L'insecte pédiculaire de la tête se rencontre ordinairement dans les parties chevelues et sa présence est annoncée par des démangeaisons accompagnées souvent de pustules, de puanteur, de saleté, de croûtes minces d'abord, mais qui, bientôt, en raison d'un suintement ichoreux plus abondant, s'épaississent ; et sous lesquelles l'animal se tapit, dépose ses œufs et pullule avec une rapidité effrayante. […]
Lorsque l'on n'a pas le soin d'entretenir toutes les parties du corps, la tête surtout, dans un état de propreté convenable, il en résulte que la pullulation des insectes pédiculaires forme un foyer toujours renaissant d'accident tels que, inflammation, afflux d'humeurs qui, prenant un caractère acrimonieux, ulcèrent profondément le cuir chevelu. De ces ulcères sort une sanie ichoreuse, fétide, qui, se séchant à l'air, ou par la chaleur de la partie, finit par envelopper la tête d'une croûte épaisse sous laquelle restent enfouis des milliers d'insectes qui, par leur mouvement continuel, entretiennent ces démangeaisons horribles qui forcent les malheureux d'arracher ces croûtes : de là une cuisson vive, une irritation extrême qui, se propageant dans toute l'étendue du crâne, augmente l'état de souffrance du malade, et rend souvent les organes voisins participans de cette douloureuse affection. […]
Les insectes
s'engendrent de préférence chez ceux qui se couvrent de laine, et qui
sont privés pendant un temps plus ou moins long de l'avantage de
changer de vêtemens. Des observateurs disent avoir remarqué que, les
poux se développaient plus promptement dans les vêtemens faits avec la
laine prise sur les animaux après leur mort. Cependant le phtiriasis
qui, autrefois, fut regardé comme pénal, ne paraît pas toujours
dépendre des causes que nous venons d'assigner, puisque des individus
riches et d'un rang élevé, ont pu en être atteints. Il serait assez
difficile de s'en rapporter au témoignage des anciens pour expliquer
les causes qui peuvent, dans certaines circonstances, donner naissance
à la maladie pédiculaire. Aristote et Théophraste la faisaient
dépendre, l'un de la chair corrompue, ex carne corrupta ; l'autre, d'un sang corrompu et putréfié, ex sanguine corrupto et putrefacto. D'autres out avancé que le développement des insectes pédiculaires était déterminé calore concoquente partent, illorum humorum qui putrefiant.
C'est cette chaleur qu'Avicenne croit devoir distinguer en chaleur
universelle, créatrice ou médiate, et en chaleur particulière,
naturelle ou immédiate. Reste maintenant à savoir comment cette
chaleur, soit médiate, soit immédiate, peut engendrer ces insectes qui,
selon ces mêmes auteurs, naissent au sein de la putréfaction, quoique
la matière putréfiée ne jouisse par elle-même d'aucune chaleur
naturelle, mais semble possidere duntaxat putredinalem. Il résulte de
toutes ces hypothèses que la cause n'est pas plus expliquée d'une
manière que de l'autre; et que l'on ne peut tirer aucune conséquence du
sentiment d'auteurs qui ont donné des définitions aussi vagues.
Selon
Mercurialis, un léger frottement occasionné par la démangeaison sur une
partie quelconque du corps, lorsque lui même est vicié par des humeurs,
peut faire affluer vers cette partie un principe qui, âcre par sa
nature, deviendra la cause principale du phthiriasis.
Le changement
des eaux, la suppression d'exercices habituels, l'usage de certains
alimens, tels que les figues sauvages, la chair de vipère, etc., une
disposition particulière à la dégénérescence des humeurs, comme le dit
Amatus Lusitanus , ont été regardés comme cause de la maladie
pédiculaire. […]
Les préjuges sont aussi difficiles à déraciner que
les hypothèses sont faciles à imaginer. Si l'on en croit Apollonius,
Aristote pensait que les poux abandonnaient ceux qui étaient sur le
point de mourir, qu'on n'en retrouvait plus que dans les oreillers, les
couvertures, etc., parce qu'alors ces insectes ne trouvant plus le suc
nourricier nécessaire à l'entretien de la vie, la nature leur indiquait
d'aller le chercher dans des lieux où la sécrétion de ces sucs pouvait
s'opérer. 11 paraîtrait néanmoins qu'avant cette désertion totale, la
nature aurait également indiqué à ces insectes de mettre en sûreté le
germe de leur postérité; car le professeur Duméril a observé plusieurs
fois sur des cadavres d'hommes indigens soumis à ses dissections, et
qui avaient vécu dans la malpropreté, que des œufs de poux et même de
punaises avaient été déposés sous les ongles de leurs pieds. […]
Le
phthiriasis naît-il spontanément? Bonet en fournit plusieurs exemples.
Blondelin parle d'un seigneur qui, ayant voyagé sur mer avec des juifs,
crut qu'il eu avait été maléficié, et qu'ils lui avaient donné la
maladie d'Hérode. Toute sa peau était pleine de poux ; il eu sortait du
creux de ses mains, des narines, des oreilles, etc. La personne qui
l'accompagnait n'était occupée qu'à chercher les insectes et à les tuer.
Si l'on en croit le fait rapporté par Amatus Lusitanus , un homme riche mourut de la maladie pédiculaire. Les poux, dont son corps était couvert, étaient en si grande abondance, et se multipliaient avec une telle rapidité que deux de ses serviteurs n'étaient occupés qu'à porter à la mer des corbeilles remplies des insectes qu'ils recueillaient de toute la surface de son corps. […]
Le phthiriasis, qui ne reconnaît pour cause que la malpropreté ou l'indigence, peut être facilement combattu par tous les moyens sanitaires sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucun traitement médical : ainsi ,chez les enfans, à la tête desquels les insectes s'attachent particulièrement, on aura l'attention de les peigner souvent, de leur raser même la tête, afin d'éviter que, parle grattement auquel les expose la démangeaison continuelle, il ne survienne une complication d'accidens plus ou moins fâcheux ; car, c'est ainsi que dans la classe indigente se manifestent ces croûtes teigneuses produites par le suintement dont nous avons parlé: ajoutez à cela une disposition première des humeurs. […]
Mais
si le phtiriasis dépend ou paraît dépendre de maladies particulières,
le traitement ainsi administré ne serait que palliatif, si l'on ne
combattait la maladie première, cause efficiente de la maladie
pédiculaire.
Provient-elle ou présume-t-on, qu'elle peut provenir
d'une dégénérescence dans les humeurs? il faut s'occuper de combattre
cette dégénérescence par les moyens propres à la maladie principale.
Les anciens, qui jugeaient que le phthiriasis devait reconnaître pour
cause un vice dans le sang, employaient de suite la saignée. Ce moyen,
dans les progrès actuels de la science, serait regardé comme illusoire,
à moins qu'un état de pléthore ou de phlegmasie locale n'invoquât la
nécessité d'y avoir recours. Ils ajoutaient ensuite à ce traitement la
purgation des humeurs, afin d'entretenir non-seulement la-liberté
du-ventre, mais pour procurer des évacuations qu'ils regardaient comme
indispensables pour détruire la cause à laquelle ils attribuaient la
génération de ces insectes. Tous ces différens moyens pouvaient, selon
les cas, convenir comme traitement interne, mais ne dispensaient point
d'avoir recours à différens autres moyens externes, tels que poudres,
lotions, linimens , pommades, tous composés de substances plus ou moins
actives qui, en portant leur action médiate sur l'insecte, devaient le
détruire lui et sa postérité.
Si la maladie pédiculaire est le
résultat de maladies graves et chroniques, d'affections débilitantes,
qu'elle soit un symptôme des fièvres lente, hectique, et de la
phthisie, il sera nécessaire de combiner le traitement, de manière à
s'opposer aux progrès de l'une et de l'autre. Si la pédiculaire est un
signe d'altération dans les humeurs, on retirera le plus grand avantage
des stomachiques, des amers. […]
Le phthiriasis, pouvant être attribué à un défaut d'exercice habituel, le médecin doit recommander ceux de ces exercices qui peuvent favoriser l'action des vaisseaux cutanés, et cette transpiration si indispensable dans les fonctions de la vie. […]
par Pierre Tournadour, Essai sur le phthiriase et sur l'œdème, considérés comme maladies qu'il est quelquefois dangereux de guérir ; 20 pages in-4° Paris, 1816.
in Dictionaire des sciences médicales, vol. 42. Charles-Louis-Fleury Panckoucke (París), 1820.
Extraits
Les
oiseaux et les singes mangent les poux des animaux de leurs espèces, et
même de espèces différentes. Par exemple, il y a des singes dressés à
chercher les poux des enfans et des hommes, et qui font leur délice
d'avaler ces insectes.
Plusieurs peuples d'Afrique, au rapport des
voyageurs, mangent les poux humains. Les nègres de la côte occidentale
d'Afrique se font chercher leurs poux par leurs femmes, qui ont grand
soin d'avaler ces insectes à mesure qu'elles en trouvent. Les
Hottentots,dit Rolbe, mangent avec plaisir des poux humains. M.
Labillardière raconte aussi, dans son Voyagea la recherche de
Lapeyrouse, avoir vu des femmes sauvages, à la Nouvelle-Hollande,
chercher les poux de leurs enfans et les manger. Ceci est un nouvel
exemple qui montre que les goûts sont différens parmi les hommes, et
que ce qui est un objet d'horreur pour les uns en peut être un de
plaisir par d'autres, et nous fait voir qu'il n'y a rien d'absolu en ce
monde.
On voit même en Europe des individus dont le goût bizarre ou
malade les porte à manger des poux : tels sont de jeunes filles
attaquées des pâles couleurs, des hypocondriaques, de» maniaques ,
etc. ( p. T. ». )
Pou de tête, Pediculus humanus capitis, Phthiraptera Pédiculidé.