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Les insectes de la Belle Époque

LA DESTRUCTION DES HANNETONS

Dans une des dernières séances de la Société nationale d’agriculture, M. Blanchard e fait une intéressante communication sur les services due les enfants des écoles rurales peuvent rendre pour la destruction du ver blanc. « Je viens de recevoir, a dit M. Blanchard, de M. Sabatier, chef des travaux à l’Institut national agronomique, des renseignements recueillis par M. Jouveneaux, sur les résultats obtenus par M. Hien, instituteur à Château-l’Abbaye, arrondissement de Valenciennes (Nord). Voici un extrait de la lettre de M. Jouveneaux : « Je puis vous faire connaître un fait qui m’a permis de constater qu’on peut défendre efficacement l’agriculture contre les ravages des hannetons et des vers blancs en suivant les prescriptions de notre cher maître M. Banchard. Le ver blanc, ajoute M. Jouvenaux, causait autrefois, dans nos champs de betteraves, des ravages sérieux : aujourd’hui, il a disparu de mon village. C’est que, depuis plus de vingt ans, mon village a le bonheur de posséder un instituteur actif, intelligent, dévoué, qui s’occupe avec beaucoup de succès des questions agricoles. M. Hien a fait procéder au hannetonnage plusieurs années de suite : c’étaient, bien entendu, ses élèves qui étaient chargés de la besogne. Je me rappelle, comme d’hier, mon air de chasse ou de guerre :

France, belle patrie,
Ton sol est en danger ;
Une troupe ennemie
Voudrait tout ravager.
Dès qu’elle sort de terre
En de nombreux escadrons,
Ah ! faisons tous la guerre,
La guerre aux hannetons !

« Et nous allions, chacun de notre côté, dans les jardins, dans les prairies, sur les bords des routes, secouer les jeunes arbres, et les hannetons, engourdis par le froid du matin, tombaient sur le sol. On les ramassait avec autant de soin que s’il se fût agi de fruits délicieux ; on les plaçait dans des boîtes, en ayant soin de les compter, et on les portait à l’école. Pas un élève qui n’arrivât le matin avec sas boîte à hannetons sous le bras. À l’école, quelques grands élèves étaient chargés de les recueillir et de les marquer ; les premières années, on les mesurait ; l’unité était le litre ; plus tard, on les compta : l’unité fut le hanneton. La récompense ? Un prix à la fin de l’année pour les chasseurs les plus actifs, mais surtout la satisfaction d’entendre le maître dire vis-à-vis de toute la classe : « Un tel, tant de milliers de hannetons : c’est bien ! » Le hanneton est un insecte presque sédentaire ; il dévaste là où il est ; aussi, tandis que notre localité était complètement libérée de cet ennemi dangereux, les villages voisins avaient conservé leur contingent ; aujourd’hui, on en trouve à peine, au mois de mai, de quoi amuser les enfants.
J’ignore si le champignon parasite de M ; Le Moult produira de bons effets, mais, en tous cas, je suis certain que le procédé n’agira pas plus radicalement que celui que je viens d’indiquer. » La campagne entreprise par l’instituteur a tout d’abord provoqué l’hilarité. Mais, dès la quatrième année du hannetonnage, les résultats obtenus étaient si palpables que les principaux cultivateurs ont remis à M. Hien une somme assez ronde pour être distribuée aux plus zélés chasseurs. »


La Nature, 1892.


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