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Les insectes de la Belle Époque
LE CIRON À LA MINE
Une
importante fabrique de crayons vient de dresser spécialement plusieurs
milliers de ces intelligents insectes appelés cirons qui percent le
bois et qui se trouvaient sans emploi depuis que les marchands de
meubles anciens ont remplacé leurs services pas l'usage plus rapide de
fusils de chasse chargés à petits plombs. Les cirons sont utilisés, on
le devine, par les marchands de crayon pour percer très exactement le
bois à l'endroit où l'on placera ensuite la mine de plomb. Ils sont
soigneusement élevés et choisis parmi les cirons ayant exactement le
calibre de cette future mine de plomb.
Ce qu'il y a d'intéressant
dans cette petite invention, c'est la simplicité avec laquelle, sans
dispositions spéciales, le bois est exactement percé en ligne droite.
Il suffit de placer très rigoureusement le ciron dans l'axe du crayon
qu'il doit percer. Comme le bois de ce crayon est de qualité supérieure
et que sa dureté est partout la même, le ciron n'a aucun intérêt à
aller à droite ou à gauche pour trouver une route plus facile. Au
contraire, comme le fait de se détourner de son chemin réclamerait de
lui un effort supplémentaire, le ciron continue tout droit, sans jamais
dévier de sa route. Le procédé est d'une simplicité enfantine, on le
voit, mais encore fallait-il le trouver.
Ajoutons, enfin, que la
grande manufacture qui vient de s'assurer ce brevet pour vingt années
l'a complété d'une façon fort heureuse. Non seulement le ciron est
chargé de percer le bois, mais on lui attache la mine de plomb au bout
de la queue au moyen d'une ficelle et, lorsque son travail est terminé,
la mine de plomb se trouve mise en place à l'intérieur du crayon. Il
suffit alors de couper l'amarre et le ciron est de nouveau disponible.
Malheureusement,
il faut bien le dire, la Société protectrice des animaux, une fois de
plus, s'est émue de ce procédé. Par l'intermédiaire du commissaire de
police, elle a fait signifier aux industriels intéressés que ce
traitement lui paraissait barbare et qu'elle enjoignait que l'on eût
désormais à utiliser de petits colliers pour la traction de la mine de
plomb. Elle exige également l'emploi de lunettes pour que les cirons ne
soient pas aveuglés par la sciure de bois. N'est-ce point là pousser un
peu loin l'amour des bêtes ?
Gaston de Pawlowsky. Inventions nouvelles et dernières nouveautés. ca 1900
Ciron... En première analyse, on peut penser que cosson eût été préférable car notre ciron (ou artison) est l''Acarien du fromage, Tyroglyphus siro
(Sarcoptidé), celui qui figure l'animal le plus petit qui existe
pour Pascal (Pensées) - et d'autres. Mais, en élargissant le champ
de la recherche lexicale hors de France, on trouve que cet emploi de
ciron est un suissisme : sur l'autre rive du Léman, on parle de meubles
cironnés. Faut-il, sachant ceci, relire et réexaminer ce texte ?
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