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Les insectes de la Belle Époque


POISON VOLANT


Je ne crois pas me tromper, cher lecteur, en affirmant que tu n'aimes pas les Mouches ; encore que tous les goûts soient dans la nature, celui-ci serait bien étrange ! Ta répulsion instinctive est d'ailleurs augmentée dès que tu réfléchis. Non, tu n'éprouves aucune joie à voir les Mouches se débattre dans ton lait, baver sur ton sucre, ou se peigner au-dessus de ta confiture ! Tu n'aimes pas à les sentir trottiner sur ton nez, scruter indiscrètement tes oreilles, s'abreuver de tes larmes à l'angle de tes paupières, et faire du footing sur ton visage, qu'elles n'abandonnent que si tes nerfs, assouplis par une philosophie pratique, te laissent le sang-froid nécessaire pour ne les point chasser. Tu trouves ton foyer inhabitable en leur compagnie ; tu les sais malpropres, irritantes, tenaces, nuisibles, et tu penses comme Pascal, qu'elles sont capables de tenir « la raison de l'homme en échec ». C'est pourquoi tu es prêt à accueillir avec joie toutes les tentatives qu'on fera pour les détruire... sous condition toutefois qu'on ne te demande pas trop d'effort ou de sacrifices pour collaborer à l'œuvre. Et ce dernier point prouve à l'évidence que tu ne te rends pas un compte suffisant de leurs méfaits ou plutôt de leurs crimes. Si tu savais ce qu'il en coûte, à toi et aux tiens, de les regarder comme un mal nécessaire et inévitable, et de les supporter stoïquement, tu ne garderais pas ce calme olympien !

Tu retrousserais tes manches et tu descendrais dans l'arène pour combattre avec nous, de toute ton ardeur et de tout ton pouvoir, contre cet ennemi terrible, le bon combat pour la Vie humaine ! C'est à cette lutte que nous voulons te convier ; c'est pour cette bataille que nous voulons te donner des armes. Sache-le donc. Ce que l'on soupçonnait ou devinait et surtout craignait depuis si longtemps au sujet de l'action nocive des Mouches est aujourd'hui, et chaque jour davantage, scientifiquement et positivement démontré. La conviction est devenue certitude. Ce n'est pas dans cette petite Revue, où la place est limitée, ce n'est pas en quelques lignes que l'on peut te donner en détail les preuves nécessaires ; il faut donc bien que tu me croies sur parole ; mais tu peux, quand il te plaira, vérifier auprès de tout homme compétent les faits qui vont suivre. 

 La Mouche vit sur les substances dont elle se nourrit et dans lesquelles elle pond. Malheureusement ces substances sont de deux ordres : les ordures et les aliments ; et elle voltige sans relâche des unes aux autres, comme Don Juan de la brune à la blonde. Auras-tu la patience de suivre de l'œil cette mouche, prise au hasard ? Tu verras que toutes les saletés possibles lui sont chères : fumiers (lieu de ponte ordinaire), fosses, purins, matières putréfiées ou fermentées, gadoues, pus, boues putrides, objets de pansement, déjections de malades, crachats de tuberculeux, fragments de vers intestinaux, tous les détritus ignobles, toutes les charognes innommables, fouillis de microbes, amas de bactéries dont quelques-unes des plus dangereuses, voilà son régal, voilà ses délices, voilà ses mets de choix, l'objet de sa toute spéciale prédilection.

écoute Baudelaire :

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ce vivant haillon !

Maintenant la voici posée sur quelques-uns de nos aliments, où, sans doute, elle t'inspire quelque dégoût instinctif. Combien il vaudrait mieux qu'elle t'inspirât de la terreur ! Cela t'armerait plus résolument contre elle ! Je voudrais essayer de t'amener à cette crainte salutaire. 

 [...]

À suivre (quelques pages) sur Gallica.

 
Mouches et maladies - Le poison volant – Mort aux mouches ! 
par le docteur Louis Planchon.
Extrait du Foyer protestant, journal bimensuel paraissant à Nîmes, 1914.



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