Tel est le cas du Termite belliqueux des environs du cap de
Bonne-Espérance, qui a fixé l'attention de tous les voyageurs à cause
de ses extraordinaires constructions et de ses dégâts.
Les Termites, que l'on désigne souvent sous le nom de Fourmis blanches,
vivent en républiques composées de diverses sortes d'individus : les
mâles, qui ont des ailes, et les travailleurs, les soldats et les
reines qui n'en présentent pas.
Les travailleurs ne s'occupent que de la construction des habitations.
Les soldats, n'ont pour mission que de défendre la colonie et d'y maintenir l'ordre.
Enfin, viennent les femelles, véritables Reines, adorées par
toute une population dont la reproduction leur est confiée.
Celles-ci ne sont que de monstrueux sacs à œufs, de véritables machines
à pondre, d'une effrayante fécondité. Lorsque leur abdomen est gonflé
de toute sa portée, il n'a pas moins de 2 000 fois plus d'ampleur
qu'auparavant; elles ne peuvent plus le traîner, et restent désormais
clouées à la même place. La ponte est si rapide qu'il semble une
fontaine jaillissante d'œufs ; ce réceptacle à progéniture en lance
soixante par minute, 80 000 par jour!
Les dimensions et la solidité des nids du Termite belliqueux ont
toujours fait l'étonnement des voyageurs, quand on les compare à
la faiblesse de l'Insecte. Ils offrent parfois jusqu'à vingt pieds de
hauteur. Leur forme pyramidale leur donne l'aspect d'un pain de sucre
colossal, élargi à la base, et dont les flancs sont hérissés de
petits monticules accessoires. Quand on parcourt les sites où les
colonies de Termites abondent, dans le lointain on les prend pour des
villages d'Indiens. Les murailles de ces demeures sont si solides que
les Bœufs sauvages les gravissent sans les enfoncer, lorsqu'ils se
placent dessus en sentinelle; et l'intérieur contient des chambres
tellement vastes qu'il en est dans lesquelles une douzaine
d'hommes peut s'abriter. C'est souvent dans celles-ci que les
chasseurs se mettent à l'affût des animaux sauvages.
Outre ces extraordinaires chambres on rencontre aussi, dans ces espèces
de phalanstères, de longues galeries offrant le calibre de la
gueule de nos gros canons, et qui s'enfon- cent jusqu'à trois ou
quatre pieds dans la, terre.
Les monuments dont nous nous enorgueillissons, sont bien peu de
chose comparativement à ceux que construisent ces frêles
Insectes. Les nids des Termites ont une élévation qui dépasse souvent
cinq cents fois la longueur de leur corps; aussi a-t-on calculé
que si nous donnions proportionnellement la même hauteur à nos
maisons, elles seraient quatre ou cinq fois plus élevées que la plus
grande des pyramides d'Égypte.
D'autres Termites, au lieu de construire ces étonnantes habitations,
s'occupent fatalement à attaquer les nôtres et les rongent parfois de
fond en comble ; tout y passe, la maison et le mobilier. Ce sont
d'insidieux déprédateurs, qui cheminent sourdement sous le sol,
et s'y pratiquent de longues galeries à l'aide desquelles ils infestent
tout à coup nos demeures. Alors ils pénètrent dans toutes les
charpentes et en rongent totalement l'intérieur, en ne laissant à leur
superficie qu'une couche de bois de la minceur d'un pain à cacheter.
Rien ne décèle aux yeux leurs dégâts occultes ; on voit sa
maison, on croit à son existence réelle, mais on n'en possède plus que
le fantôme, un château de cartes qui tombe en poussière au
moindre ébranlement. Smeatman, qui nous a donné une si intéressante
histoire de ces Névroptères, rapporte que parfois ils ont même détruit
de grandes villes, qui avaient été abandonnées par leurs
habitants.
Mistress Lee m'a dit que, dans les parages de l'Afrique où elle a
séjourné, les Termites ne mettent qu'un temps fort court pour dévorer
entièrement une habitation. Un escalier d'une assez bonne
dimension, est mangé en une quinzaine de jours ; des tables, des
fauteuils et des chaises, en beaucoup moins. La célèbre voyageuse
m'a assuré qu'à Sierra-Leone, souvent, en rentrant chez soi après une
courte absence, on ne retrouve plus que l'ombre de son mobilier.
L'extérieur possède encore toute sa fraîcheur, mais le cœur manque, et
chaque pièce creusée se pulvérise sous la main qui la touche ou sous la
personne qui s'assied.
Au lieu de ces dômes coniques ornementés de clochetons et rassemblés en
villages au milieu des plaines, quelques espèces de ce groupe, et tel
est le Termite des arbres, se plaisent à suspendre leurs nids au milieu
des grosses branches des plus vigoureux végétaux. On est vivement
frappé de leur masse aérienne mêlée au feuillage des arbres, car il en
est qui ne sont pas moins gros que nos barriques à vin. Ces nids,
extrêmement poreux, offrent à l'intérieur un inextricable labyrinthe de
tortueux canaux ; ils sont formés d'une gangue ou pâte compacte
composée de fines parcelles de bois, de gomme et de sucs de
plantes.
Depuis un certain nombre d'années, deux espèces de ce genre se sont
établies en France, où elles causent d'assez notables dégâts dans
quelques-uns de nos départements méridionaux, ce sont le Termite
lucifuge et le Termite des Landes ; leur introduction ne paraît guère
remonter au delà de 1780.
Les dévorantes cohortes du Termite lucifuge ont envahi Rochefort, la
Rochelle, et Aix où leur dent a complètement miné un certain nombre de
maisons, qui se sont écroulées. A une époque, ces détestables
déprédateurs s'étaient mis à ronger la préfecture de la Rochelle et ses
archives, sans qu'on s'en doutât ; boiseries, cartons, papiers,
tout s'anéantissait sans qu'aucune trace de dégâts parût à
l'extérieur. Aujourd'hui on ne préserve les papiers des bureaux qu'en
les conservant dans des boîtes en zinc.
A Tonnay-Charente, des Termites ayant rongé les supports d'une salle à
manger sans qu'on s'en fût aperçu, pendant un repas, le plancher
s'effondra, et l'amphitryon et ses convives passèrent au
travers.
Dans les régions tropicales, certaines Fourmis ne sont pas moins
redoutables que les Termites dévorants. Elles n'anéantissent pas nos
habitations, mais envahissent les champs et y élèvent d'énormes
fourmilières, qui ressemblent à autant de monticules de quinze à vingt
pieds de hauteur. Là elles les multiplient à un tel point sur certaines
plantations, que le colon est forcé de les abandonner. Quelquefois,
cependant, celui-ci résiste aux envahisseurs, leur déclare une guerre
d'extermination et incendie leurs établissements à l'aide de substances
combustibles. Parfois même, c'est avec l'artillerie chargée à
mitraille, qu'on renverse les hauts remparts de ces Fourmis et
qu'on en disperse les décombres et les architectes.
Ainsi, c'est avec le canon que l'homme est obligé d'attaquer un Insecte !
D'autres fois, c'est même avec la Mine. C'est ce que l'on est
contraint de faire pour certaines Fourmis ailées des contrées
tropicales, qui enfoncent leurs nids jusqu'à vingt-cinq pieds dans le
sol. Et ceux-ci sont tellement compactes et tellement solides,
qu'on ne peut les faire sauter qu'à l'aide de la poudre, et en
bouleversant tout le terrain. Ch. Müller rapporte qu'au Brésil, des
provinces entières des bords du Parana ont été de cette façon
transformées en espèces de déserts.