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LA SOIE PARISIENNE
Il est probablement très peu de. Parisiens à se douter que leur ville pourrait devenir un centre de sériciculture n'ayant pas grand-chose à envier à nos départements du Sud-Est les mieux achalandés à cet égard.
Il est vrai qu'on n'y cultive pas le mûrier, mais, en revanche, le vernis du Japon (Ailantus glandulosa) y pullule. Et cela suffit.
La soie, en effet, n'est pas, exclusivement, le produit du Bombyx du mûrier. Sans parler des araignées, mises à contribution à Madagascar, il ne manque pas d'autres vers parfaitement capables de fournir de la soie, moins belle assurément que l'autre, mais ayant cependant sa valeur exploitable. C'est le cas, par exemple, de la chenille d'un papillon originaire de l'Orient, l'Attacus cynthia, qui vit sur le vernis du Japon, et donne des cocons contenant chacun 500 ou 600 mètres d'une soie ténue, mais solide - et élastique.
Pourquoi n'entreprendrait-on pas, à Paris même et dans sa banlieue, pour ne pas dire dans toute la France, où le vernis du Japon pousse merveilleusement partout, même dans les terrains impropres à toute culture, pourquoi n'entreprendrait-on pas l'élevage de cette chenille séricigène, dont la soie, sans avoir la prétention de faire concurrence aux belles " sortes " dauphinoises ou chinoises, n'en pourrait pas moins servir pour une foule d'emplois inférieurs et, en particulier, à la fabrication des articles à bon marché
Quelques tentatives ont été déjà faites, autrefois, et, il convient de le dire, sans aucun succès. Mais quelle est l'entreprise industrielle qui réussit d'emblée ? Si celle-ci a malheureusement avorté, ce n'est pas seulement parce que ses initiateurs s'y étaient mal pris, parce que les capitaux - ou la patience - leur ont fait défaut. C'est surtout parce que la guerre de 1870 est survenue sur ces entrefaites, et que tout a disparu dans la tourmente.
L'idée vaudrait d'être reprise, sur nouveaux frais, et il pourrait bien en résulter une nouvelle source de profits pour notre pays, où il reste encore tant de richesses inexploitées à mettre en valeur.
Mme Rousseau, la femme du directeur de l'École pratique coloniale de Joinville-le-Pont, qui se passionne pour cette question, a, précisément, donné quelques précieux renseignements à l'usage des audacieux qui voudraient tenter l'expérience.
Plus robustes et plus grosses que celles du Bombyx du mûrier, les chenilles de l'Attacus cynthia peuvent être élevées en plein air, sur l'arbre même. D'où une considérable économie de construction, d'entretien, de chauffage et de main-d'uvre. Néanmoins, il peut être préférable, surtout dans les premiers temps, de les. mettre à l'abri. On les place alors sur des branches coupées, dans des vases pleins d'eau, le tout enfermé sous une enveloppe de gaze, pour prévenir les évasions. Même au dehors, d'ailleurs, et sub Jove, la même précaution est de rigueur, afin de protéger les vers contre les. oiseaux, guêpes, fourmis, punaises et autres ennemis variés.
L'éducation dure environ un mois et comprend plusieurs mues.
La soie fournie par l'Attacus cynthia n'est pas très blanche, et elle exige un dévidage spécial, en raison de la gomme dont elle est chargée. Mais ce sont là de menus inconvénients auxquels il ne doit pas être très difficile de remédier.
À quand l'apparition de la soie parisienne - rien de commun avec la soie végétale ou artificielle pondue par de vrais vers, entre la Madeleine et la Bastille ? Car, - notez ceci -: il suffirait de grimper, au moment psychologique, aux arbres de nos boulevards ou de nos squares - mais, hélas ! ce sport est interdit ! - pour recueillir d'édifiants échantillons d'Attacus cynthia.
L'Année scientifique et industrielle, 1909, pp. 439-441
Le Paon de l'ailante, Philosamia cynthia (Lép.
Attacidé), figure sous Attacus
au Larousse agricole de 1921.
Fiche d'élevage et fourniture d'individus
OPIE.
Ailantus altissima est le faux vernis du Japon
(autres noms : arbre du ciel, frêne puant; ailant(h)e).
Sur les vernis du Japon, le vrai, le faux et le faux-faux, voir sur
Tela Botanica