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Les insectes de la Belle Époque

SUICIDE DES GUÊPES.

- M. Henry, horloger, à Longuyon (M.-et-M.), nous adresse la Note suivante sur le suicide des guêpes. " L'article paru dans la Boîte aux lettres du n°1143 de La Nature, concernant le suicide d'un chardonneret, me rappelle un fait que j'ai observé il y a quelques temps et que je crois devoir vous communiquer. Une guêpe en quête d'aventure est entrée un jour dans mon atelier et est venue se promener lentement sur mon établi, flairant tous les objets les uns après les autres, pour voir s'il n'y aurait pas un bon larcin à faire. Mal lui en prit, car à peine arrivée au-dessus du papier où je dépose mes petits objets, j'approchais doucement une cloche en verre (de celles qui nous servent à recouvrir les mouvements de montre), et la voilà prisonnière. Après avoir fait plusieurs fois le tour de sa prison et s'être assurée qu'il n'y avait point d'issue , elle fit voir sa mauvaise humeur d'une façon tellement évidente, que dans la crainte qu'elle ne s'en prit à moi, je n'osai plus lui rendre la liberté, et résolus de la tuer. Me souvenant alors de la rapidité avec laquelle la benzène asphyxie la mouche commune, j'imbibai de ce liquide le papier au bas de la cloche, et celle-ci de ce remplir de vapeurs. Le terrible insecte montra d'abord de la surprise, marchant lentement, s'arrêtant souvent, puis une marche plus rapide et saccadée témoigna de l'inquiétude de la bête ; mais le liquide gagnant de proche en proche toute la surface du papier, les mouvements s'accélérèrent et ne tardèrent pas à devenir désordonnés ; l'inquiétude se transforma en une colère épouvantable ; elle frappait le papier de ses pattes et de ses mandibules avec une telle force, qu'on sentait les trépidations en posant les doigts sur l'établi à quelques centimètres de la cloche, et finalement, voyant son impuissance et souffrant horriblement, elle se renversa sur le dos, et, se repliant sur elle-même, s'implanta à trois reprises différentes, le dard dans le corselet. L'expérience est cruelle, et je n'aime pas faire souffrir les bêtes ne fut-ce qu'une mouche, néanmoins, la curiosité l'emporta sur la sensibilité, et voulant me rendre compte si je n'avais pas eu à faire à une exception, je l'ai renouvelée trois fois, et trois fois j'ai eu le même résultat. Il y a longtemps que La Nature a parlé du suicide d'un scorpion, d'une vipère, puis dernièrement d'un chardonneret ; elle peut y ajouter le suicide d'une guêpe. "

La Nature, 1895, vingt-troisième année, premier semestre, p. 382


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