à Miss Mary
Stevenson
Graven street,
11 juin
1760,
[...] Votre
réflexion sur ce que vous
avez lu
dernièrement
au sujet
des insectes
est très-juste
et très-solide.
Des esprits
superficiels sont disposés
à mépriser
et à
traiterd'hommes
frivoles ceux qui
prennent cette partie de la création
pour en
faire leur
étude ;
mais certainement le
monde leur
a de
grandes obligations.
Grâce aux
soins et
au ménage
de l'homme,
le chétif
ver à
soie donne
de l'emploi
et de
la subsistance
à des
milliers de familles,
il est
devenu un
immense article
de commerce. L'abeille
nous cède son miel
délicieux et sa cire qui
sert à
une multitude
d'emplois. Un autre
insecte, dit-on, produit
la cochenille,
d'où se
tire notre
riche teinture
d'écarlate. Tout le
monde connaît
l'utilité des cantharides
(ou mouches
d'Espagne) en médecine :
des milliers
de personnes
doivent la
vie à ce
remède. L'industrie
et l'observation
humaine découvriront
peut-être
quelque jour
chez d'autres
insectes d'autres
propriétés
non moins
utiles. Une
parfaite connaissance de
ces petites
créatures peut aussi
mettre les hommes en
état de
prévenir l'accroissement, de celles
qui sont
nuisibles, ou de nous garantir
des dommages
qu'elles occasionnent. Vos
livres sans
doute parlent
de tout
cela ;
je ne
puis y
ajouter qu'un
exemple récent
que je
tiens d'un
gentilhomme suédois, très-digne
de crédit.
Dans les
chantiers du roi de Suède,
les pièces
de charpente
fraîches, destinées à
construire des vaisseaux, étaient
attaquées par une
espèce de
vers, qui
devenaient plus nombreux
et plus
pernicieux d'année en
année, de
sorte que
les vaisseaux
étaient fort
endommagés, avant même
que d'être
mis à
l'eau ; Le roi envoya de
Stockholm M. Linnée,
le grand
naturaliste, pour examiner
la chose,
et voir
si le
mal comportait
quelque remède.
Après examen,
Linnée découvrit
que le
ver sortait
d'un petit
œuf, déposé
sur les
aspérités du bois
par une
sorte de
mouche ou
de scarabée
dont la
nymphe aussitôt
qu'elle était
éclose commençait
à ronger
la substance
du bois
; au
bout de
quelque temps,
elle se
métamorphosait en mouche,
pareille à celle
qui l'avait
pondue; c'est
ainsi que
l'espèce
se multipliait.
Linnée reconnut
en outre
que la
saison de
la ponte
se réduisait
à une
quinzaine de jours,
dans le
mois de
mai, à
ce que
je crois,
et n'avait jamais
lieu dans
un autre
temps. Il
conseilla donc de
jeter dans
l'eau, peu
de temps
avant cette
date, toutes les
pièces de
bois frais
coupées et
de les
tenir immergées jusqu'à
ce que
la saison
fût passée.
La chose
faite par
l'ordre du
roi, les
mouches, privées de
leur nid
habituel, ne purent
se multiplier;
l'espèce en fut détruite, ou
alla ailleurs,
et le
bois fut
sauvé, car,
passé la
première année il
était trop
sec et
trop dur
pour convenir
à ces
insectes.
Il est toutefois
à propos
d'apporter une certaine
modération
dans les
études de
cette sorte.
La connaissance de
la nature
peut être
un objet
d'agrément ou d'utilité,
mais on serait répréhensible
si, pour
s'y distinguer, on
négligeait la connaissance
et la
pratique des devoirs
essentiels. Car, dans
les études
naturelles, il n'y a rien qui soit
aussi important
que d'être
bon père,
bon fils,
bon mari
ou bonne
femme, bon
voisin ou
bon ami,
fidèle sujet
ou bon
citoyen, et en un mot bon chrétien.
Nicolas Gimcrack,
quinégligeait
le soin
de sa
famille pour
courir après
les papillons,
était donc
un personnage
ridicule, et donnait
beau jeu
aux satiriques, à
qui il
faut l'abandonner.
Adieu, my dear Friend, and
believe me ever Yours affectionately
You good Mother is well, and gives her Love and Blessing to you. My
Compliments to your Aunts, Miss Pitt, &c.
B.J.