Conventions de Berne, de Bonn, de Washington, de Ramsar... décret du 25 novembre 1977, loi du 10 juillet 1976, arrêtés du 3 aout et du 14 septembre 1979, du 29 mars 1989... Les textes régissant la protection des insectes menacés ne manquent pas. Ils sont complets et précis mais hélas pas vraiment efficaces parce que mal connus et donc trop peu appliqués.
La
protection des insectes est une idée encore récente mais chacun d’entre
nous devrait se sentir concerné. Où sont nos bois, nos chemins
forestiers et prairies d’antan ou abondaient tant de fleurs
multicolores visitées par d’innombrables espèces d’insectes ? La
physionomie de nos paysages a bien changé, la faune et la flore
sauvages s’appauvrissent. Si l’on n’y prend pas garde de nombreuses
espèces risquent de disparaître à jamais : 10 % des insectes et autres
invertébrés européens sont menacés d’extinction dans les décennies à
venir.
Sous la pression de nombreux mouvements écologistes ou
malheureusement les entomologistes brillaient par leur absence,
certains États se sont organisés, promulguant des textes qui protègent
la faune et la flore du pays, ou adhérant à des conventions
internationales telles que les Conventions de Berne, Washington ou
Ramsar.
En France la Loi du 10 juillet 1976 relative à la protection
de la nature prévoit entre autres la possibilité de protéger des
espèces animales ou végétales. Une première liste d’espèces d’insectes
à protéger a été établie par un groupe de travail ou figuraient des
entomologistes du Laboratoire d’Entomologie du Muséum, de la Société
Entomologique de France, de l’OPIE ainsi que de représentants de la
Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature et des
commerçants. Un arrêté du 3 août 1979 fixe la liste des insectes à
protéger en France. Il en fut de même pour les mammifères terrestres et
marins, les oiseaux, poissons, batraciens, mollusques et pour les
végétaux supérieurs.
Des confusions dans les esprits
Parallèlement
à ces mesures la CEE a établi plusieurs règlements qui fixent les
modalités d’application de la Convention de Washington sur le commerce
international des espèces de la faune et de la flore sauvages menacées
d’extinction.
Prochainement notre pays va ratifier la convention de
Bonn qui concerne la conservation des espèces migratrices et leur
protection sur tous les parcours ainsi que celle de Berne qui porte sur
la conservation de la faune et de la flore sauvages et du milieu
naturel en Europe.
Tous ces textes n’ont pas été suffisamment
diffusés auprès des entomologistes. Ce manque d’information crée des
confusions dans les esprits et ne favorise pas leur application. Il
nous semble donc nécessaire de faire le point sur les contraintes, les
devoirs, et les droits qu’ils nous imposent.
Depuis le 3 août 1979,
il est interdit aux entomologistes: « la destruction ou l’enlèvement
des œufs, des larves et des nymphes, la destruction, la capture ou
l’enlèvement. la conservation aux fins de collections des insectes,
qu’ils soient vivants ou morts, leur transport. leur colportage, leur
utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ».
Ce
texte, qui concerne les 31 espèces et sous-espèces d’insectes protégés
en France, est clair. Il impose certes des contraintes mais elles
peuvent être levées par des autorisations exceptionnelles de captures
ou prélèvements à des fins scientifiques (arrêté du Il septembre 1979).
La lenteur des démarches administratives
La
demande d’autorisation est à adresser en double exemplaire à la
Direction de la Protection de la Nature. Elle peut être faite par un
particulier ou une personne morale. Il faut y préciser le nom de
l’espèce à capturer ou à prélever ainsi que le stade et le nombre
d’individus, le lieu, la période de capture ou de prélèvement, et
enfin, les noms des personnes qui en sont chargées. En cas de transport
des insectes il est nécessaire d’indiquer sur la demande, la
destination, le temps et les conditions de transport. Le demandeur
s’engage à tenir un registre dans lequel sont consignées les opérations
de captures ou de prélèvements ainsi que l’utilisation des insectes.
Ceux-ci ne seront ni vendus ni cédés. Le registre peut être contrôlé
par des agents habilités.
L’arrêté du 14 septembre 1979 fixe les
conditions de délivrance et d’utilisation à l’importation et à
l’exportation des animaux protégés en France. Le demandeur doit fournir
les autorisations précédemment délivrées par le Ministère chargé de
l’Environnement et dans le cas d’insectes provenant d’élevage, la
demande doit être accompagnée d’un certificat délivré par
l’Administration au vu de justificatifs que l’entomologiste lui aura
fournis.
L’ensemble de ces mesures ne pose pas de difficultés
particulières si ce n’est la lenteur des démarches administratives qui
n’est pas toujours compatible avec le "matériel" biologique qui nous
intéresse. Mais de nombreux entomologistes ont déjà profité avec succès
de ces mesures.
Importation et exportation
Sur
le plan mondial, la convention de Washington réglemente le commerce des
espèces de la faune et de la flore, menacées d’extinction. Les
modalités d’application de ce commerce à l’intérieur du territoire ont
fait l’objet d’un arrêté le 29 mars 1988 pour les espèces figurant à
l’annexe 1.
Pour les insectes, plusieurs Papilionidae
sont concernés, ils sont répartis en 2 annexes (1 et 2) de la
convention (correspondant aux annexes CI - C2 de la CEE) qui font
l’objet d’un traitement spécifique.
Les papillons figurant à
l’annexe 2 sont autorisés au commerce mais sont soumis à autorisation
d’importation sous tous régimes douaniers, l’exportation et la
réexportation, sur tout le territoire national.
L’introduction
en France de ces insectes est soumise, lors des formalités douanières,
à la présentation d’un permis d’importation ou d’un certificat
d’importation délivré sous certaines conditions: Le demandeur doit
faire valoir que la capture du spécimen n’a pas d’influence nocive sur
la conserva¬tion de l’espèce, il doit en outre fournir des documents
délivrés par les autorités du pays d’origine indiquant que le spécimen
a été acquis conformément à la législation relative à la protection de
l’espèce concernée. Dans le cas d’animaux vivants, il est nécessaire
d’apporter la preuve que le destina¬taire dispose des installations
d’élevage correspondant à l’espèce et à son mode de vie. L’exportation
ou la réexportation hors de la communauté sont soumises à la
présentation d’un permis d’exportation.
Les spécimens figurant
aux annexes 1 et CI du règlement CEE ne peuvent pas être importés sauf
à des fins scientifiques, en outre, ils ne peuvent être transportés,
vendus, exposés sans une autorisation accordée par le Ministre chargé
de la protection de la nature, alors que ceux de l’annexe C2 peuvent
l’être dans la mesure où ils ont été importés dans les conditions
précédem¬ment décrites.
Plusieurs centaines d’espèces
En application de cette réglementation l’évolution des autorisations accordées ne cesse de progresser.
Ainsi
au cours de l’année 1988, 2 542 permis d’importation et 11 565 permis
de réexportation ont été délivrés pour l’ensemble de la faune et de la
flore protégées par cette convention (spécimens vivants et morts).
Le
Conseil de l’Europe a modifié les annexes de la convention de Berne ou
figurent maintenant 81 espèces d’invertébrés protégées dont 51 espèces
d’insectes. Il est notamment interdit pour les espèces figurant dans
l’annexe 2 (article 6) de procéder à toutes captures, détention et mise
à mort intentionnelle, à la destruction au ramassage d’œufs, à la
détention et au commerce d’animaux morts ou vivants. Mais en plus de
ces mesures l’article 6 prévoit l’interdiction de détruire ou
détériorer intentionnellement les sites de reproduction. De même pour
les insectes figurant à l’annexe 3 la réglementation permet «
l’interdiction temporaire ou locale de l’exploitation (du milieu) afin
de permettre aux populations existantes de retrouver un niveau
satisfaisant ». Des périodes de captures seraient même autorisées.
Plusieurs centaines d’espèces d’insectes figurent maintenant sur des listes qui réglementent leur capture et détention.
Toutes
ces dispositions ne sont pas une fin en soi et les contraintes qu’elles
occasionnent ne doivent pas empêcher les entomologistes de participer
activement à la protection des insectes et de leurs milieux, et
d’adhérer à des associations s’intéressant à cet aspect de
l’entomologie.
La protection des insectes, c’est avant tout la
protection des biotopes, le principe est maintenant largement admis.
L’OPIE, en¬tre autres actions dans ce domaine, propose d’établir
rapidement des inventaires puis des listes régionales d’insectes à
protéger. Celles-ci seraient composées d’espèces qui seraient faciles à
identifier et représentatives d’un milieu, et de commentaires sur leurs
caractéristiques bioécologiques. Ces listes permettraient de mettre en
place des arrêtés de protection de biotopes (décret du 25 novembre
1977) et de prendre localement les mesures de protection de milieux qui
s’imposent.
Des moyens existent. Les botanistes et les ornithologistes savent déjà bien les utiliser... C’est à notre tour maintenant !