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La conservation des Parnassius en France :
aspects zoogéographiques, écologiques, démographiques
et génétiques
Recherches soutenues par le comité Ecologie et Gestion du patrimoine naturel (subventions n° 89247 et 90043). Ministère de l'environnement, Paris.
II. La distribution des Parnassius en France et son évolution récente
III. Données écologiques
Choix de l'habitat, facteurs trophiques, régulation du cycle,
moyens de défense chez les trois espèces
IV. Dynamique des populations
Démographie de quelques populations sélectionnées
dans les années récentes et survol général.
Étude des déplacements individuels.
V. La structure génétique des populations
et sa variation géographique
Approche taxinomique "classique" ; la notion de sous-espèce.
Approche biométrique multivariée.
Approche électrophorétique.
Le concept de métapopulation chez les Parnassius.
VI. Les causes de régression des populations
La modification des habitats.
Le "changement climatique global".
VII. Bilan général et suggestions pour la
conservation
Conservation, restauration de localités et
réintroductions.
Le rôle des parcs nationaux et des espaces protégés.
Conservation, politique agricole et aménagement du territoire.
Rôle des associations et des entomologistes amateurs.
Retombées scientifiques du programme.
VIII. Conclusion (en français et en anglais)
Dans la Galerie :
l'accouplement
Pendant de nombreuses années, la protection de la Nature était
basée sur des intuitions, dont certaines de qualité, et des
coups de coeur, toujours respectables.
De plus en plus souvent cependant, la biologie de la conservation, qui doit
être considérée comme une discipline majeure, devrait
servir de base aux mesures de protection que nous souhaitons mettre en place.
On pourrait citer de très nombreux exemples d'idées nouvelles
issues de recherches fondamentales qui sont venues modifïer nos
manières de voir.
Bien entendu, les jeunes théories doivent s'affiner avec le temps
et il n'est pas bon de se précipiter trop vite pour passer à
la pratique, surtout si cela doit nous amener à abandonner des mesures
dont l'utilité reste encore très importante.
C'est ce qui me vient à l'esprit en lisant l'excellent travail sur
la conservation des Parnassius de France qui vient d'être
effectué par Henri Descimon.
Une des découvertes importantes de ces dernières est le fait
de l'existence de métapopulations chez de nombreuses espèces.
Cest à dire que l'on a affaire à des sous-populations
séparées géographiquement mais susceptibles d'échanger
continuellement des informations génétiques, susceptibles
également de disparaître et de réapparaître, soit
au gré des changements affectant leurs milieux, soit pour d'autres
raisons.
L'existence de cette structure semble donner raison à ceux qui
préféreraient une protection légère accordée
à de vastes espaces et qui craignent le régime de protection
forte qu'on accorde avec parcimonie à des surfaces restreintes
isolées sur de vastes étendues ne disposant d'aucune
garanties.
Lorsque l'on apprend que la surface de la forêt progresse d'un pour
cent par an sur certains causses des Cévennes, on peut bien
évidemment être inquiet sur l'avenir des sous -opulations
liées à ces milieux ouverts.
Mais on peut être encore plus inquiet en se demandant quel effet peut
avoir sur la métapopulation la disparition d'une de ses composantes
et de la richesse génétique originale qu'elle contenait.
De toute façon, la prudence s'impose car ,d'une part il est souvent
difficile de généraliser et, d'autre part, les analyses fines
manquent pour la plupart des espèces.
C'est pourquoi il faut certainement se réjouir de ce travail qui donne
des éléments sérieux pour alimenter la réflexion
sur les moyens de protéger les Parnassius et qui, sur un plan plus
fondamental, nous précise la structure d'une métapopulation
légèrement différente de celles classiquement
présentées. Il reste à souhaiter que de nombreuses autres
espèces que l'on pense être en danger fasse l'objet d'études
de cette qualité.
Parnassius Phoebus, le Petit-Apollon, mâle
En Europe, cette espèce est confinée aux Alpes, où elle
vole au-dessus de 1 400 m. Elle vole plus tôt que l'Apollon et reste
toujours à proximité des torrents ou des griffons de sources.
Néanmoins, les deux espèces peuvent s'hybrider quand des conditions
particulières leur permettent de voler ensemble. Malgré la
fécondité des hybrides mâles, les " pools
génétiques" des deux restent distincts (cliché H.
Descimon)
Parnassius mnemosyne, le " Demi-Apollon " mâle
Cette espèce est bien différente des autres. Modestement
ornée, elle vole tôt (de mai à juillet selon l'altitude)
car sa plante nourricière, la Corydale , a un cycle de
végétation court et précoce. Le couple hôte-phytophage
fréquente les lieux herbeux et frais, comme dans les Alpes ou les
Préalpes (jusqu'à la Sainte Baume, près de Marseille),
le Massif central ou en Pyrénées (cliché H.
Descimon)
Les 3 espèces françaises de Parnassius sont
liées aux milieux de montagne. P. mnemosyne se trouve dans
les Alpes et les Préalpes, les axes Vivarais-Aigoual et Puy de
Dôme-Aubrac, les Pyrénées ; lié à
Corydalis solida (Fumariacées), il fréquente les
clairières des étages montagnard et subalpin. Il ne régresse
que modérément, dans des stations marginales. P. phoebus
n'existe que dans les Alpes il vole dans les étages subalpin et alpin,
au bord des torrents ;il se nourrit de Saxifraga aizoides, mais
la "quasi-espèce" gazeli, limitée au Mercantour, est
inféodée à Sedum roseum. Sa distribution est
stable. P. apollo se trouvait dans tous les massifs montagneux
français, de l'étage montagnard (avec des stations abyssales
à très basse altitude) à l'étage alpin, dans
des biotopes très découverts. Il vit sur diverses espèces
de Crassulacées, avec des spécialisations locales. Il a
régressé d'une manière considérable. Il s'est
éteint dans les Vosges, le nord et les bas plateaux du Jura ; dans
le Massif-central, il a disparu du mont Pilat, du Puy de Dôme, du Forez,
des Causses du sud (Larzac et Causse Noir). Ses populations se sont fortement
rétractées dans le Vivarais, les Cévennes, le Cantal
et le Sancy, ainsi que dans les Préalpes. Il abonde encore dans les
Alpes et les Pyrénées.
Le choix de l'habitat est très précis chez les trois espèces.
La régulation du cycle de croissance, caractérisé par
une diapause embryonnaire, paraît conditionner la présence des
espèces à une altitude donnée. Un glissement vers le
haut des limites inférieures de l'habitat a été
observé dans les années récentes.
Le maintien dans le biotope semble inclure une composante sociale. La
densité des peuplements est assez constante et la variation des effectifs
s'accompagne d'une diminution de la surface occupée. La colonisation
de nouveaux habitats a essentiellement lieu au cours de phases d'expansion
démographique. L'effectif des populations fluctue d'une manière
très importante, les creux démographiques correspondant à
des phases climatiques défavorables. Une crise particulièrement
grave, consécutive aux hivers 1989 et 90, a frappé les colonies
du sud de la France et a provoqué l'extinction de certaines d'entre
elles, auparavant florissantes. Normalement, les peuplements se rétractent
lors de ces crises dans des habitats plus favorables, qui en constituent
le "noyau dur". Les individus des grandes populations effectuent des
déplacements importants, alors que ceux des petites populations se
cantonnent à un territoire restreint.
Les systématiciens classiques ont décrit beaucoup de
sous-espèces de Parnassius en Europe, spécialement chez P.
apollo et P. mnemosyne. Leur valeur informative sur la structure
génétique de, populations est faible. La combinaison de marqueurs
phénotypiques, étudiés par morphométrie des dessins
des ailes, et de marqueurs génotypiques enzymatiques a permis de mettre
en évidence une structuration géographique. Les deux types
de marqueurs révèlent une décroissance très nette
de la diversité génétique, corrélée avec
l'isolement géographique ; elle semble s'accompagner d'une diminution
de l'homéostasie génétique et d'une fermeture de la
structure, le phénomène est spectaculaire chez
P.mnemosyne à la Sainte-Baume et chez P. apollo dans
le Massif Central : il est aussi observé chez P. phoebus gazeli.
C'est P. mnemosyne qui montre la différenciation géographique
la plus nette, qui pourrait correspondre à une histoire assez ancienne
et à une stabilité relative des peuplements au Quaternaire,
avec néanmoins des extensions récentes. Les groupes définis
correspondent à des unités à la fois géographiques,
écologiques et historiques. Chez P. phoebus le
phénomène le plus net est l'isolement du taxon gazeli,
pour lequel un statut de quasi-espèce est suggéré ;
par ailleurs, dans les Alpes du sud, c'est une différenciation est-ouest
qui a été mise en évidence. Chez P. apollo la
variation est complexe et confuse ; elle semble témoigner d'une histoire
récente mouvementée, où de nombreux épisodes
de sélection directionnelle ont pu effacer beaucoup de
polymorphismes.
Néanmoins, trois grandes entités géographiques ont pu
être mises en évidence : Alpes-Jura, Massif-Central,
Pyrénées. Les caractéristiques écologiques et
génétiques des peuplements de Parnassius suggèrent
une structure en métapopulation, mais selon une variante moins
stochastique que le modèle strict : les fluctuations spatiales et
numériques s'effectueraient par rétraction-inflation autour
de"noyaux durs" constants, d'où une variante proposée sous
le terme de "métapopulation-pulsar".
Il y a deux causes majeures à la régression des Parnassius
: la fermeture des espaces ouverts dans l'étage montagnard,
prédominante dans les régions humides, et le réchauffement
climatique, plus actif dans les régions méridionales. Le premier
facteur est lié à la déprise agricole, à l'abandon
du pâturage ovin et de l'utilisation du bois pour le chauffage. Certaines
populations du Vivarais ont été détruites par afforestation
délibérée. La législation actuelle de protection
des espèces est inefficace. Les Parcs Nationaux sont bien placés
pour la conservation ; le Parc des Cévennes, où le problème
est crucial, peut jouer un rôle important. Les actions de conservation
des Parnassius doivent impliquer de nombreux partenaires : état,
collectivités locales, Eaux et Forêts, associations, entomologistes
amateurs. Les actions ponctuelles sont précaires, les actions
spécifiques à grande échelle inaccessibles. Des
réintroductions sont concevables, mais n'ont de chances de succès
que si elles sont très sérieusement conçues. Une politique
de maintien des agriculteurs dans les zones montagnardes aurait un effet
indirect très positif en particulier si les exigences des Parnassius
y étaient prises en compte.
The three French species of Parnassius are linked to
mountain habitats. P. mnemosyne scattered in the Alps and the Prealps,
in the Vivarais-Aigoual and Puy de Dôme-Aubrac ranges in the
Massif-central, and the Pyrénées. It feeds on Corydalis
(Fumariaceae) species and is found in mountain and subalpine forests.
Il has only slightly regressed in marginal localities of its habitat. P.
phobus only found in the Alps, in alpine and subalpine zones, along the
shores of the torrents. lts usual foodplant is Saxifr aga aizoides, but the
taxon gazeli, from Mercantour, is linked to Sedum roseum. Ils
distrihution is stable. P.apollo was to be found in all the french
mountain ranges, from mountain zone (with "abyssal" localities down to 300
m) to the alpine zone, always in open landscapes. It feeds on
Crassulacea, with local specializations. lt has strongly regressed.
it has become extinct in the Vosges the north and the lower plateaux of the
Jura ; in the Massif-Central, it has vanished from Mont Pilat, Puy de Dôme,
Forez massif, southern Causses (Larzac and Causse Noir). Its populations
have strongly diminished in Vivarais, Cévennes, Cantal, Sancy and
Prealps. It is still very abundant in the Alps and the Pyrénées.
Habitat choice is very precise in the three species. Growth cycle regulation,
characterized by embryonal diapause, seems to play an important rôle
in the extent oft he elevation range. A rise oi the lower limit of habitat
has been observed in recent years. The confinment of individuals within a
given habitat seems to involve a social component. Population density is
fairly constant and variation in size is accompanied with shrinking of the
colonized area. Occupation of new habitats occurs during demographic expansive
phases. Population size is strongly variable.
Demographic depressions correspond to unfavorable climatic phases. An especially
grave crisis, consecutive to 1989 and 1990 warm winters, struck southern
french colonies and caused the extinction of some of them, previously thriving.
Usually, during these crises, the colonies retract in the most favourable
"hardcore" localities. The individuals from large populations display an
active dispersal behaviour, while those from small populations are much more
sedentary
Many subspecies were described by "classical" systematicians. Their
informative value about the actual population genetic structure is rather
poor. Combining wing pattern morphometry and electrophoretic study of enzyme
polymorphism discloses a geographical variation of genetic structure. Both
types of markers also show a marked decrease of gene diversity correlated
with geographical isolation. This decrease seems to be accompanied by a decrease
of phenotype "buffering" and a"closure" of population structure. This phennmenon
is obvious in P. mnemosyne at Sainte Baume, P.apollo in the Massif
Central and P. phoebus gazeli in Mercantour. P. mnemosyne displays
the most clearcut geographical difierentiation, which could correspond to
a somewhat ancient history and a stable settlement of populations in the
Quatemary, with some recent extensions. The genetic groups observed correspond
to units defined ecogeographically and historically. In P. phoebus,
the most prominent feature is the isolation of the taxon gazeli,
suggestive ni a quasi-species status. The other populations from the southern
Alps are difierentiated along an E-W gradient. In P. apollo, variation
is complex and confused. It may be the sign of an eventful recent history,
with numerous episodes of directional election which wiped out many
polymorphisms. However, three large geographical entities can be disclosed
: Alps and Jura, Pyrénées and the the Massif Central. Ecological
and genetical characteristics of Parnassius populations suggest a
metapopulation structure. Spatial and numerical variatinns appear tu take
place through retraction-inflation cycles around constant "hard ocres". In
the species concerned, the rôle of local stochasticity in population
tumover seems to be nverwhelmed at present time by large-scale climatic events,
with extinction prevailing upon colonization.
There are two major causes of Parnassius regression : the closure of open
spaces in mountain zones under oceanic influence, and (global) warming in
southern regions. The first factor is linked to the abandonment oi traditional
land use, especially sheep grazing and coppicing.
Some Vivarais populations were destroyed by deliberate afforestation. The
present legislation for species protection is inefficient. National parks
are well located for conservation ; the Cévennes national Park, where
the problem is severe, may play an important rôle. Conservation
actions must imply numerous partners : state, local collectivities,"Eaux
et forêts" administration, associations ofi amateur entomologists.
Small scale actions are precarious and large scale ones out of reach.
Reintroductions are conceivable, but will be successful only if seriously
designed.
A husbandry policy in mountain zones should have a very positive indirect
efiect , especially if the ecological requirements of Parnassius are
taken into account.
L'uf de P. apollo est gros : son diamètre est de 1 à 1,5 mm. Les Apollons du Larzac pondaient des ufs particulièrement gros. Pourquoi ? La chenille de premier stade hiverne, en diapause, complètement formée à l'intérieur de l'uf et protégé par une coquille relativement épaisse. (Cliché G. Bouloux - OPIE)
Cette chenille encore jeune de P. apollo (L3) attaque les feuilles de Sedum album par l'apex. L'adaptation des jeunes chenilles à la nourriture disponible est un facteur crutial de la survie. Il a été montré par les chercheurs suisses, que les feuilles agées de Sedum album contenaient des composés toxiques. La synchronisation des cycles du phytophage et de son hôte joue un rôle important dans le processus adaptatif. (Cliché P. Velay - OPIE)
La chrysalide de P. apollo est protégée par un cocon dense, légèrement enterré ou placé sous les herbes sèches. Cette chrysalide est couverte de cires pulvérulentes lui conférent un aspect bleuté de prune (Cliché H. Descimon)
Cette reculée jurassique est un dernier refuge de P. apollo dans la chaîne. Les pentes au pied des falaises sont trop pierreuses et trop raides poui que la forêt les envahisse totalement. Les éclaircies ensollééeillées sont encore couverte de Sedum, et l'apollon y trouve encore sa provende. Mais le dynamisme de la végétation est tel que l'on peut craindre que même ces pentes finissent par être couvertes de buissons puis de forêt. (Cliché V. Pierrat)
Au cur des Alpes, près de Cervières, le site de la Chau offre un territoire idéal à l'Apollon. Des pentes pierreuses sont couvertes de Crassulacées (Sedum de plusieurs espèces de Sempervirum arachnoideum qui est ici la plante nourricière principale), qui offrze une nourriture abondante aux larves. Les prairies en terrasses sont couvertes de fleurs à l'époque de vol des adultes, qui les butinent tout à leur aise ; ils jouissent ainsi de la meilleure espérance de vie et de fécondité. Le climat briançonnais leur procure de plus, même lors des années pluvieuses, u ensoleillement pour qu'ils accomplissent leur cycle avec sécurité. Les populations hébergées par de tels sites comptent des milliers, voire des dizaines de milliers d'individu. Ces sites sont d evéritables refuges pour l'espèce. On notera qu'au début des années 80, il était question d'établir ici une station de ski de 20 000 lits, ce que les habitants de Cervières ont repoussé. (Cliché H. Descimon).
Les chenilles de Parnassius apollo sont relativement opportunistes. Elles consomment soit des Sedum, soit des Sempervirum. Sur cette photographie, la plante consommée est Sempervirum arachnoideum, une plante silicicole qui peut parfois, sur sol très maigre, être très abondante, ce qui engendre, en particulier dans les Alpes du Sud, des colonies abondantes d'Apollon. (Cliché A. Guegant - J.C. Malausa - OPIE)
Deux espèces de Sedum sont ici disponibles pour cette chenille. La première est Sedum album, la plante nourricière la plus répandue de l'Apollon. Sa distribution est bien plus large que celle de son phytophage. La seconde est sans doute Sedum montanum, moins abondante mais qui est aussi consommée. (Cliché H. Descimon)
Sur ce cône de déjection trorrentiel dénudé, au sol squelettique, la Joubarbe toile d'araignée prolifère. Parnassius apollo y trouve une abondante nourriture et forme une colonie nombreuse et dense. Les adultes butinent le matin dans les prés avoisinnants et migent ensuite vers le cône de déjection. Les mâles y patrouillent à la recherche des femelles. Celles-ci pondent selon des stratégies diversifiées : inflorescences, interstices entre les joubarbes, pierres... (Cliché H. Descimon)
Le "Petit Apollon "est un papillon de haute montagne. Le long de ce torrent pousse Saxifraga aizoides, sa plante nourricière (à l'exception du Mercantour, où c'est Sedum roseum qui le nourrit). Le papillon ne s'écarte pas des bords des torrents. (Cliché H. Descimon).
La chenille de Parnassius phobus gazeli se nourrit d'une toute autre plante que Saxifraga aizoides : Sedum roseum. Alors que le premier est abondant dans le Mercantour - beaucoup plus que Sedum roseum - on notera qu'en captivité Parnassius phoebus (s. str.) accepte très bien Sedum roseum. Voire même la préfère (Cliché A. Guegant - J.C. Malausa - OPIE).
Parnassius apollo et Parnassius phobus s'hybrident fréquemment, en particulier dans le Mercantour. Les mâles hybrides sont fertiles et on peut rencontrer des individus issus de rétrocroisements. Peut-être en est-il ainsi pour cet individu, d'habitus "apollo" avec une touche de" Phoebus gazeli". (Cliché A. Guegant - J.C. Malausa - OPIE).
Parnassius mnemosyne, le "demi-apollon", mâle. Les Parnassius sont de gros buveurs. Comme ils sont lourds et patauds, ils ont besoin d'un support large comme les capitules des chardons et Scabieuses. la couleur violacée ou pourpre est un signal atteractif pour les papillons (Cliché A. Guegant - J.C. Malausa - OPIE)
Sur cette vire de la Sainte Baume, Parnassius mnemosyne, était extrêmement abondant jusqu'en 1988. Mais il est devenu rare, après le faux hiver qui a aussi éradiqué P. apollo des Causses méridionaux, et s'est éteint en 1993. Quelques kilomètres plus à L'Est il subsiste une population apparemment solide. Nous espérons qu'elle recolonisera un jour ce site, comme le prévoit la théorie des métapopulations. A moins qu'elle ne disparaisse elle-même, si l'"effet de serre" s'intensifie... (Cliché H. Descimon).
Aux environs du col d'Ornon, dans l'Oisans, les conditions écologiques sont favorables au développement de Parnassius apollo. (Cliché J.C. Malausa - A. Guegant - OPIE)
La conservation des Parnassius en France : aspects
zoogéographiques, écologiques, démographiques et
génétiques
par Henri Descimon
Comme tous les membres de la famille des Papilionidae , les
Parnassius attirent l'attention des conservationnistes. Ce sont de
très beaux Lépidoptères, que l'on pourrait considérer
comme les Insectes emblématiques des milieux de montagne. Ils sont
par ailleurs très vulnérables, car ils sont liés à
des milieux précis et facilement dégradables. De plus, les
collectionneurs de papillons ont été souvent accusés
d'avoir effectué des prélèvements abusifs, au point
d'avoir fait disparaître des populations. Ainsi donc, P. apollo
a été le premier Lépidoptère dont la capture
a été prohibée, en Allemagne, en 1936.
Il existe 3 espèces reconnues de Parnassius en France : P.
mnemosyne, le Demi-Apollon ; P. apollo, l'Apollon ; P.
phoebus, le Petit Apollon. La systématique à grande
échelle de ces taxa semble bien connue, mais nous verrons que les
méthodes modernes ont mis en valeur des faits mal compris. L'attention
soutenue dont ces Insectes ont été l'objet de la part des
collectionneurs a eu comme conséquence une étonnante
prolifération de sous-espèces érigées selon des
critères peu rigoureux. Si on passe sur l'encombrement nomenclatorial
qui en est résulté, une conséquence positive de cette
activité est que les Parnassius sont très bien connus,
et depuis longtemps. Il est donc possible d'avoir une idée précise
de l'évolution de la distribution de ces papillons depuis plus d'un
siècle.
A la suite d'un premier travail, ayant donné lieu à une
thèse, sur P. mnemosyne, le comité EGPN du ministère
de l'Environnement nous a confié une étude destinée
à évaluer les problèmes posés par la conservation
des 3 espèces et à fournir des éléments de
décision quand se posent des problèmes d'aménagement
du territoire. Commencé par M. Napolitano, sous la direction de H.
Descimon, le programme a été continué par S. Braconnot
après la défection du premier chercheur. Il faut souligner
le rôle important joué par J-P- Vesco, dont la contribution
a été entièrement bénévole, ainsi que
l'apport de plusieurs entomologistes amateurs, sans lesquels la couverture
totale du territoire français aurait été impossible.
Nous avons tenté de pratiquer une approche multidisciplinaire, associant
des points de vue "classiques" comme la cartographie détaillée
et l'étude bionomique, à la dynamique des populations. De
même, au niveau taxinomique, nous avons associé la biométrie
des caractères alaires et l'électrophorèse des enzymes
pour mettre en évidence la structuration géographique des
peuplements.
Le présent rapport n'est qu'une étape dans une série
d'études à laquelle la subvention accordée par le
comité EGPN du Ministère de l'Environnement aura apporté
une impulsion initiale décisive.
II. La distribution des Parnassius en France et son évolution récente
Les données exposées résultent de la compilation de
la littérature existante, de la visite d'un très grand nombre
de localités par H. Descimon et de renseignements communiqués
par des entomologistes amateurs dont la collaboration bénévole
a souvent été essentielle.
Toutes les espèces sont liées aux milieux de montagne.
A - P. mnemosyne
L'espèce se trouve dans les Alpes et les Préalpes, le Massif
Central et les Pyrénées (figure 1).
Ses limites altitudinales correspondent aux étages montagnard et subalpin
(900-2 200 m).
On remarquera que, même dans le massif alpin, il y a des lacunes, en
particulier dans le nord de la Savoie ainsi qu'à la hauteur de la
zone séparant le Briançonnais du Queyras. Cependant, dans
l'ensemble, la distribution y est continue à grande échelle,
de même que dans les Pyrénées.
Il en est tout différent dans les Préalpes, où les
peuplements sont entièrement fragmentés en petites unités
réfugiées dans des localités favorables. On notera l'absence
dans les Préalpes du Nord et au Ventoux. Les colonies de la Sainte
Baume sont évidemment un bel exemple de disjonction "insulaire".
Dans le Massif-Central, la distribution est également très
fragmentée ; il y a deux noyaux plus compacts, presque continus à
grande échelle, dans le Vivarais et selon l'axe Cantal - Sancy. On
note des satellites isolés : sur l'axe Vivarais-Aigoual, dans l'Aubrac
et dans la chaîne des Puys.
Un certain nombre de nouvelles localités ont été
découverte; par nous-mêmes ou nos correspondant; à l'occasion
de cette étude.
Cette espèce ne montre pas de tendance caractérisée
à la régression aréale, mais de très importante;
fluctuations quantitative; ont été observées, sur lesquelles
nous reviendrons.
B - P. Phoebus
C'est un élément alpin strict, qui occupe toute la chaîne
du massif des Aiguilles Rouge ; au Mercantour (figure 2) ; on notera cependant
une lacune significative dans le Nord du Mercantour. L'espèce n'est
connue d'aucun massif préalpin, même si la limite inférieure
(1 400 m) est située plus bas que les zones élevées
des Préalpes. La limite supérieure de l'habitat est très
élevée : 2 500 à 2 800 m.
Aucune tendance à la régression n'a été
observée.
C - P. apollo
L'espèce était connue de tous les massifs montagneux français
d'altitude supérieure à 1 000 m (figure 3). Dans les Vosges,
elle était limitée à quelques cirques glaciaires des
plus hauts sommets. Ces populations se sont éteintes à partir
de 1976.
Dans le Jura, la distribution était continue à grande
échelle, depuis l'extrême nord (val de Ferrette) jusqu'à
la suture avec le massif alpin. On observait de nombreuses populations
"abyssales", en particulier à Baume-les-Messieurs (350 m) et autour
d'Ornans (500 m). Les zones rocheuses au-dessus de 800 m étaient partout
colonisées. Une importante régression a été
observée à partir des années 60 et, à l'heure
actuelle, il ne reste plus que des colonies fragmentées, peu nombreuses
et précaires.
Dans les Alpes, P. apollo est encore présent partout, de 800
m ou moins à 2 300 m. Les régressions sont dues à des
destructions limitées d'habitats par l'urbanisation, mais elles n'ont
lieu qu'à petite échelle et n'entament pas l'aire globale.
Largement distribué dans toutes les Préalpes, l'Apollon y
connaît à l'heure actuelle un amenuisement marqué de
ses peuplements, du Salève aux Préalpes de Grasse et Vence
; en fait la situation est comparable à celle du Jura, en moins grave.
On notera néanmoins que les populations "abyssales" du massif du Ventoux
et du Luberon, qui descendent jusqu'à 400 m, sont toujours présentes
et même en bonne santé.
C'est dans le Massif Central que la régression est la plus spectaculaire.
Au siècle dernier, on connaissait des colonies au Mont Pilat, au col
de l'Escrinet et même peut-être au Mont d'Or, audessus de Lyon.
Encore récemment, dans les années 60, une colonie fugace a
été observée au plateau de Millevaches. On peut
définir 2 ou 3 noyaux de peuplement : l'axe Vivarais-Aigoual (avec
une dépendance dans le Forez), les Causses (reliés à
la région précédente) et l'axe Cantal-Sancy (qui, lui,
était apparemment isolé). Des peuplements nombreux et bien
dispersés quoique discontinus existaient dans ces régions jusque
dans les années 60. Les habitats s'étendaient des flancs des
gorges rocheuses à assez basse altitude (hautes gorges de la Loire
et tous les émissaires des massifs du Cantal et du Sancy) jusqu'aux
sommets. A partir des années 70, on a observé un véritable
effondrement de ces colonies. Jusqu'en 1988, les extinctions ont essentiellement
touché les zones siliceuses du Forez, du Vivarais et de la Lozère,
les basses gorges, les pentes du Puy de Dôme. Mais, en 1989, le;
florissantes colonies des Causses méridionaux (Larzac, Causse Noir)
ont disparu en un an. Il ne reste plus à l'heure actuelle que des
populations précaires au Mézenc et au Ray-Pic, à l'Aigoual
(où l'espèce s'est beaucoup raréfiée), sur les
Causses Méjean et de Sauveterre, en quelques points peu nombreux
ettrès exigus du massif du Cantal et dans le Massif du Sancy, où
l'espèce reste le plus solidement implantée, mais en altitude
seulement.
Dans les Pyrénées, la situation est identique à celle
observée dans les Alpes : pas de régression notable en altitude,
mais les populations des massifs inférieurs (cas du Pibeste près
de Lourdes) ont régressé, voire disparu.
Nous voyons donc que c'est l'espèce la plus répandue qui a
connu la régression la plus importante.Ce sont essentiellement les
habitats les plus marginaux les basses montagnes qui sont touchés.
Nous en verrons les raisons plus loin.
III. Données écologiques
Ce seront essentiellement le choix de l'habitat, les facteurs trophiques (plantes nourricières des larves, sources de nectar pour les adultes), le déterminisme du cycle et la thermorégulation, facteurs à la fois accessibles et cruciaux, qui seront abordés ici.
A - Caractères généraux
Le choix de l'habitat est toujours précis chez les Parnassius et
on voit rarement des individus égarés hors de leur habitat
d'origine, qui est particulier à chaque espèce, comme nous
le verrons.
Problème général chez les Lépidoptères
Rhopalocères, la nature des signaux qui maintiennent les individus
à l'intérieur de leur territoire est particulièrement
importante à déterminer. Il ne s'agissait pas au départ
d'une question essentielle dans notre programme, mais il apparaît
dorénavant qu'il s'agit d'un facteur crucial. En effet, les papillons
font montre d'une fidélité remarquable à leur biotope
d'origine. La présence de plantes nourricières et des signaux
chimiques qu'elles émettent est le premier facteur qui vient à
l'esprit ; or, nos observations ont montré que, nécessaire,
il n'était pas suffisant : les populations présentement très
contractées de P. mnemosyne de la Sainte Baume se cantonnent
à une faible portion du territoire couvert de plantes nourricières
qu'elles occupaient auparavant. Un élément visuel intervient
aussi, et peut varier selon les micro-adaptations locales : dans le "mini-parc
à papillons" de J-P. Vesco à Valréas,les P. apollo
des Causses se maintiennent sur terrain plat, alors que ceux des Alpes
choisissent un site pentu. Mais surtout, l'interaction avec d'autres individus
semble jouer un rôle important, sur lequel nous reviendront.
Les trois espèces sont liées à des milieux ouverts.
Facteurs trophiques : les Parnassius sont monophages ou sténophages,
avec dans ce cas une variation locale et opportuniste ; la
spécificité est donnée par le comportement de ponte
des femelles ; les chenilles acceptent une gamme beaucoup plus large de plantes,
dont certaines peuvent se révéler en élevage
"superoptimales" par rapport aux plantes nourricières
attitrées.
La consistance de la plante (présence de jeunes pousses tendres) joue
aussi un rôle important.
Les adultes consomment beaucoup de nectar et sont pratiquement
inféodés aux Composées et Dipsacacées
violacées(rarement jaunes) offrant une plateforme de surface
suffisante(Centaurées et Chardons divers, Scabieuses et Knauties).
Une nourriture insuffisante abrège la vie et diminue la
fécondité des femelles.
Déterminisme du cycle : toutes les espèces diapausent en uf
embryonné ou en larve Ll prête à éclore. La diapause
est levée par un séjour au froid de quelques mois. Nous
soupçonnons un ajustement fin au niveau populationnel entre le signal
de fin de diapause et les conditions locales : régime thermique et
ensoleillement, entrée en végétation des plantes
nourricières.
Cela permettrait d'expliquer les limites altitudinales précises de
chaque espèce, voire de chaque groupe de populations. Le problème
de la limite inférieure des habitats est d'autant plus important que
nous en avons observé un relèvement évident dans les
années récentes.
L'adaptation de certaines populations abyssales à des conditions
surprenantes n'en est que plus digne d'intérêt.
Thermorégulation : le genre Parnassius dans son ensemble, dont
le centre d'origine est sûrement situé en Asie centrale, est
fondamentalement adapté à une vie en atmosphère froide
sous un soleil vif. Les chenilles, noires et velues à points rouges,
ne sont actives que sous le soleil, qu'elles recherchent ; mais, si la
température de l'air est trop élevée, leur activité
est perturbée.
Une nébulosité et une pluviosité importante pendant
la phase de croissance larvaire produisent un retard dans l'éclosion
des adultes et une dépression démographique nette.
Les adultes sont également très héliophiles, mais supportent
mieux des températures élevées.
Les saisons peu ensoleillées ont aussi une action dépressive
sur la démographie, même si les papillons savent saisir des
périodes ensoleillées assez brèves pour se reproduire.
Lors de nos expériences de CMR, une disparition importante d'individus
a été constatée au cours des périodes de mauvais
temps.
Moyens de défense : Les prédateurs et parasitoïdes des
Parnassius sont mal connus ; de même, l'efficacité de
leurs moyens de défense reste à préciser. Les marques
de bec observées sur de nombreux papillons suggèrent que la
prédation avienne est active ; V. Pierrat et B. Barascud en ont d'ailleurs
observé deux cas. Habiles à déjouer les attaques par
beau temps, grâce à leur vol rapide et capricieux, les
Parnassius savent encore écarter certaines attaques par
l'ostentation de leurs ocelles, accompagnée de stridulation. Mais
ce comportement n'est actif que par beau temps, en fin de journée.
Par temps humide et couvert, les papillons sont pratiquement sans défense.
Les brillantes colorations rouges et noires des adultes de P. apollo et
P. phoebus pourraient donc être interprétées comme
aposématiques. Saisis, ces insectes émettent des déjections
fort malodorantes ; on ne sait pas s'ils accumulent, commed'autres Papilionides
(en particulier les Zerynthia), des composés toxiques extraits
de leurs plantes nourricières. Assez ironiquement, on peut remarquer
que ce sont les sous-espèces les plus maculées de rouge, donc
les plus "protégées", qui attirent le plus les collectionneurs.
Nous ajouterons qu'une étude génétique menée
par un de nos collaborateurs bénévoles, V. Pierrat, montre
que les individus jurassiens ont un développement d'autant plus
lent,qu'ils sont plus ornés.
Les chenilles sont, parmi les papilionidae, celles qui se servent
le moins volontiers de leur osmatérie (glande évàginable
sécrétant des substances repoussantes). On notera que les
chrysalides sont protégées par un cocon très dense.
B. caractères spécifiques
1) P. mnemosyne
C'est l'espèce la plus liée à des biomes forestiers
; on la considère usuellement comme inféodée aux
clairières de la hêtraie. En réalité, dans les
Alpes internes, elle est associée à des milieux nitrophiles
loin de toute hêtraie, voire de toute forêt. En fait, le
déterminant essentiel de sa présence est la disponibilité
en abondance suffisante d'une Corydale bulbeuse (Corydalis solida
essentiellement). Or, cette plante est humicole. C'est une plante
pérenne mais à parties aériennes éphémères
; son développement est bref et précoce ; la période
de vol des adultes de son phytophage coïncide avec le flétrissement
de ses tiges et de ses inflorescences ; la croissance des chenilles est bien
entendu synchronisée avec l'activitén végétative
de la corydale ; elle a donc lieu très tôt (mars-avril à
la sainteBaume, mai-début juin en haute montagne). D'une manière
générale, ce Parnassius est le plus précoce de
tous.
Les populations de P. mnemosyne sont souvent très denses, au
point de dévorer une grande partie de leurs plantes nourricières.
2) P. phoebius
Son choix de l'habitat est très précis, puisqu'il se cantonne
au bords des torrents et aux griffons des sources de la zone suhalpine. Ses
populations sont donc "linéaires". L'espèce est toujours monophage
: la plupart des populations sont liées à Saxifraga
aizoides, plante du bord des torrents et des pentes imouilleuses et
graveleuses. Dans le Mercantour, la "quasi-espèce" gazeli est
rigoureusement inféodée à une Crassulacée ripicole,
Sedum (Rodiola ) roseum, alors que S.
aizoides y est très abondant. La présence du
Sedum est le facteur limitant de la distribution de P. phoebus
gazeli, qui n'est pas présent dans toutes les vallées du
massif. On soulignera qu'en captivité P, phoebus(S str.) accepte
très bien S. roseum et les autres membres du sous genre
Rhodiola, Il ne le consomme cependant pas dans la nature, quand il
est présent conjointement à S. aizoides. Nous avons
ohservé des différences nettes dans le comportement alimentaire
des deux quasi-espèces.
C'est aussi une espèce précoce, dont les adultes volent début
juin à la limite inférieure de l'hahitat (1400m) et jusqu'à
la fïn d'août à la limite supérieure (2500 m). A
l'intérieur des bassins torrentiels, on assiste donc à une
remontée progressive des populations d'adultes ; ceux-ci restent
néanmoins goupés et s'aventurent peu au-dessous et au-dessus
de leur site de naissance.
Le brassage interne de la population s'effectue donc de proche en proche.
Le cycle des chenilles est conditionné parle départ en
végétation des plantes nourricières ; elles vivent au
ras de l'eau et peuvent s'activer à trés basse température,
parmi le; éclaboussures des torrents. Bien entendu, les crues de ceux-ci
provoquent de véritables hécatombes, décelables par
une dépression démographique passagère. Les pentes
latérales humides colonisées par les plantes nourricières
permettent la survie de l'espéce.
Les adultes adoptent souvent un comportement d'agrégation peu serré
pour dormir sur les touffes de Carex du bord des torrents. Ils sont alors
assez visibles.
3) P. apollo
Contrairement à la précédente, l'espèce
fréquente les pentes sèches et rocailleuses ou les plateaux
calcaires où le taux de recouvrement végétal est faible,
Dès que celui-ci s'élève, le Lépidoptère
disparaît.Il est globalement polyphage (oligophage), mais essentiellemen
lié aux Crassulacées (Sedum, Sempervivum) et,
peut-être, à certains Saxifrages, Dans les très grandes
populations du Briançonnais et des Causses, nous avons observé
une stratégie généraliste, où toutes les plantes
disponibles étaient utilisées. Au contraire,dans le massif-central
siliceux, une tendance spécialiste nette est observée ; les
Sedum à petites feuilles cylindriques du type S. album,
très bien utilisés ailleurs, sont délaissés
au profit des sedum du groupe telephium,dont nos élevages
ont montré qu'ils étaient préférés à
tout autre par les chenilles et produisaient la meilleure viabilité,
Il semble donc ici que les populations se réfugient sur les plantes
trophiquement optimales.
Ce papillon est plus tardif que les précédents. Il commence
néanmoins sa croissance tôt, alors que la température
de l'air est encore froide, La corrélation entre l'éclosion
des jeunes chenilles et le développement des feuilles tendres des
bourgeons apicaux des plantes nourricières semble un point essentiel
du succès des peuplements, Ce facteur semble conditionner la limite
intérieure de l'hahitat, une éclosion trop précoce par
rapport à la mise en végétation des plantes semblant
un facteur d'échec essentiel dans l'installation de l'espèce.
A la faveur de séquences climatiques froides, l'Apollon a pu coloniser
passagèrement des zones basses adjacentes à son hahitat permanent,
en particulier dans les Causses, où on l'observait jusqu'à
600 m. A l'heure actuelle, ces zones semblent encore parfaitement favorables
par leur physionomie ; elles sont vides. Le cas des populations abyssales
du Ventoux semble différent : les colonies sont permanentes et,
semble-t-il, solidement implantées. Nous soupçonnons là
une adaptation écophysiologique spécifïque.
Nous avons des indications d'une deuxième génération
partielle dans certains hahitats (éclosion de chenilles sans diapause
et, dans les mêmes localités, observation d'adultes tardifs).
Par ailleurs, les oeufs, des populations du Larzac étaient en moyenne
deux fois plus lourds que ceux des populations des Alpes et Préalpes
; les autres populations des Causses présentent le même
phénomène, mais moins accentué. Nous avons souligné
l'importance du tout début de la croissance de la chenille et de sa
synchronisation avec le départ en végétation des
Crassulacées. Des réserves et une taille plus importantes sont
un moyen évident de résister à l'imprévisibilité
des ressources aliimentaires.Il nous sera malheureusement sans doute impossible
d'étudier cette adaptation, car elle n'a pas été suffisante
pour empêcher l'extinction probable des Apollons du Larzac.
Les adultes de P. apollo sont particulièrement gourmands et
assoiffés. La disparition de leur plantes nectarifères abrège
leur existence ou les fait émigrer. Après la fauchaison, ils
se concentrent sur les rares touffes de Scahieuses et Centaurées,
sur les Chardons du bord des routes, où les voitures peuvent les percuter.
IV. Démographie et dynamique des populations
A. Evaluations quantitatives
Nous avons dû effectuer nos études à trois niveaux de
précision, en fonction des possibilités qui nous étaient
offertes :
- 1. évaluation complète des effectifs des mâles et des
femelles d'une génération dans une population définie,
par manipulations de capture-marquage-recapture (CMR) suivies tout au long
de la période de vol. Ces manipulations, très coûteuses
en temps et en efforts, ont été limitées à une
année et à deux populations : la Sainte Baume ouest pour P.
mnemosyne et les environs de Cervières (H.A.) pour P. apollo.
Ces manipulations nous ont permis d"'étalonner" les suivantes.
- 2. visites régulières mais espacées au cours de la
période d'éclosion, avec comptage et transect. Nous avons suivi
les populations précédentes de cette manière, tous les
ans depuis 1984 pour la preimière et depuis 1981 pour la seconde.
D'autres localités ont été aussi suivies, mais moins
regulièrement.
- 3. sondages ponctuels sur une seule fois ; l'état des individus
permet l'appréciation du stade des éclosions. Convenahlement
pratiqué, par un observateur expérimenté, ce type
d'observation reste plus informatif qu'il n'y parait. Le principal risque
est une sous-estimation de la population à la suite d'une séquence
climatique perturbatrice. A l'issue de ces évaluations, il est possible
de définir des niveaux semi-quantitatifs pour les populations, utilisant
approximativement une progression de raison 3 :
(I) Très petite population, jusqu'à 30 individus ;
( II ) Petite population, de 30 à 100 ;
(III) Population moyenne, de 100 à 300 ;
(IV) Assez grande population, de 300 à 1 000
(V) Grande population, de 1 000 à 3 000 ;
(VI) Très grande population, au dessus de 3 000
Les grandes et très grandes populations ont essentiellement
été observées dans les Alpes et les Pyrénées,
ainsi que, jusqu'à une date récente, sur les Causses.
Nous avons ainsi pu effectuer un suivi très informatif des deux
populations-témoins (figure 4).
Dans le cas de la colonie de P.mnemosyne de la Sainte Baume Ouest,
l'effondrement de l'effectif en 1989 est particulièrement spectaculaire.
La population semble être tombée en dessous du seuil de
récupération, puisque nous n'avons plus observé un seul
individu en 1993 et 1994. Parallèlement, la colonie de la Sainte Baume
est, que nous avions évaluée à 10 000 individus en 1984,
a été réduite à une "petite population" en 1989
; elle en est maintenant à un stade "moyen-assez grand". Une remarque
extrêmement importante concerne la densité et la distrihution
des peuplements : à la décrue quantitative a correspondu une
contraction de l'aire occupée par les individus, qui maintiennent
une densité proche de la densité initiale, mais sur une surface
restreinte. A l'est, la récupération s'accompagne d'une extension
en tache d'huile de la colonie. A l'ouest, les derniers individus, au nomhre
de 3, observés en 1992, étaient serrés sur une toute
petite partie de l'habitat initial. Aux alentours, les Corydales sont
florissantes.
D'autres populations de P. mnemosyne ont connu une telle crise dans la région des Préalpes du sud. En revanche, dans les Alpes internes (Briançonnais en particulier), les populations sont restées globalement stables. Dans les Pyrénées centrales, nous avons observé une raréfaction sans doute passagère en 1992, évidemiment liée à un manque d'ensoleillement.
Chez P. apollo dans le Briançonnais, des fluctuations ont
été observées, mais elles ne sortent pas de l'étendue
usuellement notée et, surtout, la récupération a
été rapide. Dans les Pyrénées, il en a
été de même, selon les suivis restreint; que nous avons
effectués. Il n'en est pas de même dans les Causses du sud.
Au Larzac, une très grande population (Vl), régulièrement
suivie depuis le début des années 80 (et notée
épisodiquement depuis 1960 a fluctué dans des limites "normales"
jusqu'en 1988, année où elle abondait : elle a disparu subitement
en 1989 et, malgré un effort important de prospection depuis cette
date, aucun exemplaire n'a été observé depuis.
Il en est de même sur les autres causses méridionaux, le Causse
noir en particulier. Sur les Causses septentrionaux, également les
plus hauts, les populations, réduites à des noyaux peu
foumis en 1989-90, connaissent une récupération
régulière.
Le parallélisme entre les faits observés à la Sainte
Baume et ceux notés sur les Causses est frappant.
Dans le massif du Cantal et du Sancy, une crise a aussi été
observée ; elle a surtout été accentuée dans
le premier massif. Elle a essentiellement accentué le déclin
des populations marginales, ou en a même achevé la disparition.
Les faits sont identiques dans le Jura.
B. Les déplacements
Les méthodes de marquage-recapture ont été combinées
avec un suivi individuel à vue, où on note à distance
le parcours des papillons dans un temps donné (5 ou 10 minutes selon
les conditions).
Nous avons observé une coupure très nette entre deux types
de comportement, aussi hien chez P. mnemosyne que chez P. apollo.
Chez les deux espèces, les individus des populations isolées
(Sainte Baume pour P. mnemosyne, Puy de la Poche et Puy Paillaret
dansle Massif central pour P.apollo se cantonnent activement dans
un espace restreint, comme à l'intérieur d'un enclos invisible.
Dans les populations des grands massifs (vallée de Cervières
pour P. apollo, val de Galbe dans les Pyrénées-Orientales
et Névache dans les Hautes-Alpes pour P. mnemosyne),les distances
parcourues à partir d'un point initial sont à peu près
10 fois plus grandes dans le même temps (60 à 180 m en 10 minutes,
au lieu de 12 à 15 m pour P. mnemosyne, par exemple). Les papillons
ne semblent pas cantonnés à un territoire donné. Dans
tous les cas, une surdensité (particulièrement nette,en 1984-85
dans les populations de P. mnemosyne à la Sainte Baume et en
81 dans celles de P. apollo à Cervières) produit une
"évasion" de certains individus, en particulier des femelles, qui
quittent le territoire (les manipulations de CMR ont montré que ceci
se produisait chez les jeunes). Une telle migration,
densité-dépendante, a déjà été
observée par Shapiro sur des Piérides de Calfornie. Chez P.
phoebus, nous n'avons observé que des parcours limités
et localisés aux hors des torrents. Les rares erratiques observés
étaient des femelles.
D'après des essais restreints que nous avons effectués, extrait
de sa population d'origine et relâché en isolement, un papillon
adopte un comportement errant. Il semble qu'il se fixe s'il trouve une autre
population. Les implications d'un tel fait dans les échanges
géniques seraient évidentes. Si ce caractère comportemental
peut être généralisé, il permettra d'interpréter
le fait que l'on ait rencontré quelques P. phoebus s. str.,
au milieu des populations de gazeli, dont ils sont séparés
par une vingtaine de kilomètres. Les populations de celui-ci se
comporteraient comme un "piège" pour les erratiques, trop dilués
pour être observés normalement. Une composante sociale agirait
donc dans le maintien des individus dans leur population. D'autres facteurs
pourraient d'ailleurs contribuer au maintien dans le biotope ; nous avons
déjà noté que, chez P. mnemosyne au moins, la
présence de la plante nourricière n'expliquait pas à
elle seule le maintien sur le territoire. Il faudrait aussi tester le rôle
d'une mémoire visuelle du site de naissance.
Chez les trois espèces, les mâles ont un vol "patrouillant",
évidemment lié à la recherche des femelles ; ils
n'effectuent pas de "combats". Même chez les populations "fermées",
on peut rencontrer des femelles, ayant effectué la majorité
de leur ponte, très loin de leur biotope d'origine. Des colonisations
surprenantes comme celle observée naguère sur le plateau de
Millevaches peuvent résulter de ce comportement.
V. La structure génétique des populations et sa variation géographique
A. Approche taxinomique "classique" ; la notion de sous-espèce
La description de sous-espèces a été une des activités favorites des amateurs qui se sont intéressés aux Parnassius. Les méthodes employées, imprécises, intuitives et empiriques, appliquées à un matériel insuffisant et mal choisi, ont été très critiquées. Au fond l'état d'équi libre estt atteint quand chaque massif montagneux a "sa" sous-espèce. Le principal défaut de cette méthode est de ne pas dégager de hiérarchie. Cependant, les indications associées aux descriptionssont souvent précieuses. Par ail leurs, des auteurs coimme Rougeot et Capdeville ont pratiqué des essais d'études biométrique; et de hiérarchisation des formes qui constituent un progrés certain. Enfin, les noms donnés permettent de désigner les population; locales, en particulier celles à protéger. Sans en effectuer un exemen critique, que nous projetons pour des études ultérieures, nous donnons des cartes de la distrihution des sous-espèces décrites, qui pourront, servir de base de coimparaison avec les résultats de la biométrie et des électrophorèses (figure 5, 6 et 7 ).
B. Approche hiométrique multivariée
Dans tous les cas, c'est la patterne alaire qui a été
étudiée, car elle est la plus accessible : il est même
possible de la pratiquer sur des figures ou des photographies. Elle permet
la comparaison avec la systématique classique, centrée sur
les caractères visibles des adultes. Chez les trois espéces,
il est apparu des groupes de caractères correlés, évidemment
liés à un déterminisme génétique et
morphogénétique global dont l'ouvrage récent de F. Nijhout
a présenté une analyse approfondie. Dans le cadre de notre
étude, cela nous a permis d'effectuer un choix et de ne mesurer que
des caractères peu corrélés. Une approche alternative
serait de tout mesurer et de travailler sur les composantes principales que
l'on peut extraire ultérieurement des variables discrètes.
Par ailleurs, l'étude de la variabilité des caractères
à l'intérieur de chaque population a produit un résultat
particulièrement important. La mesure la plus connue de cette
variabilité est le coefficient de variation (écart-type
divisé par la moyenne) ; une autre donnée moins immédiate
à saisir est le coefficient de kurtosis, relié à la
normalité de la distribution des valeurs : on peut distinguer des
distrihutions "leptokurtiques", caractérisées par un excès
de valeurs proches de la moyenne juxtaposées à de "grand;
déviants", et des distributions "platikurtiques", où la
variabilité est importante mais compacte. Or, nous avons mis en
évidence. chez P. mnemosyne, une corrélation très
nette entre la kurtosis et le degré d'isolement des populations. Les
populations isolées sont leptokurtiques ; cela signifie qu'elles sont
à la fois peu variables, et présentent une proportion importante
d'individus destabilisés phénotypiquement. Par malchance, nous
n'avons pensé qu'assez récemment à aborder l'étude
de l'asymétrie fluctuante, autre estimateur de la déstabilisation
phénotypique. Des faits du même ordre peuvent être pressentis
chez P. apollo.
D'autre part, il est possible de mettre en évidence des corrélations
entre certains éléments du dessin et les caractéristiques
cliimatiques, lci, nous avons simplement retrouvé des "règles
écoclimatiques" classiques, comme le mélanisme lié aux
climats froids et humides. Nous ajouterons que nous avons remarqué
que les caractères hien corrélés avec le climat ne
présentaient pas une variation de la kurtosis liée à
l'isolement ; mais nous n'avons pas, à l'heure actuelle, de test
statistique suffisamment puissant pour le démontrer sans
ambigùité.
Des classifications opérées à l'aide des caractères
de la patterne alaire mettent en évidence une structuration
géographique chez les trois espèces. Nous préférons
l'exposer avec les résultats ohtenus par l'étude du polymorphisme
enzymatique.
C. Approche électrophorétique
L'étude a été lancée chez P. mnemosyne avec le thèse de M. Napolitano. Le travail sur cette espèce est maintenant continué en collaboration avec l'équipe du Pr. Aagaard au NINA à Trondheim. Nous pouvons dans ce cadre à la fois compléter l'étude sur l'ensemble de l'aire de l'espèce en France, mais aussi l'étendre progressivement à l'ensemble de l'Europe. Pour P. phoebus c'est en collaboration avec H. Geiger, de l'institut de Zoologie de l'Université de Berne, que nous avons travaillé. Ce n'est que plus récemment et dans notre seul lahoratoire que nous avons réussi à maîtriser les problèmes ardus posés par P. apollo
I) P. mnemosyne
Les faits les plus patents révélés par l'analyse du
polymorphisme enzymatique sont :
- la baisse du taux d'échanges géniques (mesuré par
le produit Nem calculé parles "statistiques F" ou l'indice de Nei)
dans les populations périphériques ;
- la diminution de la variabilité génétique, mesurée
par tous les estimateurs disponibles (pourcentage de locus polymorphes, taux
d'hétérozygotie, nombre moyen d'alléles par locus) ,
dans les mêmes populations.
Ces données sont évidemment à rapprocher d'une part
de la sédentarité active manifestée par les individus
des colonies isolées et d'autre part de la "déstabilisation
phénotypique" mise en évidence par la biométrie
Les populations isolées sont donc plus "fermées", moins diverses
génétiquement et moins "canalisées"
phénotypiquement.
On pourrait développer une opposition entre les grandes populations,
hétérozygotes, solides, ouvertes, généralistes
et colonisant toutes les niches disponibles - transgressives pourrait-on
dire -, et les petites populations rélictuelles, peu variées,
fragiles, fermées, spécialistes et se cantonnant à des
niches étroites, donc régressives.
Structuration géographique : grâce aux derniers
résultats obtenus en collahoration avec les chercheurs du NINA, les
données sur la subdivision des populations de l'espèce en France
sont maintenant bien complètes. P. mnemosyne présente
la structure la plus claire dans le genre, révélée par
des polymorphismes nets, peu entachés de bruit de fond (figures 8
et 9).
Dans les Alpes intemes, on peut distinguer clairement 3 groupes de populations
: un groupe savoyard, centré autour de la Vanoise, un groupe
nord-briançonnais, centré autour des Ecrins, et un groupe
sud-alpin, centré autour du Mercantour et des Trois Evêchés.
Les deux premiers présentent une zone de contact, alors que le
troisième est isolé par une lacune de distribution (au moins
sur le versant français) ; la différenciation entre les 3 groupes
est modérée.
Un autre groupe beaucoup moins compact géographiquement couvre les
Préalpes au nord de la Durance (du Vercors au Diois aux Baronnies
et au Dévoluy, le Massif-central et les Pyrénées Orientales.
Il est relié à l'ensemble des Ecrins par des populations
intermédiaires.
Dans les Pyrénées centrales et occidentales, un autre groupe
se différencie ; il échange également des gènes
avec le précédent.
Dans les Préalpes du sud, on trouve un ensemble bien
caractérisé, subdivisé en 3 sous-groupes :
Préalpes de Digne, Préalpes de Grasse et Gorges du Verdon-Sainte
Bauime. Ces dernières populations se caractérisent par une
importante réduction de leur diversité génétique.Il
y a peu d'échanges géniques entre cet ensemble et le groupe,
pourtant très voisin, Trois-Evéchés Mercantour.
Les flux géniques interpopulationnels ne sont donc pas réguliers
; des populations séparées par une vingtaine de kilomètres,
sans discontinuité notable, peuvent être bien
diiférenciées, alors que d'autres, distantes de centaines de
kilomètres, se révèlent très homogènes,
au moins avec les marqueurs dont nous disposons. Il faut d'ailleurs remarquer
que ces données concordent très bien avec les patternes de
distribution d'autres taxa. Elles soulignent l'intérêt de
l'application du concept d"'artère généralisée"
de Croizat (ou de cénocron de Reig) à la biogéographie
de notre pays. P. mnemosyne est sans doute l'espèce présente
depuis le plus longtemps sur notre territoire et dont les peuplements sont
les plus stables ct différenciés.
Les classifications obtenues par la biométrie sont beaucoup moins
nettement structurées que celles obtenues par les marqueurs enzymatiques.
2) P. phoebus
Au contraire de la précédente, cette espèce ne montre
pas, à une exception près, de différenciation
géographique claire. Mais l'exception est de taille : par les
critères électrophorétiques (indices de similarité)
aussi bien que morphométriques, la sous espèce gazeli se montre
distincte à un niveau quasi-spécifique ; nous avons vu plus
haut qu'il se distinguait aussi par des détails écologiques.
De plus, des croisements nous ont montré des perturbations de la diapause
chez les hybrides, indicatrices d'incompatibilités génétiques.
Enfin, bien qu'une lacune distributionnelle d'une vingtaine de kilomètres
sépare les aires de gazeli et de phoebus s. str., des
individus du second ont parfois été observés au milieu
du premier (sans doute piégés par l'effet de groupe mentionné
plus haut. Selon les critères usuels du concept biologique, nous aurions
donc les éléments pour élever gazeli au rang
d'espèce, Il faut cependant remarquer que le séquençage
d'un segment d'ADN mitochondrial de 1 300 bases n'a révélé
aucune différence
entre les deux taxa (alors qu'i1 y en a une vingtaine entre P. apollo
et P. phoebus). La séparation phylétique est donc
récente. D'ailleurs, si gazeli possède quelques
allèles particuliers, c'est avant tout par une diminution sensible
de l'hétérozygotie qu'il se caractérise (figures 10).
Ces données suggèrent que cette "quasi-spéciation"
résulte de la disjonction des aires au Würm, accompagnée
d'un glissement de gazeli vers un pic adaptatif différent de
celui des autres populations.
Les autres populations de phoebus ne montrent pas une structuration aussi
nette. Beaucoup de systèmes polymorphes montrent des allèles
peu fréquents, ce qui introduit un "bruit de fond" important
accentué par la faiblesse des échantillons que nous avons pu
analyser. De plus, une dérive manifeste affecte certaines populations.
Le peuplement de P.phoebus dans les Alpes du Sud apparaît
structurellement hétérogène : dans les régions
calcaires et granitiques, les dèmes sont souvent petits, étroitement
liés aux bords des torrents. Sur les schistes lustrés les biotopes
disponibles sont beaucoup plus larges et les populations plus importantes.
Dans ces conditions, l'analyse du polymorphisme enzymatique se traduit au
départ par des dendrogrammes confus.
Finalement, ce sont les données phénotypiques qui, après
un traitement élaboré des 38 paramètres mesurés,
on trévélé une organisation nette, et d'ailleurs inattendue
: unedifférenciation est-ouest (et non nord-sud, comme nous le pensions).
Le retraitement des données génétiques par une analyse
discriminante tenant compte de cette structuration est-ouest, a montré
qu'elle y était aussi présente. Bien qu'un gradient environnemental
puisse être à l'origine de cette différenciation, nous
pensons plutôt qu'elle résulte d'une ségrégation
des populations de P. phoebus par l'inlandsis würmien qui aurait
isolé un ensemble oriental sur le versant italien et un ensemhle oriental
du côté t'rançais. Après le réchauffement
post-glaciaire, les deux ensembles seraient entrés en contact, donnant
naissance à un cline ; on notera que la différenciation entre
ces deux groupcments génétiques est bien moins accusée
dans tous ses aspects que celle ohservée avec grazeli.
3) P. apollo
Plus encore que P.phoebus cette espèce a posé de
sérieux problèmes en ce qui concerne les marqueurs biochimiques.
Les enzymes classique; que nous avions maîtrisés avec P.
mnemosyne ont révélé un polymorphisme pauvre, et
l'expérience de nos collègues de Berne s'est
révélée insuffisante Il a fallu que S. Braconnot mette
au point de nouvelles enzymes (par exemple la mannose-phosphate-isomérase,
l'hydroxybutyrate-déshydrogénase) pour que nous ayons à
notre disposition assez de locus variables. Nos analyses ont porté
sur 800 individus environ et une dizaine de locus polymorphes. Seulement
une partic en est exploitée à présent, en raison de
la complexité des données. Il en est de même de la patterne
alaire.
Comme dans le cas de phoebus, même les locus polymorphes présentent
un bruit de fond important. Alors que les constructions d'arbre; "classiques"
donnaient des résultats assez confus, un filtrage des données
par l'analyse factorielle des correspondances a permis de beaucoup clarifier
les résultats (figure; 1 1).
Le fait essentiel est la diminution marquée du polymorphisme enzymatique
dans les populations du Massif-Central. Elle frappe le taux
d'hétérozygote et, d'une manière encore plus frappante,
le nomhre total d'alléles observé par population (figures
11).
En outre, la structuration génétique coïncide hien avec
les grandes coupure; géographiques :
on distingue trois groupes, le premier correspondant aux populations de Alpes
et du Jura, le second à celle, du Massif-Central et le troisième
à celles des Pyrénées. A l'intérieur de ces groupes,
la différenciation est faible, avec un bruit de fond dû à
la dérive locale. Cependant, la Fst est assez basse ce qui implique
que le produit Nem (effectif efficace total x taux de migration) est important
au niveau global. En fait, il existe des disparités importantes à
l'intérieur du peuplement et, comme chez P. mnemosyne, les
populations isolée; apparaissent plus "fermées".
Pour conclure, nous pouvons poser la question : comment se fait-il que
l'espèce la plus largement distribuée, la plus variable
phénotypiquement et surtout la plus diversifiée adaptativement.
P. apollo, soit celle où le polymorphisme enzyimatique est
le moins grand et surtout le moins organisé, alors que P.
mnemosyne, moins variable dans ses caractéristiques à la
fois écologiques et morphologiques, montre un polymorphisme enzymatique
riche et bien structuré '?
Il est certain que les deux espèces s'opposent par leurs stratégies
adaptatives.
Il nous seimble peu raisonnahle d'invoquer une diminution du taux de mutation,
un ralentissement "ad hoc." de l'horloge moléculaire chez P,
apollo. Plus vraisemblable déjà serait une explication
mettant en jeu des goulots d'étranglement démographiques,
liés à l'instabilité et au dynamisme colonisateur de
cette espèce. L"'effet des fondateurs" et des périodes de
dérive auraient répétitivement éliminé
une partie du polytmorphisme. A contraire. P. mnemosyne lié
à des milieux stables, installé depuis longtemps sur ses
territoires, ayant pu se maintenir dans une partie des région; de
son aire au cours des glaciations par des glissement; aréaux
imodérés, n'aurait pas subi une histoire aussi mouvementée.
Cela ne nous paraît pas tout à fait suffisant.
Une hypothèse plus riche, et en accord avec les observations
récentes sur la Drosophile, ferait aussi intervenir l'action de la
sélection.
Peu de généticiens des populations remettent en question à
l'heure actuelle, la "neutralité" des polymorphismes enzymatiques.
Plus exactement, plus de 2 décennies de recherches ont montré
qu'il n'était pas possible de mettre en évidence sans
ambiguïté le rôle de pressions de sélection directes
sur le maintien de ces polymorphismes. Au contraire, il est apparu que les
phénomènes de "hitch-hiking" (liaison chromosomique) jouent
un rôle important dans la détermination des structures
génotypiques. En particulier, des locus "neutres" situés à
proximité d'autres où ont lieu des événements
sélectifs seront entraînés dans leur évolution.
Près d'un locus où s'exerce un polymorphisme balancé,
leur variabilité pourra être grande. Au contraire, s'ils sont
situés à côté d'un locus où la sélection
directionnelle vient de s'exercer, leur polymorphisme aura été
balayé dans une "tempête sélective".
Or, P. apollo présente des diversifications multiples et
vraisemblableiment récentes. Son histoire adaptative est
mouvementée, alors que celle de P. mnemosyne est plus
conservatrice.
Chez le premier, beaucoup de locus auraient subi une "purge
génétique" énergique, liée à des
événements de sélection directionnelle multiples. Chez
le second, le côté globalement balancé dominerait.
Des tests sont concevables pour cette hypothèse, mais ils ne sont
pas d'une réalisation facile dans l'état actuel de nos moyens.
Le recours à l'ADN nucléaire semble l'approche la plus prometteuse.
D. le concept de métapopulation chez les Parnassius
Dû à Levins et développé plus récemment
par Gilpin et Hanski, ce concept constitue un pas en avant indéniable
dans la compréhension de la structure des population et de leur
évolution. Le modèle postule que les populations
éléimentaires sont instables et s'éteignent
fréquemment de nanière aléatoire. Les territoires
laissés vides après l'extinction seraient recolonisés
à partir d'autres populations. Effet des fondateurs, voire
révolutions génétiques, compétition intergroupes
et sélection de parentèle seraient alors la règle, avec
une accélération prévisible des phénomènes
évolutifs.
Nos observations sur les Parnassius cadrent-elles avec ce modèle
? Il est évident que nous avons observé d'importantes fluctuations
d'étendue des populations dans certaines régions - les plus
marginales. Les extinctions de populations locales sont nombreuses. Des
colonisations par des migrants, dont celle observée sur le plateaude
Millevaches est la plus spectaculaire, peuvent aussi être prises en
coimpte. Mais le caractère aléatoire des extinctions et des
recolonisations, postulé par le modèle de la métapopulation
sensu stricto, ne semble pas être régulièrement
présent ici, Ce qui semble plutôt se produire, ce sont des
fluctuations dans l'étendue des territoires occupés par les
populations. Dans des conditions défavorahles, celles-ci se contractent
et se réfugient dans les habitats les plus favorables, toujours les
mêmes, "noyaux durs" de l'aire, à partir desquels elles
reconquièrent le territoire entier au cours des périodes fastes.
On pourrait parler ici de métapopulations-"pulsars" ; les implications
du modèle, qui nécessiterait une élaboration
théorique, pourraient être évolutivement assez
différentes de la version purement stochastique, Elles ont d'ailleurs
été l'objet de développements récents.
VI. Les causes de régression des populations
Il ressort des observations précédentes que l'espèce
de très loin la plus touchée par la régression est celle
qui était aussi la plus répandue, P. apollo. Il a disparu
du Mont d'Or, du Pilat depuis longtemps déjà. Plus récemment,
il s'est éteint dans les Vosges, le nord du Jura, le Forez et sur
le Puy de Dôme ; il vient sans doute de la faire aussi sur le Larzac
et le Causse Noir, d'une manière incroyablement brutale. Du Vivarais
aux Cévennes, le réseau de populations souvent peu nombreuses
mais bien connectées s'est réduit à quelques colonies
isolées sur l'avenir desquelles on peut être pessimiste. Les
peuplements abyssaux des gorges du Massif central ont aussi disparu. Dans
le Jura, lespopulations qui descendaient jusque dans les reculées,
à la limite de la plaine, ou peuplaient abondamment les moyens plateaux
ont totalement disparu. Dans les Préalpes, la situation est moins
grave, mais les pertes sont aussi réelles. Comparativement, P.
phoebus ne pose pas de problème sérieux ; il ne connaît
aucune contraction de son aire.
P. phoebus gazeli est naturellement vulnérable mais son statut
actuel n'a rien d'inquiétant.
P. mnemosyne a connu récemment des fluctuations
démographiques importantes, mais sa situation ne montre pas de
régression vraiment significative. Quelles peuvent être les
causes de la régression de P. apollo ?
A. La modification des habitats
Les Parnassius fréquentent les milieux ouverts. Or, dans
l'étage montagnard, le dynamisme de la végétation
amène très rapidement l'installation de la forêt dès
que la pression du pâturage ou du fagotage s'atténuent. C'est
évidemment P. apollo la principale victime du processus. Des
photographies, prises au début du siècle, des localités
vosgiennes où l'espèce abondait permettent de comparer l'état
actuel de la végétation avec ce qu'il était en ce
temps-là ; il n'est pas besoin d'études complexes pour comprendre.
De la même façon, l'auteur a pu retourner dans la reculée
de Baume-les-Messieurs, où il avait observé P.apollo en
abondance en 1962 ; les biotopes ont complètement disparu sous les
buissons. Des photographies plus anciennes montrent que la régression
a commencé il y a longtemps. Il n'a pas été possible
de retrouver les stations précises du Parnassien autour d'ornans :
elles sont recouvertes de forêt. Le processus est identique dans le
Massif-Central siliceux. Dans le Vivarais, au boisement spontané
s'ajoute l'afforestation délibérée par les Eaux
et Forêts. Le cas le plus typique est la forêt de Mazan, où
l'espèce était très ahondante jusqu'aux années
1950-60.
On notera que les stations abyssales du Vaucluse ne régressent pas,
alors que leur situation dans l'étage collinéen en pleine zone
méditerranéenne semblerait les y prédisposer. Ceci
s'expliquepar le fait que les éboulis qui les constituent sont rebelles
au boisement, surtout en conditions arides.
Nous n'avons qu'un exemple précis de disparition d'une localité
de P. mnemosyne par boisement, aussi dans l'Ardèche. Mais
l'extinction probable en 1993 de la colonie de la Sainte Baume ouest, si
elle semble plutôt due à des vicissitudes climatiques, a pu
être précipitée par l'invasion des biotopes à
Corydales par les buissons d'églantiers, qui ne sont plus contenus
par le pacage.
B. Le changement climatique global
Si la fermeture des biotopes constitue l'élément majeur de
l'extinction des populations de P. apollo dans les zones sous influence
atlantique, elle ne peut être invoquée sur les Causses et même
dans les gorges siliceusesdu Massif- Central, qui restent dénudées.
Sur les Causses, l'extinction a pris une forme très particulière
et brutale, puisqu'en 1988, l'espèce était encore très
abondante et qu'elle a disparu du Larzac et du Causse Noir à l'occasion
des hivers anormalement chauds de 1989-90. En fait, toujours commune sur
les plateaux, elle disparaissait progressivement des vallées plus
basses. Ce que nous soupçonnons du déterminisme du cycle et
de son corollaire, la limite inférieure de l'habitat de l'espèce,
combiné à la hausse régulière des températures,
laisse prévoir une montée de 100 à 200 m de cette limite.
Dans le Massif central, en général, elle se situait vers 700
à 800 m ; or, l'altitude maximale du Larzac se situe vers 900 m et
son altitude moyenne vers 800 m. Avant le réchauffement, il suffisait
aux populations de se contracter dans les noyaux durs précédemment
évoqués, avant de regagner leur territoire. A l'heure actuelle,
même ces zones-refuges sont passées en-dessous du seuil
inférieur. On notera que les populations du Ventoux ont bien mieux
traversé ces vicissitudes ; ont-elles trouvé une stratégie
adaptative plus efficace face aux types de changements subis ? On notera
que leurs stations sont les plus basses de France, dans une des régions
les plus chaudes.
Il semble déjà bien difficile de corriger à grande
échelle la fermeture des biotopes ; il ne vaut même pas la peine
d'envisager une luttecontre le réchauffement global (dont,
incidemment, nos obscrvations nous ont pers;uadés de la
réalité).
VII. Bilan général et suggestions pour la conservation
Sans intervention, l'avenir proche des Parnassius est clair. P.
phobus restera tel qu'il est, peut être en subissant un glissement
altitudinal de quelques centaines de mètres vers le haut. Les
localités marginales de P. mnemosyne, comme la Sainte Baume,
les environs du Puy de Dôme et peut-être quelques autres
disparaîtront, mais le reste se maintiendra. P. apollo restera
répandu et abondant dans les Alpes et les Pyrénées,
mais se confinera à la zone subalpine et aux éclaircies de
l'étage montagnard. Peut-être restera-t-il quelques colonies
dans les "noyaux durs" du Jura et du Massif Central ; elles risquent de subir
une involution génétique progressive.
Alors, que faire ?
A. Conservation, restauratinn de localités et réintroductions
Le plus urgent nous semble être, bien entendu, la conservation de ce
qui existe encore. A ce point de vue, les mesures actuelles se
caractérisent par une inefficacité totale. En effet, jusqu'à
maintenant, elles se limitent à des interdictions de capture. Or,
nous avons pu le constater tout au long de notre travail, le ramassage des
papillons par des collectionneurs, voire des marchands, n'a joué qu'un
rôle au pire très mineur dans l'amenuisement des populations,
et un rôle nul dans leur disparition. Même en Allemagne, où
l'activité des collectionneurs maniaques a été plus
systématique qu'en France, il a été reconnu que ce n'est
pas eux qui ont fait disparaître les populations.
En fait, ce sont des prédateurs très inefficaces et les
capacités de reproduction des Insectes leur permet une
récupération rapide. Naturellement, nous ne sommes pas partisans
d'une collection stupide et encore moins du commerce ; il est souhaitable
de limiter ou d'interdire que l'on tue des êtres vivants pour satisfaire
un plaisir inutile, à la limite de la manie dans certains cas. Mais
ceci pour des raisons éthiques et non pratiques. Il ne faut se faire
aucune illusion sur l'efficacité des prohibitions : elle sera
rigoureusement nulle. Leur principal inconvénient est donc de
tranquilliser à tort certains cadres administratifs ! Est-il possible
de maintenir en l'état les localités encore existantes de P.
apollo, ses noyaux durs en particulier ? Le principal problème
est d'éviter la fermeture des biotopes. Primitivement, il faudrait
assurer le maintien d'une pression de pâturage suffisante pour
empêcher l'envahissement par les genêts sur sol acide, les
Rosacées, Cornus autres éléments pionniers sur
sol calcaire ; il faudrait aussi encourager la coupe de bois à fagots,
dont l'abandon est la cause primaire de la disparition de l'Apollon des Vosges.
Peut-on remplacer ces facteurs par le débroussaillage ? Des
expériences seraient nécessaires. De telles initiatives sont
évidemment très dépendantes de la propriété
des territoires concernés. Par ailleurs, les surfaces mises en jeu
dans le Jura et le Massif central sont encore très vastes et se trouve
posé un très grave problème de moyens.
Une mesure conservatrice évidente est d'interdire le boisement, en
particulier par les Eaux et Forêts, de territoires occupés par
P. apollo (et éventuellement les autres espèces ; la
plantation de Cèdres sur les biotopes de P. mnemosyne à
la Sainte Baume ouest nous paraît un bon exemple de ce qu'il faut
éviter).
Les "reconstitutions" de biotopes posent les mêmes problèmes
; il s'agirait d'abattre des boisements indésirables, puis d'assurer
un suivi du retour à une végétation favorable aux
Parnassius. Se pose évidemment le problème du choix
des sites et, au plan matériel, des surfaces concernées.
Nous en venons aux réintroductions. C'est un problème très
délicat. Les conclusions de nos études
écogénétiques suggèrent que les populations
rélictuelles possèdent des microadaptations qui assurent un
ajustement finaux conditions de leur biotope précis. Il semble
évident d'aller chercher des "fondatrices" dans des localités
les plus voisines possibles. C'est négliger le "grain" des
microadaptations. Par exemple, la population de P. apollo de la Roche
Sanadoire se nourrit de Sempervivum, alors que ses voisines consomment
Sedum telephium. Vaut-il mieux utiliser des individus issus des grandes
populations généralistes ? En tout cas, nous avons
vérifié expérimentalement qu'un excès de
diversité génétique était générateur
d'échec : une souche de P. apollo comportant des gènes
de 4 origines différentes (Luberon, Causse, Alpes Maritimes et
Briançonnais) n'a pu s'établirà la Sainte Baume ;
l'élevage a mis en lumière une baissede viabilité.
Par ailleurs, les réintroductinns peuvent faire lobjet d'initiatives
irresponsables. Par exemple, un récent numéro de
"Télé-7 Jours" mentionne que des entomologistes ont
lâché des "milliers" de P. apollo d'élevage au
Mont Pilat (où l'espèce a disparu au début du siècle).
Il nous a été impossible de savoir par l'intermédiaire
du rédacteur de l'article qui a pris cette initiative, où a
été effectué le relâcher, d'où venaient
les papillons etc... Naturellement, il n'y a pas trace de demande
d'autorisation.
Dans le cadre des activités du parc national des Volcans, nous allons
effectuer un premier essai de réintroduction de P.
apollo au Puy de Dôme. Les individus seront marqués et
un suivi journalier en sera effectué. Les papillons viendront de la
vallée de Chaudefour ; il a été vérifié,
ce qui est essentiel, que les conditions apparentes de la survie de
l'espèce existent toujours (la disparition semble consécutive
à l'édification de la route et au rejet de terre sur les
biotopes).
Il nous semble de loin préférable d'assurer la reconquête
naturelle à partirdes "noyaux durs". Mais le plus grave est que certaines
populations sont irremplaçahles ; ceci est particulièrement
vrai des Apollons du Larzac, dont la morphologie (taille supérieure
de 30% à la moyenne et oeufs plus lourds, entre autres) et le comportement
les mettaient à part de tous les autres. A la limite, on pourrait
penser à sélectionner des individus adaptés aux nouvelles
conditions climatiques, par exemple à partir des populations abyssales
du Ventoux nu de certaines sous-espèces espagnoles.
Il y aurait "de l'Apollon" sur le Larzac, mais nous ne nous laisserons pas
entraîner à discuter "philosophiquement" le sens de cette
présence...
De toutes façon, toutes ces actions sont lourdes et nécessitent
un suivi scientifique sérieux. De plus, il nous paraît illusoire
de vouloir conserver et reconstituer de biotopes ou de réintroduire
des populatinns à trop petite échelle. La seule structure stable
est celle de la "métapopulation-pulsar", qui exige de très
grands territoires.
B. Le rôle des parcs nationaux et des espaces protégés
Situés dans les montagnes tous les grands parcs nationaux français
abritent des Parnassius. Pour les parcs de la Vanoise, des Ecrins,
du Mercantour et des Pyrénées, leur rôle peut simplement
être celui d'une protection "passive". Les populations y sont à
leur plein optimum et rien ne les menace, à part, dans certains endroits
localisés, la surfréquentation et le piétinement. P.
phoebus gazeli a toutes ses populations françaises situées
sur le territoire du Parc du Mercantour.
Dans le Massif central, le parc des Cévennes est un territoire idéal
pour expérimenter sur la conservation de P. apollo et de P.
mnemosyne. A l'heure actuelle, les choses y vont mal : disparition des
colonies des environs du Mont Lozère, destruction par boisement d'une
grande partie des zones colonisées par P. apollo à
l'Aigoual. Ici, apparait d'une manière flagrante une des "contradictions
internes" les plus graves de la conservation : il faut en finir avec le
schéma forêt = nature, si on ne veut pas perdre tous les organismes
de milieux ouverts. Sur les Causses, les problèmes sont différents
l'existence d'une colonie "noyau dur" de l'Apollon sur le Méjean
est un facteur éminemment favorable. Les responsables du Parc national
des Cévennes nous ont paru très attentifs à ces
problèmes, et nous souhaitons avoir les moyens de travailler avec
eux.
Il est évident que le cadre des parcs nationaux est insuffisant, ne
serait-ce que parce qu'il n'en existe pas dans le Jura. Le Parc réginnal
des Volcans s'intéresse aussi à la conservation et la
présence d'un des participants au présent projet parmi son
personnel est un élément favorable.
Il nous semble essentiel d'impliquer tous les niveaux des collectivités
locales dans des prnjets de conservation à petite et moyenne (voire
grande) échelle ; la création de réserves de toutes
sortes semble en particulier le seul moyen de sauver les populations du Jura.
Mais il faut être attentif à ne pas rééditer des
maladresses comme celles qui ont lait disparaître Maculinea arion
en Angleterre ; par exemple la seule localité encore riche en P.
apollo que nous avons observée dans le Jura était assez
sévèrement pâturée par des chevaux. La mettre
en réserve "protégée" du surpâturage était
condamner les Parnassiens à la disparition.
C. Conservation, politique agricole et aménagement du territoire
Même au strict point de vue des Parnassius, les implications
socio-économiques sont ici si vastes que nous nous limiterons à
quelques principes.
- Il est évident que le mode d'exploitation du terroir qui assure
le mieux la survie des insectes étudiés est une agriculture
extensive à forte composante pastorale. Les Parnassiens sont d'excellents
bio-indicateurs de la déprise du terroir. Si des décisions
politiques à grande échelle sont prises en faveur du maintien
des paysages et d'une occupation paysanne suffisante, d'une part il faudra
tenir compte des exigences de ces animaux "emblématiques" de la montagne
et, d'autre part, leur retour sera le signe d'une politique réussie.
Ce sont évidemment le Massif central et le Jura qui sont les zones
névralgiques. Un sérieux problème économique
est posé.
Il est évident que le retour des Parnassius ne peut à
lui seul motiver des actions coûteuses. Il sera avant tout le signe
d'une gestion des paysages équilibrée.
- Le boisement non contrôlé est destructeur de la
biodiversité. Il peut s'agir d'initiatives systématiques et
délibérées, y compris des Eaux et Forêts, qui
sont responsables de la disparition des populations du Vivarais, en particulier
dans la forêt de Mazan. Mais, dans la zone montagnarde, la déprise
des espaces pastoraux produit à terme le même effet, avec un
boisement sans intérêt économique. Les Eaux et Forêts
pourraient, moyennant des sacrifices restreints en surface, conserver une
grande partie des biotopes des Parnassiens (et d'autres Insectes).
- Il est possible de récupérer des espaces à faible
valeur pour reconstituer des stations de Parnassius L'exemple le plus
typique est constitué par les carrières. Celles-ci constituent
des enrochements artificiels où les Crassulacées peuvent
prospérer. Il est évident qu'un cahier de charges pourrait
être imposé aux entreprises dans ce sens. Des études
écologiques préliminaires sont nécessaires. Un repeuplement
a déjà été réussi par un de nos collaborateurs
bénévoles dans le Jura.
D. Rôle des associations et des entomologistes amateurs
Il est évidemment hors de question de consacrer un budget important
au suivi permanent des populations. Déjà, la présente
étude n'aurait pu être réalisée que sur une base
beaucoup plus étroite si nous n'avions pas été aidés
par un groupe de bénévoles. De même, il est possible
d'imaginer le débroussaillement desbiotopes à P. apollo
parle même type de participants ; une telle initiative a d'ailleurs
déjà été prise dans le Jura, sur une surface
restreinte, mais avec succès.
Il nous semble que c'est à l'heure actuelle la seule façon
de résoudre le problème des moyens.
Nous avnns tenté l'expérience de la sensibilisation des
entomologistes amateurs à travers des articles dans des périodiques
spécialisés. Seule une minorité a réagi, mais
nous a fourni des collaborateurs de premier ordre. On doit évoquer
brièvement ici le problème des amateurs et de l'interférence
entre leurs activités et les législations actuelles. Celles-ci
sont purement dissuasives dans l'état actuel des choses. Même
si une partie non négligeable des collectionneurs d'insectes sont
peu productifs scientifiquement et ne méritent aucune tolérance
particulière, il y a aussi de véritables scientifiques de haut
niveau ; à un moment où la systématique est
"débudgétisée", il nous semble peu judicieux de vider
une source de recrutement. Par ailleurs, nous avons souligné plus
haut que l'impact des prélèvements, en général
très réduits, effectués par les véritables
entomologistes est négligeable dans les extinctions.Il y a plus les
législations actuelles ne sont pas plus appliquées que, disons
les limitations de vitesse ; édicter une loi qui ne sera pas
respectée habitue d'ailleurs à la désobéissance.
Or, les meilleurs policiers vis-à-vis des abus ne peuvent être
que les entomologistes eux-mêmes. Il faudrait structurer l'activité
des entomologistes amateurs, les encadrer dans des associations qui leur
permettraient d'éviter les formalités (qui pèsent
déjà aux professionnels !). Ceci permettrait aussi de sévir
(et là férocement) contre les rares abus (p. ex. un
commerçant proposait naguère encore des individus des
sous-espèces menacées de P. apollo dans des petites
annonces ; ce sont des entomologistes, et non les autorités, qui l'ont
contraint à s'arrêter). La mentalité des amateurs change
; ils deviennent moins collectionneurs ; eux seuls peuvent fournir la masse
nécessaire aux actions de conservation. Des prélèvements
limités (souvent plus pour des raisons éthiques que pratiques)
pourraient être tolérés, un peu comme récompense,
après des actions réussies. Les lois établies pour
des Vertébrés, dont la démographie est bien différente
de celle des Insectes, peuvent avoir un effet contraire à leur but
; elles devraient être assouplies. Des prélèvement
raisonables dans les stations florissantes ne sont pas nuisibles aux
populations.
Claude Caussanel, directeur du laboratoire d'Entomologie du Muséum
national d'histoire naturelle, a pris la tête d'un mouvement de
"réhabilitation" des entomologistes amateurs. Le présent travail
nous est une occasion de l'appuyer.
E. Retombées scientifiques du programme
Collaborations : A l'occasion de ce travail, nous avons établi
des relations avec d'autres équipes. Nous mentionnerons d'abord
l'association avec François Michel, directeur de recherches au Centre
de génétique moléculaire du CNRS à Gif sur Yvette,
avec lequel nous poursuivons d'autre part un contrat DRED qui met partiellement
en jeu les Parnassius (mesure des échanges géniques
interpopulationnels et interspécifiques). De même, notre
équipe s'est insérée dans le réseau "populations
fragmentées" créé par R. Barbault et J. Clobert. Ensuite,
à l'étranger, nous avons déjà mentionné
le NINA en Norvège ; est associé à ce travail commun
un chercheur suédois, O. Hammarstedt ; et en Suisse, le laboratoire
de Zoologie de l'université de Berne. Malheureusement, ces deux pays
sont hors CEE et nous n'avons pas encore trouvé le moyen
d'institutionnaliser (et de financer) notre collaboration. En Allemagne,
un contact avec un laboratoire qui avait commencé une étude
écophysiologique s'est avéré décevant, la direction
de recherche ayant été abandonnée. De la même
façon, un chercheur polonais (le Pr Witkowsky) nous a contactés
mais, devant les délais nécessaires pour lui trouver un
financement, il n'a pas poursuivi. Un partenariat européen regroupant
des membres de tous les pays où vivent des Parnassius semble
encore utopique, en raison de l'absence de chercheurs professionnels pouvant
structurer les actions. En revanche, avec nos associés scandinaves
et suisses, nous tentons de réunirdu matériel de toute l'Europe.
On soulignera que les législations existantes ont surtout comme effet
de gêner notre effort, la recherche d'interlocuteurs susceptibles de
délivrer des autorisations n'étant pas toujours facile.
Développement des activités du laboratoire : Pour l'essentiel,
les crédits du contrat couvraient des vacations et des frais de
déplacement. Si l'équipement a permis au début d'acheter
un ordinateur, qui a permis d'utiliser les logiciels d'analyse statistique
et génétique, c'est donc au niveau du personnel que les
crédits ont été utiles. Les 18 mois de vacations
attribués à Mlle Braconnot ont permis à celle-ci
de démarrer une thèse (et de suppléer au faible nombre
d'allocations MRT attribués aux DEA biologiques). Continuée
sans financement, cette thèse, qui est en voie d'achèvement,
couvrira l'ensemble de la génétique des populations de Parnasssius
français et celle d'un autre genre, lui aussi classé
"protégé", les Zerynthia. L'activité de
Mlle Braconnot, en plus de sa participation au contrat, s'est
révélée positive pour l'ensemble du laboratoire, car
elle a mis au point l'utilisation de nouvelles techniques
d'électrophorèse, beaucoup plus versatiles que celles que nous
utilisions auparavant. Par ailleurs, le travail sur les Parnassius
s'intègre maintenant dans un ensemble plus large, couvrant l'ensemble
des Papilionidae avec le contrat DRED susmentionné et un contrat avec
le Bureau des Ressources Génétiques. Par ailleurs, l'activité
sur les Parnassius, soutenue par le SRETIE, a joué un rôle
important dans le classement de notre laboratoire en équipe d'accueil
au DEA "Ecosystèmes Ccntinentaux méditerranéens e t
montagnards".La méthodologie mise au point sert maintenant à
d'autres thèses, qui portent sur des Lépidoptères à
populations fragmentées ("reliques glaciaire;" elles aussi
protégées). Enfin, l'arrivée au laboratoire d'une
chercheuse, spécialiste de l'ADN mitochondrial et issue du laboratoire
de Génétique des populations du CNRS à Gif, Mme
J. Aubert, ouvre de nouvelles perspectives, y compris pour les
Parnassius
La liste des publications sorties, sous presse ou en préparation est
fournie en annexe.
Le contrat SRETIE a donc joué un rôle important dans le
démarrage de nos activités de recherche.
Perspectives : Il va sans dire que nos recherches sur les Parnassius vont continuer et se développer au niveau européen dans le cadre de la col laboration avec le NINA. Cependant, nous pensons que la génétique des populations, au moins en ce qui concerne la conservation, a donné pratiquement le maximum qu'elle pouvait donner. L'axe qui nous paraît essentiel à développer pour la sauvegarde et la reconstitution des populations de Parnassius est avant tout écologique et écophysiologique. L'ajustement lin des populations aux conditions de leur biotope est la clé du maintien (et de la réintroduction éventuelle) de ces Papilionides dans les régions qu'ils occupent ou ont occupé.
VIII. Conclusion
Le patrimoine entomologique de notre pays se trouve appauvri par la disparition
de nombreuses populations d'insectes qui comptent parmi les plus heaux du
monde : les Parnassius .Dans les Alpes et les Pyrénées,
les trois espèces sont solidement établies et ne suscitent
pas d'inquiétude.
Mais dans les massifs; d'altitude moyenne, toutes les populations sont
menacées ou, dans de nombreux cas déjà, ont disparu.
La cause majeure de cette disparition est l'envahissement de l'étage
montagnard par la forêt. Une circonstance aggravante, spécialement
dans le sud, est le réchauffement climatique, dont la remontée
de la limite inférieure de la zone favorable à la vie des
Parnassius pourrait être utilisée comme une preuve indirecte.
La perte de ces populations, prohablemcnt adaptées de manière
serrée à leur environnement, est évidemen t
irréparable. Un débat pourrait avoir lieu à propos de
la signification au niveau de la biodiversité de l'opposition
décelée ici entre les grandes populations "transgressive;"
et les populations rélictuelles "régressives". Les premières
ont sans doute des potentialités bien plus grandes ; mais elles n'ont
pas subi l'épreuve de la fermeture. Une augmentatinn rapide des habitats
pourrait déclencher une crise de consanguinité, entre autres-Il
semble hien que l'effondrement de certaine; espèces soit dû
à ce phénomène. Dans le cas des populations
alpino-pyrénéennes de Parnassius, le développement
écnnomique ne semble pas être assez serré pour constituer
un danger à court terme
Pour les populations de P. apollo du Jura et du Massif central, des
actions spécifiques de conservation à grande échelle
semblent totalement irréalistes dans l'état actuel des choses.
La seule récupération possible serait consécutive à
une politique de maintien de l'occupation rurale. Si de telles décisions
étaient prises, il serait bon de tenir compte des exigences des Insectes
étudiés ici-et d'autres d'ailleurs. Des actions plus ponctuelles
peuvent être entreprises.
Une utilisation judicieuse du bénévolat des amateurs
entomologistes(et naturalistes en général) permettrait de dispnser
d'une forcede travail assez nombreuse et compétente. Il est d'ailleurs
nécessaire que des professionnels leur soient associés. Des
études écologiques approfondies doivent être menées
pour mieux comprendre les mécanismes d'adaptation de ces
Lépidoptères à leurs milieux.
Si la tendance actuelle n'est pas renversée, dans quelques dizaines
d'années, il ne restera des Parnassius, d'ailleurs abondant,
que dans les Alpes et les Pyrénées.
Remerciements
Nous remercions le ministère de l'Environnement pour
les autorisations de collecte et de manipulation qui nous ont été
accordées. De même. la directinn et le personnel des Parcs Nationaux
du Mercantnur et des Cévennes nous ont réservé un accueil
bienveillant. Le parc régional naturel des Volcans a fourni une aide
à un de nos collaborateurs bénévole;.
Beaucoup de Lépidoptéristes amateurs ont bien voulu nous aider
à plusieurs niveaux, et de manière décisive. D'une
manière non exhsaustive, nous citerons :
en premier, M. F. Genty, qui a joué un rôle décisif dans
les premiers stades de nos études sur les Parnassius et dont
le dévouement à leur conservation a été
inépuisable.
M. G. Acquier, qui a récolté un matériel vivant
précieux dans l'Ariège. M. Ph. Bachelard, animateur au Parc
Régional Naturel des Volcans, qui nous a indiqué de nombreuses
localités, a précisé l'évolution des populations,
nous a guidé dans les localités de la région Cantal.Sancy
et a congelé des échantillons pour nos études
électrophorétique et biométriques. il est à l'heure
actuelle impliqué dans des actions de conservation et de
réintroduction dans le cadre du Parc où il travaille.
M. R. Descimon, Directeurde Recherche; à l'EPHE. qui aexploré
avec nous de nombreuses localités, nous a communiqué toute
sa connaissance du groupe et a récolté, souvent avec un
investissement important, du matériel pour nos reeherches.
M. D. Lartigue, qui nous a communiqué des indications nombreuses,
inédites et très précieuses; sur la distribution des
Parnassius en France.
M. T. Leliévre, qui a récolté du maitériel dans
les Alpes.
M. J. Lhonoré, Professeur à l'Université du Maine, qui
a partagé avec nous une expérience et nous a fait
cionnaître la localité nouvelle de P. mnemosyne de l'Ai
goual, d'une importance biogéographique égale à celles
de la Sainte Baume.
M. V. Pierrat, qui a mis au service des Parnassius jurassiens et de
leur conservation un impressionnant dynamique. En plus de la récolte
de matériel pour nos électrophoréses et du suivi des
populations, il a effectué des croisements pour étudier le
déterminisme génétique des dessins de P. apollo et
nous a fait bénéficier de ses résultats et d'une partie
des pontes de ses croisements. Ila par ailleurs commencé à
entretenir des biotopes et à repeupler avec succés des
carrières dans le Jura. Il nous a également informé
de l'extinction de P. P. apollo dans les Vosges.
M. A. Pouget, qui nous a aidé en nous collectant du matériel
et nous faisant part de ses observations en Haute Savoie.
M. M. Savourey, qui a récolté des échantillons importants
pour nos études en commun avec le NINA en Maurienne et collabore
à l'inventaire et au suivi des Parnassius dans toutes les Alpes.
M. J-C- Weiss, spécialiste des Parnassius mondiaux, qui nous
a fait profiter de son expérience et de ses relations et a collecté
du matérau vivant, y compris de régions très
éloignées.
Enfin, nous ne saurions oublier M. et Mme R. e S. Guilbot qui,
à l'OPIE ,ont assuré une tâche administrative difficile
et ont parfois dû manifester de la patience pour la gestion du
présent contrat.
H. Descimon, professeur à l'université de Provence
S. Braconnot, étudiante en thèse. DEA "EMCM"
J.P. Vesco, horticulteur à Valréas.
France's entomological heritage is impoverished by the extinction
of many populations of insects which count amongst the most handsome of the
world : Parnassius butterflies. In the Alps and the Pyrénées,
the three species ofthis genus remain firmly established and are not in jeopardy.
On the contrary, in the medium mountain ranges (Vosges, Jura, Massif-central),
all the populations are threatened or, in many cases, have already disappeared.
The main cause of extinction is the invasion of open spaces by forest. In
southern regions, it seems that "global warming" acts to raise the lowerlimit
of the altitudinal zone suitable toParnassius. Reciprocally, this marked
rise could be used as additional evidence for a glohal climate change in
recent years.
The loss of these populations, likely to be closely adapted to their especial
environment, is obviously irretrievable. At the issue of the present work,
a debate could take place : what is the significance for biodiversity of
the opposition between the great "transgressive" populations and the relict
"regressive" ones. The former have probably much larger adaptative potentialities
but have not undergone the proof of "closure". A rapid habilat fragmentation
could in particular trigger off an "inbreeding crisis". One cannot exclude
that the sudden collapse ofc ertain species might be due to this phenomenon.ln
the case of alpine and pyrenean populations of Parnassius, economical development
does not seem to be at present dense enough to constitute a short-term
threat.
As for the populations of the Jura and Massif Central, large-scale specific
actions of conservation appear totally irrealistic in the present state of
affairs. The only significant recuperation should result from a policy of
maintainance of traditional land use. Should such provisions be taken, it
would be wise to take into account the ecological requierements of Parnassius
as well as those of some other insects. Smaller scale actions may be fruitfully
undertaken. Suitable use of benevolent amateur entomologists and naturalists
should provide a competent and rather numerous task force. lt is otherwise
necessary that such activities should be surveyed by professional scientists.
Thorough ecological studies are needed to understand better the mechanisms
of adaptation of Parnassius . to their environment.
If the present trends are not counteracted, within a few tens of years, Parnassius butterflies will be confined, yet in fairly abundant populations, in the Alps and Pyrénées.
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Publications du laboratoire dans le cadre de la conservation des Parnassius
Nos recherches sont intégrées dans les activités
du DEA "Ecosystèmes continentaux méditerranéens, montagnards
et de zones arides" (cohabilitation Universités Marwille 1 et
111), où notre laboratoire est équipe d'accueil.
Une thèse a été soutenue dans le cadre des présentes
recherches :
Napolitano M., ( 1990). - Structure démographique et
génétique des populations de Parnassius mnemosyne Papilionidae)
dans le sud-est de la France.
Une autre est en cours d'achèvement par Boireau-Braconnot S.:
"Structure génétique des populations de Parnassius apollo
en France".
Un DEA a été soutenu en septembre 1994 par Mlle
Deschamps-Cottin: "Contribution à l'étude de l'Écologie
de Parnassius apollo". Ce DEA est prolongé par une thèse
sur le même sujet.
Publications du laboratoire sur la génétique et l'écologie des Parnassius
Barascud B., Braconnot S. Descimon H. et Napolitano M., ( 1992). - Effect of fragmentation on populations structure in Lepidoptera species -Mésogée, Bulletin du Muséum d'histoire Naturelle de Marseille, 52 4 1.
Braconnot S. Descimon H. et Vescol P., ( 1993). - La conservation des Parnassius en France état des populations de 1990 à 1992 - Alexanor, 18 : 99-111 .
Descimon H., (l 994). - Les Parnassius français: écologie, génétique, perspectives pour leur conservation - Insectes, 93 2-6.
Descimon H. et Napolitano M., (l 993). - Enzyme polymorphism, wing pattern variability and geographical isolation in an endancered butterfly species - Biological Conservation, 66 : 117-123.
Descimon H. et Napolitano M., ( 1993). - Les populations de Parnassius mnemosyne à la Sainte Baume : structure génétique, origine et histoire (Lepidoptera : Papilionidae) - Oecologia mediterranea, 19 : 15-28.
Descinnon H. et Napolitano M., (l 992). - Genetic management of butterfly populations - in: T. Pavlicek-van Beek, A.H. Ovaa & J. van der Made ( Eds.), "Future of butterflies in Europe", Agricultural University of Wageningen. pp231-238.
Descimon H. et Napolitano M., (1991) L'étude quantitative des populations de Papillons - Alexanor, 16 : 413-426. Descinnon H., ( 1990). - Sauvons les Parnassius ! - Alexanor, 16 : 233-234.
Descimon H., (1993). - Pourquoi y a-t-il moins de papillons aujourd'hui ? - Insectes, 77: 6- 10.
Descimon H. and Vesco J.P.,(l 988). - A mutant effecting wing pattern in Parnassius apollo (Linné) -J. Res. Lepidoptera, 26 : 161-172.
Descimon H. et Geiger H., ( 1988). - Electrophoretie detection of interspecific hybrids in Parnassius (Lepidoptera, Papilionidae) - Gén. Sél. Evol, 20 : 435-440.
Descimon H., Genty F. et Vesco J.P., (1989). - L'hybridation naturelle entre Parnassius apollo et Parnassius phoebus dans les Alpes du Sud (Lepidoptera, Papilionidae) - Ann. Soc. Entomol. Fr. (N.S.), 25: 209-23-4.
Napolitano M, (1989). - Structure génétique des populations de Parnassius mnemosyne dans le sud de la France. Étude biométrique et électrophorétique - Nota lepid., 12 : 38-4 1.
Napolitano M., Descimon H. et Vesco.I.P.. (1990). - La protection des populations de Parniassius apollo L. dans le sud de la France : étude génétique préliminaire (Papilionidae) - Nota lepid. 13 : 160-176.
Napolitano M., Geiger H. et Descimon H., ( 1988). - Structure démographique et génétique de quatre populations provençales de Parnassius mnemosyne (Lepidoptera Papilionidae) : isolement et polymorphisme dans les populations "menacées" - Gén. Sél. Evol., 20 : 5 1-62.
Napolitano M. and Descimon H., ( 1994). - Genetic structure of french populations of the rnouritain butterfly Parnassius mnemosyne L, (Lepidoptera, Papilionidae) - Biological Journal of the Linnean Society, 53 (in press).
Communication
Descimon H., ( 1994). - Parnassius population structure and conservation : sorne facts, a few answers, many questions - Workshop on butterfly population ecology and dynamics, Tvärminne Zoological Station. Finland, 7-9 octobre 1994.
Articles en Préparation
Deschamps-Cottin M., Descinnon H. & Napolitano M., ( 199X). - Deniotyraphy ol'Parnassius butterflies in France during the last fifteen years.
Geiger H., Genty F., Braconnot S., Vesco J.P., Descimon H., (l 99X). - Biometric and electrophoretic Study of the variation of genetic structure in an alpine butterfly, Parnassius phoebus.
Figure 1. Distribution de P.
mnemosyne en France.
En grisé: aire subcontinue, cercles noirs: populations
isolées.
Figure 2. Distribution de P.
phoebus en France
Pointillé: P. phoebus s. str. hachuré:
P phoebus gazeli
Figure 3. Distribution de P.
apollo en France
En grisé, les régions de répartition continue cercles
noirs: populations disjointes étoiles: populations éteintes.
1 Lac Blanc 2: lac de Sewen; 3: Ferrette; 4: env. d'Ormans ; 5 Baumes les
Messieurs ; 6 : Mont Pilat 7: C. de l'Escrinet ; 8 : Forêt de mazan
; 9 : hautes gorges de la Loire ; 10 : Le Tournel ; 11: Causse Noir ; 12
:Causse du Larsac 13 : gorges du Puy de Dôme; 14 : Puy de Dôme
; 15 : colonie passagère du plateau de Millevaches.
Figure 4. Suivi démographique
de deux populations de Parnassius
A : P mnemosyne à la Sainte-Baume ouest (83)
B : P. apollo au plateau de Lachau à Cervières (05)
Classes d'abondance 0 : non observé
1 : 1 à 30 (très petite population)
2 : 30 à 100 (petite population
3 : 100 à 300 (population moyenne)
4: 300 à 1 000 (assez grande population)
5: 1 000 à 3 000 (grande population)
6: 3 000 à 10 000 (très grande population
Figure 5. Sous-espèces
décrites de P. mnemosyne
(conception maximaliste)
Figure 6. Sous-espèces
décrites de P. phoebus
(conception maximaliste)
Figure 7. Sous-espèces
décrites de P. apollo
(conception maximaliste)
Figure 8. Structure
génétique des populations de P. mnemosyne dans le Sud-Est
de la France
dendrogramme et localisation des frontières.
Figure 9. Structure
génétique des populations de P. mnemosyne en
France
(combinaison des résultats de B de M. Napolitano et des nouvelles
données issues de la collaboration avec les chercheurs du NINA). Nous
avons délimité ici les groupes apparaissant par l'étude
du polymorphisme enzymatique.
Figure 10. Caractériqtiques
génétiques des populations de P.
phoebus
Figure 10 (suite). Estimateurs
électrophorétiques de la diversité génétique
chez 12 populations de P. phoebus
Figure 11. Structure
génétique des populations de P. apollo en
France
illustrée par la combinaison analyse factorielle des correspondances
sur les fréquences alléliques + analyse discriminante (groupes
définis par l'appartenance géographique).
Il y a 100% de populations bien classées.
Figure 11 (suite
1)
Figure 11 (suite
2)
Figure 11 (suite 3). Estimateurs
électophorétiques de la diversité génétique
chez 20 populations de P. apollo
des Pyrénées, du Massif central, des Alpes et du Jura