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LES PARASITES DES CRIQUETS
Il fut un temps où les savants et les naturalistes accueillaient avec un sourire dédaigneux les entomologistes qui se vouaient spécialement à l'étude des insectes utiles ou nuisibles à l'agriculture. Cet état de chose durerait peut-être encore si les insectes eux-mêmes ne s'étaient chargés de montrer, par l'étendue de leurs ravages, qu'il était de toute nécessité d'apprendre à les bien connaître pour pouvoir les combattre utilement.
La Piéride du chou, la Psyché noire, la Noctuelle des moissons, la Cécidomyie du blé et bien d'autres encore, semblèrent se coaliser avec le traditionnel Hanneton pour montrer qu'on avait peut-être eu trop de dédain pour ces humbles observateurs qui, par leur patience, et parfois aussi grâce à une profonde expérience, ont souvent les premiers fait connaître les murs de divers insectes et puissamment aidé par leurs sages conseil à entreprendre contre eux une lutte profitable.
Mais les temps sont aujourd'hui changés ; sous la protection du gouvernement, des stations entomologiques, où l'on fait de l'Entomologie appliquée, se sont fondées et les savants officiels acceptent volontiers la mission d'aller sur place étudier les murs et les métamorphoses de ces ennemis si petits part la taille, si redoutables par le nombre, qu'on nomme les insectes et s'efforce de rechercher les meilleurs moyens de les détruire. N'est-ce pas une consolation pour le cultivateur de savoir qu'en haut lieu on s'inquiète à ce point de vue, de ses intérêts, et que des hommes compétents et dévoués consacrent leur science et leurs études à le seconder dans une lutte parfois trop inégale où le tout petit l'emporte souvent sur nous ? Mais revenons à notre sujet.
Ce sont les recherches des naturalistes qui nous ont appris quel secours on est en droit d'attendre des nombreux parasites dont la prévoyante nature a doté chaque espèce pour l'empêcher de dépasser certaines limites dans son uvre de destruction.
Généralement quand un insecte devient très abondant, ses parasites, trouvant ample nourriture, se multiplient considérablement, en réduisent le nombre, et l'anéantirait même, si la nature ne l'avait pas doué d'une fécondité suffisante ou de divers moyens de défense. Parfois aussi un nouveau parasite viendra dévorer le premier et atténuer ainsi son action, de sorte que l'équilibre un moment rompu pourra se rétablir.
C'est ordinairement ainsi que les choses se passent, mais il n'est pas de règle sans exception, et le Criquet d'Algérie nous en fournit un terrible exemple. Tout le monde connaît ses ravages, et pourtant ses parasites sont nombreux dans la classe même des insectes. Dans un précédent article nous avons fait connaître les Sphex , le lecteur pourra s'y reporter. Nous en examinerons aujourd'hui quelques autres.
Fig. 1. Mylabre de l'olivier (Mylabris oleae) ; 2. Mylabre de Schreber (Mylabris schroebersi); 3. Clairon des ombelles (Trichodes umbellatarum)
La figure 1 et la figure 2 qui accompagnent ces lignes représentent des insectes appartenant à l'ordre des Coléoptères. Ce sont d'abord des Mylabres que nous voyons à l'état parfait butinant tranquillement, l'un sur les fleurs de l'olivier : c'est le Mylabris oleæ, l'autre sur une fleur de chardon : le Mylabre de Schrber, Mylabris schroebersi.
Fig. 2. Trichodes sur une fleur de carotte
Sur une feuille de chardon, nous voyons un Clairon des Ombelles, Trichodes umbellatarum, et ce sont encore des clairons que représente la figure 2. Les Mylabres sont surtout remarquables par la série de transformations qu'ils subissent avant d'atteindre la forme sous laquelle nous les voyons ici.
La femelle, au moment de la ponte, va déposer ses ufs dans les régions fréquentées par les Criquets. Au bout de quelques jours une jeune larve sort de chaque uf, elle est représentée très fortement grossie (fig. 3, n°1). Elle est petite, agile, court avec rapidité sur le sable, s'y enfonce à la recherche des coques contenant les ufs d'Acridiens. Lorsqu'elle en a trouvé une elle la perce, s'y introduit et commence à dévorer le premier uf qu'elle rencontre. Bientôt elle change de peau et en même temps de forme et subit plusieurs mues, elle est devenue épaisse, ses pattes se sont réduites. Continuant à dévorer les ufs contenus dans la coque ovigère du Criquet, elle se développe rapidement et va prendre bientôt la forme d'une nymphe. C'est une pseudo-nymphe et il en sortira une nouvelle larve qui se transformera cette fois en une vraie nymphe donnant naissance à un insecte parfait. Ces différentes formes de larves sont représentées figure 3, n° 2 à 5.
Fig. 3.: 1, 2, 3, 4 et 5 : larvres de mylabre à différents âges : 6: larve de Trichodes ; 7 : larve de Systoechus nitidulus ; 8 : Sarcophaga affinis
C'est Fabre qui le premier a observé ces transformations si remarquables chez les insectes vésicants et il leur a donné le nom d'Hyper-métamorphoses. Elles ont été ensuite étudiées en Amérique, par Riley, et en Algérie, par M. Kunckel qui a proposé de substituer au nom d'Hyper-métamorphose celui d'Hypnodie. Pendant leur période larvaire les Mylabres se nourrissent donc uniquement d'ufs de Criquets, et comme leur nombre est parfois considérable, ils en détruisent d'immenses quantités.
La larve des Clairons (fig. 3, n° 6), a des transformations plus simples, elle subit une série de mues sans changer de forme et, ayant atteint son complet développement, passe à l'état de nymphe, comme cela a lieu pour la grande majorité des insectes.
L'ordre des Diptères fournit, comme celui des Coléoptères et des Hyménoptères, son contingent de parasites des Criquets. Nous en présentons deux : l'un à l'état parfait (fig. 3, n° 8), le Sarcophaga affinis ; l'autre à l'état de larve (fig. 3, n° 7), Systoechus nitidulus.
À voir cette pléiade nombreuse d'insectes, tous destinés à tempérer l'extrême multiplication des Criquets, il semblerait que l'on soit en droit de voir en eux, un remède contre ce terrible fléau, " la Sauterelle ". L'expérience nous montre malheureusement combien leur action est encore insuffisante.
Mais si le fléau est toujours si terrible, n'est-ce pas aussi notre faute ?
Les Criquets ont d'autres ennemis naturels que les insectes. Beaucoup d'oiseaux s'en nourrissent presque exclusivement, et seraient volontiers nos alliés. Mais ils sont de notre part l'objet d'une destruction systématique. C'est par centaines de mille qu'à certaines époques ont les envoie chaque jour sur les marchés de l'Europe, malgré les protestations et les pétitions de nombreuses sociétés savantes, alors qu'ils pourraient par leur grand nombre nous être d'un si grand secours dans cette lutte contre l'invasion des " Sauterelles " où, malgré tant de millions dépensés chaque année, nous n'avons encore obtenu que des résultats peu appréciables.
Peut-être objectera-t-on que les oiseaux pourraient bien aussi détruire les insectes parasites des Criquets. Il y aurait là un sujet à traiter et nous ne pouvons ici l'entreprendre. Nous nous bornerons à dire que l'observation semble avoir démontré que la plupart des oiseaux auxquels nous faisons allusion, ne semblent se nourrir que de Criquets et que leur action viendrait nettement s'ajouter à celle des insectes.
B. I. La Nature, 1895, vingt-troisième année, premier semestre, p. 380-382
Quelques précisions entomologiques, dont certaines sont proposées à titre expérimental
Mylabris oleae (Col. Méloidé) s'est appelé Zitounabris oleae (zitoun = olive, en arabe) ;
La larve de premier stade des Méloidés est dite " triongulin " ;
À consulter, la page que consacre Alain Ramel à cette famille http://aramel.free.fr/
Le Clairon des ombelles, Trichodectes umbellata (Col. Cléridé) n'est connu, en France, que d'un petit nombre de stations aux environs de Toulon. Le Clairon des abeilles (ou Trichode des ruches), Trichodes alvearius, très courant, a fait la couverture du n°133 d'Insectes.
Sarcophaga affinis (Dip. Sarcophagidé) n'est cité que comme parasite du Bombyx du pin, Dendrolimus pini (Lép. Lasiocampidé)...
Systoechus nitidulus (Dip. Bombylidé) est un prédateur mineur des oothèques de criquets au Sahel.
À consulter : Les oothèques des criquets du Sahel, par Popov et al., Doc. D'acridologie opérationnelle. PRIPHAS/CIRAD, pp. 81 et sqq. .
Les insectes de la Belle Époque
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