eux, naïfs, issus de plusieurs colonies, ont été entraînés à reconnaître des fleurs artificielles colorées associées au début à une récompense sucrée. Puis, grâce à des puces RFID collées à ces insectes costauds, la « carrière butineuse » de chacun a été suivie en extérieur jusqu’à sa mort. C’est le meilleur dispositif expérimental employé jusqu’ici, sur un sujet déjà pas mal travaillé sur divers animaux. Les bourdons ont montré une grande variabilité de leur faculté d’apprentissage et de leur activité de récolte, indépendante de leur provenance. Contrairement à ce à quoi on s’attendait, les bourdons à la comprenette réduite récoltent autant que leurs camarades d’expérience plus agiles du cerveau. Mais les bons apprenants meurent plusieurs jours avant les autres. Un QI élevé n’assure pas un meilleur fourragement ni à la colonie ni aux individus. Article source (gratuit, en anglais) 1167 Double langage Depuis la plus haute Antiquité, le Sphinx est un ravageur (de la Béotie initialement) à énigme. Qui la résout fait cesser les déprédations (et épouse Jocaste). Ce n’est peut-être qu’un mythe. De nos jours, le Sphinx du tabac Manduca sexta (Lép. Sphingidé) est un bio-agresseur : il s’en prend, en Amérique du Nord, aux Solanées cultivées (tabac, tomates) et sauvages, dont sa chenille dévore les feuilles. Le même, mais à l’état de papillon, fréquente les fleurs de ces plantes et les pollinise. C’est un bienfait pour l’hôte végétal et pourtant celui-ci use d’un stratagème pour se débarrasser des larves du Sphinx : dès les premiers coups de mandibules, il émet un signal chimique que les punaises entomophages Geocoris (Hém. Géocoridés) captent et décodent en « à table ! ». Les jeunes chenilles (et les oeufs voisins) sont promptement ponctionnés. Une forte équipe pluridisciplinaire de l’institut Max-Planck à Iéna (Allemagne) s’est consacrée à l’élucidation du mécanisme par lequel le tabac fait face au dilemme posé par le Sphinx, ennemi et auxiliaire. La substance-clé est l’(E)-α-bergamotène. La production de ce sesquiterpène est régulée par le gène NaTPS38. Le jour, émis par les feuilles, il attire les punaises exterminatrices des chenilles. La nuit, il est diffusé par les fleurs et dit au papillon « reste là un peu » ; en fait, il lui maintient le proboscis (la trompe) en extension plus longtemps dans la corolle. Il est reconnu par des sensilles chémoréceptrices de l’extrémité de cet organe. Des essais sous serre ont montré qu’il augmente effectivement le succès de la pollinisation. On a là un exemple de pléïotropie écologique – un seul gène détermine des phénotypes différents en commandant des fonctions distinctes d’une molécule – qui ne devrait pas être isolé. D’après, notamment, « Bergamotene – alluring and lethal for Manduca sexta », lu le 20 avril 2017 à www.ice.mpg.de/ 1166 Une société de nez Les fourmis peuvent se sentir ; elles sont donc eusociales. C’est l’enseignement, très brutalement résumé, de l’étude menée à bien par Daniel Kronauer, Waring Trible et Leonora Olivos-Cisneros, à l’université Rockefeller à New York (États-Unis) sur la fourmi Ooceraea biroi (Hym. Doryliné). Un travail qui a impliqué la création de la première fourmi transgénique. On savait le fonctionnement des sociétés d’insectes, où la reproduction est dévolue à un ou quelques individus et où les tâches sont effectuées par des individus stériles, sous la dépendance de gènes particuliers. Mais lesquels ? En effet, il s’est avéré très difficile et très laborieux de créer des fourmis génétiquement modifiées, chez qui tel ou tel gène serait inactivé et qui auraient leur comportement modifié en conséquence. Les oeufs sont fragiles et l’entomologiste ne vaut pas et de loin une ouvrière pour s’occuper du couvain. Il faut dans ces conditions de nombreuses générations pour constituer une toute petite colonie au laboratoire. D’où le choix d’O. biroi, une fourmi asiatique parthénogénétique sans reine, facile à élever. Chez elle, les individus se développent de façon synchrone et s’occupent du couvain – pendant 2 semaines – et de l’approvisionnement (au moyen de raids dans des fourmilières voisines) – pendant les 2 semaines suivantes. Chaque fourmi pond 6 oeufs à chaque séquence. Le génome de la fourmi a été modifié au moyen des célèbres « ciseaux » CRISPR. Au bout de 2 ans de tâtonnements. Après s’être rendu compte que l’oeuf émettait une phéromone stérilisant les imagos voisins, les chercheurs ont appris à isoler les individus, synchroniser les pontes et produire assez de matériel. Il aura fallu 10 000 tentatives pour parvenir à coller proprement un oeuf sur une lame, y injecter le matériel génétique et le conduire à l’éclosion. Des mois auront été nécessaires pour réussir à introduire les larves nouveau-nées dans une colonie (ça marche par groupes de 10) et faire en sorte qu’on s’y occupe d’elles. Ainsi a pu être créée une souche de fourmis privée d’une partie de son odorat, par désactivation du gène orco, essentiel pour le fonctionnement de chémorécepteurs antennaires. Les fourmis transgéniques, au lieu de rester tranquilles et groupées durant le premier mois de leur vie adulte, se déplacent sans cesse et ne suivent pas les pistes odorantes. Elles sont ainsi très handicapées pour vivre en société. Par ailleurs, elles ne pondent qu’un oeuf à chaque fois et ne vivent que 2 ou 3 mois, contre 6 à 8 pour les sauvages. Au niveau du cerveau, les terminaisons nerveuses des sensilles ne forment pas de glomérule, ceci à l’instar de ce qui se passe chez la souris soumise à la même modification mais contrairement à ce qu’on observe chez la drosophile. D’après, notamment, « World’s first genetically modified ants shed light on how complex insect societies evolved », par Elizabeth Pennisi. Lu le 8 mars 2017 à www.sciencemag.org/news/2017/03/ 1165 Le mâle lui fait mal Pas de rituel de cour chez la Bruche du niébé Callosobruchus maculatus (Col. Chrysomélidé). Après quelques semaines de vie larvaire passée à grignoter l’intérieur de la graine et une brève nymphose, l’imago émerge. Il a une dizaine de jours devant lui. Le mâle n’a qu’une seule chose à faire : grimper (par l’arrière et sans préambule) sur une femelle et la féconder. Il dispose pour accomplir son devoir d’un outil (les entomologistes l’appellent édéage) spécial, en ce qu’il est garni d’épines acérées sur sa partie distale (photo). La bruche femelle endure un moment, puis dégage l’amant vulnérant d'un coup de patte. Le détail du coït vient d’être précisé par Liam Dougherty et ses collaborteurs, de l’université d’Australie occidentale. Armé d’un microtomographe à rayons X, il a suivi la progression de l’édéage dans le vagin (image) jusqu’à au-delà de l’éjaculation et recensé les blessures infligées. Pour la science, plusieurs couples de 13 populations distinctes ont payé de leur personne, étant en effet brusquement congelés dans l’azote liquide pour observation des sujets immobiles. La durée de la copulation ne dépend pas de l’intensité des blessures. Celles-ci ont été déjà infligées avant que madame jette monsieur, quand elle a perçu le sperme. Si celui-ci est gros, il tient en place moins longtemps : son éjaculat plus volumineux a donné le signal de la séparation plus tôt. Une évolution rapide semble à l’œuvre chez la bruche, avec une course à l’équipement : les mâles se dotent d’épines plus longues tandis que les femelles ont la paroi chitineuse du vagin qui s’épaissit. Les blessures réduisent le succès reproducteur de ces dernières. Mais pourquoi des épines ? Pour assurer la prise du mâle, le temps qu’il lui faut, ou pour blesser sa partenaire, de façon à lui faire passer directement dans l’hémolymphe des messages chimiques ou pour qu’elle meure vite une fois sa descendance pondue ? D’après notamment « Traumatic beetle sex causes rapid evolutionary arms race », par Chris Simms. Lu le 24 mai 2017 à www.newscientist.com/ Article source À (re)lire : Les bruches, par Alexis Delobel. Insectes n° 150 (2008-3). 1164 Chacun sa tenue de camouflage Il traînait dans les cartons à Paris et à San Francisco (États-Unis) 2 spécimens d’adultes de mantes néotropicales (de bonne taille) qui se ressemblaient vaguement, sans nom, quasi oubliées, considérés comme les dernières dépouilles d’espèces disparues. Une découverte dans les forêts humides du Mexique et du Honduras d’individus bien vivants, suivie de leur mise en élevage et d’analyses morphologiques et génétiques a permis de les classer – dans la sous-famille des Antemninés – et de les réunir, le mâle et la femelle, sous un même nom, créé pour eux : Hondurantemna chespiritoi. Nouveau genre, nouvelle espèce. Cette mante redécouverte manifeste un dimorphisme sexuel étonnant. Les imagos mâles, bruns, ressemblent aux larves, aux ailes près ; comme elles, ils patrouillent sur les tiges, se confondant avec le décor. La femelle en revanche est verte, a un gros ventre à cacher : ses ailes antérieures sont élargies et ornée de nervures qui les font ressembler à une feuille. Son embonpoint l’oblige à vivre sur les limbes des feuilles, sa livrée spéciale l’y fait se fondre dans le décor… Des camouflages différents entre larves et adultes, et entre mâle et femelle ont déjà été observés chez les mantes. Des cas fort rares qui peuvent s’expliquer par l’exploitation de ressources différentes ou par une différence de pression de prédation. Photos : larves (A,B et C) et imagos femelles. Clichés Andrew Snyder et Ethan Staats. Article source (gratuit, en anglais) 1163 Spore de combat... … catégorie lutte biologique dopée au génie génétique. Il s’agit de « neutraliser » les moustiques, vecteurs de pathologies souvent fatales devenus résistants aux insecticides. La spore en question, candidate agent de lutte bio, est celle du champignon Metarhizium pingshaense, qui se développe en hyphes qui envahissent la cavité générale des imagos des moustiques. On sait cette espèce inoffensive pour les abeilles et le Criquet pèlerin, donc sans doute douée d’une bonne spécificité. L’étude, menée au laboratoire et dehors en enceintes fermées, est conduite à Bobo Dioulasso (Burkina Faso) sous l’égide de l’université du Maryland (États-Unis), sur Anopheles coluzzi et A. gambiae (Dip. Culicidés). Le champignon tue les moustiques mais la mort de ceux-ci prend plusieurs jours ; les femelles ont le temps de piquer. Une fois génétiquement modifié par l’ajout de gènes codant pour les venins du Scorpion jaune Androctonus australis (Sc. Buthidé nord-africain) et de l’araignée à toile en entonnoir Hadronyche versuta (Aran. Hexathelidé australien), il suffit d’une spore (en pratique 5 ou 6) pour tuer rapidement la cible. L’association provoque la mort par blocage des canaux ioniques sodium (scorpion) et potassium + calcium (araignée). À cette construction est ajouté un promoteur qui n’autorise l’expression de ces gènes que dans l’hémolymphe d’insectes. Il a été vérifié que le champignon augmenté n’affecte pas l’Abeille domestique. Des tests d’innocuité vis-à-vis de moucherons proches des moustiques sont en cours. Photo : un moustique A. gambiae infecté (le champignon a reçu en plus un gène de fluorescence). Cliché Brian Lovett. Article source (gratuit, en anglais) 1162 Le cadavre bouge ! Pourtant, la mort remonte à plus de 12 heures. L’individu est posé sur une fleur de Verge d’or, là où il a atterri pour s'y nourrir de pollen. Il a les pattes en l'air mais ses mandibules bloquées l’attachent à un pétale. Tout à coup, il ouvre les ailes, exposant son abdomen. Pourquoi cet exhibitionnisme posthume ? Sans doute pour se faire plus beau et plus intéressant qu’il n’est et attirer le sexe opposé en quête d’une brève aventure, répondent les entomologistes de l’université d’Arkansas (États-Unis). Et pour, complètent-ils, le bénéfice en fait d’Eryniopsis lampyridarum (Entomophthoromycotina), le champignon qui a envahi le corps de notre zombi, Chauliognathus pensylvanicus (Col. Cantharidé), et qui, par cette manipulation de son hôte, augmente grandement ses chances d’infecter d’autres individus. Article source : DOI: 10.1016/j.jip.2017.05.002 Photo Ce cas est à ajouter à ceux recensés dans « Le chlorion et autres manipulateurs », par Alain Fraval. Insectes n° 163 (2011-4). NDLR : le Cantharide de Pennsylvanie, alias le Grand Cantharide jaune, insecte très commun, habite les prairies du Mid West nord-américain. Les larves sont entomophages, se nourrissant d’œufs d’Orthoptères et de larves de chrysomèles. Les adultes sont floricoles sur Apiacées et Astéracées. 1161 Télésurveillance Si ça ne donne rien, c’est que tout va bien. C’est un boîtier noir de 3 pouces de haut, à déposer dans un lieu couvert par la Wifi, après l’avoir acheté 85 dollars chez Amazon. Si votre smartphone (non fourni avec, précise le vendeur en ligne), muni de l’appli ad hoc, ne sonne pas, c’est que tout va bien. Le fabricant, Delta Five (de Raleigh, Caroline du Nord, États-Unis) proclame que son « AIM » enregistre 98 % de succès à l’usage et revient à 1/900e du coût des dispositifs courants. Il le destine aux hôtels, aux hôpitaux et hospices, aux bateaux de croisière, ainsi qu’aux centres d’appel [?]. Et si l’alarme se manifeste ? L’écran de votre smartphone affiche la vue par dessus d’un spécimen vivant de Cimex lectularius (Hém. Cimicidé). La Punaise des lits aura été attirée par un petit coin chaud et sentant le sang séché disposé en guise d’appât dans le piège connecté AIM. Si vous avez appâté un cube de gruyère, c’est le museau d’un rongeur domestique qui apparaîtra probablement. Dans l’un ou l’autre cas, il ne vous reste plus que de chercher sur votre smartphone les coordonnées d’un bon exterminateur. Le site publicitaire de Delta Five |
Les moustiques OGM ne sont « pas une solution miracle ». Le Monde, 8 juin 2017. Le flair d’un papillon ravageur passé au crible. INRA. 6 juin 2017. [Ver du cotonnier, Prodénia, Spodoptera littoralis, Lép. Noctuidé] |
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1160 Autarcie Parmi les pires fourmis envahisseuses, la Fourmi folle jaune Anoplolepis gracilipes (Hym. Formiciné) figure en bonne place. Ses colonies (à plusieurs reines, sans hiérarchie sociale) bourgeonnent et le terrain occupé est lentement mais profondément bouleversé. Son alimentation est dite opportuniste ; elle peut élever des pucerons. Cette fourmi très étudiée réservait pourtant une surprise. Des myrmécologues de l’université de Kyoto (Japon) ont repéré des ouvrières à gros gastre (partie de l’abdomen au-delà du pétiole), dites physiogastres, qui pondent, sans fécondation, deux sorte d’œufs : les uns, ovales, écloront et donneront des mâles ; les autres ronds et plus petits ne peuvent pas se développer et seront donnés en pâture aux larves. Quelques-uns de ces œufs alimentaires (ou trophiques) seront consommés par une ouvrière ou par une reine, à titre de complément occasionnel. Pour les larves, c’est la principale nourriture. Cette particularité est favorable à l’espèce : elle lui permet de résister à un défaut de ressources alimentaires extérieures. Un atout de plus pour réussir comme envahisseuse, en plus de son éclectisme, de l’absence de hiérarchie, de leur pouvoir de mobilisation très rapide pour exploiter une provende, des fécondations dans le nid qui permettent à celui-ci de s’étendre par bourgeonnement... Article source (gratuit, en anglais) Photo - cliché Chin-Cheng 'Scotty' Yang. À(re)lire : La crise de la Fourmi folle, Épingle de 2012. NDLR : la production occasionnelle d’œufs alimentaires est connue chez quelques genres de fourmis. Ailleurs chez les insectes, on a signalé dans "Prendre soin des jeunes" I et II respectivement les cas du Grillon pélican Anurogryllus muticus (Gryllidé) et de Cylindrocaulus patalis (Col. Passalidé). 1159 Vue en vie pour la première fois C’était en m ars 2016, à Singapour, dans une zone d’exercices militaires détrempée. 30 individus de l’espèce Tyrannomyrmex rex (Hym. Myrmiciné) ont été repérés et capturés par Mark Wong et Gordon Yong, explorateurs de la litière. Le genre a été créé en 2003 par Fernando Fernández à partir d’une fourmi morte trouvée en Malaisie. Il doit son nom reptilien à ses petites mandibules, évoquant les courtes pattes avant du tyranosaure. Depuis cette date, plusieurs ouvrières isolées, mortes, ont été recueillies dans les pays voisins. Et 2 autres espèces ont été décrites. Cette première colonie découverte vivait dans un bout de bois spongieux (15 cm) percé de 2 galeries. Composée de 13 ouvrières, 3 nymphes (2 ouvrières, 1 mâle), 9 larves et 5 œufs, elle fut installée dans un tube rempli à moitié d’eau relié à une aire d’affouragement. Et on leur proposa à manger. Mais cette fourmi fit la fine bouche, méprisant les appâts habituels. On leur offrit en boîte de Petri des proies mortes et des vivantes qui l’effrayèrent la laissant bloquée immobile ; puis des gouttes de miel qu’elle ne fit qu’effleurer de ses antennes. Lorsqu’un mille-pattes s’aventura dans le « nid », il passa sur plusieurs fourmis tétanisées avant qu’une ouvrière le pique de son aiguillon. Fourmi timide, fourmi spéciale... Autre mystère : comment fait-elle pour se garantir une bonne hygiène dans un milieu septique alors qu’elle est dépourvue de glandes métapleurales, dont le rôle est de sécréter des antibiotiques ? Et ce qui n’est pas banal : la colonie, qui ne comportait aucune reine, a mangé son unique mâle, dès son éclosion. Retournés sur les lieux, nos deux myrmécologues n’ont pas trouvé la moindre autre Fourmi tyranosaure. Article source (gratuit, en anglais) Photo – cliché des auteurs. 1158 La pâte à modéliser la prédation On sait que la faune est plus riche à l’équateur qu’aux pôles et que cette richesse est répartie selon un gradient continu. Mais qu’en est-il des interactions (comme la prédation) entre animaux. Un examen de la « littérature », c’est-à-dire des compte-rendus de travaux de recherche publiés, met en évidence surtout que les protocoles de relevé des interactions considérées (elles-mêmes variées) sont très dissemblables et qu’on ne peut pas en dégager de règle. Un groupe de 40 chercheurs (de 21 pays) s’est mobilisé pour tester l’hypothèse la plus plausible : l’intensité de la prédation diminue avec la latitude. Pour ceci ils ont déterminé un protocole simple, bon marché, parfaitement reproductible, « marchant » en tous lieux. Dans le rôle de la chèvre, la victime attachée au piquet, une chenille standard, verte, à l’allure d’arpenteuse (Lép. Géométridé) offerte à l’appétit des oiseaux, mammifères, insectes et autres arthropodes campophages. Ladite chenille est en pâte à modeler. Fabriquée à Helsinki (Finlande), elle est expédiée par courrier à chacun des opérateurs. Sur 5 placettes de chacun des 31 sites de l’expérience, on en colle sur des feuilles, qu'on observe durant 4 à 18 jours. Rapatriées dans leur labo d’origine, on y confirmera l’identification des traces des attaques qu’elle a subies : marques de dents, de becs, de mandibules. Le dispositif s’est étalé sur 11 635 km de gradient latidudinal du cercle polaire arctique au sud de l’Australie, et entre zéro et 2 100 m d’altitude. 2 879 « chenilles » y ont été exposées ; au total le groupe a recueilli les informations se 12 694 chenilles x jours. Il en ressort un net gradient de hausse de l’intensité de la prédation des latitudes basses vers l’équateur (symétrique par rapport à ce dernier) et des montagnes vers le niveau de la mer. Ce sont les fourmis qui s’affirment comme les principaux prédateurs, alors que les vertébrés ont un rôle faible et assez indépendant du lieu. Ce résultat, pour les auteurs, correspond bien avec le fait que les chenilles des régions chaudes du Globe investissent beaucoup plus dans les défenses chimiques. Ces derniers soulignent que seul leur travail collaboratif a permis de confirmer une importante hypothèse, ceci avec des moyens très simples et peu coûteux. Article source DOI: 10.1126/science.aaj1631 Photo : chenilles leurres – cliché Saskya van Nouhuys. NDLR : ceci est à ajouter à l’article « Des insectes artificiels », par Alain Fraval. Insectes n° 180 (2016-1). 1157 Comment plier une aile Ceci n’est pas un (n-ième) tuto pour kite-surfeurs. Mais une découverte faite par des entomologistes japonais (Kazuya Saito et trois collaborateurs) sur le repliement de l’aile membraneuse des coccinelles. Tout le monde a vu une Barboulotte voler, élytres écartés, et atterrir sur son doigt, les ailes postérieures déjà cachées sous les élytres (à pois), prestement repliées. Donc personne n’avait pu observer leur repliement, ni leur dépliement. On supposait l'action ad hoc de mouvements verticaux de l’abdomen agissant sur une sorte d’origami pensé pour. Notre équipe japonaise y est parvenue, armée de caméras à haute fréquence, d’un tomographe et d’un faux élytre en résine polymérisable aux UV, réalisé à partir d’un moulage effectué sur une Coccinelle à sept points Coccinella semipunctata (Col. Coccinellidé) désélytrée pour la science. Puis une autre, intrépide expérimentatrice, s’est fait amputer d’un élytre et « greffer » (à la colle) à la place un élytre artificiel transparent. La Marivole ainsi appareillée décolle et se pose normalement. Et dévoile comment elle cache si promptement sa voilure. La Bête à bon Dieu fait un usage habile du bord et de la face inférieure de l’élytre, parfaitement adaptée aux courbures des nervures de l’aile membraneuse, pour la plier, s’aidant de mouvements de l’abdomen pour la frotter et la tirer dans son logement. De plus, les zones « rigides » de l’aile arrière ont une structure semblable au ruban métallique des mètres de menuisier : raides une fois dépliées, pliable à n’importe quel endroit pourtant. La Couturière va évidemment se faire copier son procédé par les ingénieurs spécialistes du « bio-inspiré ». Les applications sont très attendues. Article source (gratuit, en anglais, avec schéma) : Photo de la coccinelle greffée – cliché K. Saito 1156 Du faux-bourdon sans hormone Dans la vie d’une colonie d’Abeille domestique, arrive un moment de sa croissance où les ouvrières investissent aussi dans la reproduction. Les ouvrières (présentement stériles) entreprennent alors de bâtir des cellules (en cire) plus grandes, de dimensions appropriées au développement des larves des faux-bordons (les mâles). Après avoir établi en 2014 que cette étape coïncide avec un effectif atteint de 4 000 individus (et ne dépend ni de la taille du couvain ni de l’importance des réserves de miel), les chercheurs de l’université Cornell (Ithaca, États-Unis), sous la houlette de Michael Smith, ont déterminé comment les ouvrières « savent » qu’elles sont 4 000. Trois hypothèses : elles sont averties par une phéromone (voie chimique très utilisée dans les sociétés d’insectes), la température dans la ruche dépasse un seuil ou elles se sentent trop serrées. L’expérimentation, avec des ruches à 3 compartiments, a conduit nos apidologues à valider la dernière hypothèse. De façon surprenante, c’est un facteur de type physique qui enclenche la production de faux-bourdons. Par un système de vidéotraçage de leurs mouvements, ils ont trouvé que, dans les colonies populeuses, les ouvrières ont plus de contacts entre elles, passent plus de temps en activité et vivent dans une cohue plus uniforme en intensité. Ce serait la fréquence des frottements qui serait le facteur déterminant. Article source : DOI: 10.1007/s00114-014-1215-x 1155 Goût de princesse Dans une colonie de fourmis, les larves de futures reines - les « princesses » - reçoivent un traitement particulier de la part des ouvrières. Comment font ces dernières pour les reconnaître, alors qu’elles sont visuellement indistinguables ? Sans doute par un signal chimique. La fourmi Harpegnathos saltator (Ponériné) est connue pour ses grandes mandibules et sa capacité à sauter* pour se sauver et attraper une proie volante. Ses colonies, très peu populeuses, produisent des femelles fertiles – les « reines » - qui, une fois accouplées, fondent une nouvelle colonie. Des ouvrières « gamergates » peuvent devenir reines. Les effectifs d’ouvrières stériles, de princesses, de gamergates et de mâles font l’objet d’une régulation, de sorte qu’un bon équilibre (qui est fonction de la saison) soit maintenu. Ce sont les ouvrières qui sévissent contre les princesses en trop, en les mordant fortement, après les avoir goûtées. Ces larves émergeront comme ouvrières. Clint Penick et Jürgen Liebig de l’université de Caroline du Nord (États-Unis) ont procédé à l’analyse de la cire cuticulaire des princesses et à leur transfert, par frottage et par dilution dans l’hexane, à des larves plus petites, futures ouvrières. Dans les 2 cas, ces larves ont été mordues (goûtées) puis traitées comme des princesses. Les larves auxquelles on a injecté de l’hormone juvénile ont leur cire cuticulaire profondément modifiée (analyseé par chromatographie en phase gazeuse) ; elles produisent la phéromone de princesse. De même que les futurs mâles ainsi traités, à qui le destin de reine est évidemment interdit, reçoivent des morsures de répression. H. saltator est une fourmi parmi les plus primitives (d’une lignée très ancienne) et ce mécanisme de détermination des castes pourrait bien avoir été conservé chez les espèces modernes. À étudier. Article source : DOI: 10.1016/j.anbehav.2017.03.029 Photo d'une ouvrière s'occupant de nymphes et de larves. Cliché C. Penick. * Voir ici, p. 27. 1154 Perturbateurs ovariens À l’université de Londres (Royaume-Uni), Gemma Baron et Mark Brown viennent de réaliser la première étude des effets d’un insecticide néonicotinoïde sur les reines de printemps de 4 espèces de bourdons. L’impact de tels produits avait été évalué jusque-là sur les ouvrières et les colonies. Des reines de Bourdon terrestre Bombus terrestris, de B. à queue blanche B. lucorum, de B. des prés B. pratorum et de B. des champs B. pascuorum ont été alimentées durant 2 semaines par un sirop contenant des doses « réalistes » de thiamethoxam, d’ 1 et 4 ppb, correspondant aux résidus trouvés sur les colzas en fleurs. Leur consommation de ce sirop a été mesurée pondéralement et, en fin d’expérience (au bout de 4 semaines), l’état de leurs ovaires a été examiné sous bino. Ont participé à la manip 506 reines (parmi lesquelles 12 se sont échappées). 88 % ont survécu à l’épreuve jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu'à leur dissection. Chez les Bourdons des prés et des champs, la forte dose d’insecticide a provoqué une baisse de la consommation. Chez toutes les espèces, la taille des ovocytes s’est trouvée réduite. Aucune différence de mortalité n’est apparue. L’exposition des jeunes reines au thiamethoxam réduit donc leurs chances de fonder une colonie prospère et aura des répercussions sur la vie de la colonie. Ce résultat doit être pris en compte par les autorités qui doivent autoriser ou pas l’usage agricole de néonicotinoïdes, actuellement interdits dans l’Union européenne dans le cadre d’un moratoire. Article source : DOI: 10.1098/rspb.2017.0123 |
Liste de plantes attractives pour les abeilles - plantes nectarifères et pollinifères à semer et à planter. France Agrimer. « Mais où sont passés tous les insectes ? », par Stéphane Foucart. Le Monde, 28 mai 2017. Un gène prometteur pour contrer le pouvoir reproductif des pucerons. INRA, par Patricia Le Crenn. 19 mai 2017. Une drosophile invasive résiste aux attaques de ses ennemis naturels grâce à une étonnante stratégie de médication. CNRS, 15 mai 2017. [Drosophila suzukii (Dip. Drosphilidé)]. À (re)lire : La Drosophile à ailes tachetées..., par Alain Fraval. Insectes n° 167 (2012-4). Dans l’enfer des punaises de lit, par Caroline Piquet. Le Figaro. |
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Avril | À cliquer | |
1153 Coercition sexuelle : comment y échapper Une dame libellule, Æschne des joncs Æeshna juncea (Odon. Æschnidé), a un truc qui marche la plupart du temps. Il vient d’être découvert et étudié par Rassim Khelifa, de l’université de Zurich (Suisse). Cette æschne montagnarde se plaît près des eaux stagnantes. Le mâle ne harcèle ni ne levraude, il fond sur la femelle, sans s’embarrasser de rituels de cour*. L’accouplement a lieu comme chez les libellules, en cœur. Puis la femelle va pondre au sol. Contrairement à ce qui se fait en général, Monsieur n’accompagne pas Madame qui se dépêche d'accomplir sa besogne. Lorsqu’elle s’envole, les mâles qui patrouillent au-dessus n’ont qu’une idée en tête : fondre sur elle et la prendre de force. Or ce serait un malheur pour elle (pour son tractus génital). Qu’un violeur potentiel se manifeste, elle pique vers le sol (plutôt vers un buisson), s’y écrase, se retourne. Morte le ventre en l’air. Le malotru passe son chemin. Plus tard, la morte s’envolera. Elle a mimé la mort (thanatose), sans perdre conscience et détecte fort bien la menace de la main de l’entomologiste, qui n’arrive pas à l’attraper. Ce comportement anti-copulation forcée, dérivé de la thanatose pour leurrer un prédateur, est exceptionnel dans le règne animal**. Il répond à une situation de pression de la part de mâles plus nombreux dans l’habitat de cette æschne et résulte d’un conflit sexuel. Article source : Faking death to avoid male coercion: extreme sexual conflict resolution in a dragonfly. Ecology, 0(0), 2017, pp. 1–3. PS : quelques minutes après la publication de cette découverte sur Twitter, des centaines de femmes ont réagi en postant « same » (pareil). Voir ici. * À suivre, la série des « Rituels de cour » dans les numéros successifs d’Insectes. ** On connaît les cas suivants. Chez deux Diptères Asilidés, dont Efferia varipes, la femelle attrapée par un mâle non désiré fait la morte jusqu’à ce qu’il se lasse de ce corps sans réaction. Le mâle de la Pisaure admirable Pisaura mirabilis (Aran. Pisauridé) a de fortes chances de se faire dévorer par sa partenaire : il fait le mort jusqu’à ce qu’elle entame le cadeau nuptial qu’il lui a apporté. Même risque pour le mâle de la Mante religieuse Mantis religiosa (Mant. Mantidé) qui, lui, s’approche très précautionneusement, et fait le mort tant que la femelle le regarde. 1152 Polyéthylènophage Que faire des montagnes de matières plastiques non biodégradables qui s’accumulent ? Les donner à bouffer aux chenilles, laisse entrevoir un travail récent parti d'Espagne. Federica Bertocchini, chercheuse en biologie de l’évolution et apicultrice amateure, a constaté que des chenilles de la Fausse Teigne de la cire Galleria melonella (Lép. Pyralidé), déprédateur des gâteaux de cire dans les ruches, s’étaient foré un chemin de sortie au travers de sacs plastiques de supermarché. Observation banale en fait. Elle a voulu savoir si le polyéthylène était simplement mâché, ingéré et déféqué sous forme de microfragments ou si l’insecte digérait ce matériau. Une manip a été montée avec 2 collègues de l’université de Cambridge (Royaume-Uni). 100 chenilles ont été ensachées ; au bout de 40 minutes, les premiers trous ont été percés et 12 heures plus tard, 92 mg de plastique avaient été dévorés. Soit une rapidité que les bactéries du tube digestif de la Pyrale des fruits secs Plodia interpunctella (même famille), polyétylènophage précédemment reconnu, sont très loin d’atteindre. Le fait qu’un broyat de chenilles attaque le plastique renforce l’idée qu’un enzyme spécifique est à l’œuvre. Il reste à l’identifier et à mesurer l’action d’éventuelles bactéries. On a là peut être de quoi s’attaquer aux sacs, bouteilles, bidons, etc. une fois qu’ils ont servi. On en produit plus de 80 millions de tonnes par an, dont près de 40 % vont en décharge. Article source (en anglais, gratuit) 1151 Sœurs, Ô Sœurs ! Soit SOS ! Le sauvetage par des sœurs d’individus en péril d’être consommés ou ensevelis a été décrit chez une fourmi. Chez ces insectes eusociaux, pourtant, seule la survie de la colonie importe, et pas celle des imprudents et maladroits tombés dans l’entonnoir d’une larve de fourmilion. Un comportement voisin et inattendu, le rapatriement de fourmis blessées et leur maintien au nid jusqu’à guérison, vient d’être décrit par des myrmécologues de l’université de Würtzburg (Allemagne), chez Megaponera analis (Hym. Ponériné), espèce africaine qui se nourrit au sol de termites Macrotermitinés. Qu’une éclaireuse revienne au nid en signalant la présence de termites en train de fourrager, aussitôt une colonne de quelque 2 à 500 fourmis se met en marche. Les majors défoncent les tunnels (superficiels) et les minors se ruent par ces trouées pour tuer les occupants, dont les majors emportent les cadavres. La colonne se reforme alors et repart lestée de « viande » fraîche vers la fourmilière. Et ainsi de suite, jusqu’à 4 fois par jour. À leurs prédateurs, les termites opposent leurs soldats, équipés de mandibules puissantes et d’une carapace renforcée. D’où des blessures graves chez les assaillantes, essentiellement chez les minors, chaque raid se traduit par 3,3 blessées en moyenne. 3 à 4 ouvrières valides coopèrent pour les ramener. Il y a des morts sur le terrain, mais très peu, les pattes arrachées, la tête coupée ou éventrées. La plupart des blessées se retrouvent avec un termite agrippé au bout d’un appendice et leur vitesse de marche s’en trouve réduite. Si ce dernier est enlevé, il n’y a pas de séquelles. Forcées, par l’expérimentateur, de rentrer seules, une sur 2 meurt, prédatée par une araignée. Mais en nature, aucune blessée ne revient seule au nid. Les rapatriées (marquées d’un point de couleur) sont revues participant aux raids suivants. En général, le termite est décroché sans abîmer l’extrémité de la patte et, même amputée à 1 ou 2 pattes, la fourmi trotte très vite à la vitesse de ses sœurs indemnes. Le sauvetage n’est pratiqué que sur des individus de la même colonie et que sur le chemin du retour. Quel signal émettent les blessées ? Un son ? Des fourmis blessées par les entomologistes et privées par ceux-ci de leur appareil stridulatoire sont ramassées. Un produit volatile alors libéré par les glandes mandibulaires (et non par le proctodeum ni par la glande de Dufour, premières hypothèses). Par des calculs démécologiques, les chercheurs ont établi que M. analis présente les conditions pour ce comportement particulier se manifeste : les raids s’effectuent groupés et à proximité du nid, les risques sont relativement élevés et les blessures rarement mortelles. Fourmi-secours contribue efficacement au maintien d’un effectif suffisant de fourrageuses et donc d’une bonne alimentation de la colonie. Article source (gratuit) en anglais Photo : une major transporte une minor blessée qui se met en position de nymphe. Cliché Eric Franck. 1150 Vous serez cannibales, mes enfants Longtemps il a été admis que la consommation alimentaire d’individus de la même espèce – et par des insectes au régime phytophage – était provoquée par la promiscuité et le stress dus à l’élevage. De plus en plus de cas de cannibalisme ont été observés depuis en nature, hors conditions de surpopulation. Une équipe de l’université de Cornell a examiné les variations du cannibalisme en fonction des conditions et notamment du risque de prédation, choisissant le doryphore Leptinotarsa lineata (Col. Chrysomélidé) pour expérimenter. Larves et adultes se nourrissent de feuilles de pomme de terre et autres solanées. La femelle pond des œufs non viables en proportions variables. Comme prédateur, ils ont pris le mâle adulte de la punaise Podisus maculiventris (Hém. Pentatomidé), incapable de tuer les imagos. Pour que son attaque ne soit pas dommageable et que seule sa présence soit en cause, on lui a coupé 1 mm de stylets. Incapable de ponctionner leur proie, elle survit un temps en piquant la feuille… Le dispositif expérimental était constitué d’œufs juxtaposés de même âge ou bien les uns fraîchement pondus, les autres au développement avancé, de sorte que les doryphores disposaient d’une provende dès l’éclosion. Résultats : le cannibalisme de sa progéniture est favorisé par la femelle qui pond des œufs supplémentaires dits trophiques en situation de risque. Les larves nouveau-nées consomment ces œufs, ce qui leur offre sur place une alimentation plus riche que le végétal. Leur croissance est nettement accélérée et elles atteignent rapidement l’état adulte – pour lequel la punaise est inoffensive – sans attirer l’attention de celle-ci par leurs allées et venues et leur manducation. Ce sont en effet les vibrations imprimées au substrat végétal qui alertent le prédateur. Il reste à comprendre comment la mère doryphore perçoit la présence de Podisus dans son environnement. Elle est probablement prévenue par un signal chimique. On voit là sans doute une réponse bien adaptée à la vie végétarienne peu nourrissante en protéines et à ses risques par un passage temporaire au régime carné. Elle pourrait être répandue chez les insectes phytophages et sa prise en compte pourrait servir à mieux maîtriser les ravageurs. Article source (en anglais) : doi: 10.1111/ele.12752 Photo d’un doryphore adulte attaqué par une punaise À (re)lire : Le Doryphore, un grand conquérant fatigué ?, par Alain Fraval. Insectes n° 120 (2001-1). 1149 La parabole du Bombyx disparate En ouverture de son dernier livre, Matt Fradd écrit en substance ces lignes [que je traduis scrupuleusement, y compris les faits alternatifs, du billet d’une blogueuse prescriptrice] : « Le Bombyx disparate a été importé d’Europe dans les années 1860 pour stimuler l’industrie américaine de la soie ; mais, comme ça arrive souvent, il y eut des effets inattendus. Le Bombyx disparate s’est mis à dominer ses concurrents américains plus petits et à dévaster les forêts avec voracité. Mais dans les années 1960 et 1970, les scientifiques ont inventé une nouvelle stratégie. Les biologistes savaient que le papillon mâle trouve la femelle grâce à l’odeur qu’elle émet – une phéromone. Ainsi les scientifiques ont synthétisé de grandes quantités de phéromone et en ont épandu par aéronefs des granulés sur les forêts infestées. L’effet sur les mâles fut irrépressible. Ils furent tellement submergés par la phéromone concentrée qu’ils furent ou bien embrouillés au point ne savoir où aller pour rencontrer une femelle, ou bien désensibilisés à la phéromone émise à faible dose par la femelle. Dans les deux cas, les papillons ne purent se reproduire et la population chuta brutalement. Par analogie, c’est ce que la pornographie est dans notre société : une phéromone de synthèse, très concentrée. Les gens surexposés sont pris de confusion ou de désintérêt pour la relation sexuelle intime réelle. » L’ouvrage qui s’intitule The Porn Myth: Exposing the Reality Behind the Fantasy of Pornography [je me dispense de traduire] vient de paraître chez Ignatius Press. L’auteur, catholique militant, est également orateur et tenancier du site //mattfradd.com/the-porn-effect/. Il est aussi le co-créateur d’une application pour smartphones (gratuite), nommée Victory, qui fournit un plan de lutte stratégique pour gagner le combat contre la pornographie. D’après « What Gypsy Moths Reveal About the Dangers of Porn », par Kathy Schiffer. Lu le 7 avril 2017 à www.ncregister.com/blog/ À (re)lire : Étienne-Léopold Trouvelot – ou l’amateurisme catastrophique, par Alain Fraval. Insectes n° 145 (2007-2). Et les pages Lymantria dispar. Du 184 1148 La tête dans le trou et vice-versa Bassettia pallida (Hym. Cynipidé) provoque des galles sur les chênes sempervirents Quercus geminata, au sud-est des États-Unis. De petites cavités sous-corticales sur les rameaux et les troncs pour la 1ère génération, des excroissances plus visibles sur les nervures des feuilles pour la seconde. Les galles – ou cécidies – sous-corticales se repèrent au trou de sortie foré par l'imago qui vient d'émerger. Parfois, ce trou est obturé par la tête dudit imago, dont dépassent la face et les antennes. Parfois, ladite face est elle-même trouée. Découvert par Kelly Weinersmith, Scott Egan et leurs collaborteurs de l'université Rice, le phénomène entomologique est le suivant. Un parasitoïde, jusque-là inconnu, baptisé Euderus set (Hym. Eulophidé) s'introduit chez l'imago de B. pallida (on ne le retrouve pas sur les stades plus jeunes). Ce dernier creuse, bien en avance sur le calendrier normal, un trou de sortie incomplet, trop petit, et s'y trouve coincé lorsqu'il cherche à quitter la galle. E. set, son développement achevé, sort en creusant un tunnel dans la tête de son hôte. Ceci lui évite d'avoir à percer l'écorce et lui confère de bien meilleures chances de survie – ce que les auteurs ont prouvé expérimentalement. On a là comme résultats de cette recherche partie d'observations de terrain un cas de manipulation - le parasite modifie le comportement de son hôte à son avantage. Ainsi qu'un des rarissimes exemples d'hypermanipulation - le parasité a modifié le phénotype de son hôte végétal. Et une espèce nouvelle pour la science. De nombreux spécimens de B. pallida dorment dans les collections entomologiques et, parmi eux, certains se distinguent par un trou dans l'axe de la tête. Ce à quoi personne n'avait prêté attention... Article source (gratuit, en anglais) : DOI: 10.1098/rspb.2016.2365 NDLR : le manipulateur a reçu le nom spécifique de set. D'après Set(h), frère cadet d'Osiris, qui a enfermé ce dernier dans une crypte (cf la galle) avant de le découper en morceaux et de les éparpiller. Or, selon mes sources et une version de l'histoire, Seth a piégé son frère dans un sarcophage à sa mesure, qu'il a livré aux flots du Nil. À (re)lire : Le Chlorion et autres manipulateurs, par Alain Fraval. Insectes n° 163, 2011(4). 1147 Post-entomologie La sérendipité caractérise une invention technique ou une découverte scientifique faites par hasard, en cherchant autre chose. Ainsi la découverte des post-it, efficaces papillons de papier, issus d’un ratage de dosage de la colle. Voici un exemple en post-entomologie – qui fera peut-être date, mais qu’on espère sans suite pratique quand même. Eijiro Miyako, chimiste à l’Institut national de technologie à Tsukuba (Japon), travaille sur les gels liquides ioniques (conducteurs du courant électrique). Curieux, il laisse choir par terre une goutte d’un gel expérimental oublié des années durant dans un tiroir et qui, étonnamment, n’avait pas séché. En l’observant de près, il constate qu’elle s’est recouverte de poussières, comme si elle les attirait ; en la ramassant, il voit qu’elle peut être débarrassée de sa pilosité acquise très aisément. Soucieux par ailleurs de l’avenir de l’entomofaune, considérant que, les abeilles se raréfiant, la pollinisation deviendra de plus en plus difficile, notre chimiste se dit qu’il tient là une application d’avenir de son gel. En effet, pourquoi une minuscule goutte ne pourrait pas transporter des grains de pollen d’étamines en pistil, véhiculée par un petit drone ? Et remplacer les systèmes lourds et énergivores envisagés jusque-là comme les pinceaux, les seringues ou les cotons-tiges ? Première manip : vérifier l’efficacité du transport de pollen. Des fourmis sont enfermées toute une nuit dans une boîte remplie de tulipes. Effectivement, celles qu’il a ointes dudit gel sont couvertes de pollen. Et les grains se détachent sans problème. Mais... après divers essais, E. Miyako constate qu’il est bien difficile d’arriver à quelque chose avec des insectes. Mieux vaut utiliser des drones. Des drones poilus à l’instar des insectes pollinisateurs dont les soies jouent un rôle essentiel dans l’acquisition et la rétention des grains de pollen. Une escadrille de petits quadricoptères est équipée d’une brosse ventrale (des crins), propre ou enduite du gel pour certains, et envoyée naviguer de fleur en fleur parmi des lys japonais. Il en résulte 37% de fécondation par les chargés du gel, zéro par les propres. C’est sans doute, comme l’indique l’inventeur, le premier système qui marche. Mais... il est bien difficile et fastidieux de piloter à la main ces petits drones, qui coûtent cher (dans les 15 à 25 €) et ne volent que pendant 3 minutes entre 2 recharges en courant. Il faut attendre une fabrication en très grandes séries, une amélioration fantastique des batteries. Et la conception de logiciels d’intelligence artificielle embarqués. Le travail actuel est en tous cas intellectuellement intéressant. Mais... les spéculations sur un temps post-entomologique à advenir où des robots suppléeront ou remplaceront les insectes ne doivent pas détourner de l’impérieuse nécessiter de protéger et favoriser ces derniers. D’après notamment « Robo-Bees Could Aid Insects with Pollination Duties », par Edd Gent. Lu le 9 février 2017 à www.livescience.com 1146 Les bons outils font les bonnes ouvrières L’usage et le choix d’outils sont bien documentés chez des primates et des oiseaux. On sait certaines fourmis capables d’utiliser des grains de sable ou des feuilles pour transporter de l’eau et approvisionner ainsi la colonie. István Maák, de l’université de Szeged (Hongrie), et ses collaborateurs ont proposé à des ouvrières d’Aphaenogaster subterranea et d’A. senilis (Hym. Myrmicinés) différents objets naturels – brindilles, aiguilles de pin, petits cailloux… – et artificiels – des bouts de papier et des fragments d’éponge. Que choisissent ces fourmis pour transporter du sirop ? À noter que les Aphaenogaster n’utilisent pas leur jabot (qui est réduit) pour ce travail. Les ouvrières d’A. subterranea préfèrent les petits cailloux si elles ont affaire à du sirop dilué mais les éponges face au miel pur. Tous les objets à disposition sont essayés par les A. senilis, qui arrêtent leur choix sur les bouts de papier et d’éponge. D’après les chercheurs, les fourmis perçoivent rapidement à l’usage leur meilleure efficacité, bien que le poids puisse aussi jouer un rôle dans leur choix. L’adoption de matériaux étrangers à leur milieu de vie dévoile une plasticité comportementale qu’on ne soupçonnait pas, à l’instar d’autres performances, chez des animaux au cerveau si réduit. D’après « Ants craft tiny sponges to dip into honey and carry it home », par Kata Karáth. Lu le 30 décembre 2016 à www.newscientist.com. Article source : Tool selection during foraging in two species of funnel ants, István Maák et al. Animal behavior, vol. 123, janvier 2017. |
L’ovipositeur des hyménoptères parasitoïdes : comment la micro-chirurgie s’inspire des inventions de la nature, par Pascal Rousse. Passion entomologie, 25 avril 2017. "Géopolitique du moustique" - Aller plus loin avec nos experts ! Institut Pasteur, Journal de la recherche. La mante religieuse, un système auditif pas très orthodoxe !, par Médéric de la Bourdonnaye et Thomas Forest. Bionum, 17 avril 2017. L’élevage commercial de l’Osmia tersula est à portée de main, par Charlotte Paquet. Le Manic, 6 avril 2017. |
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1145 Petites chimistes Architecture, logistique, contrôle social, génie civil, agriculture, administration coloniale, razzias et guerres,… elles font tout comme nous ou presque. Et, selon le travail de Michel Chapuisat et de ses collègues à l’université de Lausanne (Suisse), on doit ajouter la chimie, spécialité pharmacie. Vivant dans un milieu surpeuplé, confiné, humide, avec des cadavres d’insectes en attente d’être mangés et autres sources de moisissures et de putréfactions, elles demeurent en bonne santé. Ceci en raison d’un toilettage constant et soigneux, personnel et mutuel, complété par la récolte de résine d’arbres (en guise d’antibiotique). Ceci chez les fourmis des bois. En boîte de Petri, une culture d’un champignon pathogène Metarhizium brunneum disparaît autour de morceaux de résine fréquentés par Formica paralugubris (Hym. Formiciné) pendant 2 semaines. Dans les même conditions, les brindilles, éléments fréquents dans les fourmilières, n’ont aucun effet antifongique. Par chromatographie en phase gazeuse, les chercheurs ont trouvé sur les bouts de résine plusieurs substances laissées par les fourmis. La principale est l’acide formique, que ces fourmis dépourvues d’aiguillon projettent contre leurs agresseurs à partir de la glande à poison située dans leur abdomen. Elles s’en servent aussi pour nettoyer leur progéniture. La résine arrosée d’acide formique a effectivement une meilleure efficacité antifongique que l’un de ces composants seuls. Les fourmis l’ont « découvert » , au fil d’une évolution de quelque 50 millions d’années et s’en servent à bon escient. Un seul autre animal mélange deux produits synergiques, Homo sapiens. D’après « ‘Chemist’ ants brew antibiotic cocktail to protect their colony », par Patrick Monahan. Lu le 14 mars 2017 à www.sciencemag.org/ 1144 Coup de filet C’est une première. La police britannique a mis la main au collet d’un individu qui avait été repéré un filet à papillons à la main dans deux endroits où la capture des insectes est strictement interdite. Soit le 18 juin 2015 dans la réserve de Daneway Banks (Gloucestershire) et dans celle de Collard Hill (Somerset) entre le 17 et le 20 juin de la même année. Le délinquant a été etrouvé sur eBay où il tentait de négocier sa récolte. La perquisition effectuée chez lui a permis d’y trouver 30 boîtes à insectes et 2 Protées, alias Azurés des mouillères Maculinea alcon (Lép. Lycénidé). C’est le papillon le plus rare, le plus menacé, le plus protégé du Royaume. D’où il avait complètement disparu en 1979 avant d’être réintroduit à partir de la Suède en 2004. Notre entomologiste amateur affirme qu’il a obtenu ses papillons rares depuis l’étranger. Notre braconnier est accusé d’avoir capturé, tué et possédé ces spécimens. Verdict en avril. D’après entre autres « Man guilty of capturing and killing UK's rarest butterfly », lu le 16 mars 2016 à www.bbc.com/news/ PS : un Protée britannique, bien « patiné » pour passer pour issu d’une collection constituée à l’époque victorienne, se vendrait dans les 200 à 300 euros ; un Protée étranger coûte moins de 11 €. sur eBay. À (re)lire, entre autres, La protection du genre Maculinea, par Jacques Lecomte. Insectes n° 144 (2007-1). 1143 Par intérêt pour les insectes Pourquoi sommes-nous sur la terre ferme, en train de respirer avec des poumons et, pour les plus évolués, de profiter de capacités cognitives supérieures ? Nous étant les vertébrés terrestres, issus des lamproies et des poissons puis des premiers tétrapodes, il y a bien longtemps. Pourquoi avons-nous quitté le milieu liquide ? Parce qu’il nous était poussé des pattes, bien utiles sur le sol et même pour grimper aux arbres ? C’est ce que le sens commun nous indique. Malcolm A. MacIver et son équipe (Northwestern University, Illinois, États-Unis) proposent une autre explication, en conclusion de leur analyse de 52 fossiles et de simulations informatiques. Ils ont ainsi établi que l’œil avait grossi de 3 fois avant le passage à la vie terrestre et non après. Munis d’une optique considérablement améliorée – ces êtres aux gros yeux on pu voir ce qui se passait dans un volume 1 million de fois plus vaste que dans l’eau avec des petits yeux, bien suffisants d'ailleurs – découvrent, et convoitent, une provende nouvelle, bien installée déjà sur le sec, depuis 50 millions d’années. Les insectes, entre autres arthropodes, ont été pour nos amphibies de plus en plus terrestres une motivation puissante à chasser de plus en plus loin de la rive. Et pour attraper ces êtres aussi appétissants qu’attrayants et affriandants, il leur a fallu développer de nouvelles façons d’enchaîner des tâches et de les coordonner. Et 385 millions d’années plus tard, Homo sapiens sapiens inventera l’entomologie. Article doi: 10.1073/pnas.1615563114 1142 Population visqueuse, filles heureuses Les occasions de se reproduire sont rares et les mâles peuvent être amenés à malmener les femelles qu’ils courtisent. Il est pourtant des circonstances où cette conduite est largement remplacée par des mœurs plus amènes. On les trouve dans les populations masculinement visqueuses. Qu’est-ce à dire ? Des populations où les mâles sont très voisins génétiquement du fait d’une faible dispersion. Expérimentalement, on crée des lots formés de la descendance d’un individu et on les élève ensemble. Première caractéristique : les rejetons (mâles), une fois parvenus à l’âge adulte et commençant à s’intéresser au sexe opposé, se battent moins entre eux et brutalisent moins les femelles. À l’université de Valence (Espagne), Pau Carazo et ses collaborateurs ont voulu connaître la suite : les effets transgénérationnels de cette proximité. Pour ce faire, ils ont recruté, bien sûr, des Mouches du vinaigre. Et commencé par vérifier l’effet connu résumé ci-dessus, en précisant que celui-ci ne se manifeste qu’en présence de femelles. À la génération suivante, les filles des femelles ayant connu des mâles non familiers entre eux, brutaux et bagarreurs, ont vu leur espérance de vie réduite. L’étude montre que la structure de la population, notamment les degrés de parenté et de familiarité entre les mâles, peut influencer l’intensité de la compétition sexuelle masculine et la fitness de la génération d’après. Article (gratuit, en anglais) 1141 Mouches pressées Une dame italienne est restée étendue inconsciente dans son jardin pendant 4 jours. On aurait pu croire à un cadavre… Elles y ont vu (senti) un cadavre. Une fois secourue et examinée à l’hôpital, les médecins soignants – très surpris - durent faire appel à des confrères de médecine légale. Elle était en effet infestée d’asticots, et ce n’était pas une myase ordinaire comme peuvent en souffrir des personnes très négligées. La dame hébergeait en effet des asticots actifs de Mouche verte, alias Lucilie soyeuse Lucilia sericata (Dip. Calliphoridé) au niveau des yeux, du nez, des conduits auditifs, des bronches, du vagin et du rectum. Soit une population caractéristique de cadavres, 36 à 60 heures après le décès. En médecine légale, les insectes nécrophages sont des indicateurs précieux, Ils colonisent le cadavre selon un ordre précis et chaque espèce au bout d’un temps déterminé (variable avec la température). La première escouade, des mouches nécrophages, des genres Calliphora, Lucilia et Sarcophaga arrive au bout d’un laps de temps appelé intervalle minimum post-mortem (IMP) de 1,5 à 2,5 jours. Leur présence permet de dater la mort, une fois écartées des hypothèses telles que le corps a été conservé au congélo – relire les polars. Pour la première fois, on a un IMP négatif. Il faudra en conséquence que policiers, juges, avocats… et auteurs de polars se méfient beaucoup plus de cet indice – que des entomothanatologistes devront perfectionner. Article : DOI: 10.1111/1556-4029.13481 À (re)lire : Entomologie médico-légale : les insectes au service de la justice, par Damien Charabidzé et Benoît Bourel. Insectes n° 147 (2007-4). |
Le mystère du vol du moustique enfin résolu, par Cyrille Vanlerberghe. Le Figaro, 29 mars 2017. Des punaises nommées d'après l'univers de Tolkien. The Conversation, 20 mars 2017. OPIE Franche-Comté. Blog. Les araignées mangent plus de « viande » que l’humanité, par Pierre Barthélémy. Le Monde, 15 mars 2017. L'urbanisation uniformise les insectes. Daily Science, 2 mars 2017. Zika : histoire d'un virus émergent, par Marc Gozlan. Le Monde, 1er mars 2017 |
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1140 Télécuiseur Les agrumiculteurs de Floride sont en guerre contre la maladie du dragon jaune, alias citrus greening, due à une bactérie du phloème transmise par l’envahisseur Diaphorina citri (Hém. Psyllidé). Ils traitent chimiquement contre le psylle et arrachent les arbres secs. La production a chuté de moitié depuis 2005. La firme Intellectual Venture va leur proposer son arme de destruction massive d’indésirables, sa Photonic Fence. Le 3e prototype tue tout ce qu’on lui a désigné comme tout petit insecte jusqu’à 30 m horizontalement et 3 m verticalement. Moustiques (la cible initiale du projet), mouches des fruits et psylles seront ses victimes les plus notoires. Le principe : un laser bleu détecte l’insecte, un ordinateur l'identifie à sa fréquence de battements alaires, un laser infrarouge le supprime. Pour Arty Makagon, directeur technique, le dispositif est sûr et ne saurait blesser les yeux (des agrumiculteurs). Le laser tueur a juste la puissance qu’il faut, sans gaspillage d’énergie. Quand on passe l’insecte tué sous la bino, on ne voit aucune marque de brûlure, aucune plaie béante. Le psylle est juste cuit. Cet été, l’expérimentation se déroulera par étapes : entièrement sous serre contre des psylles d’élevage, partiellement sous serre pour éliminer les psylles sauvages de l’endroit en épargnant les abeilles, puis en verger autour de quelques arbres. Restera à abaisser considérablement le coût de la Photonic Fence. D’après notamment « Insect-Zapping Laser “Fence” Prepares for First Enemy Contact », par Tom Simonite. Lu le 28 février 2017 à www.technologyreview.com/ Images de la cible : psylles sautant et volant (sans se faire dézinguer) Le matos À (re)lire : Le Psylle asiatique des agrumes et la maladie du dragon jaune, par Alain Fraval. Insectes n° 150, (2008-3) et les Épingles Guerre des étoiles et Feu bleu sur la fourmi de feu rouge. 1139 La balle au centre ! Lars Chittka, de la Queen Mary University de Londres et ses collaborateurs publient de nouveaux résultats sur les facultés cognitives des insectes et, particulièrement, sur leur plasticité. Après avoir fait tirer des ficelles à leur bête, le Bourdon terrestre Bombus terrestris (Hym. Apidé) [Épingle de 2016], ils l’ont fait jouer au foot. Soit une balle de la taille du bourdon à peu près, qu’il s’agit de pousser – à pattes - jusqu’à un emplacement, au centre de l’arène, pour y recevoir une récompense, du sirop sucré. À part cette dernière substance, équivalente à du nectar, rien dans cette affaire ne ressemble à ce que les ouvrières rencontrent comme objet et affrontent comme tâches dans leur vie dans la nature. Elles font donc face dans cette manip à un problème tout neuf, pour elles comme pour l’espèce. Les ouvrières sont d’abord familiarisées avec les balles jaunes. Puis on les lâche dans l’arène (quelques centimètres de diamètre) à distance du but, le centre. Elles apprennent à réussir l’épreuve plus vite si elles ont observé les mouvements d’une sœur déjà formée ou ceux d’une fausse abeille, un capuchon rayé noir et jaune enfilé au bout d’une tige transparente manipulée par l’entomologiste. Une démonstration magique, la balle étant mue par un aimant déplacé sous l’arène, ne les aide pas. De 3 balles placées plus ou moins loin du but, nos bourdons choisissent de pousser la plus proche, même après avoir vu une autre ouvrière amener la balle de loin. Et même si leur balle est noire au lieu de jaune. Leur tout petit cerveau n’empêche donc pas les insectes de manifester une plasticité cognitive étonnante, qui sans doute ne se manifeste que sous la pression de conditions environnementales particulières. D’après, entre autres, « Ball-rolling bees reveal complex learning », lu le 23 février 2017 à //phys.org/news/ Vidéos 1138 Chaussons fourrés et gros sabots On est dans un monde colonial, noir et très bruyant. Au bout de la galerie, une fine cloison de bois les sépare. D’un côté on marche à pas feutrés, de l’autre en martelant le sol. Les uns dressent l’oreille (si l’on peut dire) et ont faim, les autres vaquent à leurs occupations jusqu’à ce qu’ils se fassent dévorer par les premiers. Des entomoaccousticiens de l’université de Nouvelle-Galles du Sud (Australie) ont, par des observations en nature et des manips en laboratoire, établi que les termites (susnommés les uns) utilisent leur ouïe - et très peu leur odorat - pour détecter leurs proies, des fourmis (les autres) et fondre dessus. Et ceci dans un environnement très bruyant. Eux-même sont très furtifs car silencieux dans leurs déplacements. Mesurée dans une chambre anéchoïque, l’empreinte sonore des soldats de termites est 100 fois plus faible que celle des fourmis. Il en est ainsi chez Captotermes acinaciformis (Blatt. Rhinotermitidé), un termite qui prospecte en creusant des galeries souterraines près de la surface du sol à partir du pied d’un arbre, et Iridomyrmex purpureus (Hym. Dolochodériné), fourmi qui construit des dômes et décharne les carcasses très rapidement. Parmi les 16 espèces de termites et de fourmis australiennes étudiées, deux marchent sans bruit : une fourmi myrmécophage et un termite kleptoparasite de termites. Les moyens développés pour cette étude devraient servir à améliorer la définition des signatures sonores pour repérer des individus ou des engins particuliers dans le brouhaha. Ils pourront, selon les auteurs, conduire à une lutte d’un nouveau type contre les termites destructeurs. D’après, notamment, « Ants stomp, termites tiptoe: Predator detection by a cryptic prey ». Lu le 22 février 2017 à www.sciencedaily.com/ 1137 Ouvrières pucées Les robots, pas tellement ceux à 2 bras et 2 jambes mais les systèmes automatiques, remplacent les travailleurs et c'est tant mieux quand ils leur épargnent des tâches fastidieuses et fournissent des résultats innovants. Plutôt que d'astreindre des entomologistes (thésards, stagiaires, assistants) à observer et à noter de longues heures durant l'activité d'insectes remuants et imprévisibles, il est bien plus intéressant de confier le travail à un dispositif automatique. Celui-ci reste vigilant le temps qu'on veut. Une caméra nourrissant un logiciel ad hoc renseigne sur le trafic des ouvrières de fourmis et dévoile un vaste système de tirage au flanc (Épingle de 2017). En collant des puces RFID sur les insectes à étudier et en disposant des détecteurs desdites puces, on accumule énormément de données, qu'un logiciel ad hoc trie et met en forme, livrant au chercheur une fois la manip finie le parcours chronométré de chaque individu. À l'université de l'Arizona, Avery L. Russell et ses collaborateurs ont entrepris de mesurer la spécialisation des ouvrières d'abeilles, soit leur tendance à rapporter du pollen ou du nectar, chaque jour tout au long de leur vie de butineuses. Leur bête : le Bourdon fébrile Bombus impatiens (Hym. Apidé). Une colonie compte, du printemps à l'automne, outre la reine, 75 individus, dont 40 à 50 sortent récolter. Les bourdons expérimentaux sortent du nid par un passage en Y, vers une offre de nectar ou de pollen. Les plus actifs font 40 voyages quotidiens. On les croyait généralistes, ils se spécialisent pour la plupart, soit pour toute la vie, soit pour chaque journée. On ignore comment se fait le choix mais on peut avancer que cela correspond à une moindre dépense intellectuelle, la découverte des sources de nectar et de pollen étant plus facile une fois que le processus a été établi. Les adeptes d'un régime différent chaque jour ne sont pas de meilleures butineuses. Ni la grosseur ni le nombre de sensilles sur les antennes n'influent sur la spécialisation. Autre résultat : certaines ouvrières ne se donnent pas la peine d'aller fourrager. Serait-ce par défaut de capacités intellectuelles ? Cela fait une économie d'énergie... Article source (gratuit, en anglais) 1136 Père surnourri, fils élus Un père peut transmettre à sa descendance de quoi bien démarrer dans la vie autrement que par des mécanismes génétiques. Ainsi, s'il a été bien nourri dans sa propre enfance , avec une forte proportion de protéines, aura-t-il des fils que leur mère mettra au monde de préférence à ceux qu'elle pourrait concevoir d'une union parallèle. Il en est ainsi chez la Mouche du vinaigre. Les spermatozoïdes issus d'un mâle élevé sur un régime fortement protéiné l'emportent - c'est Madame qui choisit - sur ceux offerts à la même femelle par un père moins bien alimenté. La sélection sexuelle postcopulatoire dépend là d'effets transgénérationnels. Pour mettre ceci en évidence, les chercheurs d'une équipe australo-états-unienne ont croisé des drosophiles transgéniques hyperprotéinées dont les têtes des spermatozoïdes et des cellules somatiques fluorescent en rouge et des drosos peu protéinées en vert, mâles et femelles. Les femelles consommaient un premier mariage avec des mâles « rouges » puis, dès le lendemain un second, durant 4 jours avec des « verts ». À l'analyse, les gènes de l'immunité s'expriment moins chez les fils d'hypoprotéinés, tandis que ceux liés au métabolisme et à la reproduction sont surexprimés chez les « rouges », en plus. Le mécanisme est inconnu. Article source (gratuit, en anglais) 1135 Ventre bleu et dragon jaune Le Psylle asiatique des agrumes Diaphorina citri (Hém. Psyllidé), envahisseur quasi mondialisé, commet des ravages considérables notamment par l'intermédiaire de la bactérie qu'il inocule, Candidatus Liberibacter asiaticus, agent de la maladie du dragon jaune, alias le greening. Les recherches pour trouver une parade efficace et sûre n'ont pas abouti jusque-là. La prise en compte d'un caractère visible des individus de psylles pourrait faciliter la lutte. En effet, ces insectes ont l'abdomen diversement coloré, en fonction de leur charge en agent pathogène. On trouve des psylles bleus, gris et jaunes. Michelle Cilia, biologiste moléculaire de l'ARS à l'institut Boyce Thompson, et son équipe ont analysé les psylles et montré qu'une protéine, l'hémocyanine, est responsable de la coloration bleue. Cette hémocyanine est connue chez des mollusques et d'autres arthropodes - elle donne sa couleur bleue à l'hémolymphe des limules, par exemple - mais n'avait jamais été trouvée chez les Hémiptères. Présente surtout chez les individus porteurs de la bactérie, elle paraît être sécrétée par le système immunitaire du psylle pour contrer l'infection. Elle interagit avec une protéine de la bactérie, maillon d'une chaîne métabolique (appelée acetyl-coenzyme A) vitale. L'équipe a aussi montré que les adultes réagissent plus fort que les larves, ce qui explique que le pathogène doit être acquis par le psylle au stade larvaire pour être inoculé à un arbre sain par l'imago. Reste à montrer que les couleurs arborées par les psylles correspondent à des niveaux différents d'infectiosité et à appliquer ces résultats à l'amélioration de la surveillance et de la lutte contre la maladie, jusqu'à abandonner la seule solution insecticide disponible actuellement. Article source (gratuit, en anglais) Photos : les 3 couleurs des abdomens de psylle. Clichés Michelle Cilia. À (re)lire : « Le Psylle asiatique des agrumes et la maladie du Dragon jaune », par Alain Fraval. Insectes n° 150 (2008-3) et « Le parfum de la désillusion », Épingle de 2012. 1134 Deux abdomens Engagés dans une étude de la biodiversité dans une forêt du Costa Rica, Christoph von Beeren et Alexey Yischechkin, de l''université technique de Darmstadt (Allemagne), se sont penchés sur des colonies de fourmis légionnaires du genre Eciton (Hym. Dorylinés). Leur recherche portait notamment sur les petits animaux qui vivent aux dépens des fourmis, dont on connaît plusieurs centaines d'espèces (chez E. burchellii). Et ils ont fait une belle découverte. Certaines ouvrières d'E. mexicanum en train de déménager d'un nid vers un nouveau site, regardées de profil, montrent deux abdomens superposés, de même couleur et texture de tégument. On ne voit rien vu du dessus. En fait, l'« abdomen » surnuméraire (inférieur) est un Coléoptère Histéridé, Nymphister kronaueri. espèce nouvelle pour la science. Bien accroché par ses mandibules entre le pétiole et le postpétiole de son hôte, choisi de taille moyenne, sans doute protégé par sa ressemblance, notre auto-stoppeur se fait transporter gratuitement (pour autant qu'on sache) sans se fatiguer. Ce cas de phorésie n'est certainement pas unique et pourrait être répandu chez d'autres fourmis légionnaires,. Il reste à les étudier. Article source (gratuit, en anglais) Illustrations (clichés Daniel Kronauer et Munetoshi Maruyam) |
Offre d'emploi : technicien au Laboratoire européen de lutte biologique à Montpellier. Contact : Mélanie Tannières. Christine Rollard, l'arachnologue qui chasse la peur des araignées, par Nathaniel Herzberg. Le Monde (abonnés), 21 février 2017. Afrique : pourquoi la lutte contre la chenille légionnaire est si difficile, par Kerstin Kruger. The Conversation, 19 février 2017, [Spodoptera frugiperda, Lép; Noctuidé] Les incroyables propriétés de la langue de grenouille, par Pierre Barthélémy. Le Monde, 5 février 2017. [article source (gratuit, en anglais)] |
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Janvier | À cliquer | |
1133 Papillon en prison Attendez la mi-mars. Rendez-vous en Chine. Promenez-vous alors dans les bois et cueillez un fruit mûr de Glochidion lanceolarium (Phyllanthacée). Ouvrez-le. Un papillon en sort et s'envole. C'est Epicephala lanceolaria (Lép. Gracillariidé). Les arbres du genre Glochidion produisent des fleurs mâles et femelles en avril-mai. Durant la journée, elles ne sont guère visitées par les insectes sans doute parce qu’elles n'ont pas de nectar à offrir mais, la nuit, elles émettent une senteur qui attire les papillons femelles du genre Epicephala. Lesquelles visitent les fleurs mâles où elles recueillent du pollen sur le trompe. Puis se rendent sur les fleurs femelles pour y déposer ce pollen. Ceci fait, elles y pondent un œuf. Au bout de quelques mois, alors que le fruit est formé, la jeune chenille éclot. Elle se nourrit de 2 ou 3 de la demi-douzaine de graines présentes, perce un trou et se chrysalide au sol. Au printemps, les papillons émergent et le cycle recommence. Il n'en va pas de même avec E. lanceolaria. Le fruit de son hôte, G. lanceolarium, ne se forme qu'en janvier suivant et l'oeuf n'éclot pas avant. En mars ont lieu la nymphose puis l'émergence des imagos. Lesquels ne seront libérés que lorsque le fruit mûr éclatera sur l'arbre, juste à l'époque de la floraison. La relation insecte-hôte semble tout à l'avantage de la plante, qui contrôle le développement de son pollinisateur. Comme pour les autres cas de mutualisme, il peut s'agir du résultat de la longue coévolution entre deux lignées. C'est vrai pour les arbres Glochidion et les teignes Epicephala en général, mais pas dans le cas de notre papillon en prison. L'espèce E. lanceolaria se situe en effet tout à la base de l'arbre de l'évolution des Glochidion, tandis que G. lanceolarium est apparu relativement très récemment. Il semble bien que le papillon ait commencé à pondre sur cette essence il y a peu, en délogeant une autre espèce. D'après « Plant keeps moths captive inside its fruits for almost a year », lu le 1er février 2017 à www.newscientist.com/ Photo (cliché Shi-Xiao-Luo et al.) Au fil des Épingles publiées ici, on a suivi les tentatives pour télécommander des blattes, des papillons, des Coléoptères... dans les buts de a) fournir du renseignement civil, b) espionner pour les militaires, c) remplacer les pollinisateurs défaillants et... z) créer des jouets d'un type nouveau. Les malheureux cobayes sont au moins inscrits dans l'ordre nouveau des Zombiptères (mot clé pour rechercher la précédentes Épingles sur le sujet), référence aux zombis originels, esclaves mort-vivants. Le nouveau spécimen est une création conjonte de Draper, une boîte de recherche et développement, et l'institut Howard-Hugues (Massachusetts, États-Unis), Les ingénieurs soulignent que, au cours des années passées, leurs prédécesseurs ont utilisé la force brute pour faire manœuvrer à distance des insectes robustes instrumentés, en piquant dans leur muscles des électrodes. Ils n'ont pas bouleversé le schéma général de la zombiptérification : l'insecte - ici une grosse libellule - porte sur son dos un paquet d'électronique (relativement petit et léger) comportant panneaux solaires, batterie, système de navigation autonome, capteurs, émetteur et générateur de commandes. La nouveauté vient de l'interface avec le vivant : c'est la lumière qui actionne les nerfs via des « optrodes », moins invasifs. Les nerfs moteurs sont rendus réceptifs à ce signal par la greffe de gènes codant pour des protéines photosensibles, des opsines. La commande est plus précise. Les essais en vol vont continuer. D'après, entre autres, « DragonflEye Project Wants to Turn Insects Into Cyborg Drones », By Evan Ackerman. Lu le 25 janvier 2017 à http://spectrum.ieee.org/ Illustration : libellule instrumentée (cliché Draper) 1131 Fourmilière et dépendance Soit deux échantillons d’ouvrières de Camponotus floridanus (Hym. Formicidé), fourmi charpentière nord-américaine. Les deux lots sont abreuvés d’eau sucrée, de moins en moins sucrée. Un des lots « bénéficie » en outre d’une petite dose constante de morphine. Au 5e jour, les fourmis sont à l’eau pure. On leur offre alors le choix entre une solution sucrée et une solution de morphine. La plupart des individus morphinés vont boire la solution morphinée. Les ouvrières sustentées au sucre pur vont vers le sirop sucré. Puis les crânes de tout ce petit monde sont ouverts et les cerveaux soumis à une analyse par chromatographie en phase liquide. Chez les toxicos, la concentration en dopamine, neuromédiateur associé à la récompense et au plaisir - est plus forte. Marc Seid et ses collaborateurs (université de Scranton, Pennsylvanie, États-Unis) ont mis ainsi en évidence pour la première fois l’auto-administration de la drogue pure par un insecte, sans apport calorique. On avait déjà créé des drosophiles alcooliques mais dans ces études, la substance était associée avec du sucre. Autre nouveauté de ce travail, l’utilisation d’un insecte eusocial, dans l’espoir de pouvoir se servir des fourmis pour des expérimentations sur la diffusion de la toxicomanie chez les gens. Les rats, habituels outils des travaux sur l’effet des substances psycho-actives et addictives sont des solitaires et les Homo sapiens sont exclus a priori de ce genre de manip. Au programme de M. Sied, sur les fourmis, le repérage des neurones activés par la dopamine dans le cerveau et la construction d’un modèle informatique du réseau social pour tester l’influence de la dépendance sur les liens entre congénères. D’après, notamment, « Addict Ants Show That Insects Can Get Hooked on Drugs, Too », lu le 21 septembre 2016 à www.smithsonianmag.com/ À (re)lire « Et le moucheron va se piquer la ruche », Épingle de 2012. 1130 L’éclairage moderne et les moucherons Dans 20 ans, estime-t-on, 70% des éclairages seront équipés de LED (diodes électroluminescentes), au rendement bien meilleur que celui des ampoules classiques à filament de tungstène ou celui des plus modernes fluocompactes. On connaît l’impact des éclairages extérieurs publics ou pas sur les populations d’insectes ; les adultes volants sont en effet – tout le monde l’a expérimenté – attirés fatalement par la lumière. On sait de mieux en mieux comment mais l’évolution des équipements impose de poursuivre les recherches. Une équipe de photoentomologistes, sous la houlette d’Andy Wakefield (université de Bristol, Royaume–Uni), a installé un dispositif expérimental pour comparer in natura l’attractivité de 4 sources de lumière blanche : ampoules tungstène, fluocompactes, LED à lumière froide, LED à lumière chaude. Ceci sur 18 sites répartis dans le Sud-Ouest du pays. Leurs « pièges lumineux » ont capturé quelque 4 000 insectes. Les LED en ont attiré nettement moins que les autres ampoules : 4 fois moins que les vielles tungstène et moitié moins que les fluocompactes. Aucune différence n’a été relevée entre LED « froides » et « chaudes ». De façon surprenante, un grand nombre d’arabis (Dip. Ceratopogonidés du genre Culicoides) s’est retrouvé capturé : 80% par les tungstène, 15% par les fluocompactes et seulement 2 à 3% par les LED. Ces moucherons, vecteurs notamment de la fièvre catarrhale ovine, et dont les femelles sont en quête d’un repas chaud de sang, sont peut-être attirés par la chaleur émise par les vielles ampoules. Ces résultats donnent l’espoir de voir l’entomofaune ménagée par cette nouvelle technologie peu énergivore. Mais sa capacité à essaimer partout en équipant des zones actuellement laissées dans le noir devrait annuler cet avantage. Article source (gratuit, en anglais) 1129 Insectes : les nécessaires et les indispensables Certaines plantes se nourrissent d’insectes – et d’autres petits animaux – qu’elles collectent grâce à des pièges. Elles occupent des terrains au sol très pauvre en azote notamment. Elles poussent lentement malgré le concentré que leur apportent leurs proies car le développement, le fonctionnement et l’entretien des pièges se fait au détriment de la production de feuilles et donc de la photosynthèse. Comment font ces plantes carnivores pour que les proies aillent dans leur « estomac » et les pollinisateurs sur les fleurs ? Chez les utriculaires, les pièges souterrains ou subaquatiques ne sont pas accessibles aux insectes. Fleurir avant ou après l’ouverture des feuilles-pièges est un moyen sûr. C’est le cas de la plupart des sarracénies. Chez Pinguicula vallisneriifolia, un long pédoncule éloigne les fleurs blanches de la rosette de feuilles. Celles-ci capturent beaucoup de pollinisateurs potentiels et la plante souffre d’un déficit de graines. Chez d’autres plantes carnivores, la fleur est plus ou moins haut au-dessus des pièges, sans qu’on note une hécatombe d’auxiliaires. Ashraf El-Sayed est ses collaborateurs (Nouvelle-Zélande), poursuivant l’étude du « conflit proie-pollinisateur », ont examiné l’attractivité des fleurs et des feuilles de 3 espèces de droséras. Drosera spatulata et D. arcturi, à pétiole relativement long, n’émettent aucune odeur mais réalisent une bonne séparation des insectes visiteurs. Ces droséras poussent dans des endroits dégagés où les fleurs sont les seuls signaux visuels évidents présents. Chez D. auriculata, où les fleurs sont tout près des feuilles-pièges, les unes et les autres émettent des odeurs distinctes. Celle des fleurs attire pollinisateurs et proies indistinctement tandis que celle des feuilles n’attire que les proies. Il y a 140 ans, Ch. Darwin avait supposé que les droséras attiraient les insectes sur ses poils gluants en émettant une senteur. Depuis, personne n’avait même testé son hypothèse. L’équipe néo-zélandaise est désormais en quête des molécules attractives d’urnes-pièges, un cocktail sans doute plus complexe mais dont les composantes pourront peut-être renforcer notre arsenal d’attractifs. Tandis qu’en France, on cherche le secret de l’attirance manifestée par le Frelon à pattes jaunes Vespa velutina (Hym. Vespidé) pour les urnes fatales des sarracénies. D’après, entre autres, « How insect-eating plants persuade insects to pollinate them », par Yao-Hua Law. Lu le 11 octobre 2016 à www.bbc.com/earth/story/ À (re)lire : Les sarracénies, pièges pour le Frelon asiatique à pattes jaunes, par François Meurgey et Romaric Perrocheau. Insectes n° 177 (2015-2). 1128 Le petit génome des glaces L'Antarctique est un continent fascinant mais pas pour l'entomologiste épris de diversité, qui n'y trouvera qu'un seul insecte. Belgica antarctica (Dip. Chironomidé) se nourrit à l'état larvaire des algues et bactéries vivant dans les déjections et les déchets laissés par les manchots. Il met 2 ans à se développer et sa vie d'imago ne dépasse pas 10 jours. Cet insecte extrêmophile résiste modérément au froid (-15°C) mis sait s'enfouir (1 cm suffit) par grands froids (-40°C). Aptère, il n'est pas balayé par les vents ; il est surtout remarquablement résistant au sel et à la dessiccation, pouvant perdre 70% de son eau tissulaire. David Denlinger, avec une équipe états-unienne, a piloté un examen de son génome. Qui se révèle plus petit que ce que l'on croyait possible. Il ne comporte que 99 millions de paires de nucléotides, et ne comporte pas d'ADN poubelle, cet ADN qui répète des séquences utiles ou qui ne sert à rien (de connu). B. antarctica compte pourtant un effectif normal de gènes fonctionnels, soit 13 500. Parmi ceux-ci, cet étude a révélé un groupe impliqué dans la déshydratation et la réhydradation (aquaporines), sans doute la clé de la survie du Diptère dans cet environnement particulier. Autres insectes à petit génome : le Pou du corps, 105 millions de paires de bases et un Strepsiptère, 108. Photos de larves et d'un imago mâle D'après « No Excess Baggage: Antarctic Insect’s Genome, Newly Sequenced, is Smallest to Date ». Lu le 24 janvier 2017 à //satprnews.com/ À (re)lire : Figures de Diptères aptères, par Alain Fraval. Insectes n° 144 (2002-1). En ligne à www7.inra.fr/opie-insectes/ Les Strepsiptères, par A.F., Insectes n° 147 (2007-4). Le Pou du corps grande histoire, petit génome, par A.F. Insectes n° 158 (2009-1). 1127 Paresse ouvrière Pourquoi, dans les grandes structures, la consommation d'énergie par tête est-elle moindre que dans les petites ? La question, restée sans réponse depuis longtemps, vient de trouver l'explication suivante : dans les grandes colonies, la proportion d'ouvrières qui ne font rien est plus grande que dans les petites. Et comme celles qui tirent au flanc ne font aucun effort, elles brûlent moins d'énergie. On comprend aisément qu'il faut des ouvrières au repos pour faire face à toute demande brusque de main d'oeuvre, qu'il s'agisse de remplir les réserves, colmater une brèche ou déplacer les individus impotents (c'est-à-dire le couvain ; c'est une histoire de fourmis, on l'a compris). Et on voit bien que les habitantes du nid composent, en jouant sur le taux d'activité partielle, avec deux impératifs : maximiser l'apport de ressources et minimiser la dépense d'énergie. Mais pourquoi cette différence dans le taux de tirage au flanc ? Question encore sans réponse... Cette avancée (intermédiaire) est issue des travaux de Chen Hou (Missouri S&T, États-Unis) et de ses collaborateurs, basés sur l'emploi d'un système d'acquisition des mouvements des fourmis innovant. Le logiciel qui interprète les images vidéo est capable d'enregistrer individuellement les allées et venues des ouvrières pendant 2 heures d'affilée contre 1 ou 2 minutes dans les études précédentes. Il en ressort que les fourmis marchent à des vitesses différentes, de 1,4 à 2 cm/seconde et , surtout que 60% des ouvrières se reposent dans un groupe de 30 contre 80% parmi 300. Dans ce dernier cas, les individus se meuvent moins vite et la consommation d'énergie moyenne par tête (mesurée par respirométrie) n'est que la moitié de cette mesurée dans le groupe de 30. Individuellement, cette dépense est chez la fourmi en marche de 5 fois celle de la fourmi statique. Un groupe qui a 20% de ses membres actifs consomme donc presque 2 fois autant que celui où tout le monde se repose. Les auteurs de l'étude signalent que les groupes humains affrontent des problèmes analogues et que la connaissance issue du monde des insectes sociaux devrait aider à améliorer leur fonctionnement. D'après « Ants need work-life balance, research suggests », lu le 16 janvier 2017 à //phys.org/news/ 1126 Bactérie antibiotique En broutant les végétaux, les chenilles ingèrent des bactéries, dont certaines leur sont dommageables. Les unes et les autres se retrouvent dans leur tube digestif où se livre une bataille dont une récente étude, dirigée par Yongqi Shao à l'institut Max-Planck (Allemagne), a dévoilé les protagonistes et leurs rôles. Des « bonnes » bactéries sécrètent un peptide antibiotique qui tue les « mauvaises », éliminant donc ses compétiteurs et protégeant son hôte. On soupçonnait depuis longtemps que la très bonne résistance des insectes aux maladies, une cause majeure de leur succès évolutif, était en grande partie due à leur bactériome. La première découverte issue de ces recherches faites sur le Ver du cotonnier Spodoptera littoralis (Lép. Noctuidé), fut le changement de faune survenant durant le développement larvaire : alors qu'on trouve chez les jeunes chenilles une grande variété d'espèces d' Enterococcus , les chenilles âgées hébergent presque uniquement E. mundtii, non pathogène. Ensuite fut isolée de cette dernière espèce la mundticin KS, peptide toxique pour les autres bactéries. Les travaux suivants seront consacrés à rechercher des cas semblables chez d'autres espèces et à identifier les toxines produites par les composantes du bactériome. On en espère la mise au point de nouveaux agents de lutte biologique contre les ravageurs et, en médecine, le découverte de peptides antibactériens. Article source (gratuit, en anglais) 1125 Casse-graine On connaissait une fourmi cultivatrice, Philidris nagasau (Dolichodérinée) des îles Fidji (Épingle « Ouvrières agricoles et filles de l’air » de 2016). Une seconde espèce vient de la rejoindre, pour des performances moins spectaculaires certes. Pogonomyrmex badius (Myrmicinée) est une fourmi moissonneuse de Floride qui amasse des graines dans son nid souterrain. On a consacré beaucoup de travaux aux choix faits par les récolteuses parmi les graines présentes sur le terrain mais personne ne s'était demandé comment ces petites fourmis cassent l'enveloppe dure des graines pour en consommer l'intérieur. On supposait que la tâche était accomplie par les individus de la caste à grosse tête et grosses mandibules, les Major. Walter Tschinkel et Christina Kwapish (université de Floride, États-Unis) ont déterré 200 nids de P. badius. Ils y ont trouvé 70% en poids de grosses graines, alors que les ouvrières en rapportent de toutes tailles. Seulement, elles consomment surtout les plus petites, plus faciles à ouvrir. Poursuivant leurs observations au champ et au laboratoire, ils ont trouvé que ces fourmis, y compris celles à grosse tête, sont incapables d'exploiter les grosses graines tant qu'elles n'ont pas germé. Vu qu'une grosse graine a, une fois son tégument brisé, 15 fois la valeur nutritionnelle d'une petite, il est évidemment intéressant d'attendre que dame nature fasse son œuvre. D'autant que comme les semences des différents végétaux germent plus ou moins vite, leur germoir leur offre de la nourriture en supplément à leurs récoltes au jour le jour. Article source (gratuit, en anglais) |
Lyme : collectionnons les tiques pour aider les chercheurs ! The Conversation, 25 janvier 2017. L’extraordinaire sens de l’orientation des fourmis, par Fui Lee Luk. CNRS Le Journal, 19 janvier 2017. [Cataglyphis velox, Hym. Formiciné] Article source (gratuit, en anglais) Le réchauffement climatique menace la reproduction des mouches. Par Donovan Thiebaud. Le Monde, 13 janvier 2017. Une équipe de chercheurs anglais a mis en évidence l’impact de changements climatiques violents sur les capacités reproductives de la drosophile. |