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Florilège entomologique

L'insecte a très tôt attiré l'attention des hommes et, bien avant d'être examiné avec minutie, il a exercé une certaine fascination et développé chez bien des peuples des mythologies. Ainsi à côté de l' " entomologie véritable " s'est développée une " entomologie mythique, artistique ou littéraire ". C'est essentiellement ce dernier aspect que nous voudrions évoquer dans cette série d'articles.

Parmi toutes les lignes, les vers, couchés sur le papier par des plumes connues ou peu connues, illustres ou obscures nous retiendrons des textes où l'insecte est représenté avec plus ou moins d'inspiration et d'élégance. Mais aussi où il est prétexte, symbole, métaphore ou fantasmagorie. Compte tenu de l'incommensurable richesse du sujet nous opérerons un choix non limité aux seules sources françaises. Parmi cette anthologie nous butinerons dans tous les genres littéraires : poésie, roman, nouvelle, conte, fable ou légende qui font partie intégrante du patrimoine de l'humanité. Qu'on ne soit pas surpris de croiser des textes courts ou longs rassemblés sur le thème de l'insecte puisque ce qui nous guide ici est avant tout le mérite et l'originalité de l'œuvre écrite. Souhaitons aussi que ces extraits vous incitent à les situer dans leur contexte " Il faut jouir des fleurs sur leur tige et des livres dans les livres " a conseillé Charles Nodier.

Ces quelques lignes pour présenter une rubrique qui paraît régulièrement dans Insectes, dont le dessein est de montrer que ce monde qui nous passionne peut aussi nous émouvoir en partageant la vision qu'en ont poêtes et écrivains.

J. d'Aguilar

Sont ici en ligne : Florian, Fabre, Jules Renard, Charles Nodier, La Fontaine.
La suite du Florilège, avec Victor Hugo, Emma Mahul, Gérard de Nervval,...


Jean-Pierre Claris de Florian [1735-1794]

Fabuliste, chansonnier, romancier, auteur dramatique, ce sont assurément ses Fables qui sont son meilleur titre. Publiées en 1792, ces 89 narrations expriment une conception " pastorale " conformément à la mode de son temps. Il propose souvent avec charme et malice une morale empreinte d'indulgence.

C'est ici le grillon, notre grillon champêtre (Gryllus campestris L.) qui assure la mission d'instruire les hommes.

Le grillon

Un pauvre petit grillon
Caché dans l'herbe fleurie,
Regardait un papillon
Voltigeant dans la prairie.

L'insecte ailé brillait des plus vives couleurs ;
L'azur, la pourpre et l'or éclataient sur ses ailes ;
Jeune, beau, petit-maître, il court de fleurs en fleurs,
Prenant et quittant les plus belles.

Ah ! disait le grillon, que son sort et le mien
Sont différents ! dame nature
Pour lui fit tout, et pour moi rien.

Je n'ai point de talent, encore moins de figure,
Nul ne prend garde à moi, l'on m'ignore ici-bas :
Autant vaudrait n'exister pas.

Comme il parlait, dans la prairie
Arrive une troupe d'enfants :
Aussitôt les voilà courants
Après ce papillon dont ils ont tous envie.

Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l'attraper ;
l'insecte vainement cherche à leur échapper,
Il devient bientôt leur conquête.

L'un le saisi par l'aile, un autre par le corps ;
Un troisième survient, et le prend par la tête :
Il ne fallait pas tant d'efforts
Pour déchirer la pauvre bête.

Oh ! oh ! dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.

Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux, vivons caché.

[R] Paru dans Insectes n°116.


Jean-Henri Fabre [1823-1915]

Dans la 6e série des " souvenirs entomologiques " l'auteur se distrait en parodiant Florian à qui il reproche " les fadaises d'une réthorique sans vie qui oublie la chose pour le mot " et il ajoute " D'ailleurs quelle idée, saugrenue d'aller faire du grillon un mécontent, un désespéré qui se lamente sur sa condition ? "

Pour lui, peut être s'assimile-t-il avec une pointe de vanité à notre insecte, le grillon " Loin de se plaindre, il est très satisfait et de sa demeure et de son violon " Voici donc sa version.

Le grillon

L'histoire des bêtes rapporte
Qu'autrefois un pauvre grillon,
Prenant le soleil sur sa porte,
Vit passer un beau papillon.

Un papillon à longues queues,
Superbe, des mieux décorés,
Avec rang de Lunules bleues
Galons noirs et gros point dorés.

" Vole, vole, lui dit l'ermite,
Sur les fleurs, du matin au soir :
Ta rose ni ta marguerite
Ne valent mon humble manoir ".

Il disait vrai. Vint un orage,
Et le papillon est noyé
Dans un bourbier : la fange outrage
Le velours de son corps broyé.

Mais la tourmente en rien n'étonne
Le grillon, qui dans son abri,
Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il tonne,
Vit tranquille et chante cri-cri.

Ah ! n'allons pas courir le monde
Parmi les plaisirs et les fleurs ;
L'humble foyer, sa paix profonde,
Nous épargneront bien des pleurs.

[R] Paru dans Insectes n°116.


Jules Renard [1864 - 1910]

Élevé dans le Morvan, où il retourne souvent, il reste imprégné de cette présence rurale que l'on retrouve dans une partie de son œuvre. On a dit qu'il était passé de " la main à charrue " à " la main à plume ". Et l' œil du terrien n'a pas dédaigné ce petit monde des insectes dont il émaille ses écrits avec un réalisme humoristique.

" Le perce oreille a au bout de la queue une petite fourchette pour déjeuner "

" Le capricorne. Cet insecte a des antennes si longues que pour le mettre dans ce livre, il faut les rabattre sur les côtés ".

" Elle observe par terre deux insectes accouplés " Regardez, dit-elle, une petite bête qui en mange une autre ".

" Vois ce scarabé sur cette bouse, comme une riche épingle sur une épaisse cravate ".

On pourrait multiplier à l'envie ces citations mais c'est uniquement la galerie entomologique des Histoires naturelles que nous présentons ici.
Sur 83 titres de l'édition de 1909 illustrée par Benjamin Rabier, 13 concernent les insectes . Véritables poêmes en prose leur lecture s'impose comme celle d'une partition musicale. Et Ravel ne s'y est pas trompé qui a choisi cinq d'entre eux, dont le grillon, pour les mettre en musique.
" Je n'écris que d'après nature et j'essuie mes plumes sur un caniche vivant " a-t-il confié. C'est ce sens de l'observation allié à un esprit narquois qui nous fait apprécier le réalisme et l'imprévu d'une image.
Savourons ces petits tableaux !

Les Mouches d'eau

Il n'y a qu'un chêne au milieu du pré, et le bœufs occupent toute l'ombre de ses feuilles.
La tête basse, ils font les cornes au soleil.
Ils seraient bien, sans les mouches.
Mais aujourd'hui, vraiment, elles dévorent. Âcres et nombreuses, les noires se collent par plaques de suie aux yeux, aux narines, aux coins des lèvres même, et les vertes sucent de préférence la dernière écorchure.
Quand un bœuf remue son tablier de cuir, ou frappe du sabot la terre sèche, le nuage de mouches se déplace avec murmure. On dirait qu'elles fermentent.
Il fait si chaud que les vieilles femmes, sur leur porte, flairent l'orage, et déjà elles plaisantent un peu.
" Gare au bourdoudou ! " disent-elles.
Là-bas, un premier coup de lance lumineux perce le ciel, sans bruit. Une goutte de pluie tombe.
Les bœufs, avertis, relèvent la tête, se meuvent jusqu'àu bord du chêne et soufflent patiemment.
Ils le savent : voici que les bonnes mouches viennent chasser les mauvaises.
D'abord rares, une par une, puis serrées, toutes ensemble, elles fondent, du ciel déchiqueté, sur l'ennemi qui cède peu à peu, s'éclaircit, se disperse. Bientôt, du nez camus à la queue inusable, les bœufs ruisselants ondulent d'aise sous l'essaim victorieux des mouches d'eau.

La sauterelle

Serait-ce le gendarme des insectes ?
Tout le jour, elle saute et s'acharne aux trousses d'invisibles braconniers qu'elle n'attrape jamais.
Les plus hautes herbes ne l'arrêtent pas.
Rien ne lui fait peur, car elle a des bottes de sept lieues, un cou de taureau, le front génial, le ventre d'une carène, des ailes en celluloïd, des cornes diaboliques et un grand sabre au derrière.
Comme on ne peut avoir les vertus d'un gendarme sans les vices, il faut bien le dire, la sauterelle chique.
Si je mens, poursuis-la de tes doigts, joue avec elle à quatre coins, et quand tu l'auras saisie, entre deux bonds, sur une feuille de luzerne, observe sa bouche : par ses terribles mandibules, elle sécrète une mousse noire comme du jus de tabac.
Mais déjà tu ne la tiens plus. Sa rage de sauter la reprend. Le monstre vert t'échappe d'un brusque effort et fragile, démontable, te laisse une petite cuisse dans la main.

Le grillon

C'est l'heure où, las d'errer, l'insecte nègre revient de promenade et répare avec soin le désordre de son domaine.
D'abord il ratisse ses étroites allées de sable.
Il fait du bran de scie qu'il écarte au seuil de sa retraite.
Il lime la racine de cette grande herbe propre à le harceler.
Il se repose.
Puis il remonte sa minuscule montre. A-t-il fini ? Est-elle cassée ? Il se repose encore un peu.
Il rentre chez lui et ferme sa porte. Longtemps il tourne sa clef dans la serrure délicate.
Et il écoute : point d'alarme dehors.
Mais il ne se trouve pas en sûreté.
Et comme par une chaînette dont la poulie grince, il descend jusqu'au fond de la terre.
On n'entend plus rien. Dans la campagne muette, les peupliers se dressent comme des doigts en l'air et désignent la lune.

Le Cafard

Noir et collé comme un trou de serrure.

Le Ver luisant

Que se passe-t-il ? Neuf heures du soir et il y a encore de la lumière chez lui.

Cette goutte de lune dans l'herbe !

L'araignée

Une petite main noire et poilue crispée sur des cheveux.

Toute la nuit, au nom de la lune, elle appose ses scellés.

Le Hanneton

Un bourgeon tardif s'ouvre et s'envole du marronnier

Plus lourd que l'air, à peine dirigeable, têtu et ronchonnant, il arrive tout de même au but, avec ses ailes en chocolat.

Les Fourmis

Chacune d'elles ressemble au chiffre 3
Et il y en a ! il y en a !
Il y en a 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 … jusqu'à l'infini.

La fourmi et le perdreau

Une fourmi tombe dans une ornière où il a plu et elle va se noyer, quand un perdreau, qui buvait, la pince du bec et la sauve.
" Je vous le revaudrai", dit la fourmi.
- "Nous ne sommes plus répond le perdreau sceptique, au temps de La Fontaine. Non que je doute de votre gratitude, mais comment piqueriez-vous au talon le chasseur prêt à me tuer ! Les chasseurs aujourd'hui ne marchent point pieds nus. "
La fourmi ne perd pas sa peine à discuter et elle se hâte de rejoindre ses sœurs qui suivent toutes le même chemin, semblables à des perles noires qu'on enfile.
Or, le chasseur n'est pas loin.
Il se reposait, sur le flanc, à l'ombre d'un arbre. Il aperçoit le perdreau piétant et picorant à travers le chaume. Il se dresse et veut tirer, mais il a des fourmis dans le bras droit. Il ne peut lever son arme. Le bras retombe inerte et le perdreau n'attend pas qu'il se dégourdisse.

La chenille

Elle sort d'une touffe d'herbe qui l'avait cachée pendant la chaleur. Elle traverse l'allée de sable à grandes ondulations. Elle se garde d'y faire halte et un moment elle se croie perdue dans une trace de sabot du jardinier.
Arrivée aux fraises, elle se repose, lève le nez de droite et de gauche pour flairer ; puis elle repart et sous les feuilles, sur les feuilles, elle sait maintenant où elle va.
Quelle belle chenille, grasse, velue, fourrée, brune avec des points d'or et ses yeux noirs !
Guidée par l'odorat, elle se trémousse et se fronce comme un épais sourcil.
Elle s'arrête au bas d'un rosier.
De ses fines agrafes, elle tâte l'écorce rude, balance sa petite tête de chien nouveau-né et se décide à grimper.
Et cette fois, vous diriez qu'elle avale péniblement chaque longueur de chemin par déglutition.
Tout en haut du rosier, s'épanouit une rose au teint de candide fillette. Ses parfums qu'elle prodigue la grisent. Elle ne se défie de personne. Elle laisse monter par sa tige la première chenille venue. Elle l'accueille comme un cadeau.
Et pressentant qu'il fera froid cette nuit, elle est bien aise de se mettre un boa autour du cou.

La puce

Un grain de tabac à ressort.

La papillon

Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleur.

La guêpe

Elle finira pourtant par s'abîmer la taille !

La demoiselle

Elle soigne son ophtalmie.
D'un bord à l'autre de la rivière, elle ne fait que tremper dans l'eau fraîche ses yeux gonflés.
Et elle grésille, comme si elle volait à l'électricité.

[R] Paru dans Insectes n°117


Charles Nodier [1780-1844]

Né à Besançon cet écrivain fit, autour des années 1825, de son salon à l'Arsenal où il était bibliothécaire, un centre du mouvement romantique.

Or ce brillant romancier fut, pendant sa jeunesse, un naturaliste fervent et notamment amateur d'insectes éclairé. Il publie alors, entre autres, " Dissertation sur l'usage des antennes dans les insectes " (1798), " Histoire des insectes avec un nouveau système de classification " (1800) ; " Bibliographie entomologique "… (1801). Ce dernier ouvrage fut apprécié par Lamarck. Or cette passion d'adolescent imprègne toute son œuvre et l'entomologiste perce à chaque page de Trilby, la Fée aux miettes, Séraphine, Piranèse… et surtout de Marie-Sybille Mérian ou de l'Homme et la fourmi, offrant ainsi une sorte de symbiose entre science et littérature. En 1844, il terminait sa dernière missive à la société entomologique de France qu'il avait rejoint dès 1833 et dont il avait été nommé membre honoraire, par cette observation : " Je suis à un moment de la vie où l'on n'a plus à faire, en matière d'entomologie, qu'aux Peltes, aux Silphes, aux Nitidules et aux Nécrophores ".

Glanés dans sa production littéraire, lisons quelques extraits où la véracité scientifique le dispute au charme poétique.

Dans Smarra (1821) il évoque les lucioles :

" Semblables à ces insectes agiles que la nature a ornés de feux innocents, et que souvent, dans la silencieuse fraîcheur d'un courte nuit d'été, on voit jaillir en essaims du milieu d'une touffe de verdure, comme une gerbe d'étincelles sous les coups redoublés du forgeron. Ils flottent emportés par une légère brise qui passe, ou appelés par quelques doux parfums dont ils se nourrissent dans le calice des roses. Le nuage lumineux se promène, se berce inconsistant, se repose ou tourne un moment sur lui-même, et tombe tout entier sur le sommet d'un jeune pin qu'il illumine comme une pyramide consacrée aux fêtes publiques, ou à la branche inférieure d'un grand chêne à laquelle il donne l'aspect d'une girandole préparée pour les veillées de la forêt ? Vois comme ils jouent autour de toi, comme ils frémissent dans les fleurs, comme ils rayonnent en reflets de feu sur les vases polis : ce ne sont point des démons ennemis. Ils dansent ; ils se réjouissent, ils ont l'abandon et les éclats de la folie. "

Et dans Examen critique des lettres à Julie sur l'entomologie par M. E. Mulsant (1833) c'est un hymne aux insectes dont voici quelques fragments :

[...] mais la providence de l'insecte ne l'a pas laissé nu et sans défense, comme vous. Elle lui a donné avec sa riche armure tous les outils de l'industrie, toute les armes de la guerre et tous les instincts de la prudence la plus consommée. Il porte des tarrières pour percer, des pieux pour fouir, des scies pour couper, des tenailles pour arracher et pour rompre. Il presse sur sa poitrine une épée acérée et mobile, traîne après lui un sabre tranchant, renferme dans des gaines rétractiles un poignard invisible et empoisonné, fait jouer des pistons qui lancent au loin des liqueurs âcres et dévorantes, et longtemps avant l'invention de la poudre, il était déjà muni de l'appareil d'une foudroyante artillerie, qui a ,comme l'autre, l'explosion, le feu et la fumée.

N'allez pas vous imaginer qu'il manque d'une seule des ressources que la civilisation cède si lentement à vos efforts. Il construit des casernes, il élève des cités, il creuse des tunnels de cinq cent lieues sous les villes, sous les fleuves, sous les montagnes ; il arbore sur les points élevés des télégraphes lumineux ; il sème des clartés vivantes à la lisière des bois ; il inonde la nuit d'escadrons aériens et flamboyants qui s'abattent à la cime des arbres comme une pluie d'étoiles. Il n'ignore aucune des voluptés. Sa nourriture se compose d'ambroisie délicieuses, que vous êtes quelquefois trop heureux de lui dérober ; il s'entoure de parfums si doux ou si enivrants, que vous calomniez en les comparant au musc, à l'ambre et à la rose. Quand à la pompe de ses vêtements, rien ne peut en donner une idée à ceux qui n'ont vu que les cours de l'Orient dans leur plus magnifique splendeur. La pourpre et la soie, l'azur et le vermillon, l'émeraude et le rubis ne sont que le faste de l'homme ; je vous montrerai dix mille insectes qui perdraient tout à échanger leur toilette contre celle de Cléopâtre. On croirait que la nature émerveillée de son ouvrage, quand elle eut produit les pierres précieuses, regretta de ne les avoir pas animées, et que c'est pour réparer sa distraction qu'elle inventa les insectes.

[...] La plupart des phalènes qui vivent appliquées au tronc des arbres se confondent à l'œil de l'observateur avec leurs mousses et leurs lichens. Il y en a une qui se dérobe aux regards, sous ses ailes fauves et frangées, dans un bouquet de feuilles sèches, et quand un coup de vent emporte feuilles et phalènes, on ne sait si c'est le papillon qui a perdu sa tige, ou la feuille qui a gagné des ailes. Ne vous réjouissez pas trop vite de la conquête d'un elater d'espèce rare ; vous comptez sans le ressort qu'il fait jouer à propos, et qui l'emporte à dix pieds de vous dans son lit de gazon. Les crylocéphales et les eumolpes qui vous entendent par tous leurs sens, se laissent tomber au moindre bruit de la branche qui les balance, et disparaissent immobiles entre les graines mûres dont la terre est jonchée ; vous ne les retrouverez plus. La famille des anobies doit ce nom à l'art prestigieux avec lequel elle contrefait la mort, et qu'elle porte à un tel degré d'obstination et de courage, que les mutilations les plus barbares ne lui arracheraient pas un mouvement de douleur, un symptôme d'existence et de sensibilité. C'est que les anobies, qui savent tant de choses, croient que la mort est un état respectable pour tous les êtres vivants. Dieu a probablement oublier de leur révéler l'hyène, le vautour et l'homme.

Les insectes ont des oréades pour toute les montagnes, des sylvains pour tous les bois, des nymphes pour toutes les sources, des naïades pour tous les ruisseaux. Il n'y aurait pas une plante qui perdit ses hôtes et ses ornements, et vous savez s'il sont gracieux. C'est une lème écarlate qui pend comme un bouton de corail aux limbes d'albâtre de la plus belle des liliacées ; c'est un gribouri vert qui étincelle comme une prase enchassée d'or au milieu du réceptacle de la marguerite ; c'est un trichie à l'habit de velours jaune et aux galons de jais qui s'endort dans une rose comme un homme de cour en bonne fortune.

Enfin dans Séraphine (1833) la mythologie lui suggère ces lignes :

Il y a quelque chose de merveilleusement doux dans cette étude de la nature, qui attache un nom à tous les êtres, une pensée à tous les noms, une affection et des souvenirs à toutes les pensées ; et l'homme qui n'a pas pénétré dans la grâce de ces mystères a peut-être manqué d'un sens pour goûter la vie…

[…] Voyez-vous ces brillantes familles de papillon, qui ne sont que des papillons pour le vulgaire ? C'est une féerie complète…

[...] Ceux là sont des chevaliers grecs et troyens. A sa cotte de mailles, échiquetée de jaune et de noir, vous reconnaissez le prudent Machaon, fils presque divin du divin Esculape, et fidèle, comme autrefois, au culte des plantes qui recèlent de précieux spécifiques pour les maladies et les blessures ; il ne manquera pas de s'arrêter sur le fenouil. Si vous descendez aux pacages, ne vous étonnez pas de la simplicité de leurs habitants. Ces papillons sont des bergers, et la nature n'a fait pour eux que les frais d'un vêtement rustique. C'est Tityre, c'est Myrtil, c'est Corydon. Un seul se distingue parmi eux à l'éclat de son manteau d'azur, sous lequel rayonnent des yeux innombrables comme les astres de la nuit dans un ciel étoilé ; mais c'est le roi des pâturages, c'est Argus, qui veille toujours à la garde des troupeaux. Avez-vous franchi d'un pas curieux la lisière des bois, défendue par Silène et les Satyres : voici la bande des sylvains, qui s'égarent au milieu des solitudes, et les nymphes, encore plus légères, qui se jouent de votre poursuite, laissent bientôt un ruisseau entre elles et vous, et disparoissent, comme Lycoris, sans redouter d'être vues, derrière les arbrisseaux du rivage opposé. Tentez-vous le sommet des montagnes les plus élevées : vous n'aurez pas de peine à vous y rappeler l'Olympe et le Parnasse ; car vous y trouverez les héliconiens et les dieux ; Mars, qui se distingue à sa cuirasse d'acier bruni, frappé par le soleil de glacis transparents et variés ; Vulcain flamboyant de lingots d'un rouge ardent comme le fer dans la fournaise, ou bien Apollon dans son plus superbe appareil, livrant aux airs sa robe d'un blanc de neige relevée de bandelettes de pourpre.

[R] Paru (avec quelques coupures) dans Insectes n° 118.


Jean de La Fontaine (1621-1695)

Auteur des Contes et nouvelles, ce sont surtout ses fables qui lui assurèrent un succès qui ne s'est pas démenti.
De cet ensemble de douze livres (paru de 1668 à 1694), en partie inspiré d'Esope et de Phèdre, analysons le bestiaire entomologique du fabuliste.
Livre I : La cigale et la fourmi ; Les frelons et les mouches à miel - Livre II : L'aigle et l'escarbot ; Le lion et le moucheron ; La colombe et la fourmi - Livre IV : La mouche et la fourmi - Livre VII : Le coche et la mouche - Livre VIII : L'homme et la puce ; -Livre XII : Le renard, les mouches et le hérisson.

Sa prédisposition à l'observation et sa charge de " Maître des eaux et forêts " ont apparemment favorisé le choix des sujets. Le critique Hippolyte Taine rapporte cette anecdote : " La Fontaine, qui dînait chez Me Harvey, s'attarda un jour et n'arriva qu'à la nuit. Il s'était amusé à suivre l'enterrement d'une fourmi jusqu'au lieu de sa sépulture, puis il avait reconduit les gens du cortège à leur tanière " et il conclut " Il a donc aimé et observé les animaux et son livre est une galerie de bêtes aussi bien que d'hommes ".

La première fable, la plus connue, met en scène des insectes et La Fontaine choisira lui même de placer la cigale et la fourmi, à l'entrée de son recueil. Certes notre auteur n'est pas entomologiste et J. H. Fabre se plaira à pourfendre le fabuliste et ses illustrateurs lui consacrant le chapitre XIII du tome V des Souvenirs entomologiques pour " réhabiliter la chanteuse calomniée " qu'il conclura par un poème provençal plus proche de la réalité scientifique. Eh bien ! lisez maintenant.

La cigale et la fourmi

La cigale ayant chanté
Tout l'été
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau !
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous payerai, lui dit-elle
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal.
La fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse ?
Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? J'en suis fort aise :
Eh bien ! dansez maintenant.

Les frelons et les mouches à miel

A l'œuvre on connaît l'artisan
Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent ;
Des frelons les réclamèrent ;
Des abeilles s'opposant,
Devant certaine guêpe on traduisit la cause.
Il était malaisé de décider la chose :
Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons
Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs ;
De couleur fort tannée, et tels que les abeilles,
Avaient longtemps paru. Mais Quoi ! dans les frelons
Ces enseignes étaient pareilles.
La guêpe, ne sachant que dire à ces raisons,
Fit enquête nouvelle, et, pour plus de lumière,
Entendit une fourmilière.
La point n'en put être éclairci.
De grâce, à quoi bon tout ceci ?
Dit une abeille fort prudente.
Depuis tantôt six mois que la cause est pendante,
Nous voici comme aux premiers jours.
Pendant cela le miel se gâte.
Il est temps désormais que le juge se hâte :
N'a-t-il point assez léché l'ours ?
Sans tant de contredits, et d'interlocutoires,
Et de fatras, et de grimoires
Travaillons, les frelons et nous :
On verra qui sait faire, avec un suc si doux,
Des cellules si bien bâties.
Le refus des frelons fit voir
Que cet art passait leur savoir ;
Et la guêpe adjugea le miel à leurs parties.
Plût à dieu qu'on réglât ainsi tous les procès !
Que des turcs en cela l'on suivit la méthode !
Le simple sens commun nous tiendra lieu de code ;
Il ne faudrait point tant de frais :
Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge ;
On nous mine par des longueurs :
On fait tant, à la fin que l'huître est pour le juge,
Les écailles pour les plaideurs.

L'aigle et l'escarbot

L'aigle donnait la chasse à maître Jean lapin,
Qui droit à son terrier s'enfuyait au plus vite.
Le trou de l'escarbot se rencontre en chemin.
Je laisse à penser si ce gîte
Était sûr : mais où mieux? Jean lapin s'y blottit.
L'aigle fondant sur lui nonobstant cet asile,
L'escarbot intercède et dit
Princesse des oiseaux, il vous est fort facile
D'enlever malgré moi ce pauvre malheureux
Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie ;
Et puisque Jean lapin vous demande la vie,
Donnez-la-lui, de grâce, ou l'ôtez à tous deux
C'est mon voisin, c'est mon compère.
L'oiseau de Jupiter, sans répondre un seul mot,
Choque de l'aile l'escarbot,
L'étourdit, l'oblige à se taire,
Vole au nid de l'oiseau, fracasse, en son absence,
Ses oeufs, ses tendres oeufs, sa plus douce espérance :
Pas un seul ne fut épargné.
L'aigle étant de retour, et voyant ce manège,
Remplit le ciel de cris ; et, pour comble de rage,
Ne sait sur qui venger le tort qu'elle a souffert.
Elle gémit en vain; sa plainte au vent se perd.
Il fallut pour cet an vivre en mère affligée.
L'an suivant, elle mit son nid en lieu plus haut.
L'escarbot prend son temps, fait faire aux neufs le saut :
La mort de Jean lapin derechef est vengée.
Ce second deuil fut tel, que l'écho de ces bois
N'en dormit de plus de six mois.
L'oiseau qui porte Ganymède
Du monarque des dieux enfin implore l'aide,
Dépose en son giron ses oeufs, et croit qu'en paix
Ils seront dans ce lieu ; que, pour ses intérêts,
Jupiter se verra contraint de les défendre :
Hardi qui les irait là prendre.
Aussi ne les y prit-on pas.
Leur ennemi changea de note,
Sur la robe du dieu fit tomber une crotte
Le dieu la secouant jeta les oeufs à bas.
Quand l'aigle sut l'inadvertance,
Elle menaça Jupiter
D'abandonner sa cour, d'aller vivre au désert,
De quitter toute dépendance,
Avec mainte autre extravagance.
Le pauvre Jupiter se tut :
Devant son tribunal l'escarbot comparut,
Fit sa plainte et conta l'affaire.
On fit entendre à l'aigle, enfin, qu'elle avait tort.
Mais, les deux ennemis ne voulant point d'accord,
Le monarque des dieux s'avisa, pour bien faire,
De transporter le temps où l'aigle fait l'amour,
En une autre saison, quand la race escarbote
Est en quartier d'hiver et, comme la marmote,
se cache et ne voit point le jour.

Le lion et le moucheron

Va-t'en, chétif insecte, excrément de la terre !
C'est en ces mots que le lion
parlait un jour au moucheron.
L'autre lui déclara la guerre :
Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi
me fasse peur ni me soucie ?
Un bœuf est plus puissant que toi :
Je le mène à ma fantaisie.
A peine il achevait ces mots
Que lui-même il sonna la charge,
Fut le trompette et le héros.
Dans l'abord il se met au large :
Puis prend son temps, fond sur la cou
Du lion, qu'il rend presque fou.
Le quadrupède écume et son œil étincelle ;
Il rugit; on se cache, on tremble à l'environ :
Et cette alarme universelle
Est l'ouvrage d'un moucheron
Un avorton de mouche en cent lieux le harcelle ;
Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte montée.
L'invisible ennemi triomphe et rit de voir
Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs,
Bat l'air, qui n'en peut mais ; et sa fureur extrême
Le fatigue, l'abat : le voilà sur les dents.
L'insecte, du combat, se retire avec gloire :
Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin
L'embuscade d'une araignée. Il y rencontre aussi sa fin.
Quelle chose par là nous peut être enseignée ?
J'en vois deux, dont l'une est qu'entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits ;
L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire
Qui périt pour la moindre affaire.

La colombe et la fourmi

L'autre exemple est tiré d'animaux plus petits.
Le long d'un clair ruisseau buvait une colombe,
Quand, sur l'eau se penchant une fourmis y tombe ;
Et dans cet océan on eût vu la fourmis
S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La colombe aussitôt usa de charité :
Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la fourmis arrive
Elle se sauve. Et là-dessus
Passe un certain croquant qui marchait les pieds nus :
Ce croquant, par hasard, avait une arbalète.
Dès qu'il voit l'oiseau de Vénus,
Il le croit en son pot et déjà lui fait fête.
Tandis qu'à le tuer mon villageois s'apprête
La fourmis le pique au talon.
Le vilain retourne la tête :
La colombe l'entend, part, et tire de long.
Le souper du croquant avec elle s'envole :
Point de pigeon pour une obole.

La mouche et la fourmi

La mouche et la fourmi contestaient de leur prix.
O Jupiter ! dit la première,
Faut-il que l'amour-propre aveugle les esprits
D'une si terrible manière,
Qu'un vil et rampant animal
A la fille de l'air ose se dire égal !
Je hante les palais, je m'assieds à la table :
Si l'on t'immole un bœuf, j'en goûte devant toi ;
Pendant que celle-ci, chétive et misérable,
Vit trois jours d'un fétu qu'elle a traîné chez soi.
Mais, ma mignonne, dites-moi,
Vous campez-vous jamais sur la tête d'un roi,
D'un empereur ou d'une belle ?
Je le fais et je baise un beau sein quand je veux ;
Je me joue entre des cheveux ;
Je rehausse d'un teint la blancheur naturelle ;
Et la dernière main que met à sa beauté
Une femme allant en conquête,
C'est un ajustement des mouches emprunté.
Puis allez-moi rompre la tête
De vos greniers. - Avez-vous dit ?
Lui répliqua la ménagère
Vous hantez les palais ; mais on vous y maudit.
Et quand à goûter la première
De ce qu'on sert devant les dieux,
Croyez-vous qu'il en vaille mieux ?
Si vous entrez partout, aussi font les profanes.
Sur la tête des rois et sur celle des ânes
Vous allez vous planter ; je n'en disconvient pas,
Et je sais que d'un prompt trépas
Cette importunité bien souvent est punie
Certain ajustement, dites-vous, rend jolie ;
J'en conviens : il est noir ainsi que vous et moi.
Je veux qu'il ait nom mouche : est-ce un sujet pour quoi
Vous fassiez sonner vos mérites ?
Nomme-t-on pas aussi mouches les parasites ?
Cessez donc de tenir un langage si vain :
N'ayez plus ces hautes pensées.
Les mouches de cour sont chassées ;
Les mouchards sont pendus, et vous mourrez de faim
De froid, de langueur, de misère,
Quand Phoebus régnera sur un autre hémisphère.
Alors je jouirai du fruit de mes travaux :
Je n'irai, par mont ni par vaux,
M'exposer au vent, à la pluie ;
Je vivrai sans mélancolie :
Le soin que j'aurai pris de soin m'exemptera.
Je vous enseignerai par là
Ce que c'est qu'un fausse ou véritable gloire.
Adieu ; je perds le temps : laissez-moi travailler ;
Ni mon grenier, ni mon armoire
Ne se remplit à babiller.

Le coche et la mouche

Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un coche.
Femmes, moine, vieillards, tout était descendu :
L'attelage suait, soufflait, était rendu.
Une mouche survient et des chevaux s'approche,
Prétend les animer par son bourdonnement,
Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment
Qu'elle fait aller la machine,
S'assied sur le timon, sur le nez du cocher.
Aussitôt que le char chemine,
Et qu'elle voit les gens marcher,
Elle s'en attribue uniquement la gloire,
Va, vient, fait l'empressée : il semble que ce soit
Un sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens et hâter la victoire.
La mouche, en ce commun besoin
Se plaint qu'elle agit seule et qu'elle a tout le soin ;
Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire
Le moine disait son bréviaire :
Il prenait bien son temps ! Une femme chantait :
C'était bien de chanson alors qu'il s'agissait !
Dame mouche s'en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sottises pareilles.
Après bien du travail, le coche arrive au haut.
Respirons maintenant, dit la mouche aussitôt :
J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Ça, messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine.

Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S'introduisent dans les affaires :
Ils font partout les nécessaires,
Et partout importuns, devraient être chassés.

L'homme et la puce

Par des vœux importuns nous fatiguons les dieux,
Souvent pour des sujets même indignes des hommes :
Il semble que le ciel sur tous tant que nous sommes
Soit obligé d'avoir incessamment les yeux,
Et que le plus petit de la race mortelle,
A chaque pas qu'il fait, à chaque bagatelle,
Doive intriguer l'Olympe et tous ses citoyens,
Comme s'il s'agissait des Grecs et des Troyens.
Un sot par une puce eut l'épaule mordue.
Dans les plis de ses draps elle alla se loger.
Hercule, se dit-il, tu devrais purger
La terre de cette hydre au printemps revenue
Que fais-tu, Jupiter, que du haut de la nue
Tu n'en perdes la trace afin de me venger
Pour tuer une puce, il voulait obliger
Ces dieux à lui prêter leur foudre et leur massue.

Le renard, les mouches et le hérisson

Aux traces de son sang un vieux hôte des bois,
Renard fin, subtil et matois,
Blessé par des chasseurs et tombé dans la fange,
Autrefois attira ce parasite ailé
Que nous avons mouche appelé.
Il accusait les dieux, et trouvait fort étrange
Que le sort à tel point le voulût affliger,
Et le fit aux mouches manger.
Quoi ! se jeter sur moi, sur moi le plus habile
De tous les hôtes des forêts ?
Depuis quand les renards sont-ils un si bon mets ?
Et que me sert ma queue ? Est-ce un poids inutile ?
Va, le ciel te confonde, animal importun ;
Que ne vis-tu sur le commun !
Un hérisson du voisinage
En mes vers nouveau personnage,
Voulut le délivrer de l'importunité
Du peuple plein d'avidité :
Je les vais de mes dards enfiler par centaines,
Voisin renard, dit-il, et terminer tes peines.
Garde-t-en bien, dit l'autre ; ami, ne le fait pas.
Laisse-les, je te prie, achever leur repas.
Ces animaux sont soûls ; une troupe nouvelle
Viendrait fondre sur moi, plus âpre et plus cruelle.
Nous ne trouvons que trop de mangeurs ici-bas :
Ceux-ci sont courtisans, ceux-là sont magistrats.
Aristote appliquait cet apologue aux hommes.
Les exemples en sont communs.
Surtout au pays où nous sommes.
Plus telles gens sont pleins, moins ils sont importuns.

[R] Paru dans Insectes n° 119


La suite du Florilège, avec Victor Hugo, Emma Mahul...

Le Kiosque, grand répertoire de liens internautiques, a rapporté de ses prospections sur la Toile de nombreux textes, poèmes, définitions, etc. qui recoupent parfois et surtout complètent ce Florilège.

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