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Phoracantha

par Alain FRAVAL et Mohamed HADDAN

Actes Éditions (Rabat), coll. Doccuments scientifiques et techniques, 1989, 38 p.

6. LA VIE IMAGINALE ET L'ATTRACTION DE L'HOTE

L'adulte, une fois mélanisé, sort par le tunnel de nymphose en consommant la sciure (GIL SOTRES et MANSILLA VAZQUEZ, 1983). Le trou de sortie est ovale. Sa largeur est de 4 à 10 mm.

L'imago de P. semipunctata est de moeurs nocturnes. Durant le jour, on l'observe surtout sous les écorces détachées de la partie basse du tronc de l'arbre, la tête en haut, orientée vers la zone où la languette d'écorce lui servant d'abri reste attachée (AMAOUN et EL HASSANI, 1982). D'après les informations rapportées par ces auteurs, le vol débute le soir et continue toute la nuit; la distance parcourue peut être considérable. La cadence de battement des ailes est faible: 77 à 90 Hz; le corps est lourd mais la musculature du ptérothorax est très développée. Ainsi, l'animal est plutôt apte à des phases de vol de courte durée avec de fréquents déplacements. Aux températures inférieures à 18° C, l'insecte ne peut guère voler (CHARARAS, 1979; LOYTTYNIEMI, 1983). Selon cet auteur, à la différence de la lumière ultra-violette qui est attractive, celle des lampes à incandescence inhibe le vol. Effectivement, avec un piège lumieux de ce type, KISSAYI (1987) n'a pu capturer aucun individu.

En ce qui concerne les habitudes alimentaires, DRINKWATER (1973, in GIL SOTRES et MANSILLA VAZQUEZ,1983) indique que P. semipunctata suce la sève des arbres écorcés tandis que HELAL et EL SEBAY (1980a) concluent que l'imago ne se nourrit pas et se contente de quelques morsures pour choisir le site de ponte. CHARARAS (1969, 1979) indique que les adultes effectuent leur nutrition la nuit aux dépens du pollen et du nectar des fleurs de diverses plantes. Cette phase de nutrition présente une grande importance pour la maturation. Nous l'avons confirmé: l'analyse pollinique des fécès d'adultes de P. semipunctata capturés en nature a montré qu'ils étaient constitués d'une pâte de pollen d'Eucalyptus spp. avec quelques grains indéterminés. Des observations d'insectes en élevage ont prouvé que l'alimentation aux dépens des fleurs de l'Eucalyptus - simulée par l'apport d'une pâte de pollen et de miel - est nécessaire à la continuation de l'ovogénèse (HADDAN, 1987). Les extraits de nectar sont très attractifs pour Phoracantha dont l'activité de prise de nourriture est stimulée par de nombreux sucres (CHARARAS, 1979). ROOVERS et YANA (1967) ont mis en évidence la supériorité attractive du miel d'Eucalyptus, de ses fleurs fraîches, du mélange en décoction de fleurs et de miel et ce parmi de nombreuses préparations à base d'organes d'Eucalyptus (bois, écorce et feuilles).

L'accouplement dure de 8 à 28 mn. Le mâle peut copuler dès son émergence alors que la femelle reste en "phase précopulatoire" pendant 48 h. La fécondité est de 20 à 40 eeufs pondus pendant 1 à 4 jours (HELAL et EL SEBAY, 1980a), cette valeur étant minée au laboratoire d'insectes non alimentés. CHARARAS (1969) mesure des performances supérieures (180 à 300 ocufs) assorties d'une longévité bien plus grande (quelques mois). HADDAN (1987), par des dissections et observations des tractus génitaux des femelles, montre que la fabrication d'ovocytes est continue. L'insecte pond par paquets "pontes" successifs dans les fissures de l'écorce, entre rhytidome et écorce ou encore au point de jonction des branches.

On ignore comment se fait le rapprochement des sexes.

Le choix du site précis de ponte incombe à la femelle. Les deux sexes semblent, d'après de très nombreuses observations, attirés à distance par l'Eucalyptus en déficience physiologique. L'insecte ne pond jamais sur une autre essence. Sur un tronçon d'Eucalyptus scié, la ponte commence au bout de 24 à 36 h (POWELL, 1982; LOYTTYNIEMI, 1983), voire après quelques heures si l'abattage a eu lieu en fin de journée (Kh. KISSAYI, comm. pers.) et cesse au bout de 40 à 90 jours. Les facteurs visuels semblent sans action et le mécanisme d'attraction est très probablement de nature chimique. Les différentes espèces d'Eucalyptus attirent de façon égale les imagos de Phoracantha (CHARARAS, 1979).

Les extraits de feuilles, de même que les huiles essentielles (p-Cymène, Cinéol et Limonène) n'attirent pas les adultes et peuvent même être répulsifs. L'odeur des écorces n'a pas d'effet sur la ponte (CHARARAS, 1979) et ces dernières ne sont attractives d'aucune façon (KISSAYI, 1987).

Au contact du substrat, la femelle choisit le site de ponte qu'elle explore avec son oviscapte. L'hygrométrie du milieu joue un rôle important. CHARARAS (1979) indique que la femelle pond sur des écorces dont l'humidité est de 35 à 40% correspondant à une humidité du liber de 60 à 68%. Il note, en outre, que dans les régions arides, les insectes pondent de préférence sur les parties les plus humides des arbres qui poussent dans des cuvettes. La microtopographie joue un rôle important. La surface de l'arbre doit offrir des abris (languettes de rhytidome, fentes, fissures) indispensables à la ponte et, on l'a déjà signalé, à la pénétration des larves.

L'arbre affaibli (comme le tronçon scié) attire incontestablement l'adulte par un stimulus chimique demeurant inconnu. Cet arbre doit encore offrir, sur son tronc, des abris de bonne qualité et durables pour que la ponte ait lieu et pour que les larves éclosent et pénètrent dans l'écorce. Le succès de l'attaque n'est possible que sur des arbres déficients au moins passagèrement: P. semipunctata est un ravageur très spécialisé. Il est monophage. Du fait de son fort potentiel biotique, il exploite rapidement et attaque en masse les arbres affaiblis ou coupés par lesquels il est attiré. Arbres sains et bois très sec lui échappent.

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Chap. 7. ENNEMIS

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