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Une microrubrique, distillée au fil des livraisons successives d'Insectes, pour relever des mots, des expressions et parfois, des proverbes qui utilisent (on ne les a pas consultés, est-ce bien correct ?) nos amis les insectes. Certains sont connus, d'autres sont plus surprenants. Les pistes d'interprétation qu'on vous livre sont, pour certaines,… expérimentales.
Abeille, Artison, Antenne,
Asticot, Bourdon,
Cafard, Charançon,
Chenille, Cigale, Cloporte, Criquet,
Fourmi, Frelon, Grillon, Guêpe, Hanneton, Larve,
Mite, Morpion,
Mouche, Nymphe,
Œuf, Papillon,
Puce, Punaise,
Ruche, Sauterelle, Sphinx,
Taon, Ver.
Et les mots en "-phage". Et "De pyr en
pyrr". Et À la pêche
par Alain Fraval (sauf mention contraire)
Mise en train
A comme Abeille : Le miel est doux mais l'abeille pique (entendu au nord de la Méditerranée) ; L'abeille est noire, et pourtant elle donne du miel (au sud…) ; Toutes les mouches bourdonnent, mais elles ne sont pas des abeilles (proverbe géorgien).
B comme Bête : Chercher la petite bête (explorer le bocage à la recherche du Pique-prune) ; Prendre la bête par les cornes (façon de parler scarabé) ; Morte la bête, morte le venin (voir Insectes n°112).
M comme Mouche, Moucheron : Tuer les mouches à quinze pas (haleine fétide, effet de knock-down de certains insecticides) ; Autant chie un bœuf que mille moucherons (proverbe français, à vérifier au chronocopromètre, exposé dans Insectes n°119) : Solo los tontos cochen las moscas [Seuls les idiots attrapent les mouches] (proverbe espagnol).
Pour le dictionnaire, c'est une larve d'insecte qui pond sur les substances
animales en décomposition et qui sert d'appât pour la pêche.
Pour l'entomologiste, c'est une larve de Diptère Cyclorrhaphe
(supérieur, de type mouche), vermiforme, apode (sans pattes) et
acéphale (sans tête distincte), dont la nymphose se passera
sous forme de pupe.
Et pour les gens ? C'est l'asticot funéraire qu'on imagine
en train de " manger les joues " des morts dans leur boîte à
asticots (cercueil) ; c'est l'asticot dans la sciure, acheté
au bureau de tabac, avec des hameçons ; c'est l'asticot qui
garnit le fromage (parfois appelé mulot). Certaines gens appellent
ce petit animal familier astibloche ou astibloque. Les personnes
gringalettes, les minus, peuvent s'entendre qualifier
d'asticots.
Pour les étymologistes, cela reste une énigme. Le mot vient
peut-être du verbe asticoter, l'asticot servant à asticoter
(agacer) le poisson. Asticoter, qui s'est d'abord écrit dasticoter,
a pour origine (voir Rabelais) un juron de lansquenets tiré de l'allemand
: " Dass dich Gott… " (que Dieu te…).
Le mot désigne à la fois la larve éruciforme des
Lépidoptères - au corps allongé, avec des " anneaux
", des pattes thoraciques et des fausses-pattes abdominales - et une femme
acariâtre. Un double sens qui n'a rien d'étonnant pour qui sait
que chenille vient de petite chienne, en référence à
l'allure de la tête de l'une et de l'autre.
Longtemps, on a dit laid comme une chenille pour quelqu'un de pas
beau et traité de chenille une personne négligeable
ou méprisable, voire méchante, et de chenillon une fille
laide.
La chenille sert à décorer - en passementerie, en "
travaux manuels " -, à récurer (les pipes), à rouler
sur des sols trop meubles pour les engins à roues normales. D'une
chenillette (petit engin militaire) chenillant (avançant
en convoi), il ne faut attendre aucune métamorphose en papillon,
même en chenillant (en insistant).
PS : autrefois, dans le Nord, on disait chatepeleuse, chatepelose, carpleuse, capleuse, catpeleure... par référence à une chatte poilue. L'anglais caterpillar en est directement dérivé.
Insecte Anoploure Pht(h)ridé, hématophage sexuellement
transmissible, Pht(h)irius pubis maintient ses pièces buccale
dans la peau d'Homo sapiens (l'autre représentant de la famille
" habite " le Gorille), provoquant une pht(h)iriase à soigner non
plus à l'onguent mercuriel, mais au Spray-Pax ou à l'Aphtiria
(voyez votre pharmacien).
Le mot, hors contexte entomo-sanitaire, désigne une personne de petite
taille, un crampon ou un gamin ordinaire et le vocable peut même être
affectueux. Le morpion est aussi un jeu qui se pratique en environnement
scolaire avec des ronds (pour l'un) et des croix (pour l'adversaire) qu'il
s'agit d'aligner par cinq.
Quant à l'étymologie, elle est claire : c'est un pion (pou)
qui mord.
Photo microscope à balayage à http://www.ulb.ac.be/sciences/biodic/EImMorpion.html
Paru dans Insectes n°126
Chapoltepêl = la montagne des sauterelles, chapolton
= petite sauterelle ; chapoltôm = petites sauterelles ;
chapoltzontecomatl = tête de sauterelle. C'est du nahuatl (langue
des Aztèques, dans laquelle chenille se dit ocuhilli, asticot
ocuilin…).
La sauterelle est un Orthoptère sauteur (d'où son nom)
vert ou jaunâtre que les entomologistes ont tendance à identifier
aux Ensifères (longues antennes, long oviscapte -sauf exceptions).
D'une personne dérangée - qui, selon le proverbe, voudrait
" plumer un chat, ferrer une sauterelle, tondre un œuf ou conseiller
les jeunes gens " - on peut dire qu'elle a une sauterelle dans la
guitare. Des cyclistes en danseuse se sont vu qualifier de
sauterelles, de même que des danseuses sèches et maigres.
L'usage du mot pour désigner une femme facile ou prostituée
s'est un peu perdu, en même temps que ses synonymes cocotte et
sauteuse.
Passons aux pièces et engins mécaniques : une pièce
basculante et un anneau coulissant le long d'une corde d'attache sont une
sauterelle (d'étable), une bande transporteuse inclinée
et mobile servant à monter sacs et gerbes, est une sauterelle
de cour de ferme. Une sauterelle, c'est aussi un piège à
bascule pour braconner les oiseaux, une fausse équerre, un aiguillage
mobile (de chemin de fer). C'est encore un jeu de marelle et, retour à
l'agriculture, ce qui dépasse de terre d'une marcotte (le futur cep
de vigne, par exemple).
Elle est une " vanité " pour les Chinois, qui ont cette formule "
l'homme ne vit qu'une vie, la sauterelle ne vit qu'en automne " difficile
à admettre pour les orthoptérologistes d'autres zones
biogéographiques.
Le criquet n'est pas le mâle de la sauterelle, sauf à
parler d'un couple de personnes malingres - mais un criquet est petit
à côté de sa grande sauterelle et l'on s'attend
à ce qu'il ait une voix de criquet, faible et aiguë. Un
criquet est aussi un cheval, petit. C'est un vin, mauvais ( une eau
de vie du même acabit est appelée du cric). Et il est des
clés à criquet.
Le mot vient de " krikk ", onomatopée du chant du grillon, sympathique.
Mais ce peut être un bruit qui fait peur - d'où, vraisemblablement,
le crique de " que le crique vous croque ! ", un bruit qui rapproche
peut-être criquet de cric, engin de levage.
Mais n'oubliez pas pour d'aucuns, les criquets sont des insectes sauteurs,
des Orthoptères de la sous-famille des Célifères (antennes
et oviscapte courts) qui habitent les régions chaudes et y ravagent
les récoltes sous le nom d'acridiens, locustes et sauteriaux réunis.
Paru dans Insectes n°127
Le mot, qui vient du féminin de l'adjectif punais, qui pue, désigne
en entomologie les insectes de l'ordre des Hémiptères, du
sous-ordre des Hétéroptères, rassemblant les Hydrocorises
(aquatiques), les Géocorise (terrestres) et les Amphibicorises
(intermédiaires).
En papeterie, une punaise est un petit clou court, à la tête
plate et ronde chez nous, en forme de bobine chez les Américains,
qui sert à punaiser des plans, des cartes, des affiches au
mur. Mais un peintre qui punaise peint par petites touches. Punaise
! (pour marquer la surprise devant cette acception peu connue).
Le populaire connaît la punaise tout court - femme très
peu estimable-, la punaise de sacristie - bigote - qu'on appelle aussi,
au mépris de la cohérence taxinomique, " grenouille de
bénitier " et il ne confond pas " être plat comme une
punaise " - manquer d'agressivité, être servile - avec "
avoir le ventre plat comme une punaise " - être affamé.
Pour ce populaire, somme toute connaisseur de l'écologie de Cimex
lectularius, la Punaise des lits hématophage, le nid à
punaises désigne une chambre d'hôtel garni. Et il use, là
ou ailleurs, parfois ce dicton : " puce, merde, pou et punaise nous
empêchent de vivre à notre aise ".
" Le cafard a beau se rouler dans la cendre, le coq le reconnaît toujours
" dit un proverbe africain.
Les gens aussi identifient facilement ces insectes Dictyoptères, cousins
des Mantes et des Termites, plats et peu avenants, désagréables
et fuyants. Familiers, ces Orthoptéroïdes ont plusieurs autres
noms : blattes, cancrelats, ravets…
Un cafard est d'abord un faux dévot (cafarde au
féminin) et, pour les écoliers, un mouchard, rapporteur,
délateur - qui cafarde ou cafte. Le mot vient de l'arabe kafir
(incroyant, converti). Nos Blattoidea le portent par métaphore,
en raison de leur look, couleur noire et fuite devant la lumière.
Ce nom de cafards, il l'ont par ailleurs donné - comme l'ont
fait les bourdons - à une tristesse lancinante avec idées noires.
Paru dans Insectes n°128
Le bourdon qui nous intéresse n'est ni le bâton de
pèlerin surmonté d'une gourde, ni la bourde typographique qui
se traduit par des mots manquants. Un sucre d'orge en forme de ou un blanc
fait exprès sont des faux bourdons, qui n'ont rien à
voir avec notre faux bourdon, le mâle d'Apis mellifera,
l'Abeille domestique, qu'on éloigne des ruches avec un bourdonnier.
Et notre vrai bourdon, c'est l'" insecte Hyménoptère
de la famille des abeilles, à corps gras et velu ", du genre Bombus
(Apidés), butineur et social.
C'est plutôt d'une ruche d'abeilles, que de son nid, qu'on dit qu'elle
bourdonne (les ouvrières travaillent) ; mais quand l'amphi
bourdonne, les étudiants sont désœuvrés.
Qui s'agite en faisant beaucoup de bruit fait le bourdon à
moins que, écolier parmi les écoliers, il murmure de plus en
plus fort, sans bouger : une technique de chahut collectif - qui rend hommage
à l'étymologie onomatopéique du mot…Qui a mal à
la tête avec les idées pas claires a la tête comme
un nid de bourdons.
Le bourdon est encore la basse continue de la vielle, un jeu de l'orgue
sonnant très bas, une grosse cloche très grave. Et c'est aussi
une tristesse invincible (avoir le cafard - cf Insectes n°127
- c'est pareil).
Mais avoir des bourdons, c'est être un serriste avisé,
qui utilise les Bombus comme auxiliaires pour polliniser, par exemple, ses
melons.
D'origine latine, le mot désigne avant tout un insecte
Hyménoptère vivant en colonie et produisant la cire et le miel
- que l'on nomme dans bien des endroits de la Francophonie " mouche à
miel ", " mouchette " ou " avette ".
L'auteur de cette chronique, qui prétend écrire
élégamment, se croit une abeille. Pas une pauvre
abeille ni une petite abeille, termes d'affection. Dans le ciel,
l'Abeille est une constellation et, sur mer, le nom d'un remorqueur
secourable tandis que, sur terre, sont ainsi nommés des journaux de
sociétés, des associations…
Après avoir servi aux Mérovingiens, l'abeille, insecte très
travailleur, fut choisi par Napoléon Ier comme symbole
de l'activité impériale. Le pas d'abeille est une danse
orientale, au langage connu depuis la nuit des temps, et le bois d'abeille
un bois tropical dur, prisé des ébénistes. Pour
le soldat à la guerre, les abeilles qu'il entend sont de petits
éclats d'obus.
En paix, l'abeille bourdonne, murmure, zonzonne, vrombit…, elle fait
" zoem-zoem " en afrikaans, " bzzz " en albanais, néerlandais, finnois,
polonais, hébreu, espagnol, etc., mais " vzzz " en turc, " summ summ
" en allemand et " bunbun " en japonais.
Partout l'entomologiste la nomme Apis mellifica (Hyménoptère
Apidé).
Paru dans Insectes n°130
Grelet en Poitou, grésillon en Anjou, criet en Normandie, cricket en Angleterre, Grille en Allemagne, guersillon du côté de la Bretagne, grillon à Paris, grinchon en Flandres, cri-cri ou petit cheval du bon Dieu chez les enfants… ce n'est rien d'autre qu'un " insecte noir, sauteur, à grosse tête, dont les élytres courts produisent une stridulation (chez le mâle) et qui recherche le soleil, les endroits chauds ". Son chant est également qualifié de grincement (" Noir serrurier, en bas, le grillon lime et grince " Charles Cros), de crissement, de crépitement, de grésillement (grésillon, grêle et grésil sont de même origine), voire de grésillonnement. Et grionne qui l'imite, à l'instar du mâle de la Rainette faux-grillon de l'Ouest, Pseudacris triseriata, rare petite grenouille du Québec, victime de l'urbanisation. Quand au Criquet, il a pris au grillon son chant " krikk " pour se donner un nom.
Dire " cette rubrique n'est pas piquée des hannetons " profère
que Parlez-vous entomo ? a une certaine tenue, que ce n'est pas seulement
un hanneton du chroniqueur (qui a peut-être d'autres manies)
et que celui-ci n'a sans doute pas un hanneton dans le plafond, ni
dans la boîte à sel, pour arriver à lier (à
faire se tenir par le cul comme les hannetons) tout cela. En effet,
il ne faut pas être hanneton pour ne rien oublier ne pas passer
à côté des sourcils d'hanneton, pièce de
passementerie avec des houppes comme les antennes de Melolontha
melolontha, le Hanneton commun, ou de Polyphylla fulo, le Hanneton
foulon (Coléoptères Mélolonthidés).
D'où vient le hanneton des entomologistes, des écoliers, des
jardiniers ? Du ver blanc. Oui, bonne réponse - ver blanc qui est
une larve mélolonthiforme typique par définition. Mais encore
? Du coq, de hano (Hahn en Allemand) avec le diminutif -ton,
à cause de son vol maladroit.
Cet article érudit écrit, si l'auteur retourne à des
occupations futiles, il s'en va attraper des hannetons.
Le Hanneton commun et le Hanneton foulon dans HYPPZ, c'est à
www.inra.fr/hyppz/3melmel.htm
et à
www.inra.fr/hyppz/3polful.htm
Paru dans Insectes n°131
" Une fourmi de dix-huit mètre - Avec un chapeau sur la tête
- Ça n'existe pas, ça n'existe pas " Robert Desnos dit vrai,
le dictionnaire confirme : la fourmi est un Hyménoptère
[Formicidé] de petite taille vivant en colonies nombreuses. Il en
est des jaunes, des rousses, des noires, des rouges, des noir et rouge (la
Fourmi du liège).
Des vertes ? Dans les histoire pour enfants à qui l'on ne manque pas
d'apprendre par ailleurs le cri de la fourmi : elle croonde. Des bleues ?
Au cinéma, voyez Tilt, héros maladroit pur héros
héroïque de 1001 Pattes. Des blanches ? L'entomologiste hurle
" Il ne faut pas dire 'fourmis blanches' mais 'termites', ça n'a rien
à voir ! " Des électriques ? C'est Wasmania auropunctata,
une peste introduite en Nouvelle Calédonie, dite aussi Fourmi de feu.
Des à parasol, des de Pharaon… Oui et bien d'autres encore.
Chez Homo sapiens, une fourmi est une personne petite ou un
convoyeur de quantités fractionnées de substances psychotropes
ou une personne laborieuse - à activité licite ou illicite
- qu'on oppose, depuis La Fontaine, à la futile cigale
(Hémiptère Cicadoidea) ; des fourmis sont des gens nombreux,
agités, vus de loin. Un travail de fourmi n'est pas une grosse
fourmilière en brindilles, pas une longue galerie complexe creusée
dans le sol, pas la récolte de morceaux d'insectes qu'il faut porter
jusqu'au haut du tronc du chêne-liège, pas l'élevage
patient d'une bande de larves, pas le transport en cas de panique d'un œuf
gros comme soi… mais un ouvrage patient et minutieux (comme étaler
et épingler correctement les insectes de tout un tas de culots de
piège).
Avoir des fourmis dans les jambes, c'est éprouver des picotements,
c'est aussi avoir envie de bouger - pour chasser les virtuelles fourmis qu'on
croit sentir circuler sur notre peau. Ce sont les fourmis qui ont donné
son titre au roman de Boris Vian - paru au Scorpion en 1949 - où le
héros a un problème pour bouger…
Mais revenons à la chantefable de Desnos : la " fourmi parlant
français - Parlant latin ou javanais " se nommerait fermi dans
bien des endroits au nord de la Loire, formica en latin et, en javanais,
c'est facile favouvarmavi. Et pour les entomophones des environs,
indiquons Ameise en allemand, ant en anglais, d'ben
en marocain et hormiga en espagnol…
Cette grosse mouche (Diptère Tabanidé) sombre, agressive -
mais seule la femelle pique pour se nourrir du sang des bestiaux et des gens
- a inspiré quelques expressions qui sont, aujourd'hui, tombées
pas mal en désuétude. On ne dit plus " j'ai un taon sur
le dos " (un gros ennui), ni " untel est un taon " mais " untel
mérite la mise en examen pour harcèlement "- ce qui est bien
moins élégant.
Taonner, verbe transitif, a disparu, remplacé partiellement
par son homophonique tanner, dans le sens de harceler. Mais se faire
taonner par le fisc, l'image reste claire !
Le taon est encore la matière première de nombreux jeux de
mots écrits (taon/ton) ou oraux (taon/temps). Voici un couplet d'une
chanson acadienne du taon jadis :
" Il avait pour son laquais
Un gros taon qui jabotait.
Il avait pour son cocher
Un maringoin d'automne
Qui sacrait comme un charr'tier
Encore faisait-il l'homme. "
Hôte, jadis perpétuel, des paquets de nouilles et des sacs de
blé, toujours très redouté des stockeurs et transporteurs
de denrées sèches d'origine végétale, très
souvent ravageur dangereux des cultures et des arbres, parfois auxiliaire
contre des plantes envahissantes, le charançon désigne un
Coléoptère à tête allongée en rostre et
signant son passage par de petits trous ronds, la marque des choses
charançonnées. Entomologiquement, c'est essentiellement
un Curculionidé (au sens large). La famille, nombreuse, comporte -
outre les charançons tout court - les attélabes, les balanins,
les calandres, les sitones, les phytonomes, les cléones, les jakos,
les cossons (au sens étroit) et, drôlement nommé en
Champagne, le Cul crotte, ennemi des bourgeons de la vigne.
L'insecte est assez familier, répandu, insidieux et gênant pour
inspirer des formules très actuelles (désinsectisées)
comme " la pollution, charançon du progrès ". Plus tôt
dans la longue cohabitation entre l'homme et son commensal, Curculio
(charançon) fut le titre d'une comédie romaine de Plaute (-254,
-184), connue aussi comme Le parasite.
Mais notre mot français ne vient pas de ce latin, issu qu'il serait
de la racine gauloise ker que l'on retrouve dans cerf - comme cerf-volant
(Col. Lucanidé).
Plutôt que d'examiner le reste de vos provision de riz pour voir l'insecte
chez vous, inspectez vos bracelets en or. Le poinçon
charançon marquait les articles fabriqués à
l'étranger mais au titre français.
Avant la fin du XVIIIe siècle, une larve était une
apparition hideuse et malfaisante, un ravageur des âmes des bonnes
gens, un déprédateur de bien-être surtout redouté
la nuit, une espèce particulière d'esprit nuisible œuvrant
couramment en synergie avec toute une faune de farfadets, de stryges, de
gobelins, de myrmidonnes, de thyades… et j'en passe mais je n'oublie
pas les nymphes.
Puis ce mot a désigné la forme immature d'un animal passant
par des métamorphoses. Chez les insectes, la vie larvaire s'étend
de l'éclosion de l'œuf à la mue imaginale
(hétérométaboles) ou nymphale (holométaboles).
Les larves de certains groupes d'insectes sont désignés par
des mots particuliers comme l'asticot des Diptères
cyclorrhaphes, le ver blanc des Coléoptères
Mélolonthidés, la chenille (ibid.) des
Lépidoptères…
Et, par analogie, on s'est mis à employer larve à propos d'enfants
(le terme est peu aimable et souvent associé à avorton) et
de grandes personnes dont l'action est trop molle, ne va pas dans le sens
voulu - c'est souvent une injure en politique.
D'aucuns emploient larvo-nymphe à propos de Perles
(Plécoptères) et nos amis acarologues connaissent les
prélarves calyptostasiques des Trombiculides (pas moi).
De larve dérivent plusieurs adjectifs : larvaire (zoologique),
larveux (descriptif, littéraire) ; larviforme (souvent
entomologique), larvivore (qui qualifie les consommateurs de),
larvicide (également fatal mais avec un goût chimique),
larvé (qui ne s'est pas développé ouvertement,
latent, insidieux). Le mot post-larvaire peut être utile au
zoologue (développement post-larvaire) ; il est très employé
par les ichtyologues - qui étudient et pratiquent aussi la
larviculture.
Bien sûr, une larvule est une larve encore plus larvaire qu'une
larve, un " 1er stade " aux mœurs particulières.
En latin, larva, outre un squelette est, d'une part un masque de
théâtre, une marionnette et, d'autre part et employé
surtout au pluriel larvae, les spectres qu'a par la suite
désignés le mot en français. L'adjectif larvalis
veut dire effroyable et le participe passé larvatus,
possédé, en furie. Car les Romains possédaient le verbe
larvare, effrayer par des larves, des apparitions.
Mais nous avons aussi (au moins) deux verbes (et demi) en larve : le tout
simple larver (on larve sur la plage) et sa forme réflexive
(" Punaise ! le réseau se larve ! " - traduc. : " Grands dieux
! Le débit de ma connexion à Internet a chuté ") et,
pour les entomologistes, le verbe de la fin, composé et du 1er
groupe : larviposer, employé notamment pour les Aphidoidea
virginipares vivipares, à illustrer par cette citation du professeur
Fraval : " Sur le laurier-rose devant l'amphi, allez voir Aphis nerii
- puceron jaune à appendices noirs, pouvez pas vous tromper -
larviposer ".
Paru dans Insectes n°129
Du parler du marin – pour qui l’antaine était une longue
vergue inclinée servant à soutenir une voile triangulaire –
le mot, devenant antenne, est passé au vocabulaire du zoologiste.
C’est Théodore Gaza qui, le premier, au XVe siècle,
a usé du terme antenna pour nommer les cornes d’insectes.
Soit des appendices pairs insérés sur la tête et
composé d’un scape, d’un pédicelle et d’un flagelle
ou funicule (voir le Glossaire progressif).
Puis, au XXe siècle, c’est à la TSF (la radio,
puis la télé, puis les portables…) qu’il pousse des
antennes (métalliques, branchées sur un émetteur
ou sur un récepteur). L’autre antenne des marins, un bateau
de guerre avancé, a inspiré les secouristes, pour nommer leurs
antennes chirurgicales. Ceci dit, certains marins, chirurgiens,
entomologistes et autres ont des antennes : ils devinent une situation
ou un sentiment sans indice précis.
Mais avoir des antennes dans l’Amirauté, à la direction
de l’hôpital ou à l’OPIE, c’est y disposer
d’informateurs. Et les insectes, dans les émissions de radio
ou de télé qui les mettent en vedette, ont droit à
l’antenne.
Avec un grand P, tout le monde a oublié Almaque Papillon, valet
de François Ier et poète. Les amateurs connaissent
Jean-Michel Papillon (1698-1776), graveur. Tout le monde, à
l’occasion, est familier du dernier Papillon de notre
échantillon et l’interpelle d’un “Minute, Papillon
!”, sans toujours savoir qu’il était garçon de café
au Cadran à Paris, et servait des journalistes …
Avec un petit p, c’est étymologiquement (du latin pavilio)
une tente militaire au toit pointu. Pavillon s’est partiellement mué
en papillon (avec un p qui marque le battement d’ailes) pour désigner
l’imago du Lépidoptère. Mais aussi toutes sortes de choses
en forme de papillon : pièce de viande (de mouton), écrou,
obturateur basculant dans un cylindre, noeud, coiffe, brasse et… petit
feuillet de papier qui se pose sur le pare-brise des automobilistes en
contravention ou se colle doucement autour de l’écran de
l’ordinateur (cette espèce est nommée post-it en
anglais). Hors de la pratique de l’entomologie (voir “Filets”
dans Insectes n° 128) et sans papillonnette en main, courir
après les papillons, c’est s’occuper de choses futiles
et chasser des papillons noirs, avoir le cafard
ou le bourdon.
Et chez nos voisins ? Le mot évoque tantôt l’âme
- psyche en grec ancien, papilio en latin -, tantôt le
beurre - butterfly en anglais, Schmetterling en allemand. Ou
encore la Sainte Vierge - mariposa en espagnol -, ou une grand-mère
- babockta en russe. Mais, traducteurs, attention ! Dans beaucoup
de langues, il y a 2 ou 3 mots pour désigner un papillon –
butterfly/moth en anglais, Schmetterling, Falter, Eule en
allemand.
Ne trouvez-vous pas qu’on papillonne un peu dans cette rubrique ?
PS (déc. 2006) : à propos de noeud papillon : "Tête de noeud"
Paru dans Insectes n°134
D'abord dans les cieux, où Belzébuth, son nom l'exprime clairement,
est leur dieu. Où Allah se dit le seul capable de les créer
(sourate 22, Le pèlerinage, verset 73 du Coran) ; où le Même
enjoint au croyant dans la pitance duquel une mouche est tombée de
l'y noyer car, si un mal se trouve sur une aile, un médicament se
trouve sur l'autre. Où le Seigneur, ce fut révélé
bien avant, avait demandé à Aaron de frapper le sol avec son
bâton et les hommes et les bêtes seraient couverts de mouches
- ce qui advint alors que les magiciens furent bien incapables d'en faire
autant. Actuellement, Il n'a pas perdu contact avec elles, tout au moins
dans le monde créole où, quand la vache perd sa queue, Dieu
balaye les mouches.
Puis dans le ciel : la constellation de la Mouche est juste au sud de la
Croix du sud ; elle s'est appelée Apis (l'Abeille), puis la
Mouche australe (Musca australis), à l'époque -
révolue - où il y avait une Mouche boréale (Musca
borealis).
Et ici-bas ?
Mouche ne désigne pas qu'un petit insecte volant - pour le vulgum
pecus - ou même un Insecte Diptère plutôt supérieur
pour l'Homo entomologicus, on y reviendra.
La mouche est une petite tache et beaucoup de petites taches font
des mouchetures, tandis que des taches rondes millimétriques
sont des chiures de mouche. On appelle mouche un morceau
d'étoffe noire collée sur le visage pour en accentuer la blancheur
(c'était le Grand Siècle), un petit triangle de barbe sous
la lèvre inférieure (uniquement chez H. sapiens mâle,
donc) - mouche royale Louis XIII puis mouche impériale
Napoléon III. Mouche encore, la tache noire au centre d'une
cible que vise l'archer ou le tireur en essayant de faire mouche.
C'est également une marque sur le billard et bien d'autres choses
encore du vocabulaire des métiers ou du jeu.
Mais la mouche (notre mouche entomologique) n'est pas qu'un truc noir posé
: elle s'agite, elle est douée d'une grande vivacité - d'où
les expressions comme fine mouche, bateau mouche - et elle vole aussi
en tous sens - les mouches volantes dues à un défaut
de notre œil sont parfaitement virtuelles - et suit opiniâtrement
le bétail - d'où les mouches (et les mouchards) de la
police - ou l'effraye : mouche veut dire panique dans un troupeau
à la foire.
Dans des locutions, mouches désigne souvent la multitude nuisible
- dru comme mouches, tomber, crever, tuer… être ennuyeux comme
des mouches - et, au singulier, l'être futile et fragile -
écraser quelqu'un comme une mouche -, petit consommateur -
manger comme une mouche, avoir un appétit de mouche.
Groupées et à l'aise, elles expriment le contentement et l'on
suppose que, devant cet article, vous êtes comme tas de mouches
au soleil. En l'air, elles distraient : regarder voler les mouches
ou compter les mouches (au plafond) n'a jamais voulu dire
s'intéresser scientifiquement au comportement de vol des imagos des
Diptères, ni à leur dénombrement. Et si la (le) partenaire
s'en aperçoit, autrement dit, connaît mouche en lait,
elle (il) prend la mouche.
Les mouches sont également fort utiles pour ponctuer les conversations
(de cour d'école) : tant pis pour les mouches, comme pour
éluder : c'est à cause des mouches.
Sont à prendre au sens imagé les expressions enculer les
mouches - être trop tatillon -, à la pine de mouche
- qui caractérise un travail d'une extrême précision
- et se disputer pour un pied de mouche - pour une cause futile, minime.
De même, quelle mouche aurait piqué celui (celle) qui
comprendrait " action insecticide avec effet marqué de knock down
" dans tuer les mouches à 15 pas (c'est un problème
d'halène) ou piégeage avec attractif inadapté dans on
ne prend pas les mouches avec du vinaigre.
Quant aux mouches des pêcheurs à la ligne, elles sont
artificielles et doivent, aux yeux du poisson, ressembler à un insecte
gobable.
Mais, vous, entomos durs du lectorat, commencez à bailler aux
mouches. Voici, enfin, des Diptères patentés, des vrais
avec 6 pattes et 2 ailes à l'état adulte, passés par
œuf, asticot et pupe et quelques usurpateurs du genre mouche à
miel (Abeille domestique). Je vous laisse faire l'inventaire des Mouches
de…, il suffit de les googler.
Ici, ce n'est pas le lieu de vous les présenter pas par ordre
systématique. Les voici choisies et disposées de façon
absolument pré-scientifique, par couleur. Une mouche blanche
est, en horticulture, un Hémiptère Aleyroidoidea (Aleurode).
Une mouche noire est, pour les Québécois, une simulie
(Simulidé). Mouche aux yeux d'or est un beau nom pour les chrysopes
(Névroptères). Les mouches suivantes méritent un grand
M, car ce sont des genres ou des espèces. Voici la Mouche grise
de l'endive (Ophiomyia pinguis, Agromyzidé) et la Mouche
grise des céréales ( Leptohylemia coactata,
Anthomyiidé), la Mouche grise des semis (Delia platura,
Anthomyiidé) et la Mouche grise à damier (Sarcophaga
carnaria, Sarcophagidé). Poursuivons avec la Mouche verte
(Lucilia caesar, Calliphoridé), la Mouche rose (Psila
rosae, Psilidé), la Mouche brune - de la spiruline -
(Ephydra sp., Éphydridé), la Mouche orange du
sorgho (Contarinia sorghigola, Cécidomyidé), la
Mouche jaune - des céréales - (Opomyza florum,
Opomyzidé) et, au bout de la palette, la Mouche bleue
(Calliphora vomitoria, Calliphoridé).
Nous sommes partis des cieux, passés par l'homme avec son langage,
sa culture et ses cultures. Nous voici en bas. Si cette dernière Mouche
bleue s'intéresse à nous… nous voilà bons à
être mis sous terre.
Paru dans Insectes n°135
Divinité féminine (et, qui plus est, secondaire), la
nymphe, représentée sous les traits d'une jeune fille,
est souvent attachée à un lieu et l'on appelait ainsi
nymphes les serveuses du restaurant universitaire…
Dans la nature, à côté des dryades (des bois), naïades
(des rivières), sylphes (du ciel), néréides (de la mer)
et autres oréades (des montagnes) exposées aux satyres (il
faut croire qu'il en existe de terrestres, de volants et de nageurs), une
nymphe de Satyridé est, entomologiquement et par exemple, la
chrysalide du Lépidoptère Rhopalocère le Fadet des
laîches (Coenonympha oedippus), espèce protégée.
La nymphe est le stade entre larve et imago chez les insectes
Holométaboles, entre mues nymphale et imaginale ; pupe et chrysalide
en sont des cas particuliers. Pour les anglophones et leurs imitateurs,
nymph/nymphe désigne une larve âgée
d'Hétérométabole avec des ébauches d'ailes bien
apparentes, comme chez les pucerons. Quelle confusion ! De même chez
les pêcheurs en rivière la pêche en nymphe est
une technique particulière de la pêche à la mouche,
complètement différente de la pêche à l'asticot...
Nymphes (et nymphettes) ont toujours provoqué un certain trouble.
L'œuf d'insecte n'a pas inspiré les expressions du langage courant
en œuf. En effet, il ne se bat pas en neige, on peut marcher dessus,
le voler n'équivaut pas à chouraver un bœuf, le tondre
est vraiment difficile mais aller s'en faire cuire un serait trop
économique en énergie pour signifier une insulte valable. Et
Christophe Colomb, à ma connaissance, s'est servi d'un œuf de
poule (Gallus gallus, Gallinacé), avec coquille et non chorion,
l'œuf en soi. Quant aux œufs de fourmi, provende des faisans,
ce sont des larves et des nymphes de ces Hyménoptères (en
Indonésie, c'est le kroto) !
L'œuf d'insecte est pourtant relativement gros (par rapport à
la taille de la mère) et assez divers (forme, disposition,
protection…) pour être fort intéressant - sûr qu'ils
ne se ressemblent pas comme deux œufs. Comme l'œuf de
référence, il est pondu lors de la ponte mais les entomologistes
ont eu besoin de tout un vocabulaire en oo- ou en ovi-, d'oviposition (ponte)
à ooplaque (ponte aussi !) en passant par ovisac et oophage.
Quant à en entreprendre la collection… oui, mais évitez
d'appeler oothèque le meuble ou la pièce ad hoc, le
mot est déjà pris par les criquets (sous terre) les blattes
(au sol) ou les mantes (en l'air).
Paru dans Insectes n°136
Ce mot de trois lettres sans valeur zoologique mais d'un usage courant
désigne, outre une personne de peu, un petit animal long et cylindrique,
sans appendices développés, mou, nu, annelé, rampant,
bon à être écrasé…
Bien des insectes sont désignés par un nom (vernaculaire)
composé à partir de ver, souvent du fait de leur larve - mais
pas toujours.
Avec un adjectif : le ver assassin désigne la larve aquatique
et carnivore du dytique (Col. Dytiscidé), le ver blanc la larve
mélolonthoïde des Coléoptères Scarabéidés,
le Ver coquin la chenille de la Cochylis de la vigne, Eupoecila
ambiguella (Lép. Pholoniidé), le Ver gris la chenille
de la noctuelle Agrotis ipsilon (Lép. Noctuidés) qui ronge
le collet des plantes ; le Ver militaire est la larve de Diptères
Sciaridés qui forme de longues colonnes rampantes sur le sol ; le
Ver palmiste est la larve du charançon Rhynchophorus palmarum
(Col. Curculionidé) qui vit dans le tronc des palmiers (et est
comestible). Citons encore, sans prétendre à l'exhaustivité
le Ver rose de la capsule du cotonnier, Pectinophora gossypiella
(Lép. Gelechiidé), à ne pas confondre avec le Ver
rose du cotonnier, Cryptophlebia leucotreta (Lép.
Tortricidé). Avec l'adjectif luisant, notre ver désigne, en
bonne entomologie, le Lampyre, Lampyris noctiluca, à femelle
aptère - à ne pas confondre avec la Luciole, Luciola
lusitanica, autre Coléoptère Lampyridé, chez qui
mâle et femelle volent.
Dans la série des ver de… quelque chose ou de quelque part, nous
avons, pour les phytiatres, le Ver des jeunes fruits, Pammene rhediella
(Lép. Tortricidé), le Ver de l'aubépine, Grapholita
janthinana (Lép. Tortricidé) ; le Ver de l'épi
de maïs, Helicoverpa zea (Lép. Noctuidé) ? Et aussi
le Ver fil de fer, vorace et souterrain, connu aussi bien sous son
appellation de taupin, qui est la larve de Coléoptères
Élatéridés. Les pêcheurs à la ligne
évoquent le ver de mars et récoltent le ver de
vase, larve de Diptère Chironomidé. Les éleveurs
en terrarium connaissent le Ver de farine, Tenebrio molitor (Col.
Ténébrionidé), qui a disparu des cuisines bien tenues
en compagnie du Ver de fromage, Piophila casei (Dipt. Piophilidé),
parfois nommé mulot. Pour les médecins " coloniaux ", nous
citerons le Ver de Cayor, Cordylobia anthropophaga (de la savane,
C. rhodaini en forêt, Diptères Callipohoridés)
qui provoque des furoncles. Pour les hygiénistes, signalons le Ver
à queue, larve de l'Éristale commune (Dipt. Syrphidé),
à long tube respiratoire caudal et à nom vulgaire très
vulgaire mais qui renseigne clairement sur son biotope : mouche des
pissotières.
Enfin, le ver des vers, Bombyx mori, le Ver à soie est
un Lépidoptère Bombycidé dont la chenille demande tant
de soins que les sériciculteurs ont été appelés
des éducateurs.
Mais c'est à l'éducation des masses et pas des magnans que
se voue l'auteur de cette rubrique, pas piquée des vers, qui prend
soin, en conséquence, de rappeler l'étymologie vermis
(latin), laquelle explique la forme des dérivés vermisseau,
vermiforme, vermicide, vermiculture, vermeil et vermillon ; ces deux derniers
mots ont bien leur place (voir l'article Cochenilles, dans Insectes
n°130) dans ce sujet où il n'est pas question des vers autres
qu'insectes.
Paru dans Insectes n°137
Pourquoi tant de mots difficiles dans les textes qui traitent des insectes
? Leurs auteurs, qui se soucient d'être clairs, s'efforcent en même
temps d'utiliser les mots exacts. Des mots qui, pour la plupart, ont
été fabriqués récemment à l'aide de racines
tirées du grec et du latin. Rares sont encore celles et ceux qui ont
fait leurs humanités et les écrits de l'entomologiste laissent
souvent perplexe, voire irrité(e)s, lectrices et lecteurs. Mais on
s'y habitue vite : les racines sont en fait assez peu nombreuses et certaines
se retrouvent très souvent.
Voyons les mots en -phage. Ce suffixe vient d'un verbe grec qui signifie
" manger " - c'est un sujet important ! Ces mots précisent le régime
alimentaire, leur première partie indiquant ce qui est mangé.
À tout seigneur tout honneur : qui mange de l'insecte est
entomophage. Et pourquoi pas " insectivore ", Monsieur le savant ?
- Chère lectrice, cher lecteur, nous ne sommes pas chez les ornithos
ni chez les spécialistes des tamanoirs ! C'est comme ça, prenez
des notes ! Et faites bien attention car il n'y a pas de règle, sauf
le respect de grec-grec ou de latin-latin dans la construction. Que je n'entende
pas, à propos d'un animal qui mange de tout, " omniphage " ni " polyvore
" ! Donc polyphage ou omnivore, choisissez . Mais " merdivore " à
la place de coprophage serait un refusé par l'éditeur (mais
bien construit).
Passons en revue, avec un minimum d'ordre, les principaux " en -phage ".
Les phytophages (ne dites pas " herbivores ", ça fait vaches)
se nourrissent de plantes, les zoophages d'animaux (pas " carnivores
", ça fait lions) vivants, les nécrophages des mêmes,
morts. Les restes en train de pourrir seront pour les saprophages
et les détritivores.
Selon l'organe de la plante attaqué, sachez qualifier votre insecte
de phyllophage (feuilles), de xylophage (bois et annexes),
de rhizophage (racines), d'opophage (sève et autres
sucs). Une fois récoltée, la plante est victime des
cléthrophages (denrées entreposées).
Se nourrit-il d'animal, donnez-lui alors de l'oophage (oeufs), du
larvivore ou du pupivore (et le grec, alors !), de l'harpactophage (il
chasse sa proie), de l'hématophage s'il ponctionne le sang
(en laissant " sanguivore " aux vampires).
Si les macrophages sont des " globules blancs " phagocyteurs de microbes,
les microphages se nourrissent de micro-organismes. C'est un peu troublant
? Prenez l'exemple des larves de syrphes : elles se nourrissent de
bactéries, d'algues unicellulaires et de protozoaires, bien plus petits
qu'elle. La baleine est également microphage - mais on
s'égare.
L'insecte est spécialisé : il est monophage. Plusieurs
espèces (végétales ou animales) lui conviennent ? Il
est sténophage ou oligophage.
Bon, ceci était un premier lot du vocabulaire de base… Les
spécialistes ont forgé des mots nouveaux ; certains sont
tombés en désuétude, d'autres apparaissent ou reviennent
à la mode. Les dictionnaires suivent avec grand peine. Avec un peu
d'habitude, le lecteur déchiffre sans peine tous les mots en -phage.
Un truc ? Trouver un autre mot, pas en -phage, avec le même préfixe
et qui soit compréhensible, en déduire ce dont se nourrit
l'insecte. Endophage tombe sous le sens avec endoscope ; sarcophage
avec Sarcophaga, mouche à viande ; carpophage avec
Carpocapse, ver du fruit. L'entomologiste finit par connaître pas mal
de grec !
Le procédé a ses limites et il est des cas difficiles. Test
: l'arrhénophagie est très connue du grand public qui
ignore (et il fait bien…) le terme technique. Et vous ?
Ne multiplions pas à plaisir les mots en -phage (ni en -vore). Mais
connaître les régimes et les comportements alimentaires des
insectes est indispensable ; savoir ce qu'ils mangent,où, quand, comment,
à quel stade…les place dans la chaîne trophique, les localise
sur le terrain et indique leur statut (ravageur, auxiliaire…). C'est
un vaste et difficile sujet. Chaque cas doit être étudié
car, c'est sûr, nos insectes sont tout sauf des autotrophes.
(1) Ça commence ! Entomologie = discours sur les
insectes.
(2) Eux aussi ! Ornithologie = discours sur les
oiseaux.
(3) Ce n’est pas toujours et partout strictement
équivalent. Mais on ne va quand même
pas dévoiler tous les trucs des auteurs zoologistes(zoo = animal,
en grec) !
(4) Car “ça n’existe pas” ; on ne place
pas des néologismes comme ça.
(5) Cf dans cet ouvrage (Insectes
n°137).
(6) Ça fait beaucoup. Comment qualifier celui qui
dévore du papier ? Papyrivore, papyriphage
? Et khartésiphage s’il va jusqu’à la
couverture (en carton) ?
(7) Google reste bouche bée : il suggère de poser
“aérophagie”. Qui pense à
“arrhénotoque” - l’oeuf non fécondé ne
donne que des mâles - est sur la bonne
voie… En effet, arrhéno = mâle, donc
l’insecte arrhénophage typique, chez qui Madame
consomme (parfois) Monsieur, c’est la
Mante religieuse.
(8) Trophique = qui a rapport avec l’alimentation et la
nutrition - sur une racine grecque très
usitée aussi.
Paru dans le n°138
Le mot désigne le contenant et le contenu : l’abri construit
par l’homme pour y loger la colonie d’Abeille domestique, dont
nul n’ignore le nom latin, Apis mellifica. Aujourd’hui,
l’apiculteur offre à son cheptel un logement démontable
et extensible, en bois, parallélépipédique, avec cadres
et hausses : ruche Langsroth, ruche Dadant... Dès l’aube de
l’humanité, vraisemblablement, on a surveillé des abeilles
sauvages installées dans les arbres (le métier de bigre a
perduré jusqu’au XVIIIe siècle), on a découpé
les troncs creux habités pour les regrouper, bien alignés,
près de la maison (pour les prémunir des vols) et on a, invention
de la ruche rudimentaire, installé l’essaim capturé dans
un canon de liège, écorce du chêne du même nom
(ce type de ruche où la colonie est massacrée lors de la
récolte existe toujours au Maroc, par exemple). Et le mot ruche vient
du gaulois rusca, écorce. Plus tard, dans nos campagnes, on tressera
des paniers d’osier posés la pointe en haut (et enduits de torchis)
; “en forme de ruche” se réfère à ce type.
Quant aux gaufres de cire, production capitale à l’époque
- qui fournissait la matière première des cierges - elles ont
inspiré les couturières qui ont dénommé
ruche ou ruché des bandes d’étoffe
plissées.
Une ruche, de façon imagée, est un lieu où règne
une activité intense – qu’on pourrait nommer aussi
fourmilière, en restant chez les Hyménoptères sociaux,
mais en perdant la dimension sonore. Une activité non pas fébrile
mais bien ordonnée car, depuis Aristote, on sait que les abeilles
obéissent à leurs rois en tolérant qu’ils ne fassent
rien.
Ruche est difficile. Notamment associée avec le verbe piquer. Jugez
vous-même, les expressions sont dans le désordre mais vous saurez
distinguer les activités honnêtes des autres : piquer une ruche,
piquer dans la ruche, piquer de la ruche, se faire piquer devant une ruche,
se piquer la ruche, se faire piquer devant une ruche (bis)…
paru dans le n°139
La puce est un " insecte Aphaniptère " hématophage - "
1[…] la puce, et le couzin puisent dans nos veines un aliment
succulent […] " 2-, désagréable mais il y a
pire - " Hélas si une puce en nostre oreille, si la chaleur d'une
petite fièvre nous rend une courte nuit si longue et ennuyeuse, combien
sera espouvantable la nuit de l'éternité "3 - qu'on
peut tuer mais sans en faire tout un plat - " Il s'impute à
péché la moindre bagatelle ; Un rien presque suffit pour le
scandaliser ; Jusque-là qu'il se vint l'autre jour accuser D'avoir
pris une puce en faisant sa prière, Et de l'avoir tuée avec
trop de colère. ". 4
Merci aux grands auteurs. Pour les modernes, la puce est un composant
électronique à pattes qui est collée à la carte
Vitale ou s'insère dans un portable, voire s'injecte sous la peau
d'un chien.
Avant cette ère nouvelle, la puce a vécu très proche
de l'humain et a prospéré dans son langage, souvent dans des
conversations très (trop) familières - . " […] N'avez-vous
rien pris aujourd' huy ? " il respondit : " sauf vostre grace, madame, j'
ay pris une puce à la raye de mon cul " 5. Une puce
désigne affectueusement une personne petite ou un petit animal de
compagnie (la Pupuce à sa mémère). Un puceux est plein
de puces, il est mangéde puces, et peut se faire traiter de sac à
puces : il faudrait qu'on le puce ou l'épuce (l'épouiller le
débarrasserait d'insectes d'un autre ordre) mais lui chercher des
puces est équivalent à lui chercher des poux.
Étymologiquement, puce vient du latin pulex, même sens ;
étymologiquement toujours, un puceron est une petite puce, une pucelle
une demoiselle pure et un pucier un lit plein de poussière (de pous,
balle de blé), qu'on vend et achète au marché aux puces
tenu par les puciers.
La couleur puce, un peu passée de mode, est celle de l'imago de notre
Pulex irritans (Pulicidé) : brun roux foncé.
Secouer ses puces, c'est se réveiller ; secouer les puces à
quelqu'un, c'est lui faire de vifs reproches. Qui bouge vite et de façon
désordonnée s'agite comme une puce (sur une paque chauffante,
entend-on parfois, pour marquer un degré supérieur). Mettre
la puce à l'oreille ne signifie plus inspirer un désir sexuel
mais éveiller les soupçons. Excité(e) comme ne puce
n'a pas non plus de connotation précoïtale. Brider les puces
(ou charmer les puces) consiste à boire assez pour ne pas sentir leurs
importunes piqûres. Dompter (ou dresser) les puces est un métier
(rare) qui s'exerce dans un (petit) cirque de puces savantes.
Un saut de puce est un bond prodigieux pour elle ; pour nous, c'est un tout
petit déplacement dans l'espace ou le temps (à la sainte
Luce…). Un(e) désoeuvré(e) mesure le saut des puces -version
entomo de " tenir le mur " ; inversement, un(e) entomologiste travaillant
à l'OPIE n'a pas le temps de compter (ou chercher) ses puces.
Ne relèvent ni de la littérature classique ni de l'entomologie
une plante urticante et deux crustacés sauteurs : l'Herbe à
la puce (Toxicodendron radicans, Anacardicée), la Puce d'eau
(Daphnia pulex, Cladocère Daphniidé) et la Puce de mer
ou Talitre (Talitrus saltator, Amphipode Talitridé).
Enfin, les enfants jouent au jeu de puces avec des pions (qu'ils font sauter)
et, pour les typographes (cliquez sur liste à puces de votre traitement
de textes), c'est une pastille ronde ou carrée, sans pattes : pour
la puce si fertile en expressions, c'est le dernier degré de la
désentomologisation.
(1) Alain Fraval. Cours d'entomologie. IAV Hassan II, Rabat,
1971.
(2) Charles Bonnet. Considérations sur les corps
organisés, où l'on traite de leur origine, de leur
développement, de leur reproduction ... (vol. 1). M.M. Rey,
Amsterdam,1768.
(3) Saint François de Salles. Introduction à la vie
dévote. Impr. J. Niera, Annecy, 1893.
(4) Molière. Le Tartuffe ou l'Imposteur. Hachette, Paris,
1878.
(5) Béroalde de Verville. Le moyen de parvenir. Garnier
Frères, Paris, 1879
Paru dans le n° 140
En dépit d'usages dus à des persistances d'acceptions anciennes
et surtout à des traductions très paresseuses, une mite a 6
pattes. Et non 8, comme en possèdent les acariens que ce mot désigne
en anglais. Il est vrai que le vulgaire a longtemps désigné
par mite des habitants minuscules du fromage ou la farine, acariens
Sarcoptidés des genres Tyroglyphus ou Glyciphagus ;
mais, pour les nommer, nous avons le joli (et célèbre) nom
de ciron.
La Mite (avec majuscule), c'est Tineola biselliella (Lép.
Tinéidé), un petit papillon grisâtre dont la chenille
se nourrit notamment de laine (complémentée d'un peu de sueur)
; chacun sait d'expérience que la larve, on ne sait pas comment elle
se repère, fait un trou dans notre meilleur habit au pire endroit.
De la même famille et évoluant dans le même genre de milieu
sont la Mite des pelletries, Tinea pelionella, et la Mite des tapis,
Trichophaga tapeziella. D'autres mites vivent encore dans des textes
entomologiques - mais d'autres noms sont préférables. Ce sont
essentiellement des Pyralidés comme la " Mite du blé ", la
Pyrale des fruits secs (Plodia interpunctella), la " Mite grise de
la farine ", la Pyrale de la farine (Ephestia kuehniella) et la "
Mite du cacao ", la Pyrale du cacao (E. elutella). Plus rare est l'usage
de " Mite poivrée " pour nommer la Phalène du bouleau, Biston
betularia (Géométridé), héroïne de la
découverte du mélanisme industriel.
Mite s'est écrit mitte au Moyen-Âge ; le mot est issu du germanique
mit-, qui ronge. Ce qu'exprime bien le verbe miter (se miter), y compris
dans son dérivé le plus récent et le plus usité,
mitage " Dégradation, désintégration des motifs d'un
paysage par les effets des dynamiques non maîtrisées, principalement
de la végétation, de l'urbanisation ou de l'équipement
. "
Mais ne jouons pas avec l'étymologie et refusons de voir dans des
mitaines des gants de laine aux doigts bouffés aux mites, car le mot
vient d'une autre mite, à 4 pattes, le chat dont c'était un
nom de caresse, jadis.
À 2 pattes, l'Armée entretient des garde-mites (magasiniers)
qu'elle arme d'anti-mites, une variété d'insectifuges et
d'insecticides. Et dans le civil on rencontre, hélas, des miteux,
grandes personnes très défavorisées ou enfants qu'on
veut injurier.
Ceux qui ont la mite à l'œil sont tout simplement les chassieux
et ceux qui mitent pleurent. Rien à voir non plus avec les Arthropodes
quand mite désigne une petite pièce de monnaie (en Hainaut
puis en Bourgogne, au XIVe siècle) ou une unité
de poids nord-américaine (système troy) qui vaut 0,0032 g.
À cliquer, pour en savoir plus sur le fléau domestique, trois réponses dans notre FAQ.
Paru dans le n°141
Ces deux racines grecques, proches, désignent le feu et une couleur
rousse ou rougeâtre. Elles ont servi, souvent indistinctement, à
forger le nom scientifique d'insectes couleur de feu, lumineux, attirés
par les incendies de forêts, sortant du foyer ou… cuisants.
Qu'on ne confondra pas avec les amateurs de poires, souvent - et fautivement
- orthographiés avec un i grec au lieu du i de pira (latin
vulgaire pour désigner ce fruit).Que nul ne prétende que
Contarinia pyrivora, la Cécidomyie des poirettes1,
avale du feu.
Passons en revue quelques insectes en pyr et en pyrr.
Pyrophorus noctilucus, le Coyouyou (Col. Élatéridé),
vit en Amérique tropicale ; ce taupin qui produit de la lumière,
à la manière du Ver luisant ou de la Luciole (" mouches à
feu " au Canada), a servi de lampe de poche aux soldats indigènes
(à raison de 4 spécimens par homme armé) et de parure
aux dames. Pyrochroa et les Pyrochroïdés sont des
Coléoptères corticaux remarquables par leur couleur écarlate
(cardinal beetles, en anglais). Pyrrhosoma nymphula (Odonate
Cénagrionidé) a pour nom commun Petite Nymphe au corps de feu.
Pyrrochoris apterus (Hém. Pyrrochoridé) doit son nom
scientifique et plusieurs de ses appellations vulgaires - Gendarme, Suisse
et… Insecte de feu - au rouge vif de sa livrée.
Et les pyrales ? Ces tristes papillons (Lép., plusieurs familles)
étaient réputés naître dans l'âtre.
Le Bupreste pyromètre, Melanophila acuminata, fait partie des
insectes pyrophiles, attirés les incendies (jusqu'à plus de
50 km) et inféodés au milieu très particulier des
forêts brûlées.
Les fourmis de feu (Solenopsis 2, Wasmannia…),
originaires d'Amérique du Sud doivent leur nom à leur morsure
très douloureuse. En revanche, la Guêpe de feu, Chrisis ignita
(Hym. Chrysidé), inoffensive guêpe-coucou, s'appelle ainsi
du fait de sa couleur ; son autre nom, la Chryside enflammée.
Pyr-pyrr est une riche racine, bien exploitée aussi par les botanistes.
Un seul exemple, très toxique pour les insectes - on en fait un
insecticide biologique -, les pyrèthres. À l'origine du nom
de cette Composée, sa saveur brûlante.
(1) Diptère Cécidomyidé, fiche HYPPZ à
http://www.inra.fr/HYPPZ/RAVAGEUR/3conpyr.htm
(2) Voir l'Épingle " Dehors les
rouges ".
Paru dans le n°142
Sphinx (par Bruno Didier)Inédit
Qu'est-ce qu'un " gypsy moth " - nous sommes au nord-est des États-Unis - ? Le célébrissime Lymantria dispar (Lép. Lymantriidé), envahisseur et ravageur des forêts. Oui, certes, mais dans les journaux et les sphères politiques, c'est un Républicain siégeant à la chambre des Représentants, élu du nord-est des États-Unis, modéré, nuisible à son parti car proche de certaines positions des Démocrates, plus " libéraux " (entendez " à gauche ").
Et un " Boll weevil " ? L'entomologiste répond Anthonomus grandis, Col. Curculionidé, le Charançon américain des capsules, grand ravageur du cotonnier. En politique (toujours états-unienne), c'était, sous Roosevelt, un Démocrate (du Sud) opposé à la déségrégation et à l'extension des droits civiques aux Noirs. À l'époque de Reagan, ce fut le petit nom de Démocrates très " libéraux " (entendez " à droite ") partisans de la dérégulation. Sous Bush, les politiciens sus-nommés sont tous à la retraite, leurs successeurs sont les " Blue Dogs " (chiens bleus) et un Boll weevil est un pénible charançon.
Paru dans le n°144
Sa taille fine n’est pas son apanage : chez tous les Hyménoptères Apocrites, le 1er segment de l’abdomen –
appelé propodéum – est fusionné avec le thorax et séparé du reste de
l’abdomen par un étranglement. Son nom désigne, faute de mieux, toutes
sortes de sphégiens, chalcidiens (« micro-guêpes »), etc. ; il est le
plus souvent celui de la Guêpe germanique, Vespula germanica
(Vespidé), la plus commune, chasseuse d’insectes, troueuse de fruits,
piqueuse de gens apeurés qui s’empressent, pour éviter son dard, et
selon un bon vieux précepte, de se mordre la langue.
Dans la langue,
cette allure étranglée a fourni aux dames leur taille de guêpe,
accentuée par une guêpière qui les guêpe plus ou moins douloureusement.
Par jeu de mots, guêpe a désigné, au XIXe siècle, une personne fine,
maligne ; de là l’expression « pas bête la guêpe ! » – quel malin ! –
qui est devenue « pas folle la guêpe ! », forme popularisée par Arletty
dans un film des années 1930. Inspiré par l’allure articulée de
l’insecte et son bourdonnement, le poète Francis Ponge a écrit
l’analogie de la guêpe avec le tramway : motrice et baladeuse,
grésillement du contact électrique…
Moins plaisant, une guêpe était
un importun et le guépier, nid de la guêpe – construction de carton où
sont élevées les larves – est aussi un endroit bruyant (rare) ou
dangereux et dont il est difficile de sortir (usage plus commun).
Guépier aussi, Merops apigaster, oiseau chasseur de guêpes.
Guêpe vient de vespa/waspa (latin/francique), qui a donné vespa (y compris le scooter), Wespe, wasp... Elle a partout un nom dans le parler local ; citons wepe, guape, vèpre, guérionde, vouipe, wasse… et gourle en morvandiau.
Et aussi :
« Piqué par les guêpes, il se venge sur les sauterelles » – proverbe kabyle.
« Où la guêpe a passé, le moucheron demeure », moralité du Corbeau voulant imiter l’aigle, fable de La Fontaine.
Paru dans le numéro 151
Artison
Le Petit Larousse
(2009) vient d’accueillir, parmi 150 nouveaux mots, artison. Au grand
bénéfice des joueurs de scrabble (et de corbillon) comme des métromanes
et des usagers de vieux mots de terroir.
Les entomologistes sont
perplexes. Certains le découvrent, très peu en feront usage (en
entomologie). Ce mot fait semblant de désigner un taxon, mais non. Le
Larousse.fr indique « Tout petit insecte qui attaque le bois, les
étoffes ou les peaux (vrillettes, psoques, teignes, etc.) ».
Des dictionnaires plus anciens donnent « ver de drap », «mite » (au XIIIe siècle : Vermis vel tinea),
« ver du fromage ». Soit Coléoptères Anobiidés, Psocoptères,
Lépidoptères Tinéidés et Diptères Piophilidés. Des insectes de denrées
que l’on retrouve artisonnées.
Mais, en fromagerie et en
charcuterie, l’artison – souvent désigné par « ciron » et par « pou du
jambon », respectivement – est un acarien Acarididé. Utile dans le
premier contexte : Acarus siro, déposé sur les fromages moulés,
participe à l’affinage de tomes, du velay et de la mimolette vielle.
Nuisible sur la couenne du jambon où Tyrophagus putrescentiae (mycophage) déprécie le produit et provoque des allergies.
Le
mot n’est pas ignoré des poètes ni des romanciers : « Arbre
funeste qu'on a planté un vendredi ! Que le marasme s'empare de toi !
Que l'artison te dévore, et que ton maître te prenne en horreur ! »
(Alphonse de Lamartine, Cours familier de littérature, t. 7, 1859) ; «
Sur l’abattant du vasistas, un animal au thorax indigo, à l’aiguillon
safran, ni un cafard, ni un charançon, mais plutôt un artison,
s’avançait, traînant un brin d’alfa. » (Georges Perec, La disparition,
1969).
Artison s’est dit (se dit encore parfois, selon les lieux)
artuison, artuizon, artaizon, arto, arte, artre ou artaise. Étienne
Molard, instituteur, corrige qui use du vocable « arthes » pour parler
de « Petits insectes; dites, teignes s. f. L'encyclopédie dit, artison.
» (Dictionnaire grammatical
du mauvais langage, Lyon, 1803).
Tout aussi perplexes sont les étymologistes. Plusieurs racines sont avancées : le latin tarmes, ver du bois, ver de la viande (cf termite) mais l’aphérèse du « t » initial est improbable ; le gaulois darbita (maladie de la peau, dartre) croisé avec herpes
(même sens en latin)… Quant à l’étymologie populaire – artison vient
d’artisan « car il travaille beaucoup » –, elle est plaisante.
Paru dans le n° 153
D’aucuns se roulent en boule sentant le danger, tous sont bas sur (beaucoup de petites) pattes.
Un
cloporte humain est donc lâche ou sale ou asocial ou insignifiant – ou
tout ça à la fois : c’est une stigmatisation, voire une injure. Le
cloportisme a désigné un art « plat et rampant » (Huysmans, à propos du
naturalisme). En bas d’un immeuble, tapi(e) dans une loge sombre (à
l’époque), le ou la cloporte est le ou la concierge, qui clôt la porte.
Notre crustacé Isopode Oniscide doit-il son nom au fait, qu’en se
mettant en boule, il ferme la porte ? Ou au mot latin cloppus, boîteux
? L’étymologie porcine est plus sérieuse. Dans bien des langues
locales, l’animal est un petit cochon : pourcelet, trée (truie), kaïon,
cochon de Saint Antoine, cochon de bois… et cloporte vient sans doute
de clausus porcus, porc enfermé.
Pourtant, les Grecs et les Latins y voyaient un petit âne, asellus pour ces derniers qui ont transmis le mot aux Allemands : Assel. Bien plus tard, c’est de l’espagnol cochonillo qu’on se servira pour nommer les Hémiptères Coccoidea : cochenilles*.
*Lesquelles n’ont pas l’allure d’un insecte.
Paru dans le n° 154
Le frelon persécute les abeilles et est incapable de faire
lui-même du miel. « Dieu créa l’abeille et Satan le frelon ».
Le frelon est donc un individu qui vit aux dépens de son
prochain, un paresseux et un parasite. Un lâche et un pillard. Un personnage
méprisable et malfaisant tel ce Frelon dans L’écossaise, pièce de Voltaire
(1760). Le frelon fait du bruit en volant, comme les balles ou les obus de la
Ière Guerre mondiale, ou l’hélicoptère Super Frelon de la Marine. Le frelon
pique. « Trois piqûres de frelons tuent un homme, sept tuent un cheval. » En
451, Attila, chef des Huns, leva le siège d’Orléans défendu par Ætius et par l’évêque
Aignan une fois que ce dernier eût lancé vers son armée une poignée de sable de
Loire qui se transforma en une nuée de frelons furieux.
En fait, le frelon est paisible, à moins qu’il ne défende
son nid. Toujours est-il qu’« il ne faut émouvoir les frelons ».
Frelon est dérivé du francique hurslo. Mais les noms locaux
de l’insecte sont variés. Rien qu’en Nivernais, on l’appelle arcier, guichard,
gourlon (= bourdon) lombard, ou lombard. Ailleurs il est notamment :
barbaillan, bergot, bigaud, chabrillan, cul-jaune, feuillon, flègèdé, foulon,
gorle, graiveulon, hornüüsla, pipimalo, talène, taune, vonvon.
Frelon a longtemps désigné le fauxbourdon qu’on croyait, en
suivant Virgile, appartenir à une espèce différente vivant en parasite de
l’Abeille à miel, ainsi que des scolies, des tenthrèdes, de grosses guêpes.
Frelon, pour les entomologistes, est Vespa crabro, le Frelon
d’Europe, ou V. velutina, immigré asiatique récent : des Hyménoptères Vespidés.
Peu d’entomologistes se souviennent du Frelon, revue publiée
de 1891 à 1904 par J. Desbrochers des Loges* à l’intention des… coléoptéristes..
Ces textes , rédigés (sauf mention contraire) par Alain Fraval, sont établis à l'aide de plusieurs ouvrages spécialisés et de recherches d'occurences dans les pages internautiques, notamment. Un grand merci au Trésor de la langue française informatisé de Jacques Dandien.