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Miscellanées
Les
insectes d'avant
DE L'EFFLORESCENCE DU COLZA ET DES PARADOXES
Un
danger sérieux, plus sérieux que tous ceux que je t'ai jusqu'à présent
signalés, est sur le point de te menacer. Il ne s'agit pas là
d'insectes dévorant des grains, rongeant des arbres, détruisant les
plus belles fleurs de ton jardin.
Il s'agit de toi, c'est un danger personnel. Mieux même, il s'agit de
ce qu'il y a de plus précieux pour toi, - quoique tu t'en serves assez
rarement, – il s'agit de ta raison.
On disait jadis :
Lorsque la fève fleurit,
L'abondance des fous grandit.
Maintenant, il n'est plus question de la fève, mais l'époque de la
floraison du colza est, tous les ans, dit-on, marquée par une
recrudescence de lubies, de toquades (puisque le mot est usité), de
paradoxes plus baroques les uns que les autres.
Il est probable qu'il avait passé auprès d'un champ de colza en fleur,
ce causeur qui hier soir, à propos d'insectes, soutenait paradoxalement
que la destruction de l'insecte amènerait avant peu de temps un
changement dans le régime gouvernemental des nations.
L'insecte, disait-il, c'est la digue qui empêche les vagues des idées
de venir s'étaler sur les bas-fonds où végète le paysan. Supprimez
l'insecte, c'est-à-dire la nécessité pour le paysan de produire le
double, parfois le triple de sa consommation, il deviendra lazzarone, -
il redressera son échine pliée, et, délivré de son tyran, il s'étendra
à l'ombre. Puis, entre ses instants de sommeil et de digestion, il
songera, et à peine échappé aux chaînes de l'esclavage, il voudra déjà
commander. Il confondra dans sa haine pour les oppresseurs ceux qui le
guident et ceux qui l'oppriment, et ce sera un défilé complet de
Spartacus, de Mazaniellos, de Cromwells, qui ne finira plus.
Car, ajoutait-il en finissant, l'insecte est le maître du paysan.
Travaille, lui dit-il. Eh quoi ! tu te relèves ? allons, courbe les
reins. Je mange. Travaille pour nous deux. Tu ne veux plus? à ton aise.
Je prendrai d'abord ma part et tu auras le reste, et ta femme et tes
enfants mourront de faim cet hiver, si tu ne travailles pas. Et
l'esclave obéit.
C'était un paradoxe; mais de même que rien dans la nature n'est
parfaitement noir ni parfaitement blanc, rien, non plus, n'est d'une
vérité ou d'un faux absolu, et le paradoxe avait du vrai.
Toujours est-il que le colza, s'il influe sur les idées, ne détruit pas
les bons sentiments ; car un insecte, qui non seulement en aspire le
parfum, mais encore mange la plante elle-même, est cité pour sa
tendresse maternelle, à l'égal de la poule : conduisant et surveillant
ses petits
avec autant d'amour que celle-ci ses poussins.
C'est le pentatome des crucifères (pentatoma brassicae) […]
Lettre VII. 5 mai 1865. Henri Gobin. Guide pratique d'entomologie agricole, et petit traité de la destruction des insectes nuisibles, E. Lacroix (Paris). 1865.
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