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Phoracantha
par Alain FRAVAL et Mohamed HADDAN
Actes Éditions (Rabat), coll. Doccuments scientifiques et techniques, 1989, 38 p
8. DEGATS ET IMPORTANCE ECONOMIQUE
Les symptômes d'une attaque par P. semipunctata sont très facilement visibles sur des essences à écorce lisse comme E. globulus et E. saligna : l'écorce se soulève et éclate, révélant les galeries pleines de frass. Dans le cas des espèces à écorce persistante rugueuse et fissurée (E. siderxylon, E. gomphocephala), l'attaque ne se remarque que par l'aspect du feuillage qui pâlit et flétrit. En cas de pullulation du ravageur, les dégâts sont spectaculaires et l'on entend bien les larves creuser. Certains arbres développent une gommose ; ils sont alors visités par de nombreux insectes, dont les abeilles (HADDAN, 1987).
La larve sous-corticole exerce sur le végétal une action de spoliation aux dépens de l'aubier et de l'écorce qui se traduit pour l'arbre sur pied par l'interruption de la circulation de la sève. SCRIVEN et al. (1986) observent que des arbres sont tués par une seule larve dont la galerie a fait le tour du tronc. Les galeries pénétrantes (pour la nymphose) fragilisent le tronc qui peut être cassé par le vent. La perte en bois sur rondin de faible diamètre est environ de 1/3 en volume (calcul effectué à partir des estimations du volume d'une galerie ; cf. ci-dessus).
GIL SOTRES etMANSILLA VAZQUEZ (1983) notent que le champignon Hypoxylon mediterraneum envahit les galeries pénétrantes de P. semipunctata jusqu'aux logettes de nymphose. Nous n'avons, pour notre part, pas remarqué de dégâts induits ni associés à l'attaque de P. semipunctata.
Du bois coupé, envahi par l'insecte, est généralement exploité jusqu'à ce qu'il ne reste pratiquement plus d'espace utilisable. L'arbre sur pied, par contre, peut surmonter les attaques de l'insecte, mêmes celles qui ont lieu à l'occasion d'une période critique attestée par l'augmentation de la pression osmotique (CHARARAS, 1969). Ceci a lieu lorsque des pluies d'automne abondantes redonnent à l'arbre une vitalité suffisante et le rendent capable d'une part, de noyer les larves dans des exsudations abondantes de gomme et de sève (cf. ci-dessus) et d'autre part, compenser par de nouvelles pousses la perte des parties tuées par l'interruption des conduits de sève. Il est ainsi possible d'observer, en hiver, sur de grands E. camaldulensis en pleine santé, les traces d'une attaque massive. Elles se présentent sous la forme des empreintes des cheminements extracorticaux des larves entre leur éclosion et leur pénétration. Des dizaines de "pontes" (par m2 d'écorce) sont ainsi repérables, mais l'attaque a été arrêtée lors de la traversée de l'écorce. On observe également que certains arbres ont surmonté des attaques beaucoup plus avancées: quelques branches vertes partent du pied autour d'un tronc mort.
On a tenté d'évaluer les pertes causées par le ravageur dans les différentes zones atteintes par l'insecte. L'unité de mesure est généralement l'ha. Les perte, ramenées à l'échelle d'un pays ou d'une province, sont de l'ordre de quelques % : ainsi 1,18% du parc marocain d'Eucalyptus a été perdu en 1981 au Maroc (EL YOUSFI, 1982) ; chaque année 3% environ des arbres périssent en Espagne (province de Huelva). Cette quantité augmente si les conditions climatiques favorisent l'attaque (GONZALEZ-TIRADO, 1986). En Tunisie, Phoracantha est présent dans la presque totalité des 40 000 ha d'Eucalyptus de ce pays, mais il ne pose problème que dans 5 000 ha, avec "gravité de type moyen" (M'SAADA, 1972).
En fait, les conséquences économiques d'une attaque par P. semipunctata demeurent dans la majorité des cas mal évaluées. A la perte de la production s'ajoutent la perturbation des rotations et les mesures de lutte: arbres-pièges, traitement du bois abattu, surveillance et contrôles. Des évaluations précises ont être tentées en Espagne. Ainsi, CADAHIA CICUENDEZ (1984) a évalué le coût des mesures de quarantaine destinées à empêcher l'extension du ravageur aux plantations d'Eucalyptus de la région atlantique de l'Espagne : la dépense n'atteint pas 0,5% de la valeur de la production annuelle de la zone protégée. Dans les zones infestées, les pertes en bois sont évaluées à 5 000 ptas/ha (env. 400 DH) pour des arbres de 8 ans, lorsque le bois attaqué est brûlé et à 3 200 ptas/ha si ce bois est quand même utilisé. En plus de ces coûts de quarantaine, l'arrivée de Phoracantha dans un pays peut remettre en cause la politique de boisement et obliger, tout au moins, à rechercher des essences adaptées et à les planter là où les Eucalyptus en place se sont révélés sensibles (EL YOUSFI, in AMAOUN et EL HASS ANI, 1982). Elle peut aussi être le moteur d'efforts importants pour régénérer les forêts autochtones et développer l'usage d'arbres locaux. L'importance économique de ce ravageur est plus grande qu'on ne l'estime à première vue.