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Les insectes de la Belle Époque

Le Lucane à tâtons dans l’ombre morale

et autres textes

Cerf-volant. Le cerf-volant (fig.) ou lucane, est un grand insecte coléoptère, de couleur noire; le mâle est pourvu de mandibules énormes, en forme de cornes ; les mandibules des femelles, encore très fortes, sont beaucoup plus courtes. Les larves rappellent celles du hanneton. Elles sont blanchâtres, cylindriques, courbées en arc, le corps couvert de poils droits. Les insectes parfaits apparaissent surtout dans les forêts en été ; la larve vit pendant cinq ans dans des galeries creusées à la partie inférieure des jeunes arbres, y causant de grands dégâts.

Dictionnaire-manuel-illustré des sciences usuelles : astronomie, mécanique, art militaire, physique..., par Émile Bouant. A. Colin (Paris), 1894.



On m'a envoyé des Pyrénées, dans une touffe de bruyères, un lucane, ce grand coléoptère à formidables et inoffensives cornes, que le peuple appelle un cerf-volant, et je fus un peu surpris de trouver parmi les bruissantes petites fleurs ce monstre des insectes. Cependant, je me familiarisais, je me mis en tête de lui assurer au moins quelques jours de sa brève existence. Mis dans une armoire de verre, il s'obstinait à scruter les montants qui lui rappelaient l'arbre natal, et patiemment il attendait qu'en découlassent les sucs accoutumés. Alors j'eus l'idée de le nourrir avec des épluchures de pêches saupoudrées de sucre; il accepta cela et vécut ce que vivent les lucanes, quelques soirs, car ces magnifiques et délicates bêtes sont destinées à périr dès qu'elles ont fécondé une femelle, et pourtant quels chefs-d'œuvre de construction, de mécanique, de coloris ! Prodigue nature; et comme tu te passes bien d'intelligence et même de tout instinct non élémentaire. Qu'est- ce que c'est que de vivre, si un lucane vit. J'écris cela pour qui me l'envoya - et qui me fit plaisir.

Épilogues. Réflexions sur la vie. 6. 1905-1912 - par Remy de Gourmont. Mercure de France (Paris).


Le lucane n'est pas dépourvu d'instinct, de hardiesse et de courage. Sa démarche est lente, noble et fière. Sûr de l'excellence de ses armes, il semble ne jamais fuir; il se retire majestueusement en levant ses deux mandibules menaçantes. Il n'est point méchant par nature, il est même assez bénin; aussi les enfants l'aiment-ils beaucoup et le font-ils servir à leurs jeux. Cet insecte vit peu de temps sous sa dernière forme. Dégéer, célèbre naturaliste suédois, pense qu'il se nourrit de la liqueur mielleuse répandue naturellement sur les feuilles du chêne. A la fraîcheur du soir, on le voit prendre ses ébats et voler lourdement autour des grands arbres.
 […]
Le lucane mutilé conserve encore dans ses différentes parties une vitalité extraordinaire et inexplicable. Les membres séparés du tronc continuent de se mouvoir longtemps encore; la tête même arrachée du corselet garde la vie non seulement pendant quelques heures, mais encore pendant plusieurs jours. Il faut user de précaution en la saisissant; car les mandibules ont assez de force pour mordre jusqu'au sang. La blessure est d'autant plus profonde que les mouvements sont comme convulsifs. Quelle explication pourra-t-on apporter à ce phénomène ? Aucune. La physiologie pourra hasarder quelques conjectures, mais elle est impuissante à donner une raison démonstrative. Jusque dans les choses les plus vulgaires et les plus simples, Dieu a gardé ses secrets. Outre le lucane cerf-volant, on trouve encore dans notre pays le lucane chevreuil et le dorcus parallélépipède.

Les Insectes, par M. l'abbé J.-J. Bourassé. A. Mame (Tours), 1882.


Le second mode de distribution de l'énergie somatique est la décharge diffuse qui détermine ce que M. Jcnnings a appelé les « essais inconscients » des animaux. Lorsque l'être vivant éprouve une impression accompagnée de surprise, ou bien encore quand, stimulé dans le sens de l'attraction ou de la répulsion, il ne trouve pas la voie qui lui permettrait d'obéir à cette attraction ou à cette répulsion, son énergie somatique semble se répandre pour ainsi dire dans toutes les voies de décharge possibles ; il a l'air de faire des essais, et ne s'arrête que quand il a trouvé l'impression agréable qui accompagne une délivrance matérielle ou un fonctionnement physiologique.

Voici, par exemple, un Lucane cerf-volant enfermé dans une petite cage dont la porte à glissière se soulève de bas en haut. Ce coléoptère a faim et désire manifestement sortir de sa prison, il s'agite en tous sens et à l'air de chercher une issue. Un animal intelligent, après avoir observé le jeu de la porte, tenterait de la faire manœuvrer, le Lucane n'agit pas ainsi, il tourne en tous sens, prend dans ses mandibules, chaque barreau successivement, secoue la porte également, mais fait vingt et cent tours avant de remarquer qu'elle est une porte. Finalement, lors d'un essai plus énergique que les précédents, il soulève par hasard cette porte et s'échappe. En admettant qu'il se fût agi d'un animal intelligent, mais qui, étourdi, n'aurait pas pris garde d'abord au mécanisme de la trappe, replacé dans la cage, une seconde fois, il n'aurait plus eu, du moins, aucune hésitation, il aurait su sortir immédiatement. Or le Lucane recommencera ses essais; il ne trouvera le moyen de sortir que très longuement; et ce ne sera qu'après un grand nombre d'incarcérations successives qu'il pourra se passer de tout essai matériel et sortir immédiatement. Tout indique donc qu'il n'avait pas compris les moyens de s'évader, qu'il avait agi sans règle directrice, mais que parmi une foule de mouvements différents, provoqués au hasard, il a fini par éliminer tons ceux qui n'étaient pas associés à la sensation agréable du succès.

Ces espèces de tâtonnements auxquels nous avons consacré de nombreuses pages dans la Genèse des Instincts, n'étant que des commencements d'actes toujours abandonnés s'ils ne conduisent pas à une sensation de détente, constituent un « mécanisme psychique » évidemment supérieur à la réaction directe de l'instinct, qui détermine souvent des erreurs tenaces et finalement funestes. En effet, à supposer que le Lucane eût agi dans le sens unilinéaire d'une seule et même réaction devant l'obstacle à sa liberté, il se serait acharné sans fin sur un barreau quelconque et n'aurait obtenu aucun résultat. N'y a-t-il pas dans ces espèces de balbutiements psychiques de l'animal dont l'intelligence proprement dite n'est pas encore ouverte, une admirable façon de s'adapter ? En tâtonnant dans l'ombre morale où il vit, il finit par trouver ce qu'il a intérêt à découvrir; la sensation agréable du succès remplace pour lui cet encouragement verbal qui guide le chercheur aux yeux bandés dans les parties organisées par les enfants.

De l'animal à l'enfant, par P. Hachet-Souplet. F. Alcan (Paris), 1913.


On peut encore compter parmi les animaux nuisibles un insecte de grande taille et de même ordre que le hanneton : c'est la lucane cerf-volant. Cet insecte se reconnaît aux deux énormes pinces qu'il porte à la tête et qui, ressemblant un peu à des cornes de cerf, lui ont valu son nom.

Belle-Epoque Insectes

À travers nos campagnes : histoire des animaux et des plantes de notre pays, par Charles Delon. Hachette (Paris), 1882. Ch. 38, Le hanneton.


Le lucane cerf-volant (lucanus cervus) est un coléoptère pentamère, c'est le géant des coléoptères de France ; il a une longueur moyenne de 0 m. 06 à 0 m. 08 centim. Cet insecte a une tête énorme, plus large que le corselet; ses mandibules sont excessivement grandes, robustes, arquées et armées de trois dents très fortes. Son corps est noir, et ses élytres d'un brun marron plus ou moins brillant. Le lucane a quelque chose d'imposant et de fier dans sa démarche, qui est lente, et posée. Malgré son arme terrible, c'est un être inoffensif, nullement carnassier et qui se nourrit exclusivement du suc miellé que sécrètent les arbres et les feuilles de nos forêts. Il pince fortement, avec ses terribles mandibules, le doigt qui le tourmente. C'est le soir qu'il prend son essor et voltige en bourdonnant sur les lisières des forêts, dans les chemins ou les clairières silencieuses. Les mandibules caractéristiques de cet animal sont l'apanage exclusif du mâle; la femelle, communément appelée biche, en est dépourvue ; elle est d'ailleurs un peu plus petite que le mâle. Elle dépose ses œufs sur les vieux chênes; bientôt, il en sort des larves étranges, énormes vers blanchâtres, qui vivent cinq ou six ans avant d'avoir acquis leur complet développement. Ces vers détachent, à l'aide de leurs mandibules, les débris de bois et se creusent des galeries sinueuses qui font grand mal aux essences forestières. La nymphe n'offre rien de particulier.

Certaines populations superstitieuses de l'Allemagne se figurent que le cerf volant, en pénétrant dans les habitations, prend des tisons ardents dans les foyers et allume des incendies ; aussi l'insecte est-il communément appelé incendiaire. Or, nos peu sympathiques voisins feraient certes mieux de garder pour eux une dénomination qui leur conviendrait plutôt, car ils ont fait leurs preuves !... Inutile d'ajouter que c'est, d'ailleurs, une superstition grossière, une absurdité digne des Allemands.

Swammerdam raconte qu'il avait un lucane apprivoisé, qui le suivait comme un chien quand il lui présentait du miel. En France, on rencontre, outre le lucanus cervus, une autre espèce qui est plus petite et dont les mandibules sont peu fourchues : c'est le lucane chevreuil (Lucanus capreolus). Enfin, dans l'Afrique australe, on trouve le cerf-volant d'or, qui a le dos et le ventre verts mouchetés de rouge et de blanc; la tète a des reflets dorés. Les Hottentots ont une profonde vénération pour cet insecte, qu'ils ont érigé en dieu.

La Science populaire. Journal hebdomadaire illustré   1881/05/05 (A2,N64).  p. 1012


Lucane cerf-volant, Lucanus cervus (Col. Lucanidé) Nommé aussi cervolant, taureau volant, lucane cerf, scarabée cornu… et mâle de la grande biche.

Enquête 2011 de l’OPIE

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