Vers la page d'accueil d'OPIE-Insectes    


Les insectes de la Belle Époque

ÉTUDE GÉNÉRALE SUR LES MOYENS À EMPLOYER

POUR COMBATTRE LES ESPÈCES NUISIBLES

Le degré de nocivité d'une espèce dépend de la quantité de nourriture que prend en moyenne chacun de ses individus pendant la durée totale de son existence, de l'importance qu'ont pour l'Homme les plantes ou les animaux dont elle se nourrit, de la gravité plus ou moins grande du tort causé aux animaux ou aux plantes attaqués et du nombre d'individus qu'elle comprend. En pratique, on doit avant tout, lorsqu'on veut combattre les espèces nuisibles, se proposer de diminuer le plus possible le nombre d'individus qui appartiennent à chacune d'elles. En dehors de l'influence directe que peut avoir l'Homme pour le restreindre, ce nombre est sujet à des variations non seulement continuelles, mais encore très grandes et très brusques, tout au moins s'il s'agit d'une partie très limitée de l'aire géographique propre à chaque espèce. Les principales causes qui produisent cet effet sont les suivantes

1° L'intensité de la reproduction, qui tend toujours à accroître beaucoup le nombre des individus. Les Insectes se reproduisent si abondamment, que si tous les descendants d'une espèce arrivaient à l'état adulte, ils seraient au bout de quelques années en nombre véritablement fabuleux. Il existe d'ailleurs des espèces se reproduisant beaucoup plus abondamment que d'autres; les moyens principaux dont elles disposent pour cela sont : le plus grand nombre d'oeufs, la multiplicité des pontes pour une même femelle, la viviparité et la multiplicité des générations successives pendant la même année.

2° L'extension ou la restriction de la culture des plantes nourricières. - Une espèce déterminée, habituée à vivre d'une certaine plante, ne peut pas se propager en dehors de celle-ci, mais par contre l'accompagne ordinairement quand elle est introduite dans de nouvelles régions et se multiplie abondamment si les autres conditions qu'elle rencontre lui sont favorables. En outre, certaines espèces indigènes peuvent accepter la nouvelle plante mise à leur portée, devenir par suite des espèces nuisibles et se multiplier alors très rapidement. Inversement, lorsqu'on cesse de cultiver certaines plantes dans une région donnée, les parasites de ces plantes diminuent beaucoup ou même disparaissent s'ils ne peuvent vivre autrement qu'en mangeant les plantes en question.

3° Le changement d'habitat. - Certaines espèces peuvent émigrer d'un endroit à un autre; en parcourant parfois des distances énormes (Criquets), mais, dans l'ensemble des espèces nuisibles, ce cas est peu fréquent.

4° Les conditions climatériques. - Chaque espèce ne peut vivre que dans des conditions climatériques déterminées et les individus périssent lorsqu'ils se trouvent placés en dehors d'elles. Dans les régions tempérées, la belle saison est ordinairement plus ou moins favorable à l'existence des espèces, mais la période d'hibernation est marquée très souvent par la mort d'un grand nombre d'individus. Les espèces traversent cette période soit sous la forme d'œufs, soit sous la forme larvaire, soit à l'état nymphal, soit à l'état adulte. Certaines même le font simultanément sous deux ou plusieurs de ces états. Dans tous les cas, l'hibernation est facilitée par des dispositions adaptatives qui ne font défaut pour aucune espèce. C'est ainsi que les œufs hibernants sont pondus dans les fissures des écorces, dans les bourgeons, sous des amas de poils protecteurs; que les larves et les adultes sont cachés sous les écorces, dans les trous de murs, dans le sol, etc. ; que les nymphes sont entourées d'un cocon, munies d'une peau dure, cornée, imperméable à l'eau, abritées dans les anfractuosités des murailles, dans la terre, sous les feuilles tombées, etc.

Malgré ces dispositifs protecteurs, l'hiver paraît causer la mort de très nombreux individus. Il semble que les froids tardifs du printemps interviennent surtout dans ce sens très activement. Par suite de l'adoucissement de la température qui se produit souvent à la fin de l'hiver, les Insectes adultes et les larves reprennent en effet leur vie active, quittent leurs lieux de retraites et sont surpris, dans des conditions très défavorables, par le retour du froid. Les embryons et les nymphes, dont la transformation a été accélérée par l'adoucissement provisoire de la température, se trouvent tuées par l'abaissement brusque de celle-ci.

Lorsqu'il s'agit d'espèces où l'éclosion de l'œuf ou de la nymphe a lieu pendant l'été, les mauvaises conditions climatériques peuvent encore entraîner la mort de beaucoup d'individus. Une grande sécheresse est en général une cause de destruction énergique pour de nombreux Insectes, car pour beaucoup d'espèces le besoin d'une grande humidité est absolu. D'autres conditions climatériques peuvent produire des résultats semblables; c'est ainsi que les fortes pluies d'orage causent la mort de beaucoup de Papillons (Pyrale de la vigne, etc.). On peut admettre qu'en définitive les conditions climatériques ont, parmi les causes multiples qui influent sur le nombre des individus que comprend chaque espèce, une efficacité très grande*.

5° L'influence des animaux carnassiers. - Les Insectes renferment à eux seuls un nombre d'espèces supérieur à celui que comptent tous les autres groupes animaux réunis ensemble. De plus il y a dans beaucoup de leurs espèces un nombre prodigieux d'individus. Il s'ensuit qu'ils sont de beaucoup les animaux les plus communs partout. Aussi est-ce surtout à leurs dépens que se nourrissent les animaux carnassiers. Ceux-ci mangent, il est vrai, indistinctement les Insectes utiles aussi bien que les nuisibles, mais les espèces très utiles (Abeille, Ver à soie) étant domestiquées - et par suite suffisamment protégées par l'homme, et beaucoup d'Insectes utiles étant bien protégés soit par leurs habitudes nocturnes, soit par la faculté qu'ils ont de courir ou de voler très vite ou de se cacher à l'affût, les espèces animales carnassières ne détruisent que peu d'individus utiles. D'ailleurs les Insectes nuisibles étant incomparablement plus nombreux que les autres, les animaux carnassiers s'attaquent surtout à eux et en détruisent une très grande quantité. (Voir plus loin la liste des principaux animaux carnassiers vivant d'Insectes).

L'Homme pourrait, en intervenant directement, réduire la plupart des espèces nuisibles à n'être plus représentées que par un nombre d'individus extrêmement faible et par suite négligeable ; mais cette intervention devrait s'exercer d'une façon méthodique et porter sur toute l'étendue de l'aire géographique propre à chaque espèce. Lorsqu'on ne combat une espèce que (dans une région limitée, on ne peut la voir disparaître qu'incomplètement ou en tout cas que provisoirement de cette région. Au point de vue pratique, il y a du reste souvent grand avantage à obtenir ce résultat, à défaut d'un plus complet.

Les moyens à employer pour combattre les Insectes et autres Invertébrés nuisibles sont nombreux et variés, car les mœurs des différentes espèces sont si diverses, que le même procédé ne saurait être applicable à toutes, mais seulement à des catégories ayant des habitudes semblables. Ces moyens, dont la plupart ont été déjà signalés dans les pages précédentes, à propos des espèces nuisibles successivement décrites, peuvent se grouper en trois séries examinées ci-après chacune dans un chapitre spécial et qui sont :

La protection des animaux insectivores ; 2° Les procédés préventifs, empêchant ou atténuant l'action nocive des espèces à combattre ; 3° La destruction directe des individus nuisibles.

In Lécaillon M.A., 1903. Insectes et autres invertébrés nuisibles aux plantes cultivées et aux animaux domestiques. Min. Agriculture, Paris, 151-152.

(*) Actuellement, certains naturalistes inclinent à penser que les mauvais temps de l'hiver et du printemps n'ont pas une grande influence pour la limitation du nombre des individus d'une espèce, mais cette hypothèse est loin d'être démontrée.


Les insectes de la Belle Époque

Vers la page d'accueil d'OPIE-Insectes