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METHODES D'ETUDE

A. FRAVAL


L'ensemble des connaissances accumulées sur la bio-écologie de Lymantria dispar provient d'observations simples (à l'occasion de prospections, de la pratique de la lutte, etc.) et des résultats de mesures et d'estimationsfaites en forêt dans le cadre de travaux de recherches conduits selon un protocole précis.

Les comptes-rendus des travaux de recherche précisent toujours soigneusement les "matériels et méthodes" employés. Ceci indique au lecteur l'ambition et la précision du travail et lui donne la possibilité de le reproduire,pour obtenir des résultats comparables, voire de l'améliorer.

Ce texte rassemble les principales méthodes d'étude de L. dispar utiles au chercheur comme au prospecteur,omettant celles qui n'ont aucune originalité, signalant rapidement celles qui sont demeurées inabouties. Sur le terrain, pour le suivi des populations naturelles, on a besoin surtout d'une part de méthodes de dénombrement (s.l.), qu'on examinera écophase par écophase, et d'autre part de méthodes de description (qualitativeet quantitative) de l'arbre nourricier de l'insecte.

Au laboratoire (ou en condition semi-naturelles), on procède essentiellement à des élevages d'une part, au tri des oeufs et à la mesure de descripteurs qualitatifs des individus d'autre part. Enfin l'analyse informatiquedes données recueillies a été développée récemment (FRAVAL, 1987c).

Les méthodes d'étude présentées, inspirées souvent de procédés généraux en entomologie, ont fait l'objet de plusieurs travaux spécifiques de mise au point, par QUESTIENNE et FRAVAL (1977); FRAVAL et al., (1978); DI-PIETRO et al. (1979); MAZIH (1980); FRAVAL et al. (1981b); MOGHLESS (1982); FRAVAL et PERTHUIS (1984), ALAMI-KACIMI (1986).

Les raisons d'être et le dessin des principaux dispositifs expérimentaux de terrain ont été développés par FRAVAL (1983) et un premier exposé des méthodes d'étude des populations naturelles de L. dispar a été donné par FRAVAL (1986c).

1. Dénombrement des individus

L'évolution des populations de L. dispar, qui conditionne les dégâts sur Chêne, est décrite par différents critères traduisant à un instant donné l'abondance des individus, les effectifs de chacune des écophases, de chaque stade, des individus vivants, des morts, des mâles, des femelles, etc., ainsi que par des critères qualitatifscomme l'accroissement pondéral, la précocité, la résistance au jeûne, etc. Les critères quantitatifs s'établissent à partir de dénombrements et sont beaucoup plus employés que les critères qualitatifs; ils servent à décrire les fluctuations d'effectifs, caractériser des populations naturelles, établir l'effet d'un traitement.

Le dénombrement des individus de L. dispar fait appel à toute une série de méthodes, différentes pour chaque écophase. Rappelons que les oeufs sont immobiles, inclus dans les pontes fixées au tronc et aux branches du Chêne-liège; les chenilles nouveau-nées stationnent un temps sur la ponte puis se dispersent en quête de nourriture,certaines étant emportées par le vent; les chenilles plus âgées circulent dans la frondaison, consomment le feuillage ou se reposent; en cas de surpopulation, elles envahissent la végétation herbacée. Les chrysalides sont, comme les pontes, fixées au tronc et aux branches; les papillons mâles volent; les femelles restent agrippéesaux aspérités de l'écorce et se déplacent très peu. En fonction de la phase du cycle, la mobilité, la répartition, le domaine exploité et l'accessibilité des individus de la population au comptage changent.

L'ordre de grandeur des effectifs peut être estimé ainsi: dans 1 ha de subéraie il y a parfois jusqu'à 100 millions d'oeufs dont éclosent 30 millions de chenilles. Ne survivront que très peu de chrysalides et d'adultes, 10 à 20 000 toutefois. Le dénombrement portera donc très généralement sur des échantillons.

Les superficies à examiner sont de l'ordre du millier ou de la dizaine de milliers d'ha. Il est bien évidemment procédé à des échantillonnages, basés sur une estimation a priori de la variabilité des phénomènes à enregistrer (FRAVAL et al., 1980; FRAVAL, 1983), réexaminés a posteriori ( FRAVAL et MAKHOUKH, 1988; FRAVAL et al., 1988).

Les dénombrements sont effectués en des lieux ("stations") définis par des "dispositifs expérimentaux" (fig. 4), dont les deux principaux seront brièvement décrits.

Le "Transect" a été installé en 1976 par A. FRAVAL, M. JARRY et P. QUESTIENNE. Il est situé entre Aïn-Kablia au sud et El-Menzeh au nord. Il consiste en 57 placeaux de 1O arbres chacun, espacés de 1OO m et alignés sur 7 km (FRAVAL et al., 198O). Cet ensemble de points d'observation recouvre une zone relativement étendue et permet le suivi de différentes évolutions de L. dispar, du Chêne-liège et de leurs interactions (FRAVAL, 1983). En outre il a été conçu comme un banc d'essai pour des méthodes de quantification des phénomènes liés à ces évolutionsafin de pouvoir mettre au point les moyens d'une surveillance générale.

Cette dernière n'a jusque là été mise en place que dans la partie la plus occidentale de la forêt de la Mamora. Elle est basée sur le "Réseau", ensemble de 2O9 stations fixes de 10 arbres, réparties sur près de 2O OOO ha (QUESTIENNE et FRAVAL, 1979, non publ.; FRAVAL et LHALOUI, 1980; HAMDAOUI, 1981; MGHARI, 1983. Son suivi a repris depuis 1986, ses caractéristiques ayant été améliorées: stations au nombre de 240, constituées de 40 arbres non marqués, et définies sur la carte; prise en compte des autres ravageurs du Chêne-liège et de l'état de la forêt (RAMZI, 1987; KASSIM, 1988; FRAVAL, VILLEMANT, RAMZI, en cours).

1.1. Pontes et oeufs

Pour connaître l'effectif d'oeufs, le dénombrement des pontes est indispensable mais non pas suffisant, ces dernières pouvant renfermer des effectifs variables d'oeufs et, parmi ceux-ci, une partie seulement étant constituée d'individus vivants. D'où les étapes du dénombrement des oeufs: estimation du nombre de pontes, du nombre d'oeufs par ponte, de la proportion d'oeufs viables.

Le dénombrement des pontes implique que l'arbre entier soit pris comme unité d'échantillonnage (au moins pour un travail précis sur une surface limitée); le dénombrement des pontes de 30 arbres, pris au hasard ou selon certains protocoles plus pratiques, permet d'estimer de façon très satisfaisante la taille de la population de 5 ha de subéraie (FRAVAL et al., 1978).

Pratiquement, on procède au dénombrement des pontes à vue, depuis le sol. Après avoir exploré le tronc et ses anfractuosités, l'observateur parcourt du regard les branches charpentières et les rameaux, choisissant systématiquement la branche de plus petit diamètre à chaque embranchement, la parcourant, revenant à cet embranchement, et ainsi de suite. Le choix des arbres-échantillons a différé selon les travaux (cf. in FRAVAL et al., 1977a; FRAVAL et al., 1978; FRAVAL et al., 1981a; HANNAK, 1986).

Les stations du "transect" sont constituées de 1O arbres échantillons, choisis les plus voisins du point défini par arpentage; elles sont distantes les unes des autres de 1OO m. Cette configuration répond à des objectifsde simplification du repérage et du balisage, à des exigences de rapidité de parcours du dispositif entier; de plus, le groupe de 1O arbres voisins correspond grosso-modo au "domaine d'une chenille" dans des conditions moyennes de densité, chacun des 1O arbres risquant d'influer sur une chenille née sur l'un d'entre eux.

Les dispositifs dérivés du transect ont conservé ce type de "station" (FRAVAL et al., 1977b; FRAVAL et MAZIH, 1980; FRAVAL et LHALOUI, 1980; FRAVAL, 1983).

Le dispositif  "en croix" (fig. 37), adopté en Sardaigne par LUCIANO et PROTA (1981; 1985), nous paraît le plus approprié à la surveillance (RAMZI, 1987).

Figure 37: Dispositif en croix pour la surveillance de Lymantria dispar en subéraie
Repris de FRAVAL et al., 1978.

Les effectifs de pontes relevés par arbre vont de 0 à plus de 1 000. Le comptage peut être accéléré par le recours à des classes d'abondance ou par la seule prise en compte des pontes de la partie basse de l'arbre (QUESTIENNE et FRAVAL, 1979, non publ.). La répartition "capricieuse" des pontes et la difficulté qu'il y a parfoisà distinguer les pontes de la génération actuelle de celles plus anciennes rendent de toutes façons nécessaireun examen soigneux de toutes les parties de l'arbre.

La détection et donc le dénombrement des pontes en situation de très faible densité est très difficile: les rares ooplaques sont, sauf exception, profondément cachées sous des plaques de liège légèrement décollées ou dans d'anciennes galeries du xylophage Cerambyx cerdo (L.) (Col.; Cerambycidae) (DAHOU, 1984; HANNAK, 1986; AMEJJOUD, 1985, non publ., RAMZI, 1987; KASSIM, 1988). Nous avons constaté que la trouvaille d'une ponte augmente la probabilité d'en découvrir une autre à proximité, la recherche étant stimulée. Il est important d'établir si L. dispar est absent de telle zone, ou bien présent en très faibles effectifs; des méthodes plus rigoureuses peuvent être envisagées comme l'exploration systématique de toutes les parties de tous les arbres (en grimpant dedans) mais sont difficilement applicables. L'utilisation de chiens dressés à repérer les pontes de L. dispar a été essayée avec succès aux U.S.A., où les pontes sont pondues dans la litière (WALLNER et ELLIS, 1976).

Nos méthodes sont à comparer avec celles utilisées ailleurs, lesquelles se basent le plus souvent sur le dénombrement à vue, depuis le sol, des pontes présentes sur une surface de l'ordre du dixième ou du 1/16 d'acre (CAMPBELL, 1967a; DOANE et SCHAEFER, 1971; KAYA et al., 1966). En cas de forte densité, ces derniers auteurs procèdent à une estimation rapide en marchant; le résultat est affecté d'un coefficient multiplicateur qui est normalement 3; il est de 4 si les conditions atmosphériques rendent la visibilité mauvaise, de 5 s'il y a de la neige. Les pontes de deux générations successives sont indistinguables à distance, aussi DOANE et SCHAEFER (loc. cit.) ne dénombrent-ils les pontes que sur le bas de l'arbre (sur les 6 premiers pieds), en vérifiant leur appartenanceà la nouvelle génération.

Le nombre d'oeufs d'une ponte varie de quelques unités à 5OO environ. Il est la résultante du nombre d'oeufs pondus par la femelle, dont la fécondité traduit notamment les conditions alimentaires qu'elle a subies à l'état larvaire (HERARD, 1984), et du nombre d'oeufs détachés de la ponte par des insectes prédateurs-démanteleurs, par des bovins ou ovins se frottant contre les troncs, par l'action mécanique de branches voisines,ainsi que par l'homme. Il subsiste toujours une partie du chorion, la calotte en contact avec le liège, et le contour d'une ponte demeure visible.

Le nombre moyen d'oeufs présents par ponte est établi par dénombrement -au laboratoire (cf. ci-après)-des oeufs d'une série consécutive de pontes dont on prélève la totalité (par grattage, en s'abrittant du vent).

Sur le terrain, un dénombrement indirect non destructif est possible; en effet, le plus grand diamètre de la ponte -facile à mesurer avec une réglette- est statistiquement lié au nombre d'oeufs initialement pondus (FRAVAL et al., 1978; MOORE et JONES, 1987; AKHAKHAS, en cours).

La distribution des tailles des pontes semble constante quelque soit la strate de l'arbre considérée (FRAVAL et al., 1978); ainsi les mesures peuvent être faites à hauteur d'homme. Le nombre d'oeufs présents est déduit de cette estimation par l'application d'un coefficient multiplicateur dépendant du taux de démantèlement (tabl. XIII).

Tableau XIII: Correspondance entre l'indice de démantèlement (I) et la proportion d'oeufs perdus (P)
(QUESTIENNE et FRAVAL, 1977)

La mesure des tailles des pontes est rapide. Le prélèvement des oeufs (opération délicate nécessitant parfois le recours à un aspirateur alimenté par piles ou batteries dont l'embout est façonné en grattoir) reste indispensable pour analyser le contenu faunique des pontes et évaluer, par tri des oeufs, la proportion des oeufs viables (cf. ci-dessous). Le descripteur prend des valeurs différentes d'une ponte à l'autre, parfois en relation avec la hauteur dans l'arbre (HERARD, 1979), parfois non (BENLAHBOUB-JAZOULI, 1978; FRAVAL et al., 1988; KASSIM, 1988). Il importe de répartir en hauteur les prélèvements.

1.2. Chenilles

Le dénombrement des chenilles est très difficile; ce sont en effet des individus plus ou moins visibles, mobiles; leur rythme d'activité et donc leur emplacement sur l'arbre (et autour) varient notamment avec l'âge et la densité (cf. chap. IV).

Leur piégeage a été tenté par le moyen d'abris artificiels constitués de bandes de toile entourant le tronc (KAYA et al., 1974; YENDOL et al., 1977, HERARD et al., 1979) ou par des planches de liège plaqués contre le fût de l'arbre (FRAVAL et al., 1980). De telles méthodes, très peu quantitatives, trouvent leur intérêt dans la détection des prédateurs; elles sont malheureusement impraticables là où sévit le vandalisme.

La coprométrie est souvent employée (CONNOLA et al., 1966; KAYA et al., 1974); elle consiste à recueillir les fécès tombés pendant un temps déterminé (au moins 24 heures) sur des toiles de surface standard. Le tri des fécès par taille permet de connaître en plus la structure d'âge de la population; une succession de tamis de 10, 14 et 20 mesh sépare les fécès des chenilles des stades V-VI, IV et III (CONNOLA et al., loc. cit.). De la ècomparaison entre l'effectif des fécès recueillis et celui produit par un nombre connu de chenilles dans les mêmes conditions on déduit une estimation, qui reste relative, de l'abondance des chenilles sur les arbres (CAMPBELL, 1967). Cette technique a fait tout récemment l'objet d'une évaluation par LIEBHOLD et ELKINTON (1988a et b). La coprométrie a été expérimentée en forêt de la Mamora, sur le "transect", en 1976: par station (10 arbres), nous avions installé 2 hamacs en toile de mousseline (1,4 x 1 m), suspendus entre les arbres à 2 m du sol (pour éviter leur destruction par le bétail); le relevé était opéré chaque semaine (FRAVAL et al., 1980). Des pluies (d'une intensité exceptionnelle cette année- là ainsi que la détérioration de nombreux copromètres ont perturbé les mesures et l'opération n'a jamais été renouvelée, faute surtout de disposer de gardiens efficaces.

L'évolution de l'activité alimentaire de L. dispar soumis à des traitements a été suivie au moyen de copromètres (SAREHANE, 1981; FRAVAL, 1982). Nos connaissances sur les relations entre les caractéristiques (nombre, poids, mais aussi critères qualitatifs) des fécès et celles des chenilles émettrices ont été revues récemment (FRAVAL, 1987), sur la base, notamment, d'expérimentations faites avec ALAMI-KACIMI (1986). Il nous paraît important de ne pas négliger la coprométrie, capable de fournir des renseignements très utiles, sur la structure d'âge et la qualité de l'alimentation des chenilles (cf. in KASSIM, 1988; RAMZI, en cours).

Signalons notre tentative d'évaluer les effectifs de chenilles par le biais des bruits -tout à fait audibles- qu'elles génèrent (frottements, mastication, chute des fécès), en analysant les signaux de détecteurs ad hoc (BUSNEL et FRAVAL, non publ.; FRAVAL, GAUTIER et IBRAHIMI, non publ.). Les recherches sont à reprendre; elles peuvent déboucher sur une surveillance automatique de la forêt.

Autre méthode indirecte, universellement pratiquée: l'estimation de l'intensité de la défoliation provoquéepar les chenilles. Cette mesure est d'une part délicate (cf. ci-après); d'autre part le nombre de chenilles amenant telle défoliation dépend de plusieurs facteurs: la structure d'âge de la population, la composition et la taille de la frondaison (FRAVAL et LHALOUI, 1980).

En définitive, les effectifs de chenilles sont connus par des dénombrements directs.

De nombreux auteurs ont proposé leurs méthodes (FRAVAL, 1986c). Les chenilles sont comptées sur un nombre prédéterminé d'organes végétaux (DOANE et HICHCOCK, 1964; DOANE et SCHAEFFER, 1971; KAYA et al., 1974) ou par unité d'effort (CONNOLA et al., 1966); MAGNOLER (1974), quant à lui, utilise le frappage.

Après avoir essayé le comptage sur les branches-échantillons prises au hasard (HOUBA et FRAVAL, 1976, non publ.), sur des tronçons de tronc et de branches (MAZIH, 1978), et avoir abandonné ces procédés trop lourds, nous avons retenu le comptage à vue, depuis le sol, de toutes les chenilles de chacun des arbres-échantillons, répété à intervalles de temps réguliers (FRAVAL et al., 1977b; FRAVAL et al., 1980; FRAVAL et MAZIH, 1981; DAHHOU, 1984; FRAVAL et MAKHOUKH, 1988).

La méthode présente l'avantage de ne nécessiter aucun matériel, de s'appliquer à toutes les situations gradologiques et à tous les arbres quelque soit leur configuration ou leur état phénologique. Mais son caractère absolu est illusoire tant les conditions du comptage affectent le résultat, lequel dépend de la personne, des effectifs de chenilles et de leur taille, de leur position sur l'arbre, de leur activité, des conditions atmosphériques(luminosité, pluie...), de l'intensité de la défoliation, etc.

Les effectifs ainsi estimés croissent et décroissent en fonction du temps selon un schéma différent de l'évolution théorique du peuplement d'un arbre au sein de la forêt où les émigrations sont compensées globalement par les immigrations.

Cette méthode de dénombrement est en fait relative et l'interprétation des résultats doit être restreinte.Elle fournit des jeux de courbes, à considérer dans leur ensemble (FRAVAL et al., 1980; CHAKIR, 1981; FRAVAL, 1983); les analyses multivariées, suivies de classfications permettent de mettre en évidence types d'évolutiondes effectifs dénombrés, ces classes devenant les descripteurs opérationnels du système (FRAVAL et MAKHOUKH, 1988).

En conclusion, le comptage à vue apparaît comme la méthode la moins chère, la plus facile à mettre en oeuvre. Ce n'est qu'un pis-aller. Elle est impraticable dans le cas de dispositifs de surveillance étendus et l'on doit se contenter dans ce cas d'indices (RAMZI, 1987).

1.3. Chrysalides

Les individus de cette écophase ne sont pas dénombrés car les chrysalides sont assez difficilement visibles et surtout, il est impossible, sauf à les toucher, de les distinguer des exuvies de la génération èprécédente, ainsi d'ailleurs que de celles qui ont déjà éclos. Toutefois, pour des buts particuliers, on pourra procéder à un dénombrement sur des parties d'arbre bien délimitées (KASSIM, 1988), éventuellement débarrassées, au préalable des anciennes exuvies; le sexage des chrysalides est aisé dans ces conditions.

La pesée des chrysalides renseigne sur la qualité de la population en relation avec l'alimentation larvaire (FRAVAL et al., 1980; LHALOUI, 1980; FRAVAL, 1984).

1.4. Papillons

Les femelles, très visibles et quasi-sessiles, se prêtent bien au comptage. Elles sont dénombrées à la façon des pontes (à vue depuis le sol, sur tout l'arbre), chaque semaine. En situation de densité moyenne de l'insecte,la somme des nombres de femelles en train de pondre vues à chaque observation hebdomadaire égale le nombre de pontes. Cette relation permet d'estimer, à partir du comptage des femelles, le nombre de pontes lorsque ces dernières ne sont pas dénombrables et se confondent avec les anciennes (FRAVAL et al., 1980). Comme pour les chenilles, la série des dénombrements successifs intervient pour qualifier les évolutions numériques en chaque lieu (FRAVAL et MAKHOUKH, 1988).

Les mâles sont par contre bons voiliers. Leur densité aérienne peut être obtenue au moyen d'aspirateurs puissants. Le piégeage fournit des estimations relatives, utiles en surveillance. Les pièges gluants, ou toxiques, appâtés avec un analogue de la phéromone sexuelle femelle (disparlure, à raison de 10 µg par piège), permettent surtout de noter leur présence/absence, car ils sont vite saturés (ELKINTON, 1987).

Au moyen de pièges-gobelets englués (fournis par l'U.S.D.A.) nous avons établi l'aire de répartition de L. dispar au Maroc (FRAVAL et HERARD, 1975; HERARD et FRAVAL, 198O) et détecté les zones de la Mamora indemnes (LHALOUI, 1980; MGHARI, 1983).

Des pièges ou des panneaux englués, avec ou sans attractif (femelle vierge ou disparlure), servent dans le cas où il importe de connaître l'effectif relatif de mâles dans les essais de confusion sexuelle (BEROZA et al., 1974, notamment).

En résumé, on dispose, pour dénombrer les individus de L. dispar d'une gamme de méthodes plus ou moins satisfaisantes et adaptées à chaque écophase. Ces méthodes, inspirées des pratiques générales de dénombrement ont dû être mises au point localement, à cause des particularités de la répartition des individus. Cette dernière n'est pas connue pour toutes les écophases dans toutes les situations et les procédures employées sont souvent approximatives. En outre, pour chaque écophase, on se sert de méthodes plus ou moins compliquées selon l'intérêt que l'on attache au résultat; des dénombrements assez précis impliquent des opérations dont le coût est souvent prohibitif.

2. Dénombrement des entomophages

Les ennemis naturels de L. dispar (cf. chap. V et ann. A), surtout les parasites, sont le plus souvent dénombrés en tant qu'agents de mortalité de leur hôte et donc avec lui. Dans ce cas on établit des taux de parasitisme, proportions d'individus de L. dispar parasités, sans se soucier de l'effectif de la population de l'entomophage.

2.1. Prédateurs-démanteleurs

Le taux de démantèlement estime la part des oeufs d'une ponte manquant du fait de l'action de ces insectes. Il est choisi par l'observateur sur une échelle de 5 valeurs (O, 1/4, 1/2, 3/4, 4/4) à partir de son estimation de la surface de ponte manquante. La méthode, mise au point par HERARD et FRAVAL (1975), est employée depuis; elle est rapide et non destructive: la proportion d'oeufs manquants correspondant à chaque classe a été évaluée (cf. tabl. XIII).

L'indication du type de démantèlement (cf. fig. 38) introduit un critère qualitatif FRAVAL et al., 1989) mal relié à l'insecte responsable, sauf dans le cas d'Aglossa caprealis (Lép. Pyralidae) (KASSIM, 1988).

Figure 38: Types de démantèlement
A: arraché; C: creusé; D: décapé; T: troué.

Les estimations du taux de démantèlement sont faites sur un nombre (30 si possible) de pontes consécutivesde chaque strate (3 en pricipe) de l'arbre, ceci de façon à prendre en compte les fortes variations altitudinales(éventuelles) de l'impact des prédateurs-démanteleurs (QUESTIENNE et FRAVAL, 1977; BENLABHOUB-JAZOULI, 1978; VILLEMANT et RAMZI, en cours).

Le dénombrement des individus des prédateurs-démanteleurs est réalisé par examen de pontes prélevées et dilacérées sous la loupe. ZAIMI (1979) puis VILLEMANT (1988, non publ.) ont tenté de piéger certains adultes au moyen de pièges gluants et alimentaires.

2.2. Ooencyrtus kuwanae

L'impact de cet Encyrtide oophage solitaire sur son hôte se mesure à la proportion d'oeufs par ponte qu'il détruit. Ces oeufs sont distingués des autres lors du tri: soit ils sont vides et présentent un trou de sortie circulaire bien visible, soit ils renferment la nymphe du parasite. Un délai de 8 jours est ménagé entre le prélèvement et l'observation pour amener O. kuvanae à être visible au travers du chorion. Un mode de prélèvement des pontes de L. dispar pour estimer son impact a été exposé par HERARD (1978); actuellement cette estimation est faite à partir du même matériel qui est prélevé pour estimer la natalité potentielle (CHAKIR et FRAVAL, 1985). Dans les portions de l'aire géographique de L. dispar où les prédateurs-démanteleurs ont une action négligeable (U.S.A.), il est toujours possible de procéder à une estimation précise du nombre d'oeufs parasités d'une ponte par dénombrement des cheminées de sortie dont les ouvertures sont apparentes à la surface de la ponte. Ces trous sont parfois très bien visibles sur les pontes en forêt de la Mamora mais l'action des prédateurs-démanteleurs introduit un biais considérable. La prise en compte d'une "note d'Ooencyrtus" pour établir la typologie d'un ensemble de pontes s'est révélée très peu utile (FRAVAL et al., 1989).

Des estimations d'abondance mais surtout des indications sur les mouvements des adultes sont obtenues au moyen de pièges faits de cartons englués (HERARD, 1978), de pontes exposées, de pièges gluants (ZAIMI, 1979).

Figure 39: Catégories d'oeufs de Lymantria dispar renseignant sur les causes de mortalité
V: viables; P: parasités par Ooencyrtus kuvanae; C: cassés; A: aplatis (non fécondés); S: secs (l'embryon est mort); E: éclos.

2.3. Parasites et prédateurs des chenilles et des chrysalides

Les cocons des Braconides, Cotesia melanoscela (RATZ.) et Meteorus pulchricornis (WESM.), restent fixés sur le végétal (feuille ou liège) ou y sont suspendus par un fil (cas du second parasite) (cf. ann A2); ceci permet une estimation de leur abondance (WESELOH, 1974, 1983). L'observation de ces cocons renseigne en outre sur l'intensité de l'hyperparasitisme, très fréquent. L'élevage de chenilles (décrit ci-après) prélevées permet d'établir des taux de parasitisme (FRAVAL et HERARD, 1975; MAZIH, 1978; FRAVAL et al., 1980; CHAKIR et FRAVAL, 1985; KASSIM, 1988).

Les pièges du type MALAISE, particulièrement efficaces pour la capture des Hyménoptères et aussi des Diptères parasites de L. dispar (REARDON et al., 1977), n'ont pas été employés au Maroc, car ils nécessitent un gardiennage.

Pour la même raison, il n'est pas fait usage de ceintures de toile de jute, ficelées autour des tronc, pièges-abris qui retiennent les Calosomes. L'abondance de ce Carabe grimpeur est déterminée par comptage à vue, en même temps qu'on compte les chenilles.

Les oiseaux ont fait l'objet de quelques observations, par M. THEVENOT (non publ.) et, récemment, par KASSIM (1988).

Le décompte des cocons de Braconides, cadavres de chenilles et de chrysalides, traces de prédation, etc. fait sur des tronçons-échantillons de chênes-lièges établit un bilan a posteriori des mortalités subies par les individus de L. dispar (aux traces disparues près...). Cette méthode intéressante sera étendue au réseau de surveillance (KASSIM, 1988; RAMZI, en cours).

Aucune épizootie naturelle n'a été observée jusque là. L'évaluation de la mortalité causée par une maladie naturelle ou introduite nécessite le décompte des chenilles mortes, sur les branches où elles sont suspenduesou dans des copromètres où elles tombent; le prélèvement de chenilles et leur élevage complètent ces observations. Le résultat est vérifié -parfois établi uniquement- par le dénombrement des individus survivants, chrysalides, adultes et pontes de la génération suivante; ces effectifs étant comparés à ceux enregistrés d'une population indemne (FRAVAL et al., 1981; SAIDI, 1981; CHAKIR, 1981; MERZOUK, 1987, non publ.).

3. Description des caractéristiques du Chêne-liège

Le Chêne-liège est un arbre très polymorphe tant par son architecture (FRAVAL et al., 1978) que par sa phénologie (FRAVAL, 1986a). On sait (cf. chap. V) que les fluctuations des effectifs de L. dispar sont très dépendantesdes caractéristiques des arbres qui lui offrent feuillage, support et abris. Il importe donc de savoir les évaluer.

Faute de parvenir à trouver dans la littérature des méthodes adéquates, nous avons procédé à de multiples essais, suivis de réexamens a posteriori.

3.1. Quantité de feuillage

Un Chêne-liège de taille moyenne (6 m de haut) possède 58 000 feuilles pesant 8,3 kg et développant une surface totale de 35,5 m2 (FRAVAL, DELINCE et ESPERANDIEU, 1982, non publ.). Il peut nourrir convenablement environ 4 000 chenilles de L. dispar (d'après HERARD, 1984). Le dénombrement exhaustif des feuilles est une opération très longue et destructive. Les comptages par échantillons n'ont pas donnné satisfaction. Nous avons imaginé et mis en pratique une méthode d'évaluation rapide par détermination de la nature et des dimensions d'un solide circonscrivant l'arbre ("enveloppe") et application d'un coefficient de remplissage au volume calculé (FRAVAL et al., 198O) qui s'est révélée extrèmement sensible à l'observateur et aux conditions (FRAVAL, DELINCE et ESPERANDIEU, 1982, non publ.). Le dénombrement des feuilles à vue depuis le sol est possible, mais est il long, très fastidieux et peu précis.

L'intensité de la défoliation est notée, de façon relative, en même temps que la phénologie de l'arbre, d'une façon qui est décrite ci-dessous.

3.2. Qualité du feuillage

La qualité du feuillage est repérée par la proportion dans la frondaison de catégories faciles à distinguer. Les notations ont été mises au point en 1975-1976 et sont propres à notre étude (FRAVAL et al., 1980); elles ne nécessitent aucun appareillage. La façon de procéder est décrite et illustrée d'exemples par FRAVAL (1986a).

L'observateur contourne l'arbre, observe sa frondaison et compose un cryptogramme comportant des lettres -indiquant les différentes catégories de feuillage présentes- et des parenthèses (simples, doubles, crochets) qui renseignent sur l'abondance relative de chaque catégorie de feuillage.

En cas de défoliation, celle-ci est qualifiée par un nombre entier valant 1, 2 ou 3 correspondant au degré d'attaque de la feuille (feuille partiellement mangée, à moitié consommée, réduite à son pétiole), des parenthèses indiquant que l'attaque ne porte que sur une partie de l'arbre.

La présence de fleurs est notée avec ce même système de parenthèses.

L'écriture de ces notations est rapide: une unique personne code les 535 arbres du "transect" en 8 heures environ; l'apprentissage en est aisé mais il convient de les confier toujours au même observateur, des différences d'interprétation ayant été notées lors d'essais de confrontations. La lecture de ces cryptogrammes (ou "codes") est très parlante (au lecteur entraîné). le tableau XIV en donne quelques exemples.

Tableau XIV: Exemples de cryptogrammes décrivant la composition de la frondaison du chêne-liège et la défoliation par Lymantria dispar

Le codage informatique des caractéristiques du feuillage , à partir de ces cryptogrammes (envisagé postérieurement), nécessite quelques transformations (FRAVAL, 1987c; CHORFI, 1987).

Pour des relevés portant sur de grandes étendues, il est très avantageux de porter des indications sur des fonds de carte depuis un aéronef (LHALOUI, 1980; HAMDAOUI, 1981; LOMRI, 1987), à défaut de pouvoir prendre des photographies aériennes et les interpréter efficacement (ANDERSON et GOULD, 1974; EL YOUSFI, 1979, non publ.). LIEBHOLD et al. (1988) montrent l'intérêt de prises de vues du sol, en des sites fixes, avec un objectif à grand-angle, pour suivre l'évlution de la frondaison des arbres; un tel procédé (de même que l'exploitation de photographiesaériennes) mobilise des matériels compliqués.

3.3. Autres caractéristiques

La taille de l'arbre est estimée par comparaison avec une mire posée contre le tronc. La circonférence du tronc est mesurée à 1,30 m de haut, classiquement. Cette grandeur est très mal corrélée avec la taille de la frondaison (qui est souvent mutilée), mais c'est dans bien des cas le seul estimateur disponible (CHORFI, 1987; FRAVAL et al., 1989). Le degré d'anthropisation (mutilations) est repéré par une note, de même la proximité d'un autre arbre et la quantité d'abris (FRAVAL et al., loc. cit.).

Des caractéristiques collectives, à l'échelle de la station d'observation sont établies par ailleurs (RAMZI, 1987).

La description du Chêne-liège, avec une précision suffisante, est très délicate; l'importance des facteursen relation avec l'arbre justifie les efforts méthodologiques entrepris et leur poursuite.

4. Elevage

4.1. Lymantria dispar

Nous décrirons ici l'ensemble des opérations nécessaires pour obtenir au laboratoire les chenilles des stades successifs, les chrysalides, les papillons, faire pondre ces derniers et obtenir l'éclosion des oeufs. Ceci répond à plusieurs buts: description, enregistrement des performances notations des activités production de masse pour l'élevage d'un antagoniste (pathogène, parasitoïde, prédateur), récupération de parasites ou expression des symptômes de maladie, etc...

On trouvera dans DOANE et McMANUS (1971) un traité complet sur l'élevage de L. dispar dans les conditions des U.S.A.: locaux, cages, milieux artificiels, maladies, performances; de même dans ODELL et al. (1985). De nombreux auteurs européens ont décrit l'élevage de L. dispar au laboratoire, sur milieu artificiel le plus souvent; citons GOLDSCHMIDT (1934); JOLY (1959); MAGNOLER (1970); VASILJEVIC et INJAC (1971); RIDET (1972); SLIZINSKY (1978); SZMIDT (1978). Ces connaissances techniques semblent bien insuffisantes actuellement pour assurerune production de masse -à l'échelle industrielle- de chenilles destinées à multiplier un virus pour la lutte microbiologique (BIACHE et DE CONINCK, comm. pers.).

L. dispar est un insecte très rustique, peu exigeant du point de vue thermique, qui -dans nos conditions- n'est jamais sujet aux "maladies d'élevage", très gènantes ailleurs (cf. p. ex. RUPEREZ, 1962). L'élever n'en est pas pour autant un travail simple. Il est avant tout nécessaire de posséder l'organisation et les moyens garantissantun approvisionnement régulier des chenilles en nourriture convenable en qualité et en quantité; il faut d'autre part veiller à éviter l'altération du substrat nutritif et à maintenir les effectifs, par fractionnement, en dessous du seuil de surpopulation. Des chenilles trop nombreuses au regard de la place et de l'alimentation disponible se gènent, déambulent, cherchent à s'échapper, filent de la soie (cf. chap. V); leur croissance est ralentie et la mortalité sensible.

Dans nos conditions, l'alimentation est constituée de feuillage frais de Chêne-liège, cueilli dans les subéraies voisines, conservé 1 j ou 2 au réfrigérateur (si nécessaire). HERARD (1974, non publ.) a utilisé avec succès le milieu artificiel décrit par RIDET (1972); le recours à ce type de nourriture est exceptionnel (SAMI, 1986, non publ.).

L'élevage "de précision" se fait dans des cages constituées de boîtes parallèlépidéques en matière plastiquetransparente de 12 X 7 X 3 cm environ, disposées verticalement (FRAVAL et HERARD, 1975; BOURARACH, 1981). Un petit rameau aoûté de Chêne-liège (feuillage récemment débourré) est introduit dans la boîte, son extrémité passantpar un trou colmaté avec de la plastiline et trempant dans un bac rempli de sable saturé d'eau). Une telle boîte contient entre 200 chenilles de stade I et 3 ou 4 chenilles de dernier stade. Le feuillage est changé impérativementau plus tous les 2 jours. Coûteux en main d'oeuvre, un tel élevage se justifie lorsque des mesures sont faites sur les chenilles (HERARD, 1984).

Transposé en forêt, pour des études in situ, ce type d'élevage se fait en cages-manchons, installées dans les arbres. Elles sont constituées d'un "beurrier" (boîte en matière plastique transparente emboîtable, de 25 X 12 X 18 cm) percé, le couvercle servant de porte, (SAIDI, 1981) ou d'un cylindre de toile de bronze (HERARD, non èpubl.) ou de toile de mousseline munis de coulisseaux à chaque extrémité et d'une ouverture latérale (DAHOU, 1984) (cf. fig. 40).

Figure 40: Cages d'élevage de Lymantria dispar
a: au laboratoire; b: in situ.

En élevage "de masse", les chenilles sont par lots de plusieurs centaines. On utilise des cartons parallépipédiques(env. 1/8 à 1/5 de m3) (de récupération) tapissés intérieurement d'une feuille de papier kraft, dont la face interne du bord supérieur est recouverte d'un filet de glu (répulsive au contact pour les chenilles). Il n'y a pas de couvercle. Chenilles et feuillage sont installés en vrac. Les rameaux feuillés, plus gros, ne se déssèchent pas trop vite, même en l'absence d'eau; il faut impérativement les renouveler tous les 2 jours (FRAVAL et HERARD, 1975; KASSIM, 1988).

La "température du laboratoire" (25xC) convient très bien.

Chaque expérimentateur adapte son élevage à ses buts et à ses possibilités; il est important de maintenir un bon approvisionnement, condition très difficile à respecter dans la pratique.

Les chrysalides ne demandent aucun soin particulier. Les papillons, rappelons-le, ne se nourrissent pas. Un procédé pratique pour obtenir des pontes au laboratoire(destinées à "piéger" ou à alimenter des antagonistes) consiste à enfermer des chrysalides des 2 sexes dans un sac en papier (d'épicerie). Les papillons éclosent, s'accouplent, pondent sur les parois, qu'on découpera ultérieurement (FRAVAL et HERARD, 1975; DI-PIETRO, 1979, non publ.; VILLEMANT, 1986, non publ.).

Les pontes stockées à température ambiante éclosent au bout de 9 mois. Placés au réfrigérateur (4°C) pendant au moins 1 mois, les oeufs éclosent prématurément (diapause levée), en proportions variables. Ceci permet de faire des élevages hors saison. Il est possible de sélectionner des souches sans diapause (HOY, 1977).

Il est classiquement recommandé de désinfecter le chorion des oeufs (p. ex. en les baignant dans de l'eau de javel diluée) pour prévenir des épizooties (RIDET, 1972, DOANE et MCMANUS, 1981); nous jugeons cette précaution inutile, au Maroc.

La manipulation à mains nues des chenilles et des chrysalides ne provoque aucune réaction chez l'opérateur. Par contre, les fines écailles de l'extrémité abdominale de la femelle, qui constituent le feutrage enrobant les oeufs dans la ponte, sont irritantes pour les yeux et peuvent provoquer des allergies. Nos techniques de dépilation (cf. ci-après) en tiennent compte.

4.2. Prédateurs et parasites

On se contentera de donner des indications générales, renvoyant le lecteur aux publications citées.

L'élevage efficace des prédateurs-démanteleurs de ponte a été récemment mis au point (VILLEMANT, 1989, non publ.; VILLEMANT et ZEMMOURI, en cours), grâce à une meilleure connaissance de leurs régimes alimentaires et à des essais systématiques. Elevages individuels et par groupes de quelques dizaines se font dans de petites boîtes cylindriques en matière plastique transparente (diam. = 3 cm, h = 1,8 cm). L'hygrométrie du subtrat alimentaire (à base d'insectes séchés, de farines, de pollen) ainsi que l'H.R. ambiante sont dans certains cas critiques (VILLEMANT, loc. cit.). L'élevage de masse sera nécessaire si des lâchers sont envisagés.

L'élevage de la fourmi du liège a été décrit par BELARBI (1981), celui du Calosome par DUSSAUSSOY (1963).

L'élevage d'Ooencyrtus kuvanae a été décrit notamment par SCHIEFERDECKER (1969), HERARD et FRAVAL (1975), HERARD et MERCADIER (1980), BENAZOUN et FRAVAL (1983). Il convient de mettre à sa disposition de l'eau et un milieu nutritif (miel + agar). Les oeufs à parasiter peuvent n'être pas vivants (tués par la chaleur ou le froid). Les autres parasites de L. dispar n'ont pas fait jusque là au Maroc l'objet d'élevages précis (voir les observations de KASSIM, 1988). On se reportera aux travaux de REARDON et al. (1973) et aux indications fournies par DOANE et McMANUS (1981).

5. Estimation de la natalité

Le nombre de chenilles écloses est un paramètre important: c'est la taille du stock de ravageurs au départ de la saison. On peut tenter de l'estimer par avance, en établissant le nombre d'oeufs viables présents dans la ponte, à une époque où l'on pense qu'il n'y aura plus de réduction importante. On peut le mesurer à l'époque des éclosions, à fins de vérification, ou bien si l'on n'a pas besoin de prévisions.

5.1. Nombre d'oeufs viables

Distinguer entre les oeufs viables et les autres implique de prélever la ponte (selon un protocole vu plus haut), de la dissocier, d'éliminer le feutrage de poils afin de procéder à un tri.

La technique la plus simple pour dépiler les oeufs consiste à les frotter entre 2 buvards en soufflant sur les écailles. Pour des travaux en série le dispositif (fig. 41) construit par HERARD (HERARD et FRAVAL, 1980) est couramment employé. Il est à peu près identique à celui décrit par TARDIF et SECREST (1970). Avec D. ZAMPIERO nous avons mis au point une machine travaillant en continu (FRAVAL et al., 1981b).

Les oeufs sont comptés à la main, volumétriquement (HERARD, 1975, non publ.), ou avec un compteur électronique associé à un aspirateur (FRAVAL et al., 1981b; MOGHLESS, 1982; AKHAKHAS, 1989, non publ.).

Le tri très précis des oeufs, préalablement débarrassés des poils qui les entourent, est fait sous la loupe binoculaire par un observateur entraîné. Les oeufs viables (une fois le développement embryonnaire achevé) apparaissent pleins et turgescents. Parmi les oeufs non viables, on distingue plusieurs catégories, correspondant grosso-modo à des causes de mortalité (fig. 39).

Plusieurs dispositifs ont été développés pour rendre plus rapide cette opération particulièrement fastidieuseet un trieur-compteur automatique a été mis au point (FRAVAL et al., 1981b. L'appareil est en service pour les opérations de surveillance à grande échelle (RAMZI, 1987; KASSIM, 1988). Il sépare les oeufs viables (lourds) des oeufs non viables (légers) par aspiration différentielle; le passage de chaque oeuf est détecté, ce qui incrémente 2 compteurs électroniques (fig. 41).

Figure 41. Appareils à dépiler (en haut) et à trier automatiquement (en bas) les oeufs de Lymantria dispar
1: trémie; 2: gouttière (en laiton); 3: vibreur (électro-aimant); 4: embout (tube en verre) de l'aspirateur à oeufs non viables; 5; id. à oeufs viables; 6: capteurs (diode infra-rouge + phototransistor); 7: tuyaux souples de liaison (en caoutchouc épais); 8: tube de récolte des oeufs non viables; 9: id. des oeufs viables; 10: aspirateurs 12 V; 11: réglages de la vitesse des moteurs des aspirateurs; 12: boîtier regroupant l'électronique et les réglages des détecteurs (aé pour les oeufs viables; bé pour les non viables), les afficheurs des compteurs (a' et b'), le réglage de la fréquence du vibreur (c); 13: vanne de réglage du débit des oeufs dans la gouttière.

5.2. Nombre de chenilles écloses

Les pontes sont prélevées -en suivant les règles d'échantillonnage exposées ci-dessus- peu avant la date probable des élosions. Chacune est mise dans un récipient transparent, lequel est disposé sous-abri à l'extérieur du laboratoire. Le comptage est effectué à intervalles de temps réguliers (avec défaunation) ou bien une fois que toutes les chenilles ont éclos. La taille de l'"éclosoir" importe beaucoup; l'usage de tubes (diam. = 1 cm, h = 8 cm) a conduit à des résultats extrèmement mauvais, ce pour des raisons demeurées inexpliquées, les résultats les plus réguliers étant obtenus dans des boîtes parallélépipédiques en matière plastique transparent (12 x 6 x 2 cm environ) (FRAVAL, 1978, non publ.).

6. Evaluation de critères qualitatifs

Nous avons déjà évoqué l'étude de la répartition dans le temps et parmi les individus des causes de mortalité des oeufs, chenilles ou chrysalides. D'autres critères qualitatifs de populations ou de lots d'individus de L. dispar sont évalués, à l'occasion d'études sientifiques mais aussi dans le cadre de la surveillance du ravageur et du contrôle de l'efficacité de traitements. On se contentera de citer les principaux points en relationavec ce dernier but.

La "qualité" d'une population se mesure par l'ensemble des performances des individus; quelques valeurs-repères permettent de l'apprécier.

La taille des pontes semble bien liée à la phase gradationnelle, de très grandes pontes indiquant le début de la progradation (RAMZI, 1987; KASSIM, 1988).

Les oeufs possèdent plusieurs caractéristiques liées à la qualité de la population (RICHERSON et al. 1978), notamment leur grosseur qui est en relation avec les capacités de dispersion. Elle se mesure à la loupe binoculaire, à l'aide d'une chambre claire ou d'un micromètre oculaire; plus simplement, un photogramme permet d'enregistrer et de conserver les mesures d'un très grand nombre d'oeufs (EL YOUSFI, 1980).

La capacité de la chenille à réescalader son fil est une mesure de l'énergie dont elle dispose dans sa phase "migratoire" (EL YOUSFI, 1980). Le filage, chez les chenilles plus âgées, est un indice de conditions défavorables:alimentation insuffisante, surpeuplement (FRAVAL et EL YOUSFI, 1987; 1989).

Le sexage et la pesée des chrysalides (opérations aisées et non destructives) fournissent un bilan du stade larvaire, phase d'accumulation et de prématuration des ovocytes. La proterandrie et le faible poids des èchrysalides sont indicateurs d'une mauvaise alimentation (FRAVAL et al., 1980; FRAVAL et LHALOUI, 1980; FRAVAL, 1984; HERARD, 1984).

La texture, la couleur, la teneur en eau, voire le rythme d'émission des fécès, renseignent sur l'effet de traitements (par Bacillus thuringiensis, par un antiappétant) et sur la qualité de l'alimentation (FRAVAL, 1987a).

7. Stockage, transformation et analyse des données

Les données du terrain (transect, dispositif de contrôle de traitement, et surtout réseau de sruveillance)sont très nombreuses et très complexes. Une gestion rigoureuse s'impose en premier lieu, et l'emploi de moyens informatiques s'avère indispensable. Ces derniers, notons-le, ne sont pleinement efficaces que si le travail de relevé de données (échantillonnage, codage, etc.) a été conçu en tenant compte de leur usage. Même dans ce cas, la tâche est très ardue car il faut être capable de décrire le dispositif de façon très précise au départ, et disposer de l'ensemble de l'outil informatique, matériels et logiciels. Ces derniers évoluent très vite. Par conséquent, nous ne donnerons pas une description détaillée des moyens de gestion des données. On se reportera aux travaux de BELOUAFI (1981), CHEMAOU-EL-FIHRI (1982), MGHARI, 1983 pour la "préhistoire" et aux documents plus "modernes" établis par MAKHOUKH (1986), CHORFI (1987), RAMZI (1987). Nous avons décrit récemment (FRAVAL, 1987c) l'ensemble des procédures appliquées à nos principaux dispositifs expérimentaux.

La fig. 42 schématise les procédures en usage pour la gestion du réseau de 240 stations du Canton A de la Mamora. Le système a pour fonctions d'enregistrer les données ("saisie"), de les ranger, d'établir des statistiquessimples (totaux, moyennes, maxima, etc.), de les restituer sous forme de cartes -pour constituer un tableau de bord dynamique à l'usage du gestionnaire de la forêt- et sous forme de fichiers secondaires à traiter avec des logiciels spécialisés. L'ensemble des fonctionnalités n'est pas encore au point mais les fonctions essentiellessont assurées (RAMZI, 1987; KASSIM, 1988).

Figure 42. Cartographie automatique dans le cadre de la surveillance de Lymantria dispar
(canton A de la forêt de la Mamora)
Exemple des effectifs de pontes moyens par arbre (stations de 40 arbres en 1989).

1: 54-100; 2:26-54; 3: 10-26; 4: 1,10; 5:0.

La transcription sur ordinateur des données inscrites sur les bordereaux est délicate, fastidieuse, et source d'erreurs et d'inexactitudes. Les tentatives pour saisir directement les valeurs estimées au terrain, sur ordinateur de poche, n'ont pas dépassé le stade de l'expérience (MAKHOUKH, 1986). Cette saisie directe requiert un clavier spécialisé et très maniable.

Pour l'analyse des données nous avons beaucoup utilisé des graphes (profils du transect et cartes notamment),procédé très efficace (FRAVAL et al., 1980; FRAVAL et LHALOUI, 1980; CHAKIR et FRAVAL, 1985; FRAVAL et MAKHOUKH, 1988; FRAVAL et al., 1989). Les analyses multivariées (cf. p. ex. in FENELON, 1981) et la classification automatique (ROUX, 1985) permettent de préciser les liens entre descripteurs et d'établir des classes regroupant des échantillons (pontes, arbres, stations...) semblables (FRAVAL et al., 1988; FRAVAL et MAKHOUKH, 1988; KASSIM, 1988; FRAVAL et CHORFI, 1989; VILLEMANT et al., 1989); ces classes étant éventuellement reportées sur les cartes et des profils. Les analyses sont grandement facilitées par l'existence, depuis peu, de logiciels performants tournant sur micro-ordinateurs ordinaires.

La programmathèque a été constituée, par programmation, au fur et à mesure des besoins. Les logiciels sont décrits et commentés (cf. in MAKHOUKH, 1986; CHORFI,1987; RAMZI, 1987 ). De nombreux programmes n'ont pour fonctions que d'adapter les tableaux de données à différents systèmes de normes de fichiers. Pour nos entreprises les plus récentes -comme la constitution d'un fichier des données météorologiques- nous utilisons, pour une grande partie, des logiciels tout faits (gestionnaire de fichiers).

Nous possédons peu d'informations sur les techniques informatiques mises en oeuvre ailleurs dans le monde (à part pour des calculs statistiques classiques) (cf. in ANDERSON et GOULD, 1974). REARDON et. al., (1987) développent leur protocole de surveillance et d'interventions à partir d'un dispositif informatique puissant, muni notamment de fonctions de cartographie automatique.

A partir de bases de données, utilisant des outils informatiques de plus en plus perfectionnés, de nombreux auteurs ont entrepris de construire des modèles de développement, de répartition spatiale, de consommationalimentaire, de dynamique des populations, de gestion phytosanitaire (CAMPBELL, 1967; CAMPBELL et STANDAERT, 1974; WESELOH, 1974; VALENTINE et al., 1976; BRAHAM et WITTER, 1978; CAMPBELL et SLOAN, 1978a;b; MORSE et SIMMONS, 1979; VALENTINE et HOUSTON, 1979; BIGING et al., 1980; HERRICK, 1981; BROWN et al., 1982; JOHNSON et al., 1983; VALENTINE, 1983; WESELOH, 1983; WAGGONER, 1984; MAUFFETTE; 1985; KOLODNY-HIRSCH, 1986; LIEBHOLD et al., 1988). Les applications pratiques les plus intéressantes attendues de cette méthode d'étude sont celles qui permettentune prévision des attaques et des conséquences des différentes réactions possibles; malheureusement, L. dispar, avec ses multiples régimes de dynamique des populations (cf. chap. V), se prête fort mal à une modélisation opérationnelle (McMANUS, 1979). Le modèle (scriptural, représenté par des cheminements) que nous avons établi (FRAVAL, 1983) a été vérifié, mais les observations récentes ont montré que d'autres modèles sont possibles (FRAVAL et al. 1989; RAMZI et FRAVAL, en cours). La construction d'un modèle (partiel ou global) demeure cependant une entreprise très intéressante, en ce sens qu'elle impose un examen et une mise en forme rigoureuses des informations et conduit à préciser les lacunes.


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