Ne pensez plus aux baleines, occupez-vous des insectes. Sous ce titre provocateur, une grande revue scientifique britannique rappelait récemment qu’à côté des « vedettes » de la protection de la nature : éléphants, phoques ou rapaces, les insectes faisaient figure de parents pauvres.
Pourtant, les insectes et autres invertébrés, connus ou encore inconnus, sont en danger et, avec eux, une grande partie de la diversité génétique de la planète.
Le drame de la disparition de la forêt tropicale humide c’est aussi celui de la mort de dizaines de milliers d’espèces qui l’habitaient.
Mais n’avons nous pas des raisons d’être également inquiets pour notre faune nationale ?
Non seulement les espèces rares et spectaculaires mais aussi les « insectes ordinaires » nous paraissent menacés. Pourtant, leur conservation représente un enjeu qui ne correspond pas seulement aux « lubies des entomologistes ». Les écosystèmes ne peuvent se passer des insectes pollinisateurs, coprophages, nécrophages, fabricants d’humus, entomophages ou simplement ressource alimentaire pour d’autres espèces animales. Les insectes sont des maillons indispensables des chaines vitales.
Les grandes menaces, nous les connaissons : les milieux sont détruits ou empoisonnés mais ce ne sont que les causes immédiates. Les causes plus profondes résident dans la méconnaissance profonde et généralisée du rôle des insectes qui, dans l’esprit de beaucoup, ne sont que des gêneurs qu’il convient d’éliminer radicalement, par tous les moyens possibles.
C’est d’abord contre cela qu’il faut réagir en expliquant inlassablement qu’un écosystème appauvri en insectes devient inévitablement plus fragile.
Jacques Lecomte
Président de la Cellule Environnement de l’INRA
Insectes n°73, 1989 (éditorial)