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Un nid d’araignées employé comme piège à mouches

M. L. Diguet, charge de mission au Mexique, vient de faire connaitre* une singulière coutume que 1'on rencontre en diverses localités de ce pays, entre autres dans le Michoacán. Elle consiste a suspendre dans les appartements le nid d'une araignée sociable, nid auquel les mouches viennent se faire prendre, ce qui débarrasse les habitations d'hôtes désagréables .
L'araignée en question est le Cœnothele gregalis, de la famille des Dictynidées ; ses formes sont massives, trapues ; elle ne mesure pas plus de 5 mm. Elle vit surtout sur les chênes croissant a une altitude de 2 00 m. et enveloppe leurs rameaux de filaments entrecroisés qui ne sont pas sans analogie avec les « bourses » que tissent, chez nous, les chenilles processionnaires. Ces nids — que les indigènes appellent des Mosqueros — sont de dimensions variables. « On en rencontre qui peuvent couvrir une surface de 2 m2 ; ils sont constitués extérieurement par une enveloppe composée de deux sortes de fils ; les uns, secrétés par les filières, forment les câbles qui, s'étendent d'une branche a une autre, constituent les haubans qui maintiennent 1'édifice ; les autres, dits calamistres, plus mous et franchement agglutinants, servent à capturer les proies ; 1'intérieur de cette poche est rempli par un lacis de fils inextricablement enchevêtrés entre lesquels de nombreux alvéoles et galeries sont ménagés, ce qui donne a la masse un aspect spongieux. » C'est à l'intérieur du nid que vivent plusieurs femelles qui font, entre elles, bon ménage. Les mâles ne semblent pas résider dans 1'édifice et n'y faire, de temps a autre, que des apparitions momentanées.

 mosquero

 1. Mosqueros (nid d'araignées), et son constructeur (2). — 3. Coléoptère (Melanophthalma). - 4. Araignée commensale (Pœcilochroa).  

Outre les légitimes propriétaires, on trouve, dans les nids, un autre petit insecte d’un millimètre, un coléoptère du genre Melanophthalma, auquel semble dévolu le rôle de nettoyeur d'habitation : c'est le valet de chambre des araignées. Il déchiquète notamment les proies déjà sucées en partie par ces dernières, les mange et les fait si bien disparaître que le nid est d'une propreté toujours parfaite.
À côté de ce coléoptère, on trouve un autre commensal. «  C'est une araignée errante de la famille des Drassides, le Poecilochroa convictrix, qui, trouvant apparemment une existence facile et bien assurée, s'est fait l'hôte du logis ; cette dernière espèce doit, selon toute vraisemblance, bénéficier en temps courant des captures journalières; mais si, pour une cause quelconque, les vivres habituels viennent a manquer, il est probable qu'elle doit avoir recours pour son alimentation aux Cœnothele, qui lui donnent asile. »
Chaque année, à 1'approche des pluies, les Indiens vont dans les régions boisées des montagnes recueillir des Mosqueros et les rapportent chez eux, sinon tout entiers, du moins en partie ; de retour à la maison, ils les suspendent aux plafonds où, dès lors, les araignées continuent à vivre comme si elles étaient chez elles. Ils en placent non seulement dans les pièces ou ils fréquentent toute la journée, mais aussi dans les écuries et dans les étables. Les araignées, quoique de taille minuscule, n'hésitent pas à s'attaquer à plus gros qu'elles, par exemple aux taons et aux œstres, qui ne laissent pas les animaux domestiques en repos. Chose curieuse, les nids semblent exercer une attraction irrésistible sur les insectes ailés, ce qu'ils doivent peut-être à leur teinte et à une odeur spéciale que notre odorat, pas assez subtil, ne permet pas de percevoir. « Le Mosquero s'accroît concentriquement pour ainsi dire, après chaque capture ; lorsqu'un insecte est venu se faire prendre, il est immédiatement saisi et recouvert de toile par 1'araignée qui en fait alors sa proie; le Melanophtalma vient ensuite et bénéficie des restes du cadavre, qu'il fait progressivement disparaitre, laissant ainsi une place vide qui devient un nouvel alvéole, qu'occupera ensuite 1'hôte du logis. La colonie ne vit cependant pas indéfiniment ; pendant la période des pluies elle dépérit, sans doute par dessiccation ; on doit la renouveler plus tard, lorsque les insectes ailés deviennent, à nouveau, par trop désagréables.

par Henri Coupin. La Nature, n° 1918. 26 février 1910


À lire : Le Coenothele gregalis, Par Léon Diguet.  La Nature, 1922.


Les insectes de la Belle Époque

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