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Les insectes de la Belle Époque

UN INSECTE AÉRONAUTE


MM. J. M. Aldrich et L. A. Turley ont découvert en Amérique un curieux insecte qui, d’après eux, aurait la propriété de fabriquer de petits ballons et de s’en servir pour ses déplacements aériens. Un jour que ces deux naturalistes se promenaient dans la campagne, leur attention fut attirée par de petits objets brillants qui flottaient dans l’air et, assurent-ils, ne semblaient pas se déplacer seulement au gré du vent, mais paraissaient être plus ou moins dirigés ( ?). Ils en capturèrent quelques-uns et ne furent pas peu surpris de voir que c’étaient des petits ballons visqueux, longs de 7 millimètres, de forme elliptique, et presque entièrement composés de petites bulles juxtaposées en couche unique et de dimensions uniformes, présentant des reflets irisés. A ce ballon était suspendu par les pattes un insecte du genre Empis.
Fait plus étrange, chaque ballon renfermait une mouche morte, servant peut-être de réserve de nourriture à l’Empis. Les ballons ne peuvent se conserver ; mis dans l’eau ou dans l’alcool, ils s’affaissent et se dissolvent. Tout cela paraît bien étrange, mais les faits semblent moins singuliers si l’on remarque que chez nous, quelques insectes, l’Aphrophore écumeux, par exemple, s’entourent de sortes de petites bulles remplies d’air. Supposons que le gaz de ces bulles devienne moins dense sous l’action des rayons du soleil, supposons que le vent soit assez violent pour l’entraîner, supposons… que nous soyons en Amérique, et nous aurons le ballon de l’Empis ; sans la mouche morte toutefois, dont la présence n’est pas très claire.
Le dit ballon d’ailleurs sert non seulement à la locomotion, mais aussi à d’autres amusements. Quand le mâle fait sa cour à la femelle, il tient son ballon entre ses pattes et semble jouer avec lui. Ce manège intéresse probablement la femelle : le fait est qu’elle arrive immédiatement et semble apprécier cet hommage rendu à sa beauté. Voilà une série de faits bien inattendus méritant d’être observés à nouveau. Remarquons en terminant que l’on connaissait déjà les araignées fabriquant des sortes d’aérostats avec des fils de soie et s’en servant pour se faire entraîner dans l’air ; le ballon de l’Empis semble plus « confortable ».

Henri Coupin, La Nature, 1903 : deuxième semestre : n°1567 à 1592 , p. 27.


À (re)lire : l’encadré « Les mâles malins des Empididés » p. 27 in La reproduction, par Michel Lamy, Insectes n° 121 (2001-2).

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