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Les insectes de la Belle Époque



LA SCOLOPENDRE GÉANTE


La gravure ci-jointe représente avec une scrupuleuse fidélité l’un des plus grands myriapodes connus, la Scolopendre géante. Certes ce n’est ni par la beauté de ses formes, ni par la richesse de leurs couleurs que ces animaux peuvent attirer l’attention, aussi sont-ils presque inconnus ou l’objet d’un dégoût souvent mal justifié. Leurs mœurs, leurs moyens d’attaque et de défense, leurs habitudes sont cependant fort intéressantes ; c’est le devoir du naturaliste de les étudier et de les faire connaître.

Scolopendre géante

La Scolopendre géante. D'après un individu conservé dans l'alcool.

La Scolopendre géante appartient à la classe des Myriapodes, vulgairement Mille-pieds, à cause du nombre souvent considérable de leurs pattes (le Geophilus xanthinus, Newp, d’Asie mineurs, en possède 162 paires), et à l’ordre des Chilopodes. Cette espèce, qui habite l’Amérique méridionale et particulièrement la Colombie, atteint jusqu’à 30 cm de longueur. Son corps, d’un brun ferrugineux, est formé de vingt et un segments portant chacun une paire de pieds ; ceux du dernier anneau étant plus longs que les autres et muni d’épines. En outre de la tête, qui supporte des antennes longues, multiarticulées et aplaties, des yeux et des mâchoires, on remarque, fixées sur l’anneau suivant, une paire de pinces terminées par deux robustes crochets noirs au sommet desquels débouche le canal d’une glande à venin. Ce sont les armes défensives des Scolopendres, qui enfoncent ces crochets dans le corps de leur proie en y laissant couler un poison mortel. La piqûre de ces animaux est dangereuse pour l’homme lui-même ; son action est égale à celle des Scorpions, aussi les espèces de grande taille sont-elles fort redoutées. Au moment de leur naissance, les petits ressemblent à leurs parents, mais ils possèdent un moins grand nombre d’anneaux et de pieds, qu’ils acquièrent graduellement par des mues nombreuses. Ce mode d’évolution est des plus curieux ; déjà quelques naturalistes habiles l’ont étudié de près et cependant nous devons avouer que nos connaissances, sur ce sujet, sont extrêmement restreintes.
Les Scolopendres sont toutes carnivores et se nourrissent d’insectes, d’araignées, de vers, de limaces, etc. Elles se tiennent constamment dans les endroits sombres, cachées sous les pierres, les mousses, les écorces, où elles trouvent toujours un abondant gibier ; quelques-unes vivent même dans les habitations humides. C’est dans les contrées chaudes de l’Inde, de l’Afrique et de l’Amérique du Sud que l’on rencontre en abondance les plus grandes espèces, effroi bien naturel des indigènes, qui les craignent autant que les serpents. Les Scolopendres d’Europe sont généralement petites et beaucoup moins dangereuses que ces dernières. Dans le midi de la France on trouve fréquemment la Scolopendre mordante (Scolopendra morsitans, Villiers) d’une longueur de 9 centimètres environ et dont la morsure présente quelque danger. Ce genre n’existe pas dans les autres régions de notre pays, où il est représenté par de petits myriapodes tout à fait inoffensifs, les Lithobius, dont une espèce, la Lithobie à tenailles (Lithobius forficatus, L.), est excessivement commune sous les pierres et les mousses et quelquefois dans les endroits sombres de nos maisons. C’est un animal utile qui détruit beaucoup de chenilles, d’insectes et de limaces. Ne l’écrasons donc pas sans discernement ; épargnons-le au contraire.

Henri Gadeau de Kerville
La Nature, 1882 : Dixième année, deuxième semestre : n°470 à 495, pages 120-22

Scolopendra gigantea, Scol. Scolopendridé.

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