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Les insectes de la Belle Époque


LA FAUNE DES CADAVRES


BIBLIOGRAPHIE - ANALYSES ET INDEX
4° Sciences médicales.

Mégnin (P.), Membre de l'Académie de Médecine.-- La Faune des Cadavres, Application de l'Entomologie à la Médecine légale. -1 volume petit in-8° de 210 pages avec figures, de l'Encyclopédie scientifique des Aide-mémoire, dirigée par M. H. Léauté, de l’Institut. - (Prix : broché 2 fr. 50. Cartonné : 3 francs). Gauthier-Villars et fils, et G. Masson. Paris, 1893.

Sous ce titre suggestif, M. Mégnin résume l'ensemble de ses études sur la détermination de l'époque de la mort d'un cadavre sur lequel se sont succédé, à intervalles réguliers,de nombreuses générations d'Insectes et d'Acariens, études des plus intéressantes au double point de vue de la Médecine légale et de la Zoologie.
Pendant quinze ans le savant auteur « s'est trouvé associé à une vingtaine d'expertises médico-légales, ce qui lui a donné 1’occasion de faire de nombreuses observations, complétées par un grand nombre d'expériences, et de fixer ainsi certains points scientifiques touchant les métamorphoses et la biologie des Insectes qui vivent sur les cadavres soit à l'état de larves, soit à l'état parfait. Il a pu ainsi établir une base certaine pour des déductions médico-légales. » C'est le résultat de ce long et patient travail que M. Mégnin vient d'exposer, sous forme condensée, dans l'ouvrage dont nous rendons compte.
Ne pouvant appeler l'attention sur tous les faits intéressants qu'il a consignés dans son livre, nous nous bornerons à signaler à grands traits les phases principales de l'envahissement et de la destruction du cadavre par les êtres vivants.


Fig. 1. - Caliphora vomitoria Rob. ;
- a, insecte parfait; b, aile ; c, une antenne ; d, sa larve; e, extrémité antérieure de cette larve; f, son extrémité postérieure; g, la nymphe.


Quand une matière organique entre en putréfaction, des microbes de différentes espèces se suivent d'une manière régulière, et leur action est accompagnée chaque fois d'une émission de gaz odorants; ce sont ces gaz perçus par les Insectes, souvent à des distances prodigieuses, qui leur indiquent le degré auquel est arrivée la putréfaction et leur permettent de choisir celui qui est le plus convenable à leur progéniture. Ainsi s'explique le fait que, sur un cadavre exposé à l'air libre, les travailleurs de la mort, suivant l'expres sion de M. Mégnin, n'arrivent à table que successivement, indiquant d'une manière assez rigoureuse le temps qui s est écoulé depuis la mort du sujet.
La première escouade de travailleurs comprend exclusivement les Insectes qui attaquent les cadavres frais, et les seuls dont on trouve les débris en abondance dans les bières inhumées pendant l'été; ce sont des larves des genres Musca (par exemple, la Mouche domestique), Calliphora (la grosse Mouche bleue de la viande) (fig. 1), et Curtonevra.



Fig. 2. - Dermestes lardarius ; a, insecte parfait ; b, sa larve.


La deuxième escouade arrive lorsque l'odeur cadavérique du corps exposé à l'air commence à se faire sentir; elle est formée par des Mouches d'un beau vert métallique brillant, des genres Lucilia et Sarcophaga. De trois à six mois après la mort, on trouve une troisième escouade de travailleurs, friands de substances grasses ayant subi la fermentation butyrique; ce sont des Coléoptères du genre Dermestes (larves et adultes) (fig. 2) et de petites chenilles du genre Aglossa (fig. 3) , voisin des Teignes.




Fig. 3. - Aglossa pinguinalis ;
a, insecte parfait ; b, sa larve ou chenille ; c, la coque de celle-ci.




Fig. 4. - Pyophila petasionia Duf.,
e, insecte parait ; b, une antenne ; c, une aile; d, sa larve ; e, sa nymphe.


La fermentation caséique des albuminoïdes appelle plus tard une quatrième escouade, entre autres la Mouche du fromage (Pyophila) (fig. 4), des Anthomya et des Coléoptères (Corynetes). Aux fermentations butyrique et caséique succède une fermentation ammoniacale, qui a également sa faune particulière, de nombreux petits Diptères et de gros Coléoptères, le Necrophorus humator, des Silpha et des Hister. Enfin les travailleurs de la sixième escouade achèvent d'absorber toutes les humeurs dont le cadavre est encore imprégné, d'où résulte une momification complète : ce sont tous des Acariens du groupe des Gamasidés et des Sarcoptidés (fig. 5 et 6).


Fig. 5. - Carpophagus echinopus.
♀, femelle ;, mâle ; e, nymphe normale ; b, nymphe hypopiale ; c, larve hexapode ; d, oeuf.




Fig. 6. - Glyciphagus cursor.
♀, femelle ; ♂, mâle ; a, kyste de conservation ; b, larve ; c, œuf ; d, tarse ; e, stigmate ; f, poil ou soie ; g, profil de la peau.


Le cadavre, maintenant desséché, va subir, dans le courant de la deuxième année, le sort de nos étoffes de laine, fourrures et tapis ; les parties membraneuses, poils, ligaments et tendons, vont être dévorées par des Coléoptères voisins des Dermestes. l'Attagène des pelleteries et l'Anthrène (fig. 7), et par de petites chenilles des genres Aglossa et Tineola (fig. 8). Certains de ces Insectes sont communs dans nos maisons; tels, par exemple, les Anthènes, véritables fléaux de nos musées; ces petits Coléoptères y sont attirés par les cadavres, et leurs larves dévorent les Insectes des collections, les plumes des Oiseaux empaillés et la peau des Mammifères, quand les adultes peuvent pénétrer dans les boîtes ou vitrines qui les renferment et y déposer leurs oeufs.



Fig. 7. - Anthrenus museorum ; a, insecte parfait ; b, sa larve ; c, d, poils de celle-ci.

La huitième et dernière escouade de travailleurs, composée de deux Coléoptères, Tenebrio obscurus et Ptinus brunneus, apparaît durant la troisième année et se borne à faire disparaître plus ou moins complètement les débris laissés par tous les animaux précédents. Tout est alors consommé ; à côté des os blanchis reste une sorte de terreau brun, mêlé de débris d'Insectes : ainsi s'est accomplie la parole de l'Ecriture : Tu espoudre et tu retourneras en poudre.



Fig. 8. - Tineola biselliela.
a, a’, état partait ; b, larve ou chenille ; c, nymphe.

Les cadavres enfermés dans un cercueil et inhumés à la profondeur réglementaire sont dévorés aussi par des larves, comme ceux exposés à l'air libre mais le nombre des espèces est beaucoup moins grand : quatre Diptères, deux Coléoptères et quelques autres espèces peut-être accidentelles. Ces travailleurs n'arrivent successivement. les premiers proviennent sans doute d’oeufs pondus dans les ouvertures naturelles avant l'ensevelissement ; les autres arrivent de la surface et gagnent le cadavre à travers les fentes du cercueil, démoli partiellement par l'humidité et la poussée des terres. Les larves de Calliphora et de Curtonevra marquent tout à à fait le début ; celles de Phora et de Rhizophagus (fig. 9) sont très abondantes après un et deux ans d’inhumation.


Fig. 9.-Rhizophagus parallelocolis ;
a, a', insecte parfait ; b, b’, sa larve, face dorsale et ventrale ; c, c', bouche.


Les données qui précèdent permettent de comprendre comment il est possible par l'examen de la faune actuelle et passée d'un cadavre, de calculer le temps écoulé depuis la mort; il n'y a qu'à additionner les temps d'évolution des divers travailleurs dont on trouve les dépouilles, en tenant compte de tous les facteurs qui ont pu influer sur leur rapidité de succession, comme la mauvaise saison, qui fait disparaître tous les hôtes des cadavres, le volume du corps, qui change la marche des fermentations, etc.
La seconde moitié du livre de M. Mégnin renferme dix-neuf observations médico-légales faites par lui et quelques autres naturalistes, observations qui constituent d'excellents exemples d'application; dans quelques cas l'aveu des coupables a confirmé de la façon la plus complète les déductions tirées de l'examen entomologique des cadavres.
Ce volume renferme 28 figures représentant les animaux cités à tous leurs états dévolution, larves, nymphes et adultes, de façon à en permettre la facile reconnaissance.

L. Cuénot.
Chargé de Cours à la la Faculté des Sciences de Nancy.







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