[…] Il reste à parler des moyens de
détruire les insectes dévastateurs, dont le nombre est bien grand.
Malheureusement, les pièges inventés contre cette classe d'animaux sont
très-peu nombreux. Il est cependant deux de ces ennemis que l'on sait
prendre ce sont les courtilières, le fléau des couches et des jardins,
les guêpes et les frelons, ië fléau des espaliers. Le piège qui peut
détruire ces derniers sert aussi contre la mouche commune.
La courtilière ou taupe-grillon est un insecte de grande taille,
orthoptère sauteur comme le grillon, la sauterelle et le criquet. Ses
pattes postérieures sont renflées pour le saut; mais l'animal est lourd
et fait plutôt des culbutes que des bonds, et encore ne se sert-il pas
souvent de ce mode de progression. De couleur rouille foncée, la
courtilière, avec ses grosses pattes antérieures élargies en battoirs
ou plutôt en pelles fouisseuses, ressemble un peu à une écrevisse qui
aurait perdu la carapace de sa queue.
Pour prendre ces animaux, on fait creuser en long, par un tourneur, des
trous de huit centimètres et demi de diamètre dans dé petites bûches de
bois A, A, (fig. 21), de la grosseur d'un fort étui et s'ouvrant comme
lui parte milieu, CB. Les deux bouts A et A de la bûche sont donc
ouverts, mais on y place un petit rond de tôle mince I (fig. 22)
suspendu par en haut et pouvant s'ouvrir de dehors en dedans, L, M
(fig. 23).
Étui à courtilière
On découvre avec précaution une partie de la galerie creusée par
l'animal sous la terre un peu soulevée en petit comme la taupe,-et on
place la bûche en long, de manière que son trou coïncide bien avec
celui de la galerie (fig. 24). On recouvre le tout de terre. Pendant la
nuit, la taupe-grillon, en visitant ses galeries, rencontre la petite
trappe qui lui fait légèrement obstacle (fig. 24) elle la pousse, la
soulève, passe la trappe retombe, la bête est prise! Une autre arrive,
soit par le même chemin, soit par l'extrémité opposée; elle entre et
rencontre la première. Alors, dans ce petit espace noir et étroit
s'engage un duel à l'aveugle. Le vainqueur dévore le vaincu. Un
troisième bandit arrive à son tour, qui, frais et dispos, livre
immédiatement bataille au vainqueur, toujours un peu blessé pendant le
combat précédent, et il ne lui fait pas de quartier. De sorte qu'on
détruit plusieurs courtilières avec le même piège, mais on n'en prend
jamais qu'une entière et quelques débris des autres.
De telles mœurs ne nous permettent guère de voir dans les courtilières
des mangeuses de racines. Nous sommes convaincus qu'elles sont
carnassières. Si elles coupent les racines, c'est pour y prendre le ver
ou les insectes qui les attaquent. Cela est tellement vrai, que quand
on place du fumier, et surtout du fumier de vache, près d'un endroit où
se tiennent des courtilières, elles y courent dès la nuit suivante et
on les y détruit en retournant le fumier le lendemain matin. Pourquoi
viennent-elles au fumier? Est-ce pour pondre leurs oeufs, ainsi qu'on
l'a dit, afin que la chaleur active l'éclosion? Non. Elles viennent
chasser les myriades d'insectes qui habitent le fumier. Elles ne
pondent qu'au commencement de l'été, dans un nid de terre en forme de
boule, qu'elles pétrissent elles-mêmes et enfoncent très-profondément.
Avec une trentaine d'étuis, qui n'occasionneront qu'une dépense
insignifiante puisqu'on peut les faire soi-même, et avec un peu de
patience et d'adresse, on vient bout, en quelques semaines, de la plus
nombreuse colonie de courtilières.
Parlons maintenant des guêpes et frelons. Tout le monde sait que ces
insectes hyménoptères, proches parents de notre abeille, vivent en
sociétés dans lesquelles on compte quelquefois deux ou trois cents
femelles pondant à la fois au printemps et à l'automne. Il n'est donc
pas étonnant que la guêpe soit si multipliée cependant M. Joigneaux a
raison de dire que « si tous les cultivateurs qui ont intérêt a se
défaire de la guêpe voulaient s'en donner la peine et s'entendre pour
une action commune, en fort peu de temps l'espèce disparaîtrait. )' Ce
qui le prouve, c'est qu'à Thomery, près de Fontainebleau, où tout le
monde chasse la guêpe parce qu'elle attaque le chasselas, dont la
culture est l'industrie du pays, la guêpe est maintenant à peu près
inconnue. On emploie aussi quelques pièges bien simples pour prendre
ces insectes. Ce sont des bouteilles dont nous donnons les figures
(fig. 25 et 26), et dans lesquelles on met de l'eau miellée ou des
fruits sucrés écrasés. La bouteille figure 25 se suspend facilement le
long des espaliers, et y détruit une grande quantité de guêpes que les
fruits mûrs, poires, pêches, raisins, attirent.
Bouteille-piège à guêpes
Quant à l'appareil représenté par ta figure 26, il peut être employé
facilement contre les guêpes, mais il est plutôt destiné à combattre
les mouches d'appartement, ce fléau des habitations de campagne. A est
une assiette sur laquelle repose la carafe C, dont le fond relevé est
percé d'une grande ouverture. Les mouches entrent par là, mais ne
prennent pas la même voie pour sortir, parce qu'elles tendent toujours
a s'élever elles tombent dans l'eau de savon dont le fond de la
bouteille est rempli.
Bouteille-piège à guêpes et à mouches
On peut user d'un moyen encore plus énergique, mais plus dangereux. On
suspend des vases ouverts, comme des assiettes, avec trois ficelles,
devant les espaliers. On y verse un mélange de sirop de sucre et
d'arsenic. On peut remplacer le sirop par du miel ou toute autre
matière analogue. Les guêpes tombent toutes sur le sol. Malheureusement
les abeilles y tombent en même temps, attirées par le même appât.
Il y avait à l'Exposition de 1867 une machine assez originale pour
prendre les guêpes et frelons dans leur nid. C'était un double cône,
d'au moins un mètre, en toile métallique, se posant au moyen d'un
manche, soit par terre sur l'orifice du guêpier de la guêpe commune,
soit sur les arbres, les mars, pour les frelons. On pose l'appareil la
nuit, quand tous les insectes sont rentrés, et l'on entoure la base de
terre tassée pour empêcher quelques- uns d'entre eux d'échapper. On
ouvre alors un registre, et les guêpes montent dans ledit cône pour
respirer : là, on les flambe sans danger.