Miscellanées

Vincent  Albouy

Bien qu’adhérent à l’OPIE depuis 1974, Vincent Albouy a mieux connu Robert Guilbot à partir du début des années 1990, quand venait de se créer l’OPIE Poitou-Charentes qu’il préside. Il se souvient de l’homme de conseil, du militant, de l’ami.

« Nos chemins avaient été parallèles mais inverses. Lui natif des Deux-Sèvres et « monté à Paris » comme on disait alors, moi de la banlieue parisienne émigré en Saintonge. Robert est toujours resté très attaché à sa province natale. Il venait régulièrement en vacances à Parthenay, et il fut administrateur de notre délégation régionale dès sa création et jusqu’à la fin.

Au-delà du militant associatif actif sur tous les fronts, je retiens surtout l’homme toujours prêt à rendre service. Par ses activités au sein de l’OPIE et du CNPN, il avait de nombreux contacts dans les administrations, les milieux de protection de la nature, les milieux de la recherche et avait connaissance d’innombrables publications, rapports ou études. Quand nous montions un projet, il avait toujours des personnes ressources à nous faire connaître, des références bibliographiques à nous signaler, des conseils précieux pour aller plus vite dans le maquis des démarches administratives. Il fut à la fois un administrateur efficace, un conseiller précieux et un ami chaleureux.

Car Robert était un amoureux de la vie. Bon vivant, les plaisirs de la table étaient pour lui indissociables de ceux de l’amitié. Il aimait aussi les beaux livres comme les beaux objets ayant trait aux insectes et à l’art naturaliste, et savait faire partager sa passion. Je le vois encore, comme si c’était hier, me montrer une édition originale de Réaumur, je l’entends encore raconter comment il s’était fait payer des droits d’auteur en retard par une superbe gravure de Robert Hainard, ou disserter sur un délicat nécessaire chinois à nourrir les grillons de combat. Ces moments de plaisirs intellectuels partagés resteront parmi les meilleurs souvenirs que je garderai de lui. »

Gilbert Jolivet
Président de l’OPIE

Robert Guilbot (1943-2008)

Pour beaucoup d’entre nous, Robert Guilbot est vivant.

Il arrive sur le seuil du bâtiment de l’OPIE, d’une démarche plus lente et le dos un peu plus voûté qu’auparavant, mais l’oeil est vif et le visage toujours réjoui. Le voici maintenant circulant autour de son bureau, au désordre habituel, remuant plusieurs dossiers en accueillant un interlocuteur avec jovialité pour relancer quelque initiative ou découvrir de nouveaux projets. Plus tard, au terme d’une réunion, on le suit dans les couloirs du ministère chargé de l’environnement, où, parce qu’il y est si connu, il se doit d’aller « dire bonjour » à tel ou tel.

Hélas, cette vision est devenue fiction. Robert Guilbot repose dorénavant au cimetière de Guyancourt, non loin de l’église où ses obsèques se déroulaient, le 21 octobre dernier, en présence d’une foule nombreuse et affligée, comme le rappelait Vincent Albouy dans l’éditorial du dernier numéro. C’est une disparition et non un effacement. La personne absente, l’empreinte demeure. Elle est profonde et si nette que l’image reflétée ne cesse de s’animer.

Qui contestera que Robert Guilbot incarnait une entomologie mieux intégrée aux nouvelles avancées de l’écologie, plus soucieuse de protéger des espèces menacées par l’altération de leurs milieux spécifiques, plus engagée aussi dans la vulgarisation ? Sa carrière montre combien il a été novateur dans ces domaines. Recruté  en 1962 dans les cadres techniques du secteur zootechnique de l’INRA, ses origines rurales l’y préparaient, sa passion pour les insectes va très vite le faire entrer à la station de lutte biologique de l’établissement. Son enthousiasme, sa minutie, une compétence qui s’enrichit rapidement, invitent les responsables à le mettre, en 1969, à la disposition de l’OPIE, l’association dont l’INRA venait, cette même année,  de soutenir la création. Là, il s’attache plus spécialement aux techniques de l’élevage, en particulier des lépidoptères et des orthoptères, aux fins d’expérimentation, d’éducation à l’entomologie, de sauvegarde d’espèces protégées.

À partir de 1984, sous la présidence de Germaine Ricou, il assure les fonctions de secrétaire général ; il ne les quitte qu’à sa retraite en 2005. Durant toute cette période, Robert Guilbot a déployé une infatigable activité pour élaborer et conduire des projets scientifiques, pédagogiques et administratifs qui montrent sa capacité d’avoir su tout à la fois, rassembler, instruire, anticiper et protéger.

Sa volonté de rassembler lui est dictée par la nécessité, pour mieux connaître l’évolution de l’entomofaune et ses incidences environnementales, de constituer des réseaux d’études et de favoriser l’essaimage régional d’actions engagées à l’échelon central. Il s’emploiera à développer ces coopérations, souvent difficiles à concrétiser au sein d’un monde d’entomologistes marqué par l’individualisme. Il n’en a eu que plus de mérite.

C’est son altruisme, son souci de faire sortir l’entomologie des cabinets d’histoire naturelle où certains voulaient encore la cantonner, qui l’ont conduit à multiplier les initiatives pour mieux instruire, pour faire connaître, à différents niveaux, le monde des insectes : animations auprès des scolaires,  publications de vulgarisation (comme la présente revue), formations professionnelles, participations à des expositions…

L’obstination mise à faire aboutir le projet d’« observatoire national des invertébrés » illustre, parmi d’autres initiatives, sa faculté d’anticiper. Son idée, depuis plus d’une dizaine d’années, était de créer une base de données standardisées et dûment validées, sur la répartition et la fréquence d’un certain nombre d’espèces d’invertébrés continentaux, notamment d’insectes. Il n’a eu de cesse de susciter l’adhésion de plusieurs partenaires publics à  ce projet.  Le« groupement d’intérêt public » prévu n’a pas vu le jour, pour diverses raisons. Avec sa clairvoyance, Robert Guilbot avançait pourtant des objectifs dont la justification est aujourd’hui patente, au point que ce projet, sous d’autres formes, est à nouveau d’actualité.

Protéger a été un maître mot pour ce naturaliste, si sensible à l’harmonie des paysages et si passionné par la diversité, la beauté, le rôle de la faune des invertébrés.  C’était donc dans l’ordre des choses qu’il noue de solides relations avec le ministère chargé de l’environnement. Sa gentillesse et sa compétence lui ont ouvert les portes de l’administration chargée de la protection de la nature, pour laquelle il était devenu une référence. La preuve de sa situation de conseiller écouté : il était membre du Conseil national de protection de la nature et, depuis 2005, président de la Commission des Parcs naturels régionaux. C’est un domaine qui lui tenait particulièrement à cœur. Il y a tenu un rôle majeur par ses qualités humaines et professionnelles, comme en témoigne ici même Lucien Tron.

La brièveté de cet hommage exclut de faire état des multiples réalisations et projets qui ont jalonné la parcours professionnel de Robert Guilbot. Elle n’en exprime pas moins un profond attachement à la mémoire d’un éminent artisan du renouveau entomologique et d’un acteur respecté de la sauvegarde environnementale. Artisan parce qu’il avait le souci du bien-faire, en même temps qu’artiste parce qu’il avait l’amour du beau.

Solange Guilbot a eu un rôle déterminant, aux côtés de Robert, dans le fonctionnement de l’OPIE. Sans doute, n’aurait-il pas pu, sans elle, exercer ses activités dans toute leur étendue.

Par ailleurs,durant ces dernières années, par son attention permanente, elle aura permis d’assurer à notre ami  le confort d’un quotidien encore actif et de l’aider à supporter les effets de traitements éprouvants. Au terme de la maladie de Robert, son courage et son dévouement ont été exemplaires.

Les fidèles de l’OPIE ne manqueront pas, quand il le faudra, de la solliciter pour mieux protéger le précieux souvenir qu’ils gardent de Robert Guilbot, homme de foi et de conscience, chaleureux mais discret, idéaliste autant que constructif.

Lucien Tron
Ancien chef du service scientifique du Parc National des Ecrins
Ancien chargé de mission « patrimoine » pour la création du national de la Réunion
Expert au conseil scientifique du parc national de La Réunion

Samedi 18 octobre Robert Guilbot nous a quitté.

Robert était un grand ami, une personne d'un grand conseil, que j'ai pu apprécier depuis plus de 15 ans, au Parc National des Ecrins, puis à la Mission de création du Parc Réunion.

Membre du conseil scientifique du parc des Écrins depuis 1996, et administrateur en tant que représentant du Conseil national de protection de la Nature (CNPN), il le fut aussi au parc national de la Vanoise où il aura été  particulièrement apprécié.

Aux Écrins, il a notamment développé les inventaires et les suivis des insectes, notamment des rhopalocères, et les travaux sur la magnifique Isabelle de France. Nous lui devons de précieux conseils et aides dans les négociations concernant le devenir des réserves naturelles attenantes la zone centrale du Parc, dossier dont il assurait le suivi au CNPN.

Nous avons ensuite participé ensemble à la mission de création du parc national de La Réunion.

Avec Serge Muller, il était le rapporteur de ce projet au CNPN ; nous avons souvent débattu ensemble des difficultés rencontrées et il nous a suggéré les meilleures solutions et trouvé de bons partenariats.

Il avait sur cette île, initié et aidé à concrétiser le projet de l’insectarium de la ville du Port, dirigé aussi par un grand passionné des insectes (Christian Guillermet), et cet outil de recherche et de pédagogie est une référence pour beaucoup de départements.

Auprès des parcs nationaux, il a su avec intelligence faire prendre en compte et valoriser « le monde des petites bêtes », trop souvent passé au second plan derrière la grande faune.

Au-delà du domaine des invertébrés, sa hauteur de vue lui permettait de concilier les ambitions de protection et les logiques de développement.

Je me souviens en particulier de son rôle de rapporteur auprès du CNPN pour le programme d'aménagement (1998-2003). Son rapport était absolument excellent, appuyant bien la stratégie sur l'ensemble de « l'espace Parc » allant de la protection stricte à des fins scientifiques, avec la réserve intégrale, jusqu'à la charte d'environnement et de développement durable en passant par les mesures de gestion des milieux. Son rapport, et de ce fait le programme d'aménagement avaient alors été très appréciés et validés par le CNPN.

Homme d'une grande richesse, toujours à l'écoute des autres, loin des analyses et des réponses à l'emporte pièce, il essayait toujours de comprendre les besoins de la Nature et aussi ceux des Hommes, sachant prendre du recul avant de donner son avis.

Toujours souriant, plein d’humour et de joie de vivre, il ne pensait pas beaucoup à lui. Il laisse un grand vide, chez les défenseurs de la vie, de la Terre, de la biodiversité.

Il restera pour moi un repère, homme riche de connaissances scientifiques acquises par sa ténacité et sa passion, homme riche d’enthousiasme, de modestie et de savoir vivre, homme au grand cœur. »

Jacques Wintergerst
Ancien membre de la commission nationale consultative pour la délivrance d’un certificat de capacité aux personnes chargées de l’entretien d’animaux d’espèces sauvages dans les établissements de présentation au public.

« J’ai connu Robert Guilbot au cours des années 1980. Chef de bureau au ministère de l’agriculture – direction de la qualité –, je  représentais ce département ministériel au sein de la commission nationale consultative pour la délivrance d’un certificat de capacité aux personnes chargées de l’entretien d’animaux d’espèces sauvages dans les établissements de présentation au public (parcs zoologiques, vivariums, terrariums, aquariums, expositions permanentes, cirques, etc…). Robert Guilbot siégeait en tant qu’expert en entomologie.

Cette commission chargée de donner au ministre et, depuis quelques années, au préfet de département, un avis sur les compétences techniques des personnes souhaitant assurer la responsabilité de l’entretien et de la présentation au public d’animaux sauvages en captivité étudie les dossiers de demande de certificat de capacité.

Compte tenu de sa spécialité, Robert Guilbot était chargé de rapporter les dossiers de demande de certificat de capacité pour l’entretien d’insectes ou d’arachnides.

Lors des très nombreuses réunions auxquelles nous avons participé ensemble, j’ai pu constater ses compétences pour l’élevage des insectes et des arachnides. Sa parfaite objectivité dans l’appréciation des dossiers qui lui étaient confiés ainsi que son sens de la pédagogie lors des entretiens de la commission avec les demandeurs étaient précieux. De façon plus générale, lors des débats au sein de la commission, Robert Guilbot a toujours fait preuve de très grandes qualités humaines. Son engagement en faveur de la protection de la nature ne lui faisait pas oublier la situation personnelle des demandeurs. Si cela était nécessaire, il recherchait et proposait une solution permettant de respecter la réglementation tout en préservant la situation professionnelle de la personne sollicitant un certificat de capacité.

À plusieurs reprises, sur le terrain ou à l’OPIE,  R. Guilbot a fait partager aux agents chargés de la protection des espèces sauvages ses compétences et son enthousiasme pour le monde des insectes. Il avait de très cordiales relations avec plusieurs d’entre eux et restera dans leurs souvenirs.

Robert Guilbot aimait la vie, la nature et l’homme. »